Chapitre 1 - Cours de linguistique théorique et descriptive

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Sémantique 1
Chapitre 1
Ce document a été rédigé à partir des chapitres du
livre Semantics de John Ibrahim Saeed, manuel de
référence du professeur de sémantique. Il ne remplace
pas le cours du professeur ni vos propres notes.
Envoyez vos remarques à :
coursdelinguistique@yahoo.fr
La sémantique dans le cadre de la linguistique moderne
I-Introduction générale
La sémantique est l’étude du sens qui est véhiculé à travers la langue.
Chaque personne détient une certaine disposition linguistique qui repose sur une
connaissance globale des caractéristiques linguistiques de sa propre langue
auxquels correspondent la prononciation des mots, la perception des différents
aspects de ces mots, la manière de construire des ‘phrases complètes’ [c.à.d.
‘sentence’
1
en anglais] et la signification
2
de chaque mot et chaque ‘phrase
complète’. Ce qui nous intéresse, à proprement parler, c’est de décrire la
connaissance sémantique. À ces particularités, la linguistique descriptive
associe plusieurs niveaux d’analyse :
-la phonologie : étude des sons d’une langue et de leurs combinaisons pour
former des mots
-la syntaxe : étude de la combinaison des mots pour former des ‘phrases
complètes’
-la sémantique : étude du sens véhiculé par les mots et les ‘phrases complètes’
Montrons à travers quelques exemples ce que nous appelons la
connaissance sémantique d’un locuteur français :
Description sémantique d’une situation similaire :
1) Sur un visage humain, le nez se trouvent au-dessus de la bouche.
2) Sur un visage humain, la bouche se trouve au-dessous du nez.
Description sémantique d’une situation contradictoire :
3) Paris est la capitale de la France.
4) Paris n’est pas la capitale de la France.
Description sémantique d’une situation ambigüe (interprétative) :
1
A group of words that must include a subject and a verb to be considered complete.
2
Pour Ferdinand de Saussure, la signification est une relation interne au signe qui réunit le signifiant
au signifié; c'est une relation de présupposition réciproque et d'interdépendance qui fait que chacune
des faces du signe ne peut se concevoir isolément.
2
5) Les cases sont vides.
Description sémantique d’une situation consécutive :
6) Paul a tué son maître. [A]
7) Le maître de Paul est mort. [B]
Dans cette dernière situation, il y a une relation entre A et B. La ‘phrase
complète’ A entraîne la ‘phrase complète’ B, par implication logique. Si nous
connaissons A alors automatiquement nous connaissons B.
Connaître l’effet que peut produire les mots « ne…pas », « au-dessus, au-
dessous », « tué, mort » forme ce qu’on appelle la connaissance sémantique
d’un locuteur et fait partie de la description sémantique du français.
II-La sémantique et la sémiotique
Nous véhiculons des sens à travers les mots de la langue (Cf. I) mais cette
facette de la sémantique n’est qu’une petite partie de notre étude sur la manière
dont ces sens sont compris. La notion de « sens » en linguistique est un sous
ensemble de la faculté générale de l’homme à utiliser des signes comme les
exemples suivants en témoignent :
1) La présence de ces vautours signifie qu’il y a un animal mort juste devant.
2) Une température élevée peut signifier qu’il a attrapé un virus.
3) Un drapeau rouge signifie qu’il est interdit de se baigner.
4) Ces gallons sur son uniforme signifient qu’il est un sergent.
Le verbe « signifier » a plusieurs utilisations dans les exemples précédents
et exprime aussi bien la relation de cause à effet [1) & 2)] que la connaissance
arbitraire des symboles utilisés dans les places publiques [3) & 4)]. Cette
procédure de création et d’interprétation des symboles s’appelle la signification
qui est le rapport réciproque unissant le signifié et le signifiant. On différencie à
un niveau plus discret : l’icône, l’indice et le symbole.
L’icône décrit le rapport de similarité entre le signe et ce qu’il représente.
Par exemple, le portrait d’une personne et la personne dans le réel. L’indice est
le signe qui est associé à son signifié dans une relation causale. Par exemple, la
fumée est un indice de feu. Enfin, le symbole n’est qu’un lien conventionnel
entre le signe et le signifié. Par exemple, les insignes sur les uniformes qui
indiquent le degré atteint dans le corps militaire ou les cérémonies de deuil
symbolisées par les vêtements noirs ou blancs selon la culture. Dans cette
classification, les mots sont ce qu’on peut appeler des symboles verbaux c'est-à-
3
dire ce qui est exprimé par la voix pour transmettre un certain sens par rapport à
une réalité.
III-Les défis auxquels la sémantique doit répondre
Lorsque nous souhaitons comprendre le sens d’une expression
linguistique, nous établissons les définitions des différents mots qui la
composent. On peut supposer que dès lors qu’un locuteur combine des mots
pour former des ‘phrases complètes’ en fonction des règles grammaticales
propres à sa langue, les définitions des mots sont combinés pour former une
‘phrase’ [c.à.d. ‘phrase’
3
en anglais] et par la suite les définitions des ‘phrases
complètes’ nous donnent le sens de ces ‘phrases complètes’.
Mais en attachant des définitions aux mots nous devons faire face à
plusieurs défis.
1-La circularité : nous pouvons définir un mot que par des mots et ainsi de suite
à l’infini.
2-La différence entre la connaissance linguistique et encyclopédique : la
définition d’un mot se trouve dans l’esprit des locuteurs natifs d’une langue. De
plus cette définition peut varier d’un locuteur à un autre ce qui pose le problème
de choix de la définition. On pourrait aussi proposer une définition formelle
scientifique, mais nous devons tenir compte du fait que nous nous comprenons
sans avoir tous eu une éducation spécialisée quand on parle d’un sujet
particulier.
3-La signification d’un énoncé dans un contexte déterminé : Par exemple, dire
« Qu’il fait tard ! » pour exprimer autrement « Nous devons partir, à présent. ».
L’objet de la sémantique ne se sume pas à attacher des définitions aux
expressions linguistiques et doit proposer un certain nombre de méthodes pour
répondre aux précédents défis. En conséquence, nous devons trouver une théorie
unique qui puisse résoudre ce problème.
IV-Le métalangage sémantique comme première solution
Pour résoudre le problème de la circularité la solution serait de modéliser
un métalangage sémantique qui permette de décrire les règles et les unités
sémantiques de toutes les langues. Le métalangage est utilisé ici dans sa
définition usuelle c'est-à-dire l’outil de description.
3
A group of words that have meaning but are not a full sentence.
4
Dans le cas du second problème, il s’agit de savoir la part de connaissance
nécessaire afin d’utiliser un mot. En effet, la connaissance qu’un locuteur a du
sens des mots dépend en grande partie de son lexique mental. Cet aspect de
notre étude sera vu plus en détails dans les chapitres 2, 3 et 7.
Une méthode traditionnelle pour résoudre le dernier problème, celui du
contexte, est d’accepter une scission dans une expression entre le contexte local
et le sens des éléments hors-contexte qu’on pourrait appelait le sens littéral ou
conventionnel. Nous verrons dans le chapitre 3, la difficulté que nous
rencontrons à isoler le sens d’un mot de son contexte. Cette approche permet
d’étudier le rôle de l’information contextuelle dans une communication et la
façon dont les locuteurs confondent la connaissance contextuelle et la
connaissance linguistique. Le rôle de l’allocutaire ne se résume pas non plus au
simple décodage du message mais a un rôle actif dans l’utilisation de sa
connaissance pour déduire le sens qu’a voulu véhiculer le locuteur. L’étude de
ces procédures et le rôle du contexte qui leur est rattaché est un domaine spécial
qu’on appelle la pragmatique. Nous verrons tout au long de ce livre, le rôle du
contexte dans la communication d’un sens.
V-Signification du mot et de la phrase complète
Avoir la connaissance d’une langue c’est supposer l’existence d’un
lexique mental qui correspond à un ensemble de connaissances dont fait
également partie la sémantique. Ce lexique mental n’est pas statique car nous
apprenons et oublions des mots. Il est clair que nous possédons à chaque instant
un flot important de connaissance sémantique.
La différence entre la signification du mot et celle de la ‘phrase complète’
ou de la phrase est la productivité. Il n’est pas toujours possible de créer des
mots à un rythme fréquentiel mais il est tout à fait possible de former des
‘phrases complètes’ ou phrases à partir des mots déjà existants. Pour cela, il faut
que les règles de formation soient récursives. Cette conception a des
implications importantes dans la description sémantique : si un locuteur peut
former de nouvelles ‘phrases complètes’ et qu’elles sont compréhensibles alors
elles obéissent aux règles sémantiques de la langue. De même, les significations
de ces phrases complètes’ ne peuvent être listées comme on le ferait pour les
mots, mais seraient le fruit de la combinaison de toutes les significations. On
appelle ce principe compositionalité : la signification d’une expression est
déterminée à partir de la signification de ses composants et de la façon dont ils
sont combinés.
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VI-Énoncés, phrases complètes et propositions
Ces trois termes sont utilisés pour décrire différents niveaux de la langue.
L’énoncé est formé à l’oral ou à l’écrit par l’utilisation d’un fragment de
la langue. Soit un énoncé quelconque, si une deuxième personne le répète alors
il constituera un deuxième énoncé. L’énoncé
s'envisage selon trois paramètres:
un temps, un lieu, et un sujet. Son sens ne peut être déterminé qu'en fonction
d'un cadre énonciatif et d'une fonction communicative.
On considère donc que,
dans le processus d'énonciation, un sujet donné produit un énoncé donné à un
moment donné et à un endroit donné, et à destination d'un récepteur donné.
La ‘phrase complète’ est un élément grammatical abstrait obtenue à
partir de l’énoncé. Elle suppose l’existence d’une structure syntaxique. Elle se
définit sans référence à l'instance de sa production et selon des relations
purement internes (sujet, verbe, complément etc.). Son sens est donc déterminé
par le sens des mots tel qu'on le trouve dans un dictionnaire. Elle est abstraite car
si une troisième et une quatrième personne redisent cet énoncé avec la même
intonation, nous serons forcés d’affirmer qu’il y a au total quatre énoncés de la
même ‘phrase complète’.
La proposition peut être identifiée comme une description d’un évènement
ou d’une situation et qui a la possibilité d’être un élément partagé par plusieurs
‘phrases complètes’. Elle peut être un moyen d’appréhender le sens principal des
‘phrases complètes’. Elle est plus abstraite que la ‘phrase complète’ car elle peut
être représentée de différentes manières dans différentes ‘phrases complètes’.
Toutes ces ‘phrases complètes’ partagent une seule proposition : « César a
envahi la Gaule ».
1) César a envahi la Gaule.
2) La Gaule a été envahie par César.
3) C’est la Gaule qui a été envahie par César.
4) C’est César qui a envahi la Gaule.
5) Ce que César a envahi c’est la Gaule.
6) Celui qui a envahi la Gaule était César.
En résumé, une proposition peut être communiquée par l’énonciation de
plusieurs éléments grammaticaux (dont la ‘phrase complète’).
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