- Sédentarisation et création des villes
- Récits mythiques de fondation
- Extension de la ville
Temporalités urbaines (Sylvia Chiffoleau)
La ville n’est pas seulement espace ; elle se vit selon des temporalités qui lui sont propres et qui sont
souvent précurseurs des changements qui affectent les sociétés dans leur ensemble. Le Moyen-
Orient, où sont nés les premiers calendriers de l’humanité, est particulièrement riche de computs de
temps : calendriers copte, julien, musulman, calendriers fiscaux califal puis ottoman… ont de tout
temps socialisé les populations à une pluralité de temps sociaux. Or c’est sur cette situation déjà fort
complexe que viennent se greffer les mutations temporelles liées à l’introduction de la modernité
occidentale, lesquelles affectent en premier lieu les villes. Au début du XIXe siècle, les villes
continuent, pour l’essentiel, à fonctionner selon le calendrier lunaire et religieux réglé par le rythme
des prières et des fêtes religieuses. L’introduction d’une administration moderne, de l’école et de
l’hôpital, du travail salarié, impose un temps compté, institué, profane, en rupture avec ces rythmes
ancestraux. À travers l’observation de pratiques sociales (l’enseignement et la santé notamment) au
cours de la période charnière du XIXe et du premier XXe siècle, on s’attachera à explorer les modalités
par lesquelles le temps « occidental » s’est finalement imposé, tout en maintenant le vécu de certains
registres de la vie sociale selon d’autres temporalités. Par ailleurs, on peut faire l’hypothèse que
l’imposition du temps « moderne » obéit à des modalités et des rythmes différents au Moyen-Orient,
qui demeure sous la tutelle unificatrice de l’Empire ottoman, et au Maghreb, où c’est la colonisation
qui vient brutalement imposer un temps « rationnel ». Afin de tester cette hypothèse, on travaillera sur
trois terrains qui seront soumis à comparaison : la Syrie ottomane, l’Algérie coloniale et le Maroc,
demeuré hors de la suzeraineté ottomane et tardivement colonisé.
Fabrication des identités urbaines (Saba Farès)
Le gouvernement jordanien mise depuis 1996 sur le Wadi Ramm pour développer son tourisme,
première ressource économique du pays. La population, résidant encore en grande majorité dans le
désert, s'est installée dans le village en peu de temps pour profiter de la manne apportée par le
tourisme. Ce mode de vie a exposé la population à un nouveau modèle de société, celui des
représentants de l'État, citadins, et celui des touristes occidentaux. Exclus au départ du débat par les
représentants locaux du gouvernement, ces nomades sédentarisés y ont été progressivement
impliqués grâce à une mobilisation de type tribal. Ils participent ainsi au développement urbain de
Ramm : construction des maisons fixes (habitat « immobile »), mise en place d'un réseau de
transport, accès aux informations (télévision, journaux) et aux communications (téléphones fixe et
cellulaire). Les habitants de Ramm ont ainsi adopté le mode de vie « sédentaire », mais sans
abandonner pour autant l'habitat traditionnel mobile (la tente : chaque maison contient, dans sa cour,
une tente. De plus, ils s'approprient l'espace urbain selon le mode de vie nomade : chaque quartier est
occupé par une famille, mais la ville est elle-même occupée par les membres d'une même tribu ou par
des familles qui ont demandé protection à la tribu dominante. Ce mode de vie contribue à maintenir
l'identité nomade dans un espace urbain dans lequel ses habitants sont appelés à vivre et au
développement duquel ils participent. Mais, en retour, ce mode de vie urbain influence celui des
nomades. Les deux modes s’entremêlent et la culture urbaine prend inévitablement le pas sur celui
des nomades. Afin d’éviter une désintégration totale de l’identité nomade, les parents veillent à
amener leurs enfants dans le désert, à ce qu’ils y séjournent, et à ce qu’ils y apprennent la vie du
désert. On observe ce phénomène dans d’autres villes de la péninsule Arabique comme Riyadh. Si le
mode de vie sédentaire y a pris le pas sur la vie nomade pourtant, les anciens nomades y conservent
les symboles du mode de vie de leurs ancêtres en organisant les quartiers par familles, et en allant, à
la fin de la semaine, dans le désert (sous une tente climatisée !) où ils pratiquent la chasse.
Sédentarisation et extension (Alexandrine Guerin)
La création des villes (zone bâtie et planifiée) dans les régions côtières du Golfe arabo-persique est
relativement récente particulièrement dans l’Émirat du Qatar (fin XVIII° siècle ? - début XIX° siècle) et
le plus souvent sous influence extérieure (monde occidental, colonie et protectorat britannique).