Revue Méd. Vét., 2006, 157, 12, 579-589
Les urgences en ophtalmologie vétérinaire
C. DECOSNE-JUNOT1*, S. JUNOT2 ET I. GOY-THOLLOT1
1 Unité SIAMU, École Nationale Vétérinaire de Lyon. 1, avenue Bourgelat – 69280 Marcy l’étoile – France
2 Unité d’Anesthésie Réanimation Analgésie. Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon. 1 avenue Bourgelat – 69280 Marcy l’étoile – France
RÉSUMÉ
Le vétérinaire urgentiste est confronté fréquemment dans son exercice à
des urgences ophtalmologiques car les signes d’appel sont rapidement détec-
tables par les propriétaires. L’œil est un organe très sensible car très exposé,
qu’il convient de savoir bien traiter car la perte de sa fonctionnalité entraîne
un handicap sérieux pour l’animal et pour l’usage que l’homme peut en faire.
En urgence, il est conseillé de déterminer la nature de la lésion observée pour
en déterminer la gravité et le pronostic fonctionnel afin d’établir un plan thé-
rapeutique approprié. Les urgences oculaires concernant les annexes, les
anomalies de positionnement du globe, du segment antérieur et du segment
postérieur de l’œil sont envisagées dans cet article. Les mesures d’urgence à
mettre en place sont décrites de façon à préserver les meilleurs chances de
récupération des fonctions visuelles de l’animal. Dans certains cas, l’urgence
consiste à mettre en place les conditions idéales pour référer l’animal à un
spécialiste en ophtalmologie. Les actes réalisés en urgence sont souvent dé-
terminant pour le pronostic visuel de l’animal.
Mots-clés : Urgences – Ophtalmologie – Œil – Carnivores
– Equidés – Animaux de rente
SUMMARY
Veterinary ocular emergencies
The veterinary surgeon is frequently confronted in his practice to ophthal-
mologic emergencies. The eye is a very sensitive organ because it is very ex-
posed to injuries. It is important to have a good knowledge of the right
treatment to carry out because the loss of its functionality involves a serious
handicap for the animal. In ocular emergency, it is advised to determine the
nature of the lesion and its gravity and the functional forecast of it in order
to establish a suitable therapeutic plan. The ocular emergencies concerning
the adnexals, the anomalies of positioning of the globe, the anterior segment
and the posterior segment of the eye are successively considered in this pa-
per. The emergency care to carry out is described in order to provide the best
chances of recovery for the visual functions of the animal. In certain cases,
the emergency care consists in setting up the ideal conditions to refer the ani-
mal to a specialist in ophthalmology. The techniques, which are carried out
in emergency, are often determining for the visual prognosis of the animal.
Keywords : Emergencies – Ophthalmology – Eye – Small
animals – Horses – Large animals
Introduction
L’œil est un organe très accessible pour le propriétaire d’un
animal. C’est un motif de consultation en médecine
d’urgence qu’il faut savoir gérer comme toute autre urgence.
Le triage (c’est le terme classiquement utilisé en médecine
d’urgence) commence par la reconnaissance de la vrai
urgence oculaire (tout ce qui va nuire au fonctionnement de
l’œil). La démarche diagnostique doit conduire le clinicien à
se poser la question de ses limites de compétence en ophtal-
mologie et le référé est indiqué dès que le diagnostic est
incertain par manque de moyen et le traitement inapproprié
sans structure spécialisée. Les urgences oculaires peuvent
être abordées de différentes façons : la plus commune est de
considérer les modifications physiques de l’œil (syndrome de
l’œil rouge, de l’œil blanc ou de l’œil sec [1]). Certains
auteurs parlent aussi d’urgences médicales versus les
urgences chirurgicales [2]. Ces appellations nous paraissent
restrictives car elles ne permettent pas une compréhension
raisonnée et scientifique du problème. L’expérience clinique
montre qu’il est préférable de déterminer la localisation et la
nature du problème pour comprendre sa genèse et construire
un plan thérapeutique alors raisonné [4].
En médecine d’urgence, plus qu’ailleurs, il ne faut pas
confondre vitesse et précipitation; ceci est particulièrement
vrai pour les urgences oculaires [13]. Que faut-il savoir abso-
lument faire pour diagnostiquer et traiter un problème
oculaire ? Que ne faut-il surtout pas faire pour ne pas perdre
de chances de récupération visuelle ? De combien de temps
disposons nous pour gérer un problème oculaire et quel
pronostic pouvons nous proposer au propriétaire ?
Considérations générales
Une urgence oculaire est définie comme toute atteinte
concernant au moins l’un des deux yeux et entraînant une
douleur oculaire aigue, une anomalie de positionnement du
globe, une cécité brutale ou une modification de l’aspect de
l’œil [2, 3, 11, 17]. Le recueil des commémoratifs et de
l’examen clinique général est un préalable indispensable. De
plus, avant de s’intéresser à une urgence oculaire, il est impé-
ratif de s’assurer que les fonctions cardio-vasculaires, pulmo-
naires et neurologiques centrales sont stables.
Les urgences oculaires regroupent des affections en rela-
tion avec des modifications de positionnement du globe, des
anomalies des annexes, de la sclère, de la cornée, de la
chambre antérieure, du cristallin ou du segment postérieur
(voir Schéma 1). Si le motif de consultation est une cécité
aigüe, la démarche consiste à savoir si ce problème est
d’origine strictement oculaire (qui doit alors être localisé) ou
s’il correspond à une affection supra-oculaire (atteinte des
voies visuelles ou optiques sans atteinte de l’œil). L’amau-