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Le système de santé français est un système administré où l’autorité de tutelle est notamment compétente en matière de
fixation des tarifs. Aussi, la détermination du prix ne résulte pas de la rencontre d’une offre et d’une demande
médicales. C’est pourquoi même si on évoque souvent le “prix de la consultation”, il ne peut s’agir d’un prix au sens de
la théorie économique. Pourtant, en 1980, une réforme a été entreprise introduisant une relative liberté tarifaire pour la
médecine libérale. Cette réforme offre l’alternative suivante à chaque médecin :
· continuer à percevoir le “prix conventionné”, fixé par l’autorité de tutelle et entièrement remboursé au patient
(aujourd’hui 115 francs par consultation pour un généraliste) ; les médecins appartiennent alors au secteur 1,
· tarifer au-dessus du “prix conventionné”, c’est-à-dire percevoir un dépassement d’honoraire non remboursé au
patient par la Sécurité Sociale ; les praticiens sont membres du secteur 2, ou secteur à honoraires libres.
L'intérêt de cette réforme pour les pouvoirs publics est de satisfaire les revendications de revenu des médecins libéraux
sans alourdir le déficit de la Sécurité Sociale. Chaque année, durant la période 1985 à 1989, 20 % des médecins ont
rejoint le secteur 2. En 1990, cette liberté tarifaire est amendée par une nouvelle convention médicale. Les médecins qui
sont déjà en secteur 2 peuvent y demeurer mais, mis à part les chefs de clinique, aucun nouveau praticien ne peut
désormais opter pour ce système. En d’autres termes, l’attrait du secteur 2 aux yeux des médecins était tel que la
puissance publique s’est crue obligée de le réglementer en gelant le “secteur à honoraires libres”. La part des médecins
en honoraires libres est évaluée aujourd'hui à 25 % sur l'ensemble du territoire national, dont 20 % de généralistes et 33
% de spécialistes. Coexistent donc aujourd’hui deux secteurs dont l’un (le secteur 2) institue une liberté des prix.
A l’exception des prothèses dentaires et de certains produits pharmaceutiques non remboursables, la pratique des
honoraires libres constitue, dans le champ de la santé, le seul domaine où il est a priori possible de raisonner en termes
de prix de marché. Cela ne peut qu’éveiller la curiosité d’un économiste qui doit, dès lors, se demander comment les
médecins, qui bénéficient de la liberté tarifaire, en usent. Autrement dit, le “prix de la consultation” est-il devenu un
prix (résultant de la confrontation entre une offre et une demande) ? Les analyses du secteur 2, dont nous rendons
compte dans une première partie, révèlent que la pratique des honoraires libres en médecine ambulatoire pose questions
à la théorie économique. Pour y répondre, on peut faire appel aux approches qui font du prix une règle (une règle
tarifaire pour le problème qui nous occupe). Ces approches ont en commun de proposer une économie du consensus ou
de l'accord. La règle permet, en effet, d'assurer la coordination entre individus aux objectifs divergeants. Elle résout un
problème de coordination.
Ainsi en est-il des théories qui abordent le prix sous l'angle d'un signal de qualité. Ces dernières prédisent que la liberté
tarifaire donnée aux médecins va être utilisée par eux pour signaler la qualité particulière de leur prestation. Le prix peut