Réseaux de soins intégrés : quelles nouveautés ?

1376 Revue Médicale Suisse
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30 juin 2010
réflexion
Lors de la session d’été, le Conseil national
va consacrer une partie de ses travaux à la
révision de la LAMal (une de plus…) por-
tant en particulier sur la notion des réseaux
de soins intégrés.
A la lecture des propositions qui seront
faites au Conseil national, et qui ont é
avalisées en grande partie par la Commis-
sion santé et sécurité sociale dudit Conseil,
on peut se demander quelles elles nou-
veautés sont apportées au système actuel.
En effet, la LAMal consacre déjà, et ce de-
puis 1996, la possibilité, offerte aux assu-
reurs et aux professionnels de sanainsi
qu’aux professions médicales, de travailler
en réseau ou en HMO. On rappellera ici
que le HMO (Health Maintenance Organi-
sation) est un lieu physique dans lequel
travaillent selon une approche concertée
plusieurs professions médicales et plusieurs
professionnels de sanau profit de leurs
patients. Ces centres HMO sont générale-
ment rés directement par les assureurs,
les professionnels qui y travaillent en sont
la plupart du temps des salariés. Ce mo-
dèle n’a pas beaucoup convaincu en Suisse
romande ; il est toutefois plus dévelop
en Suisse alémanique. A Genève, un tel
centre se situe à la rue de Lausanne et ap-
partient à l’assureur maladie Swica.
Les HMO représentent incontestablement
l’avantage de centraliser en un seul endroit
toute une série de services sanitaires, mais
représente un handicap important dans la
mesure où les patients doivent se déplacer
en un lieu donet n’ont pas évidemment
le choix du médecin à qui ils souhaitent
confier leur destinée. Linscription dans un
HMO représente en outre une économie
potentielle pour l’assuré qui se voit bénéfi-
cier d’une réduction de primes.
Les réseaux, quant à eux, sont connus
également depuis longtemps et font d’ores
et déjà l’objet de propositions de la part des
assureurs vis-à-vis de leurs assurés moyen-
nant de possibles baisses de primes. En
bref, le réseau est constitué de différents
decins, néralement des internistes ou/
et des généralistes, que les patients s’enga-
gent à voir pour la première fois avant
d’être éventuellement adressé à un spécia-
liste. Le médecin de premier recours, ap-
pelé également médecin de confiance ou
médecin de famille, joue donc le le de
trieur et est ainsi censé éviter une surcon-
sommation dicale, en particulier de s-
cialistes, décidée par le patient qui n’a pas
nécessairement les connaissances de base
pour le faire.
Ce type de réseau estnéralement géré
par les assureurs, à quelques exceptions
près, qui assignent aux médecins concer-
nés un budget global à respecter durant
l’année en cours. Le respect de tels budgets
n’est pas toujours aisé, et les
craintes émises par le corps
médical en général ont trait
au fait que le corset budgé-
taire ne peut que péjorer la
qualité des soins. L’exrien-
ce montre toutefois que si la gestion d’un
tel réseau est confiée paritairement aux
decins et aux assureurs, tel n’est pas le
cas.
Les économies réalisées, dont il faut sou-
ligner qu’elles peuvent tout de même at-
teindre 15% à 20%, le sont essentiellement
par une meilleure gestion du cas de chaque
patient et une meilleure utilisation des
prescriptions de médicaments. C’est pour
cela que les réseaux bien organisés tels que
ceux que l’on rencontre à Genève (Delta ou
Remed) imposent aux médecins, en com-
pagnie d’ailleurs des pharmaciens, de par-
ticiper à des cercles de qualité et d’échan-
ger leurs expériences. Une autre obligation
est également d’assumer une formation
continue de qualité.
Ainsi, les HMO et les seaux actuels
présentent la caractéristique d’offrir à ceux
qui souhaitent y adhérer des économies sur
les primes payées à l’assureur et ont et
c’est certainement un désavantage pour
caractéristique d’être gérés par les assu-
reurs et eux seuls. Le principe appliqué
jusqu’à maintenant par les dispositions de
la LAMal vise donc la promotion des -
seaux et des HMO – avec un succès toute-
fois mitigé par des mesures financières
incitatives.
Le problème de ces systèmes alternatifs
qui est d’ailleurs rarement relevé ou discuté,
tient à l’application de certains principes
d’éthique. En effet, ces systèmes sont es-
sentiellement prisés par une cagorie d’as-
surés plutôt jeunes et en bonne santé pour
qui des réductions de primes pouvant aller
jusqu’à 20% représentent un avantage cer-
tain par rapport à la gestion des finances
d’un ménage, en particulier s’il s’agit d’un
couple avec deux ou trois enfants, les primes
mensuelles représentant dans ces cas des
montants nongligeables.
En adhérant à un réseau ou en s’affiliant
à un HMO, l’assuré jeune et en bonne san-
se prive en principe de la liberde choix
de son médecin, mais c’est un choix qu’il
s’impose et qu’il assume. Toutefois, et on
pourra le constater lorsqu’on aura suffi-
samment de recul en la matière, l’assuré
vieillissant qui commence à souffrir petit à
petit des pathologies liées à l’âge, aura à
un certain moment la tentation de sortir du
réseau, même en payant une prime sup-
plémentaire, et ce pour à nouveau bénéfi-
cier à nouveau d’un accès direct à un spé-
cialiste et pour retrouver la liberté de choix
de son praticien.
Ainsi, il aura économisé pendant dix,
quinze ou vingt ans des montants non né-
gligeables pour revenir ensuite dans un
système de médecine quasi libérale. Cela
représente à n’en pas douter un coup de
canif assez important dans le cadre de la
solidarité entre assurés. D’autre part, une
autre entorse à l’éthique réside dans le fait
que, pladevant des contingences écono-
miques difficiles à gérer, l’assuré n’opère
pas vraiment un choix libre et éclairé en
adhérant à un réseau ou en s’affiliant à un
HMO, mais y est contraint par une situa-
tion économique difficile, ce qui est haute-
ment contestable dans le cadre d’une assu-
rance sociale et solidaire.
Dans le projet soumis pour cette session
d’éau Conseil national, le réseau intégré
ne retient pas la solution de l’incitation
financière, mais plutôt celui de la pénalisa-
tion. En effet, les personnes qui adhérent à
un réseau continueront de verser leur parti-
cipation de 10% aux coûts engendrés tandis
que ceux qui choisiront de ne pas adhérer
à un réseau verront leur participation aux
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quelles nouveautés ?
les craintes émises par le corps médical en
néral ont trait au fait que le corset budgétaire
ne peut que jorer la quali des soins
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coûts doublée et se monter à 20%. Les dé-
nonciateurs de la «médecine à deux vites-
ses» auront beau jeu de dénoncer cette
situation et d’affirmer que l’on se trouve
effectivement dans le cadre d’une assu-
rance sociale qui permet aux plus nantis
d’avoir un libre accès à tous les médecins.
Mais ce constat doit être tempéré : en
effet, le recours à des assurances complé-
mentaires privées est déjà possible et consti-
tue à n’en pas douter un système à deux
vitesses qui existe et qui fonctionne par
ailleurs de manière satisfaisante. Le recours
à des assureurs complémentaires privés
reste d’ailleurs possible dans le cadre des
modifications prévues par la LAMal.
Cette nouvelle réforme de la LAMal n’au-
rait pas été complète si l’on n’avait pas
également proposé dans ce cadre une mo-
dification de la compensation des risques.
Celle-ci tiendra compte non seulement
comme à l’heure actuelle de l’âge et du sexe
de l’assuré mais également des séjours an-
térieurs en hôpital ou en EMS. Cet ajout est
important car il permettra d’éviter que
n’adhèrent au réseau les seuls malades chro-
niques et lourds qui auraient eu pour con-
séquence de faire des seaux des dispen-
saires coûteux et difficiles à gérer.
La réforme proposée devrait entrer en
vigueur en 2012, en même temps d’ailleurs
que les nouveaux modes de financement
des soins de longue durée. Elle revêt tout
de me une certaine audace en changeant
complètement le paradigme actuel. Mais
cette audace aurait pu disposer d’un souf-
fle et d’une fraîcheur supplémentaires si
elle avait été assortie d’une modification
proposant la centralisation des réserves. En
effet, ce problème demeure récurrent et il
serait temps que les chambres fédérales
l’empoignent et cident une fois pour tout
de fédéraliser les fonds de réserve et de ne
plus laisser les assureurs en disposer.
Nous ajouterons encore que dans le cadre
de la modification proposée, le système de
réseaux de soins intégrés ne pourra fonc-
tionner que si chaque réseau est évalué par
un organisme neutre hors assureurs et hors
médecins, mais avec leur collaboration.
Jean-Marc Guinchard
16, rue de Rive
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