États-Unis, Royaume-Uni et France décident donc d'accélérer dans leur zone la reconstitution d'un État
allemand économiquement et politiquement fort, capable de faire barrage au communisme. Cette « trizone
» est pour Staline une violation des traités ; il décide d'en faire autant en fermant les liaisons terrestres entre
Berlin et l'Allemagne occidentale, qui n'avaient pas fait l'objet d'accords entre les quatre puissances
occupantes, contrairement aux accès aériens. Une épreuve de force s'engage, qui préfigure le véritable
début de la guerre froide, car les armées des deux blocs y sont face à face. La réaction américaine au blocus
est immédiate et consiste en un pont aérien de C-54 pour ravitailler Berlin-Ouest. Après 11 mois, en mai
1949, Staline doit renoncer au blocus. Cette première crise de Berlin est révélatrice, car elle officialise
concrètement la dislocation de la Grande Alliance et révèle les règles implicites de la guerre froide : les
Occidentaux n'ont pas cherché à forcer le blocus terrestre et les Soviétiques n'ont pas entravé le pont aérien,
cette maîtrise réciproque évitant la guerre. Cette situation aboutit à la constitution en septembre/ octobre
1949 de deux États, la RFA (République fédérale d'Allemagne) et la RDA (République démocratique
allemande). Elle est aussi à l'origine de la signature, en avril 1949, du traité de l'Atlantique Nord, avant la
mise en place l'année suivante de l'organisation du même nom (OTAN). C'est aussi par peur d'une
renaissance du militarisme allemand que certains États européens essaient de lancer la construction
européenne en créant la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), en avril 1951. Le refus
de la France du projet d'une armée commune (CED, Communauté européenne de défense), en 1954, pousse
les Américains à imposer l'intégration de la RFA dans l'OTAN dès octobre 1954, ce qui a pour effet
d'entraîner aussi un réarmement de la RDA et surtout la création du pendant oriental de l'OTAN, le pacte de
Varsovie, en mai 1955. La crise de Berlin transforme la ville symbole de l'hitlérisme en un symbole de
résistance à l'expansion du communisme et confirme la réintégration rapide de l'Allemagne occidentale
dans le camp des démocraties libérales. Berlin-Ouest est pour les Américains une position géopolitique
exceptionnelle et peut donc devenir pour les Occidentaux une « ville du front » de la guerre froide, un
avant-poste de l'Occident, une vitrine scintillante du capitalisme au cœur d'un monde socialiste démuni.
C'est aussi une base d'espionnage et de propagande avancée et un bureau de recrutement aisément
accessible pour la main-d'œuvre allemande qui souhaite passer d'Est en Ouest. Berlin-Est se veut un modèle
de socialisme architectural, un foyer révolutionnaire.
II – Encadrer la société est-allemande
a) 17 millions de socialistes
Le 8 mai 1949, la Loi Fondamentale est adoptée à Bonn. Le statut est fédéral : la République Fédérale
d'Allemagne (RFA), créée le 23 mai 1949, sera constituée de 10 Länder largement autonomes. La nouvelle
constitution prévoit deux chambres : le Bundestag, et le Bundesrat, émanation des Länder. Le président de
la République, élu par le Parlement, n'a qu'une fonction symbolique, le pouvoir exécutif est confié au
chancelier, élu par la majorité du Bundestag. Entre 49 et 63, la vie politique ouest-allemande est dominée
par la personnalité du chancelier Adenauer, qui dirige une coalition fortement marquée par l'empreinte
catholique et anti-nazie, avec l'appui du FDP. En 1969, les élections vont donner naissance à une nouvelle
coalition du SPD et du FDP, sous la direction de Willy Brandt. Depuis 1959, le SPD s'est officiellement
rallié à " l'économie sociale de marché ", marquant ainsi une séparation nette avec les communistes et
l'acceptation des lois du marché, tempérées par l'Etat dont le pouvoir de régulation doit assurer une plus
juste répartition de la richesse nationale.
C'est davantage par sa politique étrangère que Willy Brandt marquera son mandat, en particulier dans le
domaine de l'Ostpolitik : normalisation des rapports avec la Pologne, reconnaissance des frontières
orientales de l'Allemagne (la ligne Oder-Neisse), normalisation des relations avec Berlin-Est qui se traduit
par la signature du " Traité fondamental ", en 1972.
Afin de mettre en œuvre leur politique, les Soviétiques n'hésiteront pas à s'appuyer notamment sur le
Nationalkomitee Freies Deutschland(« Comité national pour une Allemagne libre » ou NKFD) organisation
de résistance anti-nazie fondé le 12 juillet 1943, à Krasnogorsk (à proximité de Moscou), dans le camp