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Résumé – Summary
Acteurs déterminants des Lumières, les matérialistes français du XVIII° siècle ont longtemps été
méprisés, tant par les penseurs idéalistes que par des théoriciens marxistes soulignant
l'absence de dialectique de leur approche. Le renouveau de l'étude de ce courant radical
permet de mettre en perspective leur relation complexe à la question politique. Peut-on
discerner dans le matérialisme une approche spécifique de la politique ? Elle suppose une
autre conception
de la causalité appliquée à l'action et aux fins.
L'histoire du matérialisme démontre que la politique est seconde par rapport à une préoccupation
anthropologique plus fondamentale : l'eudémonisme. Les cadres conceptuels de la
philosophie politique doivent être renouvelés car l'axiologie matérialiste se comprend en
termes d'émergence ; la totalité synthétique découle d'une conception atomistique de la
société ; l'action repose sur une production et non une création.
Malgré leur empirisme radical, Julien Offroy de La Mettrie et Claude-Adrien Helvétius
manifestent deux approches opposées : celle du réductionnisme biologique et celle du travail
de la culture. Tous deux mènent le combat contre la censure et l'obscurantisme religieux, mais
au réductionnisme corporel répond une préoccupation de l'éducation et du social. L'un
considère le politique comme un fait ; l'autre la politique comme à faire. Le matérialisme
lamettrien dessine une politique despotique gérant les affects du troupeau humain ; celui
d'Helvétius une voie vers les politiques d'émancipation. L'hypothèse du tout biologique
reprend une approche inégalitaire, là où le hasard de la rencontre des corps appelle pour
Helvétius une politique de l'égalité.
MOTS CLÉS : MATÉRIALISME – POLITIQUE – LUMIÈRES - LA METTRIE -
HELVÉTIUS
Though major players
of the Enlightenment, the French materialists of the 18th century were
long looked down on, both by the idealistic philosophers and Marxist's theorists who
denounced their undialectic approach. The revival of the study of this radical current of
thought
allows to put their complex relation
to the political question in perspective . Can we
make out a specific materialist approach to politics ? This implies another conception of
causality applied to action and to ends.
The history of materialist tradition shows that the political issue is second in regard to a more
fundamental anthropological concern : eudemonism. Abstract concepts of political
philosophy must be renewed, because materialism
implies emergence
; synthetic totality
ensues from an atomic conception of society ; action must be explained as production rather
than creation.
In spite of their common radical empiricism, Julien Offroy de La Mettrie and Claude-Adrien
Helvétius show two opposite approaches: biological réductionism on one hand and culture on
the other. Both
stand against censorship and religious obscurantism, but physical
réductionism
goes with
a concern for education and social issues. The first one
considers
politics as a fact ; the other
considers politics should be something to be done. La
Mettrie's materialism leads to a despotic government ruling the affects of the human herd; that
of Helvétius a way towards the policy of emancipation. The hypothesis of biological
determinism leads to an inegalitarian approach,
whereas to Helvétius, the
chance encounter of
bodies calls for human equality.
KEYWORDS : MATERIALISM – POLITICS – ENLIGHTENMENT – LA METTRIE -
HELVÉTIUS