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FOI ET RAISON
Introduction : Qu’est-ce que la vérité ?
- Jn 18,37-38
- Position du problème
- La validation de l’encyclique Fides et Ratio comme ligne directrice
I. La nature théologale de l’encyclique de Jean-Paul II Fides et Ratio
1) En la fête de l’exaltation de la Sainte Croix
2) Un mois avant la canonisation d’Edith Stein
3) Lenjeu spirituel des relations entre foi et raison
II. La nécessaire complémentarité entre la foi et la raison
1) L’unique quête de la vérité
2) La cause de la tension entre la foi et la raison
3) Une collaboration sur des fondements nouveaux
III. La conversion vers la vérité
1) Une exigence réciproque : la rigueur et l’humilité
2) Les points de rencontres entre la foi et la raison : le mystère et la Sagesse
Conclusion : « Les abstractions n’ont pas besoin de mère »
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INTRODUCTION : QUEST-CE QUE LA VERITE ?
De l’évangile selon Jean au chapitre 18. Jésus dit alors à Pilate : « Je
suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la
vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. » Pilate lui
dit : « Qu'est-ce que la vérité ? ». C’est au cours des heures décisive de la
passion que Pilate devient le représentant de l’intelligence humaine
ouverte par la Parole de Dieu. Il exprime, face au Messie humilié, à la
Parole de Dieu faite chair, la seule réponse qui soit digne de la raison et
qui est en même temps l’objet de la foi : « Qu’est-ce que la vérité ? ».
Dans ce dialogue, nous est donnée la possibilité de la rencontre entre un
Dieu qui parle, qui est donc accessible à la raison, et l’homme qui entend,
qui peut comprendre s’il accepte que sa nature est de s’élever vers la
vérité.
La Passion du Christ rapportée par les évangiles est une interpellation de
la raison. Le Christ humilié qui montre le visage d’un Dieu aimant dans la
défiguration d’un l’homme souffrant. Il pose la question de vie et de la
mort, du mal et de la souffrance, du sens de l’existence et du don de soi par
amour. Jésus parle ultimement de la vérité : la vérité sur Dieu, la vérité sur
l’homme. Face à cette réalité concrète, historique, Pilate ne peut que
s’interroger. Le dialogue entre Jésus est Pilate représente pleinement la
rencontre entre Dieu qui parle et l’homme qui cherche.
La Parole de Dieu ne peut être accueillie comme Parole de Dieu que
dans la foi. Mais avant la foi, elle interpelle déjà la raison : « Je suis le
chemin, la vérité et la vie » (Jn14,6) dit Jésus également en saint Jean.
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La raison fait de l’acte de foi, un acte humain, c'est-à-dire non seulement
un acte de la sensibilité et de l’intuition mais aussi de l’intelligence et de la
volonté. Certains scientifiques pensent que la foi pourrait être une pulsion,
une fonction biologique au même titre que la nutrition ou la reproduction.
La personne humaine est en effet un homo religiosus. Quand bien même
cette dimension de l’être humain serait en partie déterminée
biologiquement, ce qui fait de l’acte de foi un acte humain c’est l’œuvre de
l’intelligence et de la volon. Interpellé par la Parole de Dieu, l’homme
peut ressentir une sorte d’élan intérieur, une componction, une émotion
religieuse. Mais l’acte de foi constitue une décision, une réponse à cette
question de la vérité.
La foi vient donc de l’écoute de la Parole. C’est aussi ce qu’affirme saint
Paul dans l’épître aux Romains qui parle de la « Fides ex auditu »
(Rm10,17). Chacun d’entre nous, dans son chemin de vie, doit répondre à
la question : qui est Dieu et qui est Dieu pour moi ? Quid ergo amo, cum
Deum meum amo ”. Qu’est-ce que j’aime quand j’aime mon Dieu ?
questionne saint Augustin quand il a été rejoint par celui qui l’attendait et
qui lui donne le repos du cœur.
La raison quant à elle, est interpellée par le mystère de la Croix du
Christ Jésus. Ce n’est pas une abstraction. C’est une réalité historique qui
dit Dieu dans toute la brutalité du fait. N’est-ce pas l’essence du
mystère ? Le tout présent dans le fragment, l’éternité présente dans le
temps, l’infini dans le fini. Le Christ souffrant, c’est l’humanité marquée
par le mal mais aimée et sauvée par Dieu : le contenu de notre foi et la
révélation de ce que nous sommes. L’universel concret (universale
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concretum) selon la notion de Nicolas de Cuses est d’abord le lieu de la
rencontre mystérieuse entre Dieu et nous. La raison peut accéder grâce à la
foi au mystère du transcendant qui rend l’appréhension de la vérité
féconde, source non seulement de savoir mais de vie.
Le constat est fait : la foi et la raison sont appelées à s’unir et à s’allier, à
devenir des « ailiers » pour reprendre l’image des deux ailes qui
permettent à l’esprit humain de s’élever vers la vérité (cf. FR 1). Et
pourtant nous constatons que la foi et la raison sont souvent appréhendées
comme deux pôles, deux chemins, deux voies différentes et concurrentes.
C’est ce qu’avait parfaitement perçu le Pape philosophe Jean-Paul II et
qu’il exprime dans son encyclique de septembre 1998 Fides et ratio.
J’aurais voulu m’affranchir de cette œuvre, presqu’écrasante, mais cela
m’a été interdit par la nature de notre entretien de cet après midi. Il s’agit
d’une conférence de carême, c'est-à-dire d’un effort donné pendant le
temps privilégqui nous met en présence de la Passion du Seigneur, qui
nous invite à contempler à nouveau l’œuvre de notre salut. C’est donc en
suivant ce chemin vers la croix que je nous invite à examiner librement
l’enseignement du bienheureux Pape.
I. LA NATURE THEOLOGALE DE FIDES ET RATIO
Deux éléments presque périphériques donnent à l’encyclique une
dimension très particulière qui la situe très justement dans notre démarche.
Elle a été publiée le 14 septembre de l’année 1998, en la fête de la croix
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glorieuse et quelques jours avant la canonisation d’Edith Stein, sainte
Thérèse Bénédicte de la Croix, juive d’origine, philosophe, carmélite et
martyre.
1. Le logos de la Croix
« Dieu a envoyé son Fils dans la monde, non pour juger le monde, mais
pour que, par lui, le monde soit sauvé ». Jn3,17. L’entrée de Jésus dans le
monde nous ouvre à sa présence salvifique. Elle suppose déjà le risque de
la mort, le choix de la croix. Il y a, dans les pages de l’encyclique, une
unité très forte entre le mystère de la croix et le mystère de l’Incarnation
du Verbe, du Logos. Dieu se dit déjà tout entier dans l’enfant de la crèche
selon un langage accessible aux hommes. L’annonce de la naissance de
Jean Baptiste laisse Zacharie sans voix, sans parole devant l’œuvre de
Dieu. Le Christ Jésus dans ses cris inarticulés de la crèche et de la croix
donne à accès à Dieu qui se dit et s’expose. Il est significatif de ce point de
vue que les premières menaces qui pesèrent sur les moines de Tibhirine
aient eu lieu pendant la nuit de Noël. Cela leur a permis de comprendre
qu’en s’enracinant dans la terre algérienne, ils avaient déjà pris le risque
d’y mourir. Leur vie était déjà totalement donnée, depuis leur baptême
jusqu’à leur appel à vivre dans les montagnes de l’Atlas en passant par
leurs vœux religieux. Comme Dieu, qui avait pris le risque de la haine et
de la mort, quand il est entré dans la condition humaine en Jésus et qu’il
s’est exposé dans la grotte de Bethléem.
La constitution pastorale Gaudium et spes du second concile du Vatican
affirme avec force : « Le mystère de l’homme ne s’éclaire vraiment que
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