CHAPITRE 6 : LES CARACTÉRISTIQUES DU DOMAINE CONTINENTAL Introduction Dans les années 1920, Wegener a identifié une caractéristique spécifique de la Terre appelée dualité altitudinale : il y a 2 groupes de terrains d’altitude très distinctes : le domaine océanique présentant une altitude de -4000 m et le domaine continental présentant une altitude moyenne de +870 m. Cette observation implique que le domaine continental est nettement distinct du domaine océanique. Problèmes : Quelles sont les caractéristiques du domaine continental ? Quels sont les mécanismes à l’origine de la formation des chaînes de montagne ? RAPPEL CROUTE OCEANIQUE CROUTE CONTINENTALE Roches = Basalte et Gabbro Roche = Granite Discontinuité 7 km 30 km Mohorovicic (MOHO) MANTEAU Roche = Péridotite Discontinuité 2900 km Gutenberg NOYAU Supérieur Composition : Fer + nickel Discontinuité 5100 km Graine Lehman D’après Sébastien Debiève 1. Les caractéristiques structurales de la croûte continentale A. Nature des roches et densité. Les roches de surface - les roches sédimentaires (5 à 10% du volume total) : elles ne représentent qu’un placage de quelques km (3km). Ce sont des roches résultant du dépôt puis de la consolidation de sédiments en couches superposées (les strates), souvent en milieux aqueux (mer, lacs…) Calcaire Argile Grès Les roches de surface - les roches magmatiques volcaniques : réduites à des zones localisées, elles proviennent du refroidissement d’un magma à la surface. Exemple : Basalte, Andésite, Rhyolite Basalte Rhyolite Andésite Les roches du socle (30 à 50 km de profondeur) - les roches magmatiques plutoniques : Elles proviennent du refroidissement du magma en profondeur, ce dernier n’atteint pas la surface et forme une « bulle » de roche : un pluton. Exemples : les granites, gabbro, granodiorite (40 à 45%) Granite 1,2,5 et 6 sont différents types de pluton Gabbro Les roches du socle (30 à 50 km de profondeur) - les roches métamorphiques telles que le gneiss (45 à 55%). Les roches métamorphiques sont issues de la transformation en profondeur et à l’état solide de roches préexistantes, suite à des changements de conditions de températures et de Pression. Marbre Gneiss Ardoise Schiste 1. Les caractéristiques structurales de la croûte continentale C. Le relief des chaînes de montagnes Les reliefs de montagnes sont dus à des contraintes en convergence : subduction (ex : cordillère des Andes) ou collision (Ex : Himalaya – Alpes). Ces contraintes de compression entraînent des déformations et des modifications des terrains, des roches et de leurs minéraux. L'épaisseur de la croûte continentale dans les zones de montagne résulte d'un épaississement liée à un raccourcissement et un empilement. Les indices tectoniques • Des plis Les indices tectoniques • Des failles Dans les deux cas, les forces mises en jeu sont des forces de compression. On les observe dans des contextes géologiques de convergence de plaques (subduction, collision) Sous l'effet des contraintes tectoniques, les roches se sont déformées de manière souple, elles ont eu un comportement plastique. L'orientation générale des plis indique la direction dans laquelle les contraintes se sont exercées Sédimentation Compression, déformation plastique Poursuiteetde la compression La série sédimentaire est déformée par la convergence, jusqu’au point de rupture des roches qui la composent (déformation cassante) Faille inverse épaississement Les indices tectoniques • Des nappes de charriage Trias (-240 Ma) Jurassique sup (- 160 Ma) Crétacé(-80 Ma) Jurassique inf (- 200 Ma) Crétacé Crétacé Jurassique supérieur Jurassique inférieur Trias Supérieur Inférieur Supérieur Jurassique Moyen Inférieur Supérieur Trias Moyen Inférieur Trias (-240 Ma) Jurassique sup (- 160 Ma) Crétacé(-80 Ma) On observe des couches plus ancienne sur des couches plus récentes, donc le panorama ne respecte pas le principe de superposition Jurassique inf (- 200 Ma) Les lignes pointillées représentent des discontinuités. Dans ce cas, l'ordre des dépôts observé n'est pas chronologique, il a été bouleversé par un déplacement des roches : c'est une nappe de charriage. Ces discontinuités représentent donc des contacts anormaux. Formation d'une nappe de charriage Faille inverse Les indices pétrographiques Correction du TP 12 Roches Aspect à l’œil nu Composition minéralogique Structure Densité Granite Couleur grise Cristaux jointifs Quartz Feldspath Mica Grenue 2.4 à 2.8 Gneiss Couleur gris-noire Alternance lit clair et foncé Quartz Feldspath Mica Grenue Présence d'une foliation 2.7 à 2.8 Couleur + ou - grise Alternance lit clair et sombre assez Micaschiste marquée Aspect feuilleté Migmatite Couleur grise Mélange de gneiss et de granite Alternance lit clair et foncé Quartz Mica (amphibole) Grenue Présence d'une schistosité Quartz et Feldspath (lits clairs) Mica (lits sombres) Grenue Présence d'une foliation 1.6 à 2.9 2.5 à 2.8 Capture d’image de la lame mince Nom de la roche Composition minéralogique simplifiée Quartz Feldspath potassique Granit Feldspath calco-sodique Biotite (mica noir) Quartz Muscovite (mica blanc) Micaschiste Chlorite R1 Biotite (mica noir) Quartz Micaschiste Muscovite R2 Biotite Cordiérite Quartz Feldspath potassique Feldspath calco-sodique Gneiss G1 Muscovite Biotite Cordiérite Quartz Feldspath potassique Feldspath calco-sodique Gneiss G2 Muscovite Biotite Cordiérite Sillimanite Composition chimique des minéraux SiO2 K (Al Si3O8) CaAl2 Si2O8 - NaAl Si3O8 K(Fe,Mg)3(Al Si3 O10)(OH)2 SiO2 KAl2(Al Si3 O10)(OH)2 (Fe,Mg,Al)3 Mg3 (Al4 Si O10)(OH)2 K(Fe,Mg)3(Al Si3 O10)(OH)2 SiO2 KAl2(Al Si3 O10)(OH)2 K(Fe,Mg)3(Al Si3 O10)(OH)2 (Fe,Mg)2Al3(Al Si5 O8) SiO2 K (Al Si3O8) CaAl2 Si2O8 - NaAl Si3O8 KAl2(Al Si3 O10)(OH)2 K(Fe,Mg)3(Al Si3 O10)(OH)2 (Fe,Mg)2Al3(Al Si5 O8) SiO2 K (Al Si3O8) CaAl2 Si2O8 - NaAl Si3O8 KAl2(Al Si3 O10)(OH)2 K(Fe,Mg)3(Al Si3 O10)(OH)2 (Fe,Mg)2Al3(Al Si5 O8) Al2 Si O5 D'un point de vue minéralogique, on retrouve les mêmes minéraux pour les 4 roches : quartz, feldspath et mica. Cependant les feldspath sont absents des micaschistes . D'autres minéraux apparaissent comme la cordiérite et la sillimanite chez le micaschiste et le gneiss. D'un point de vue chimique, on retrouve les mêmes éléments :K, Ca et Al ainsi que du Fe et du Mg. En conclusion, il n' y a pas de grandes différences minéralogiques et chimiques entre ces roches. D'un point de vue de la structure, on observe des différences. Le granit présente une structure grenue "classique" avec des minéraux jointifs. Le micaschiste, le gneiss et la migmatite présentent une foliation plus ou moins marquée, voire même une schistosité (présence de feuillet). Quelle est l'origine de cette foliation ? Le document 2 nous indique que la schistosité et la foliation sont d'origine tectonique, de plus l'alternance des lits clairs et sombres témoigne de l'orientation des minéraux. On peut supposer que sous l'effet de la pression et de la température, les minéraux ont tendance à s'aplatir et à s'orienter selon la direction des forces de pression mises en jeu. R1 R2 G1 G2 Mig Solide Solide + liquide Quartz Micaschiste Muscovite (mica blanc) R1 Chlorite Biotite (mica noir) Quartz Micaschiste Muscovite R2 Biotite Cordiérite Gneiss G1 Quartz Feldspath Muscovite Biotite Cordiérite Gneiss G2 Quartz Feldspath Muscovite Biotite Cordiérite Sillimanite On observe que la formation des différentes roches métamorphiques : micaschiste puis gneiss puis migmatite est corrélée à l'augmentation de pression et de température. Ce métamorphisme est qualifié de relativement basse pression mais de haute température. Les variations des ces deux paramètres modifient la structure de la roche d'origine (le granit) et fait apparaitre des nouveaux minéraux ainsi qu'une foliation. Lorsque les conditions de pression et/ou la température deviennent trop importantes, elles peuvent dépasser le seuil de fusion partielle représenté par le solidus. Dans ce cas, le quartz et le feldspath ont tendance à fondre et se retrouvent dans la partie liquide qui en cristallisant donnera la partie claire de la migmatite dont la structure et la composition sont proches du granit. En revanche, la biotite, sillimanite et la cordiérite fondent difficilement, ils formeront les bordures sombre de la migmatite Mise en place des structures associées à l’épaississement crustal au cours de la convergence Résultat des contraintes compressives raccourcissement Métamorphisme des roches enfouies : Micaschiste, gneiss et éventuellement migmatite Au sein des chaines de montagnes, il est possible d’observer: Des micaschistes et des gneiss: roches métamorphiques qui ont subies des transformations de texture (foliation, schistosités…) et une recristallisation (nouveaux minéraux à chimie constante) à l’état solide à cause de changements de conditions thermodynamiques (P et T) liés à l’enfouissement des roches lors de l’épaississement crustal. Des migmatites: si les conditions de P et T sont importantes, une partie de la roche (gneiss) entre en fusion partielle (ANATEXIE) donnant un magma à l’origine des granites d’anatexie: indices d’un enfouissement plus important. 2. Les mouvements verticaux de la lithosphère : l'isostasie A. Mise en évidence des mouvements verticaux : exercice notion d'isostasie La présence de paléoplages en altitude peut s'expliquer par deux hypothèses : • Une baisse du niveau marin • Une élévation du sol et donc de la paléoplage. On observe une augmentation du niveau marin depuis 8000 ans, la 1ère hypothèse n'est donc pas la bonne. On observe la présence d'une calotte glaciaire importante pouvant atteindre 5000 m en baie d'Hudson. Or, celle-ci a fondue depuis la dernière période glaciaire il y a 6000 ans. Les courbes de niveau en bleu sur la carte ci-contre indiquent les taux de remontée de la lithosphère continentale depuis la dernière période glaciaire, taux indiqués en mm/an. Au centre du bouclier Canadien, on a des taux qui atteignent les 10 mm (1 cm) annuellement. Ce soulèvement est confirmé par les données GPS qui montent une augmentation de l'altitude se poursuivant de nos jours. L'hypothèse 2 est vérifiée. Les géologues pensent que c’est la fonte de la calotte glacière qui aurait provoqué le soulèvement de cette région en suivant le principe d’Archimède. Ainsi, l’enveloppe rocheuse superficielle de la Terre flotterait sur les couches plus profondes comme un glaçon dans un verre. Lithosphère continentale glacier Chaine de montagnes Fonte du glacier Soulèvement Croute continentale MOHO Racine crustale Manteau lithosphérique Asthénosphère Dans le cas du Canada, la fonte des glaciers (depuis 6000 ans) entraine une perte de matériaux en surface qui est compensé par un réajustement isostatique (rebond isostatique) ce qui entraîne un soulèvement de la croûte continentale à cet endroit. Ainsi, la lithosphère se rééquilibre. Correction du TP 13 : le TP qui n'existe pas... Profil topographique obtenu avec Google Earth On remarque que les Alpes et le massif central sont corrélés à des anomalies gravimétriques négatives. Ainsi, la pesanteur mesurée est inférieure à la pesanteur théorique. Cette constatation ne semble pas logique, en effet l'excès de masse qui constitue la montagne devrait provoqué une anomalie gravimétrique positive.. On sait que là où la densité est la plus forte, les anomalies gravimétriques sont positives. On peut donc supposer qu'il existe un déficit de densité des roches pour expliquer ces anomalies négatives. Modèle de Airy Modèle de Pratt La comparaison de la profondeur du Moho sous les Alpes et des modèles proposés nous permet d'affirmer que le modèle d'Airy s'approche le plus de la réalité observée. Ainsi, la présence d'un relief en altitude est compensé par un excès de masse en profondeur mais de densité moins élevée que le manteau qui l'entoure. Cette diminution de densité entraîne une anomalie gravimétrique négative Encore quelques mots sur l'isostasie…et un peu de mathématiques…. Ce principe repose sur la théorie d'Archimède Un corps exerce une force, son poids P Pcorps Mg Le « fluide » réagit avec une poussée égale, mais en sens opposé Pfluide Mg Cette poussée va s’établir au niveau d’une « surface de compensation » La lithosphère exerce son poids P Croute continentale LITHOSPHERE Manteau lithosphérique ASTHENOSPHERE Plithosphère Mg …sur l’asthénosphère, qui se comporte comme un fluide et réagit avec une poussée égale, mais en sens opposé Pasthénosphère Mg Cette poussée va s’établir au niveau d’une « surface de compensation », par exemple la base de la lithosphère à 100 km de profondeur (c’est une surface virtuelle qui n’a de sens que pour le calcul) Le concept de l’isostasie énonce que la lithosphère est en équilibre, car elle exerce la même force (le même poids) à tout endroit de la surface de compensation Altitude 0 (~niveau de la mer) Surface de compensation = = LA LITHOSPHÈRE EST DITE EN ÉQUILIBRE ISOSTATIQUE Calculons la masse totale d'une colonne de lithosphère Afin de simplifier le calcul, on considère que la colonne a une section de 1m2 Mtotale = Mcroûte + Mmanteau lithosphérique Mcroûte = ρcroûte x Vcroûte 1m Or Vcroûte = 1 x 1 x h = hcroûte Même logique pour VML ρcroûte = 2700 kg/m3 hcroûte = 30000 m ρML = 3300 kg/m3 hMant.litho = 70000 m On obtient alors : Mcroûte continentale = 81,81 . 106 kg Mmanteau lithosphérique = 231 . 106 kg Mlithosphère = 312,81 . 106 kg Surface de compensation = base de la lithosphère = 100 km 1m hcroûte hML Cette valeur correspond donc à la masse de lithosphère Mlithosphère = 312 kg en équilibre sur le manteau au niveau de la surface de compensation (pour une surface de 1 m2) Dans une chaine de montagne, on a un excès de masse en altitude, qui est compensé par l'existence d'un excès de matériel peu dense en profondeur à la place du manteau très dense. 106 +5000 mètres supplémentaire Altitude 0 (~niveau de la mer) +300 mètres On parle de Racine Crustale Surface de compensation + ?? mètres supplémentaire ρcroûte = 2700 kg/m3 5000 m ρML = 3300 kg/m3 Mlithosphère = 312 106 kg 30000 m Mlithosphère = ρCChCC + ρMLhML Racine crustale x mètres hcroûte = 35000 + x hML = 70000 - x Manteau lithosphérique x = 22500 mètres Il existe donc une racine crustale d’au moins 22 km pour une montagne de 5000m (ex. Tibet). 2. L'âge de la croûte continentale A. et B. Principe de datation des roches Un élément radioactif, noté P comme « élément-père » se désintègre en un autre élément dit radiogénique et noté F, « élément-fils » PF Ces désintégrations radioactives se font à vitesse constante propre à chaque élément radioactif. P=P0e –λt La quantité d’élément fils peut être déterminée par : F= F0 + (P0 - P) F= F0 + P(eλt –1) Quantité d’élément « Fils » actuelle, mesurée Quantité d’élément « Fils » initiale, inconnue Quantité d’élément « Père » actuelle, mesurée Le temps écoulé depuis le début de la désintégration, donc l’âge recherché. Inconnu F= F0 + P(eλt –1) Lorsque notre couple d’isotopes « Père-Fils » est le couple problème : cette équation a 2 inconnues : Fo et t minéraux Orthose Plagioclase / Isotopes (Feldspaths) (Feldspaths) 87Rb 86Sr 87Sr 156,1 39,1 27,7 87Rb/86Sr on a un Biotite (Mica noir) 3,9 55,8 39,5 87Sr 87Rb-87Sr, 153,1 3,1 2,2 / 86Sr Orthose 3.9923 0.7084 Plagioclase 0.0698 0.7078 Biotite 49.3870 0.7096 On remarque, que le rapport 87Sr / 86Sr est constant quelque soit le minéral de la roche étudié On sait mesurer les rapports isotopiques 87Rb/86Sr et 87Sr/86Sr avec un spectromètre de masse On écrit donc : 87S r Si on divise l'équation par 8 6 S r = 87S r 0 + 87R b ( e λt – 1) 87 Sr 87 Sr 87 Rb t 86 86 86 e 1 Sr Sr 0 Sr Ce rapport est mesurable avec un spectromètre Ce rapport est constant Ce rapport est mesurable avec un spectromètre Il n'y a plus qu'une inconnue De plus, on remarque qu'à l'instant t, cette écriture ressemble à une équation de droite y = b + xa Orthose F. Plagioclase Mica noir Mica blanc X = 87Rb / 86Sr Y = 87Sr / 86Sr 4.06643135 0.74129 0.07145325 0.70937 50.2187741 1.10645 29.6704452 0.94053 Graphique 87Sr/86Sr = f (87Rb/86Sr) 87Sr/86Sr 1.20000 1.00000 y = 0.0079x + 0.7085 0.80000 0.60000 0.40000 0.20000 0.00000 0 10 20 30 40 50 60 87Rb/86Sr 87 Sr 87 Sr 87 Rb t On sait que : 86 86 86 e 1 Sr Sr 0 Sr Y = b + x a Ici Y= 0.0079x + 0.7085 D’après l’équation de droite, la pente, mesurable, vaut a= (eλt – 1) Donc l’âge se calcule en appliquant Avec a = 0.0079 et λ (87Rb) = 1,42.10-11 an -1 lna 1 t t= 554151998 années soit 554 Ma Cette pente est d’autant plus forte que l’âge de la roche est élevé