Dépression du sujet âgé

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Collège National des Enseignants en Gériatre
en Gériatre
Item 63c
Dépression du sujet âgé
Texte mis en ligne en accès libre
g
avec l’autorisation du CNEG et de Masson
Chapitre extrait du livre : Collège National des Enseignant en Gériatrie. Vieillissement (2
é
( ndd édition). é
)
Paris : Masson ; 2010:272pp.
Vous trouverez dans l’ouvrage les autres chapitres et les dossiers cliniques
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Item 63c - Dépression
du sujet âgé
Objectifs pédagogiques
Nationaux
◗ Diagnostiquer un syndrome confusionnel, un état dépressif, un syndrome démentiel, une
maladie d’Alzheimer chez une personne âgée.
◗ Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
La dépression est une maladie fréquente chez les personnes âgées. Elle
est largement sous-diagnostiquée et sous-traitée. Les symptômes dépressifs sont souvent banalisés, souvent considérés comme une conséquence
du vieillissement. Ce défaut diagnostique peut être liéþ:
– à la difficulté des malades âgés à exprimer leur douleur moraleþ;
– à la difficulté pour les médecins non spécialisés d’inclure la dimension
psychiatrique dans leur pratiqueþ;
– à une certaine méconnaissance des tableaux cliniques particuliers de la
dépression du sujet âgé.
La dépression a un retentissement négatif sur la qualité de vie. Parmi les
conséquences de la dépression, il faut souligner la perte d’indépendance fonctionnelle et le risque de suicide dont le taux d’incidence augmente avec l’âge.
Parmi les sujets âgés souffrant de dépression, il est important de distinguerþ:
– ceux ayant une dépression à début tardifþ: les premières manifestations
de dépression ont débuté après l’âge de 60 ans ou de 65 ansþ;
– ceux ayant une dépression «þvieillieþ»þ: patients ayant eu plusieurs épisodes dépressifs, dont certains avant d’être âgés.
◗
© MASSON. La photocopie non autorisée est un délit.
CNEG
Dépression
◗ Citer les symptômes principaux et secondaires de l’épisode dépressif majeur.
◗ Citer les formes cliniques de la dépression du sujet âgé et pour chacune donner trois symptômes caractéristiques.
◗ Citer une échelle d’évaluation des symptômes dépressifs utilisables chez les sujets âgés.
◗ Citer dix maladies somatiques fréquentes en gériatrie où une dépression est fréquemment observée.
◗ Citer les éléments permettant d’évaluer la sévérité de la dépression et comment les recueillir.
◗ Désigner la classe de médicament antidépresseur indiquée de première intention dans la
dépression du sujet âgé, et citer la dénomination commune internationale de quatre molécules
de cette classe. Citer deux autres molécules pouvant être utilisées en seconde intention.
◗ Connaître la durée de traitement nécessaire avant de conclure qu’un médicament antidépresseur est inefficace.
◗ Citer les principales indications de l’électroconvulsivothérapie chez le sujet âgé.
187 ◗
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CONNAISSANCES
I. ÉPIDÉMIOLOGIE
Dans la population générale, les symptômes dépressifs concernent environ
15þ% des individus de plus de 65 ans alors que l’épisode dépressif majeur
concerne environ 3þ% des individus de plus de 65 ans. Dans les institutions d’hébergement et chez les personnes âgées hospitalisées, le taux de
prévalence de l’épisode dépressif majeur est plus élevé, allant de 5þ% à
30þ% selon les études. Certains travaux mettent en évidence le fait que
dans la première année suivant l’admission en institution, un épisode
dépressif majeur survient chez 10þ% à 15þ% des résidents.
Comme chez les adultes plus jeunes, la dépression du sujet âgé est plus
fréquente chez les femmes. On retrouve aussi d’autres facteurs de risqueþ:
facteurs sociaux (passage à la retraite, isolement), des facteurs affectifs
(veuvage, deuils, conflits), ou encore des facteurs de mauvaise santé
(maladies invalidantes, perte d’autonomie, cancer, maladie cardiovasculaire, démences…).
II. TABLEAUX CLINIQUES DE LA DÉPRESSION
DU SUJET ÂGÉ
A. Tableau de dépression majeure
La dépression majeure est caractérisée par les symptômes ou signes suivantsþ:
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
–
douleur moraleþ;
humeur tristeþ;
asthénie intenseþ;
ralentissement ou agitationþ;
troubles de l’appétit (le plus souvent à type d’anorexie)þ;
repli sur soiþ;
troubles du sommeil (le plus souvent à type d’insomnie)þ;
perte de l’élan vitalþ;
diminution marquée de l’intérêt ou de plaisir pour toutes les activitésþ;
diminution de la libidoþ;
troubles de l’attention/concentrationþ;
idées suicidaires.
Il faut la présence de plusieurs de ces symptômes (>þ5) se manifestant
tous les jours ou presque pendant au moins deux semaines pour poser le
diagnostic d’épisode dépressif majeur (guide DSM-IV). Parmi ces symptômes, il faut obligatoirement au moins un de ces 2 itemsþ:
– humeur tristeþ;
– diminution d’intérêt ou de plaisir pour les activités.
Certains sujets âgés ont tendance à moins se plaindre au médecin de ces
symptômes pour diverses raisons (résignation, pudeur, troubles cognitifs,
facteurs culturels, mauvaise communication avec le médecin). Aussi, il est
important, par l’interrogatoire, de rechercher certains symptômes et
d’encourager, par une relation médecin-malade de qualité, le patient à
exprimer ses difficultés d’ordre psychologique. L’utilisation de questionnai188 ◗
◗
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ITEM 63C
DÉPRESSION DU SUJET ÂGÉ
res de dépistage des symptômes dépressifs peut aider les médecins non
spécialisés à aborder le patient et à détecter les symptômes dépressifs.
B. Formes cliniques de dépressions
Il arrive souvent que la dépression se manifeste chez un sujet âgé par un
tableau clinique plus complexe, où des symptômes autres que ceux décrits
ci-dessus occupent le premier plan. Dans ces diverses situations, il faut
rechercher au cours de l’examen les éléments du syndrome dépressif pour
poser le diagnostic.
1. Dépression délirante
La dépression délirante se manifeste par un délire où l’on retrouve souvent des
idées d’incurabilité, de ruine, de persécution, ou encore de négation d’organe
(syndrome de Cottard). Le délire est de tonalité triste, congruent à l’humeur.
Cette forme clinique fait souvent discuter les diagnostics de démence avec
manifestations délirantes ou d’un état psychotique à début tardif.
2. Dépression hostile
La dépression hostile s’exprime par une anxiété, une agitation hostile et
une agressivité souvent dirigée contre l’entourage direct du patient. Elle fait
souvent discuter des troubles du caractère, et la notion de modifications
du comportement est en faveur de la dépression.
3. Dépression masquée
La dépression masquée se caractérise surtout par des plaintes somatiques
alors que la souffrance psychique n’est pas exprimée par le patient, réalisant au maximum une dépression hypocondriaque. Toutefois, elle est mise
en évidence par un entretien bien conduit.
La dépression avec plainte mnésique se manifeste par le sentiment de perdre la mémoire. Ici, ces symptômes peuvent représenter une plainte somatique ou une autodépréciation. L’évaluation des fonctions cognitives
montre des déficits attentionnels alors que sur le plan de la mémoire, on
constate des troubles du rappel sans déficit de l’encodage. Ce profil
contraste avec la symptomatologie très riche. Ces formes font discuter le
diagnostic de démence au stade débutant associée à un état dépressif.
5. Dépression mélancolique
La dépression mélancolique est une urgence psychiatrique et impose une
hospitalisation en milieu spécialisé car elle menace le pronostic vital. Elle
survient souvent dans le cadre d’une maladie maniaco-dépressive uni- ou
bipolaire. La recherche d’antécédents personnels ou familiaux est une aide
précieuse au diagnostic. Celui-ci est beaucoup plus difficile devant un épisode inaugural.
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© MASSON. La photocopie non autorisée est un délit.
4. Dépression avec plainte mnésique
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CONNAISSANCES
Elle est caractérisée parþ:
–
–
–
–
une perte de contact avec la réalitéþ;
une prostration majeureþ;
un mutismeþ;
parfois, une agitation ou une anxiété intense.
Une perte de poids importante et une insomnie prédominante en fin de nuit
sont généralement associées et peuvent entraîner des troubles somatiques.
III. DÉPISTAGE DE LA DÉPRESSION DU SUJET ÂGÉ
Le diagnostic de dépression est clinique, il est basé sur un entretien avec
le patient à la recherche des éléments cités plus haut.
L’utilisation d’échelles d’évaluation est une aide au repérage et au diagnostic de la dépression. Certaines échelles sont utiles aussi pour évaluer sa
sévérité et pour suivre l’effet du traitement antidépresseur.
Il existe deux types d’instrumentsþ: les autoquestionnaires, remplis par le
patient lui-même et les échelles d’hétéroévaluation, remplies par l’examinateur au cours d’un entretien semi-dirigé avec le sujet. L’échelle de
Dépression Gériatrique ou GDS est l’échelle la plus utilisée chez le sujet
âgé. Cet autoquestionnaire comprend 30 items (ou 15 items pour la version courte). Des versions très courtes existent en particulier la Mini-GDS.
L’échelle de dépression d’Hamilton (Hamilton Depression Rating Scale,
HDRS) et l’échelle de Montgomery et Asberg (Montgomery and Asberg
Depression Rating Scale, MADRS) sont des échelles d’hétéroévaluation fréquemment utilisées chez les sujets âgés.
Compte tenu de la fréquente méconnaissance de la dépression chez les
sujets âgés, la recherche de symptômes dépressifs fait habituellement partie de l’évaluation gériatrique standardisée, qui doit être largement utilisée
chez les sujets âgés fragilisés, ayant un ou plusieurs syndromes gériatriques et/ou vivant en institution.
IV. DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL DE LA DÉPRESSION
DU SUJET ÂGÉ
Il faut distinguer l’épisode dépressif majeur des symptômes dépressifs isolés d’une part et des états de dysthymie d’autre part.
Dans ces deux derniers cas, les critères de dépression majeure ne sont pas
remplis.
La dysthymie est caractérisée par l’existence depuis plus de deux ans de symptômes dépressifs ne répondant pas aux critères de dépression majeure.
Il ne faut pas considérer les troubles de l’humeur consécutifs à un deuil
comme étant obligatoirement l’expression d’une dépression. Ce diagnostic
doit être envisagé si les troubles de l’humeur persistent au-delà de trois
mois après la disparition du proche, si la douleur morale est très intense,
et si d’autres symptômes de dépression sont présents.
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ITEM 63C
DÉPRESSION DU SUJET ÂGÉ
V. DÉPRESSION ET MALADIES SOMATIQUES
DU SUJET ÂGÉ
Chez les sujets âgés ayant une dépression, la constatation de comorbidités
associées est très fréquente. Il se pose alors la question de la relation entre
la dépression et ces comorbiditésþ: simple co-incidence, dépression consécutive à une affection somatique ou, au contraire, symptômes somatiques
majorés par la dépression. La liste des maladies fréquemment associées à
la dépression est très longue (Tableau 12.I). Dans la plupart des cas, la
présence d’une dépression est associée avec un moins bon pronostic.
Maladies
neurologiques
Accident vasculaire cérébral
Maladie d’Alzheimer et autres démences
Maladie de Parkinson
Hydrocéphalie chronique
Maladies
cardiovasculaires
Infarctus du myocarde
Insuffisance cardiaque
Maladies
endocriniennes
Diabète
Hypothyroïdie – Hyperthyroidie
Hyperparathyroïdie
Hypercorticisme
Déficit androgénique chez l’homme
Maladies diverses
Cancers
Douleur chronique
Médicaments
Corticoïdes
Clonidine
Bêtabloquants
L-dopa
Amantadine
Neuroleptiques
Dans les formes cliniques de dépression associée à une plainte mnésique,
la question du diagnostic différentiel entre dépression et démence débutante se pose. D’une façon typique, les patients ayant une plainte mnésique
liée à une dépression ont des éléments d’autodépréciation qui contrastent
avec les tests objectifs des fonctions cognitives qui montrent des performances mnésiques normales ou très peu diminuées. De plus, l’amélioration des symptômes dépressifs au cours du traitement de la dépression est
associée à une amélioration de la plainte mnésique et des capacités attentionnelles.
En revanche, il arrive que ces deux types de maladies –þdépression et
démenceþ– soient associés chez le même patient. En particulier, au cours
de la maladie d’Alzheimer débutante, la dépression peut être la conséquence d’une prise de conscience douloureuse de l’installation progressive
des déficits intellectuels. Les mécanismes de défense habituels sont bouleversés et l’estime de soi diminuée. La survenue de la dépression traduit
une tentative d’adaptation. Elle peut être aussi la conséquence directe des
perturbations neuronales dues à la maladie. La survenue d’une dépression
est fréquente aussi au cours des autres démences, en particulier dans la
démence à corps de Lewy, les démences vasculaires et mixtes, la démence
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© MASSON. La photocopie non autorisée est un délit.
Tableau 12.I. Maladies somatiques et médicaments fréquemment associés à
la dépression.
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CONNAISSANCES
associée à la maladie de Parkinson ou au cours des démences frontotemporales. Dans ces dernières, une dépression sévère de traitement difficile peut précéder de plusieurs mois l’installation des troubles cognitifs.
La survenue d’une dépression est aussi possible au cours des démences
évoluées. Ici se pose le problème du diagnostic de la dépression en raison
de la modification des symptômes et de la difficulté de l’entretien liées aux
troubles cognitifs, en particulier l’aphasie. L’interrogatoire de l’entourage
est essentiel et il est important de rechercher des éléments du comportement pouvant décrire l’humeur. Un outil spécifique, l’échelle de Cornell
basée sur l’observation du comportement, a été élaboré pour aider les cliniciens à porter le diagnostic de dépression chez les malades atteints de
démence.
VI. COMPLICATIONS DE LA DÉPRESSION DU SUJET ÂGÉ
A. Perte progressive d’indépendance
L’existence d’une dépression est associée à un risque augmenté de voir apparaître une perte d’indépendance fonctionnelle par rapport aux personnes âgées
n’ayant pas de dépression. Plus généralement, la dépression du sujet âgé
expose aussi à une diminution de l’activité physique, des hospitalisations plus
fréquentes et plus longues, et à un risque plus élevé d’entrée en institution.
B. Risque de suicide
Le risque évolutif majeur de la dépression reste le passage à l’acte suicidaire, qu’il s’inscrive dans le cadre d’un raptus anxieux ou qu’il constitue
une évolution incontrôlable du trouble dépressif, notamment lorsqu’un
vécu délirant est associé. C’est pourquoi, il doit être porté une attention
particulière aux antécédents personnels et familiaux de conduite analogue,
aux idées suicidaires exprimées par le patient, qu’elles prennent l’aspect
d’une rumination ou d’une menace adressée à l’entourage.
Le risque de suicide est particulièrement élevé chez les hommes, veufs. Les
moyens employés sont souvent radicaux (pendaison, arme à feu,
noyade…). L’acte suicidaire est souvent réussi (environ un décès pour une
tentative non fatale alors que chez les sujets plus jeunes, on observe un
décès pour dix tentatives). Le sujet âgé verbalise peu ses idées suicidaires,
aussi il ne faut pas hésiter à poser des questions directes au patient
concernant l’existence d’idées suicidaires, voire d’un éventuel projet de suicide ou de mort. On peut également considérer comme un équivalent suicidaire, un état d’opposition massive avec mutisme, prostration et refus
alimentaire absolu pouvant entraîner le décès en quelques jours.
C. Surmortalité non liée au suicide
La dépression semble associée à un moins bon pronostic vital dans plusieurs maladiesþ: infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral, bron192 ◗
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DÉPRESSION DU SUJET ÂGÉ
chopneumopathie obstructive… Des études de cohorte récentes montrent
aussi que la présence de symptômes dépressifs chez les sujets âgés est
associée à une surmortalité générale de l’ordre de 30þ% dans les 3 ans.
VII. THÉRAPEUTIQUES DE LA DÉPRESSION
ET UTILISATION CHEZ LES SUJETS ÂGÉS
Les mesures thérapeutiques comprennent les traitements médicamenteux,
l’électroconvulsivothérapie, la psychothérapie et la prise en charge psychosociale. Les buts du traitement sont multiplesþ:
–
–
–
–
diminuer les symptômes de la dépressionþ;
améliorer la qualité de vieþ;
diminuer le risque de suicideþ;
prévenir la perte d’autonomie secondaire à la dépression.
A. Traitements médicamenteux
1. Antidépresseurs
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) (fluoxétine,
fluvoxamine, paroxétine, sertraline, citalopram, escitalopram) sont actuellement recommandés en traitement de 1re intention. Les ISRS sont prescrits
chez le sujet âgé à la même posologie que chez l’adulte plus jeune. Ils ont
de nombreuses interactions médicamenteuses, en particulier avec les anticoagulants oraux. Les effets indésirables sont liés à un effet de classeþ:
– troubles digestifs (nausées, anorexie, diarrhée)þ;
– hyponatrémie et plus rarementþ;
– syndrome extrapyramidal.
Par ailleurs ils augmentent le risque d’hémorragie et chez les patients
déprimés recevant des anticoagulants, de l’aspirine ou des AINS, il faut
considérer d’autre choix qu’un IRS. Un surdosage peut entraîner un syndrome sérotoninergique associant agitation, confusion tachycardie et
sueurs, et leur arrêt brutal peut parfois induire un syndrome de sevrage.
D’autres antidépresseurs peuvent être proposés chez le sujet âgé, notamment quand un IRS est contre-indiqué ou qu’il s’est révélé mal toléré ou
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© MASSON. La photocopie non autorisée est un délit.
Les antidépresseurs sont efficaces dans le traitement de la dépression du
sujet âgé.
Les différents antidépresseurs ont une efficacité comparable, le choix du
l’antidépresseur repose plus sur un profil de tolérance chez les sujets âgés.
Les antidépresseurs imipraminiques (tricycliques), les plus anciens ne sont
pas conseillés en première intention en raison de nombreux effets secondaires de type anticholinergiques (sécheresse de la bouche, hypotension
orthostatique, confusion mentale, rétention d’urine, somnolence, constipation…) et aussi cardiovasculaires. Les médicaments de cette classe sont
contre-indiqués en cas de trouble de la conduction cardiaque, de glaucome ou d’adénome de la prostate. Ils sont aussi déconseillés en cas de
démence car ils peuvent aggraver les troubles cognitifs.
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CONNAISSANCES
insuffisamment efficace. La mirtazapine ou la miansérine sont intéressants
pour leurs effets anxiolytiques et en cas de troubles du sommeil, mais ils
peuvent induire une somnolence. Le moclobémide, un inhibiteur sélectif
de la monoamine oxydase-B, est bien toléré chez le sujet âgé.
Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa, venlafaxine, duloxétine) sont efficaces aussi. Leurs effets
secondaires sont ceux liés à leurs propriétés pharmacologiques.
2. Suivi du traitement médicamenteux
L’efficacité est jugée sur la clinique à partir de 4 à 6 semaines de traitement. En l’absence de réponse thérapeutique après un délai de 8 à
10þsemaines, et après s’être assuré d’une bonne observance, il faut changer d’antidépresseur en optant pour une autre classe pharmacologique. Si
la dépression résiste à un second traitement prescrit à doses suffisantes
pendant encore 8 à 10þsemaines, on parle de dépression résistante. La
durée totale du traitement antidépresseur doit êtreþ:
– d’au moins un an en cas de 1er épisode dépressifþ;
– d’au moins 2 ans en cas de 2e épisodeþ;
– d’au moins 3 ans après un 3e épisode ou plus.
3. Autres médicaments psychotropes
L’antidépresseur doit, si possible, être prescrit en monothérapie. L’association
à des psychotropes doit être réservée à des situations cliniques particulières.
Il n’est généralement pas nécessaire de prescrire des benzodiazépines anxiolytiques en association avec les antidépresseurs. En cas de manifestations
anxieuses, il est préférable de choisir un antidépresseur ayant des propriétés
anxiolytiques (miansérine, mirtazapine). De même, en cas de troubles du
sommeil, le recours à un hypnotique en début de traitement peut être utile
(benzodiazépines à demi-vie courte, zolpidem, zopiclone), mais on peut aussi
proposer de la miansérine ou la mirtazapine pour leurs effets sédatifs.
Un neuroleptique est indiqué en cas de dépression délirante avec délire
congruent à l’humeur. Dans cette situation les antipsychotiques atypiques
sont intéressants car leurs effets anticholinergiques sont moindres que
ceux des neuroleptiques classiques.
Les dépressions mélancoliques ou les dépressions résistantes imposent
la prise en charge en milieu psychiatrique. Dans ces formes, les thymorégulateurs de la classe des antiépileptiques peuvent être utiles. En
revanche, le lithium doit être évité chez les sujets âgés car souvent mal
toléré.
B. L’électroconvulsivothérapie
ou sismothérapie
L’électroconvulsivothérapie est efficace chez le sujet âgé. Elle est indiquée
en cas deþ:
dépression
dépression
dépression
dépression
sévèreþ;
mélancoliqueþ;
avec anorexie majeureþ;
résistante à un traitement bien conduit.
◗
–
–
–
–
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ITEM 63C
DÉPRESSION DU SUJET ÂGÉ
Elle consiste à provoquer, par un choc électrique de faible ampérage, une
crise comitiale généralisée au cours d’une anesthésie générale de courte
durée. Les séances sont répétées tous les deux jours. L’efficacité est généralement obtenue après 3 à 9 séancesþ; le traitement comporte habituellement une série totale de 12 séances. Le traitement est ensuite consolidé
par des séances plus espacées. L’association à un traitement antidépresseur permet d’éviter les rechutes.
Ce traitement présente un intérêt incontestable du fait de sa rapidité
d’action et de la fréquence des tableaux compliqués chez les sujets âgés.
Il nécessite une hospitalisation et une consultation d’anesthésie préalable.
Sa principale limite est liée aux difficultés d’obtention d’un consentement
préalable du patient et de son entourage. Ce traitement expose au risque
de syndrome confusionnel postcritique bref, mais plus élevé que chez le
sujet jeune.
C. Autres types de prise en charge
1. Stratégies psychosociales
La mise en place d’aides à domicile, d’incitation à une participation
sociale familiale ou de voisinage (clubs du troisième âge, activités physiques…) font partie de la stratégie thérapeutique bien que ces mesures
n’aient pas fait la preuve d’une efficacité sur la dépression elle-même.
Elles permettent de surveiller l’observance au traitement, d’éviter la perte
d’autonomie.
La prise en charge psychothérapique doit être régulièrement proposée au
patient âgé dépressif. Associées au traitement médicamenteux, les psychothérapies améliorent le résultat, surtout en prévenant les récurrences. Elles
sont en général de courte durée (<þ1 an). Elles nécessitent un thérapeute
entraîné à ces pratiques. La qualité de la relation médecin-patient est
essentielle au succès de la prise en charge.
Pour leur mise en place, elles nécessitent l’adhésion de la personne et
quelquefois de son entourage familial.
Les thérapies cognitivo-comportementales sont les seules actuellement à
ce jour qui ont fait la preuve de leur efficacité. Elles sont fondées sur le
principe des idées négatives que génèrent la dépression, et qu’il est possible de modifierþ: idées négatives vis-à-vis de soi, du monde environnant
ou du futur.
Le thérapeute identifie avec le patient les situations responsables de sentiments négatifs et dépressifs et l’aide à y substituer des pensées positives
réalistes, tout en reconnaissant l’authenticité de l’affect dépressif.
D’autres techniques psychothérapiques sont utilisées en pratique courante comme les psychothérapies de soutien basées sur une relation de
confiance à partir d’une vision réaliste des objectifs à atteindre et des
possibilités. Cette approche peut aider le patient à accepter la diminution
de ses capacités liées à l’âge. Elles sont surtout centrées sur «þl’ici et
maintenantþ» dans le but d’aider la personne à faire face aux difficultés
actuelles.
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© MASSON. La photocopie non autorisée est un délit.
2. Prises en charge psychothérapiques
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CONNAISSANCES
VIII. CONCLUSION
La dépression du sujet âgé est une maladie fréquente, avec souvent des
formes cliniques atypiques. Le diagnostic est indispensable pour permettre
une prise en charge thérapeutique adaptée et limiter les éléments de mauvais pronostic. En plus de l’entretien, les échelles d’évaluation peuvent
aider au diagnostic et au suivi des symptômes. Les antidépresseurs sont
efficaces et doivent être donnés à des doses efficaces et pour une durée
suffisante. Des mesures non médicamenteuses associées sont utiles.
196 ◗
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Fiche de révision ECN
Dépression du sujet âgé
•þDiagnostic de dépression majeure
Le diagnostic est basé sur l’existence de plusieurs symptômes dépressifs (> 5) se manifestant presque
tous les jours depuis plus de 2 semaines.
Certains sujets ont tendance à moins se plaindre de ces symptômesþ: aussi, le médecin doit les
rechercher par l’examen.
Formes cliniquesþ:
– Dépression délirante.
– Dépression hostile.
– Dépression masquée.
– Dépression avec plainte mnésique.
– Dépression mélancolique (urgence psychiatrique).
•þÉchelles d’évaluation de la dépression
Exemples d’échelles de dépressionþ: Geriatric depression scale, MADRS, Hamilton depression rating
scale.
Aide pourþ:
– Repérage des symptômes de dépression.
– Diagnostic.
– Évaluation de la sévérité.
– Suivi de l’effet du traitement.
•þDiagnostic différentiel
– Symptômes dépressifs isolés.
– Dysthymie.
– Symptômes dépressifs après un deuil.
•þDépression et maladies somatiques
Association fréquente entre dépression et certaines maladies somatiquesþ:
– Maladies neurologiquesþ: AVC, démences, Parkinson.
– Maladies cardiovasculairesþ: IDM, insuffisance cardiaque.
– Maladies endocriniennesþ: diabète, thyroide, parathyroide, hypercorticisme, andropause.
– Cancers.
– Douleur chronique.
– Certains médicaments.
•þPronostic de la dépression majeure
– Mauvaise qualité de vie.
– Perte d’indépendance fonctionnelle.
– Suicide.
– Surmortalité non liée au suicide.
•þPrise en charge de la dépression majeure
Médicaments antidépresseurs
– ISRS de première intention le plus souvent, aux mêmes doses que celles des sujets plus jeunes.
– Si ISRS déconseillés, mal tolérés ou effet insuffisantþ: miansérine, mirtazapine, moclobemide,
IRSNA, tianeptine.
– Si anxiété ou troubles du sommeil marquésþ: miansérine ou mirtazapine.
– Les imipraminiques sont déconseillés chez les sujets âgés.
– Pas de benzodiazépines, ni neuroleptiques sauf cas particuliers.
– Évaluation de l’effet après 8 à 19 semaines, et en cas d’inefficacité, changement d’antidépresseur (autre classe pharmacologiques).
– Durée du tt > 1 an.
197 ◗
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Électroconvulsivothérapie
– Dépression sévère.
– Mélancolie.
– Dépression avec anorexie menaçant le pronostic vital.
– Dépression résistante.
Stratégies psychosocialesþ: si nécessaire.
Psychothérapiesþ: indications larges.
Stratégie thérapeutique
– Médicament antidépresseur + stratégies psychosociales + psychothérapie.
– Idem + hospitalisation + ECS si indiqué.
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◗
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