Réseaux de soins intégrés : quelles nouveautés ?

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réflexion
Réseaux de soins intégrés :
quelles nouveautés ?
médecins, généralement des internistes ou/
et des généralistes, que les patients s’engagent à voir pour la première fois avant
d’être éventuellement adressé à un spécialiste. Le médecin de premier recours, appelé également médecin de confiance ou
médecin de famille, joue donc le rôle de
trieur et est ainsi censé éviter une surcon­
sommation médicale, en particulier de spé­
cialistes, décidée par le patient qui n’a pas
nécessairement les connaissances de base
pour le faire.
Ce type de réseau est généralement géré
par les assureurs, à quelques exceptions
près, qui assignent aux médecins concernés un budget global à respecter durant
l’année en cours. Le respect de tels budgets
n’est pas toujours aisé, et les
craintes émises par le corps
… les craintes émises par le corps médical en
médical en général ont trait
général ont trait au fait que le corset budgétaire au fait que le corset budgéne peut que péjorer la qualité des soins …
taire ne peut que péjorer la
qualité des soins. L’expérien­
sation) est un lieu physique dans lequel ce démontre toutefois que si la gestion d’un
travaillent selon une approche concertée tel réseau est confiée paritairement aux
plusieurs professions médicales et plusieurs mé­decins et aux assureurs, tel n’est pas le
professionnels de santé au profit de leurs cas.
Les économies réalisées, dont il faut soupatients. Ces centres HMO sont généralement gérés directement par les assureurs, ligner qu’elles peuvent tout de même atles professionnels qui y travaillent en sont teindre 15% à 20%, le sont essentiellement
la plupart du temps des salariés. Ce mo- par une meilleure gestion du cas de chaque
dèle n’a pas beaucoup convaincu en Suisse patient et une meilleure utilisation des
romande ; il est toutefois plus développé prescriptions de médicaments. C’est pour
en Suisse alémanique. A Genève, un tel cela que les réseaux bien organisés tels que
centre se situe à la rue de Lausanne et ap- ceux que l’on rencontre à Genève (Delta ou
Remed) imposent aux médecins, en compartient à l’assureur maladie Swica.
Les HMO représentent incontestablement pagnie d’ailleurs des pharmaciens, de parl’avantage de centraliser en un seul endroit ticiper à des cercles de qualité et d’échantoute une série de services sanitaires, mais ger leurs expériences. Une autre obligation
représente un handicap important dans la est également d’assumer une formation
mesure où les patients doivent se déplacer continue de qualité.
Ainsi, les HMO et les réseaux actuels
en un lieu donné et n’ont pas évidemment
le choix du médecin à qui ils souhaitent présentent la caractéristique d’offrir à ceux
confier leur destinée. L’inscription dans un qui souhaitent y adhérer des économies sur
HMO représente en outre une économie les primes payées à l’assureur et ont – et
potentielle pour l’assuré qui se voit bénéfi- c’est certainement un désavantage – pour
caractéristique d’être gérés par les assucier d’une réduction de primes.
Les réseaux, quant à eux, sont connus reurs et eux seuls. Le principe appliqué
également depuis longtemps et font d’ores jusqu’à maintenant par les dispositions de
et déjà l’objet de propositions de la part des la LAMal vise donc la promotion des réassureurs vis-à-vis de leurs assurés moyen- seaux et des HMO – avec un succès toutenant de possibles baisses de primes. En fois mitigé – par des mesures financières
bref, le réseau est constitué de différents incitatives.
Lors de la session d’été, le Conseil national
va consacrer une partie de ses travaux à la
révision de la LAMal (une de plus…) portant en particulier sur la notion des réseaux
de soins intégrés.
A la lecture des propositions qui seront
faites au Conseil national, et qui ont été
avalisées en grande partie par la Commission santé et sécurité sociale dudit Conseil,
on peut se demander quelles réelles nouveautés sont apportées au système actuel.
En effet, la LAMal consacre déjà, et ce depuis 1996, la possibilité, offerte aux assureurs et aux professionnels de santé ainsi
qu’aux professions médicales, de travailler
en réseau ou en HMO. On rappellera ici
que le HMO (Health Maintenance Organi-
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Le problème de ces systèmes alternatifs
qui est d’ailleurs rarement relevé ou discuté,
tient à l’application de certains principes
d’éthique. En effet, ces systèmes sont essentiellement prisés par une catégorie d’as­
surés plutôt jeunes et en bonne santé pour
qui des réductions de primes pouvant aller
jusqu’à 20% représentent un avantage certain par rapport à la gestion des finances
d’un ménage, en particulier s’il s’agit d’un
couple avec deux ou trois enfants, les primes
mensuelles représentant dans ces cas des
montants non négligeables.
En adhérant à un réseau ou en s’affiliant
à un HMO, l’assuré jeune et en bonne santé se prive en principe de la liberté de choix
de son médecin, mais c’est un choix qu’il
s’impose et qu’il assume. Toutefois, et on
pourra le constater lorsqu’on aura suffisamment de recul en la matière, l’assuré
vieillissant qui commence à souffrir petit à
petit des pathologies liées à l’âge, aura à
un certain moment la tentation de sortir du
réseau, même en payant une prime supplémentaire, et ce pour à nouveau bénéficier à nouveau d’un accès direct à un spécialiste et pour retrouver la liberté de choix
de son praticien.
Ainsi, il aura économisé pendant dix,
quinze ou vingt ans des montants non négligeables pour revenir ensuite dans un
système de médecine quasi libérale. Cela
représente à n’en pas douter un coup de
canif assez important dans le cadre de la
solidarité entre assurés. D’autre part, une
autre entorse à l’éthique réside dans le fait
que, placé devant des contingences économiques difficiles à gérer, l’assuré n’opère
pas vraiment un choix libre et éclairé en
adhérant à un réseau ou en s’affiliant à un
HMO, mais y est contraint par une situation économique difficile, ce qui est hautement contestable dans le cadre d’une assurance sociale et solidaire.
Dans le projet soumis pour cette session
d’été au Conseil national, le réseau intégré
ne retient pas la solution de l’incitation
­financière, mais plutôt celui de la pénalisation. En effet, les personnes qui adhérent à
un réseau continueront de verser leur parti­
cipation de 10% aux coûts engendrés tandis
que ceux qui choisiront de ne pas adhérer
à un réseau verront leur participation aux
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coûts doublée et se monter à 20%. Les dénonciateurs de la «médecine à deux vites­
ses» auront beau jeu de dénoncer cette
­situation et d’affirmer que l’on se trouve
effectivement dans le cadre d’une assurance sociale qui permet aux plus nantis
d’avoir un libre accès à tous les médecins.
Mais ce constat doit être tempéré : en
­effet, le recours à des assurances complémentaires privées est déjà possible et constitue à n’en pas douter un système à deux
vitesses qui existe et qui fonctionne par
ailleurs de manière satisfaisante. Le recours
à des assureurs complémentaires privés
reste d’ailleurs possible dans le cadre des
modifications prévues par la LAMal.
Cette nouvelle réforme de la LAMal n’aurait pas été complète si l’on n’avait pas
également proposé dans ce cadre une mo-
dification de la compensation des risques.
Celle-ci tiendra compte non seulement
comme à l’heure actuelle de l’âge et du sexe
de l’assuré mais également des séjours antérieurs en hôpital ou en EMS. Cet ajout est
important car il permettra d’éviter que
n’adhèrent au réseau les seuls malades chro­
niques et lourds qui auraient eu pour con­
séquence de faire des réseaux des dispensaires coûteux et difficiles à gérer.
La réforme proposée devrait entrer en
vigueur en 2012, en même temps d’ailleurs
que les nouveaux modes de financement
des soins de longue durée. Elle revêt tout
de même une certaine audace en changeant
complètement le paradigme actuel. Mais
cette audace aurait pu disposer d’un souf­
fle et d’une fraîcheur supplémentaires si
elle avait été assortie d’une modification
proposant la centralisation des réserves. En
effet, ce problème demeure récurrent et il
serait temps que les chambres fédérales
l’empoignent et décident une fois pour tout
de fédéraliser les fonds de réserve et de ne
plus laisser les assureurs en disposer.
Nous ajouterons encore que dans le cadre
de la modification proposée, le système de
réseaux de soins intégrés ne pourra fonctionner que si chaque réseau est évalué par
un organisme neutre hors assureurs et hors
médecins, mais avec leur collaboration.
Jean-Marc Guinchard
16, rue de Rive
1204 Genève
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