P 50
VI - TABLE RONDE
Animée par M. Jacques
Gravereau, Directeur, HEC
Eurasia Institute
M. Gravereau a insisté sur la
nécessité de respecter la Chine
pour ce qu'elle a fait et continue à
faire depuis vingt ans en matière
de protection de la propriété intel-
lectuelle - elle a notamment signé
tous les accords internationaux en
la matière -, même si la contre-
façon y est en quelque sorte un
sport national encouragé par les
autorités, puisque, pour les
Chinois, copier est patriotique,
fait partie du patrimoine géné-
tique du pays ("copier" signifie
"apprendre" dans la langue
locale).
Le progrès en matière de pro-
priété intellectuelle viendra des
Chinois eux-mêmes, car les
marques chinoises sont de plus en
plus nombreuses et les sociétés
chinoises, qui se développent, se
livrent une concurrence féroce. La
lumière viendra tout particulière-
ment des entreprises chinoises à
vocation mondiale - les multinatio-
nales ont en effet émergé très
récemment.
M. Gravereau a tout d'abord
donné la parole à M. Benoît
Fouchard, Directeur Export de la
société Ateme, créée il y a une quin-
zaine d'années dans le domaine de
la compression vidéo.
M. Fouchard, en guise d'introduc-
tion à son intervention, a fait
valoir que l'enjeu d'une entreprise
est de gagner de l'argent, tout en
gérant le risque de voir, en retour,
ses technologies copiées. En ce
qui concerne les contrats de trans-
ferts de technologie conclus avec
des partenaires chinois, il est
donc important de bien formaliser
les produits qui vont être réalisés,
sous quelles marques et à destina-
tion de quelle clientèle, ainsi que
les business modèles (prix des
produits, marchés), de manière à
ce que la PME puisse contrôler
toute sortie du périmètre ainsi
défini. La difficulté en Chine
réside dans le fait de déterminer
qui fait quoi, de comprendre les
structures du capital des sociétés
rencontrées et d'évaluer exacte-
ment les difficultés auxquelles on
s'expose.
En amont, il est nécessaire non
seulement de multiplier les méca-
nismes de protection juridique, de
manière à établir un rapport de
force équilibré avec le partenaire
chinois, mais également d'utiliser
des procédés tels que le cryptage
ou les clés de protection logicielle.
En effet, ces nouveaux modes de
protection permettent d'une part,
de signifier à la partie adverse
l'importance de la propriété intel-
lectuelle, d'autre part, de prouver,
en cas de litige, qu'il n'y a pas eu
de permissivité.
Il faut faire le bon choix du parte-
naire, viser les entreprises qui
capitalisent sur leur notoriété et
leurs marques, avec la volonté de
devenir des sociétés internatio-
nales. En fait, la concurrence que
se livrent les sociétés chinoises sur
leur propre territoire constitue la
protection la plus efficace des
PME occidentales, en ce sens
qu'elle minimise la cannibalisa-
tion des marchés détenus par ces
PME hors de Chine, tout en leur
garantissant le besoin de leurs
partenaires chinois d'acquérir des
technologies supérieures afin de
se différencier des concurrents.
Le challenge pour la PME consiste
à définir son business modèle. Elle
doit se fixer une limite et ne pas la
dépasser, car elle n'a pas toujours
les moyens, face à des sociétés
chinoises qui savent parfaitement
les mettre dans une situation où
leur investissement devient tel
qu'elles ne peuvent plus reculer,
de soutenir une négociation qui
s'éternise. Le partage des béné-
fices constitue le meilleur modèle
financier, mais en Chine, on est
dans une culture où il n'est pas
dans les mœurs de payer pour de
la propriété intellectuelle. Il est
recommandé dès lors de formuler
l'avantage compétitif que la tech-
nologie de la PME occidentale est
censée apporter au partenaire
chinois, de le quantifier en termes
d'avantages économiques pour
lui et ensuite de négocier une part
de cet avantage économique.
Aussi est-il important de dévelop-
per des liens intimes avec les
cocontractants et de bien com-
prendre le modèle économique,
l'environnement concurrentiel, la
clientèle concernée. En fait, il faut
commencer par déterminer ce à
quoi le partenaire attache de la
valeur, pour se protéger ensuite,
car il va tenter de transférer un
maximum de risques, de charges
et d'efforts sur la PME.
Selon M. Fouchard, l'arbitrage est
dangereux pour les PME. En effet,
les interlocuteurs chinois propo-
sent systématiquement une clause
compromissoire arbitrale, qui
représente deux à trois fois l'enjeu
du contrat et qui est susceptible
d'invalider pratiquement celui-ci.
M. Fouchard a souhaité prodiguer
un dernier conseil : s'inscrire dans
le long terme. La meilleure protec-
tion consiste en effet à créer une
dépendance du partenaire vis-à-
vis des technologies en dévelop-
pement (ou futures) de la PME, car
cela le dissuade de rompre l'ac-
cord.
L'intervention de M. Berthaud,
PDG de la société Léa SA, spécia-
lisée dans l'ADSL, a clôturé ce
séminaire.
ACCOMEX SEPTEMBRE/OCTOBRE 2006 • N° 71