Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant
Kit Pédagogique Sciences de la Terre 29
4. Une dynamique de mise en place variée
Alors que l'aspect microscopique des roches volcaniques dépend surtout de leurs
compositions chimiques et minéralogiques, leur aspect macroscopique dépend
principalement de leurs mécanismes de mise en place. Le mode de mise en place est
tributaire de paramètres intrinsèques du magma (composition, viscosité*, teneur en
gaz, température…) mais il est aussi contrôlé par des facteurs externes comme la
morphologie du volcan, la pente, la présence d'un aquifère sur le trajet du magma, etc.
Ainsi, au cours de son histoire, le volcan bouclier de La Réunion a été le siège d'une
grande variété de dynamismes volcaniques (intrusifs, effusifs*, explosifs*) mettant en
place des produits d'aspects très divers et qui ont été parfois remobilisés par les
processus gravitaires associés ou non à ceux de l'eau (lahars, avalanches de
débris*...).
Les produits volcaniques peuvent ainsi être classés en deux grands groupes : laves et
intrusions* d'une part, et volcanoclastites d'autre part. Les premiers sont souvent
massifs et les seconds ont un aspect bréchique.
Les dépôts volcanoclastiques* peuvent être primaires (liés à des explosions
volcaniques) ou secondaires, c'est-à-dire remaniés par des processus gravitaires
assistés ou non par de l'eau.
Ce chapitre a pour objectif d'explorer les produits issus d'un ensemble de dynamismes
volcaniques bien préservés à La Réunion. Les différents dynamismes sont présentés
en partant des roches d'origine intrusive, effusive puis explosive. Dans un deuxième
temps les dépôts d'origine secondaire associés aux remobilisations gravitaires sont
traités.
La Réunion, un volcan bouclier
Un volcan comme celui de La Réunion est bien différent des petits édifices de la
Chaîne des Puys dans le Massif Central. Alors que ceux-ci sont le résultat d'une
éruption souvent unique et qu'ils se sont mis en place au cours d'éruptions courtes
(quelques jours à quelques mois), les volcans tels que celui de La Réunion sont le
résultat d'une histoire longue et complexe pendant laquelle se produisent de
nombreuses éruptions souvent très différentes dans leurs dynamismes et leurs durées.
Les premiers sont qualifiés de monogéniques* et les volcans complexes de
polygéniques*.
C'est le mode de mise en place des magmas, lui-même essentiellement dépendant de
leur viscosité, qui va contrôler la morphologie des futurs volcans. La viscosité des laves
est avant tout fonction de leur composition chimique : plus elles sont riches en silice,
plus elles sont visqueuses. La viscosité est aussi fortement contrôlée par la
température : elle diminue lorsque la température augmente. Les magmas siliceux sont
relativement « froids » (température de mise en place d'environ 800-900 °C à
comparer aux 1 100-1 200 °C des basaltes), ce qui a ccroît encore leur résistance à
Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant
30 Kit Pédagogique Sciences de la Terre
l'écoulement. L'« explosivité » d'un magma augmente avec sa viscosité et sa teneur en
gaz : un magma basaltique, chaud et « pauvre » en gaz donnera une éruption
« effusive », alors qu'un magma trachytique produira souvent des explosions violentes.
Les morphologies résultant de l'un ou de l'autre de ces processus seront bien sûr
radicalement différentes. Ainsi, les volcans polygéniques à laves basaltiques et donc
fluides auront tendance à former des « volcans boucliers* » (figure 27) à pente très
faible (tels que Hawaii ou La Réunion) alors que les édifices à lave visqueuse et riche
en gaz formeront des volcans aux formes plus proches de l'imaginaire des enfants tels
que le Fuji-Yama au Japon ou le Vésuve en Italie.
Le volcanisme actuel de La Réunion est de type effusif, c'est-à-dire qu'il émet
calmement et fréquemment (une à plusieurs éruptions annuelles en moyenne) des
laves basaltiques très fluides. Pour autant son histoire n'a pas toujours été un « long
fleuve tranquille ».
Un volcan bouclier est presque exclusivement constitué de coulées de laves
basaltiques très fluides, produites par des éruptions volcaniques effusives et
responsables d'une morphologie caractéristique en bouclier.
© BRGM - 2005
Figure 27 - La morphologie du massif du Piton des Neiges montre bien l’ancienne forme
en bouclier du volcan primitif qui a été érodé.
Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant
Kit Pédagogique Sciences de la Terre 31
4.1. PRODUITS INTRUSIFS
4.1.1. Dykes et sills
Avant d'arriver en surface, les magmas circulent dans des fissures qui, une fois
remplies, créent des filons subverticaux (dénommés dykes) qui sont les conduits
d'alimentation du volcanisme. C'est ainsi que le cœur du Piton des Neiges est recoupé
par un important réseau de dykes basaltiques, mugéaritiques, benmoréitiques et
trachytiques (figure 28) qui affleure remarquablement au cœur des cirques du Piton
des Neiges.
L’analyse spatiale de l’orientation des dykes montre qu’ils n'ont pas une direction
unique qui relierait le Piton des Neiges et la Fournaise mais qu'ils ont plusieurs
orientations préférentielles qui marquent l'existence de plusieurs zones d'injections,
c'est-à-dire plusieurs rifts-zones*.
Les filons basaltiques ont généralement une épaisseur faible comprise entre 50 cm et
1 m et présentent quelquefois une prismation perpendiculaire aux parois. Les filons
plus siliceux et donc plus visqueux ont tendance à être plus épais. C'est ainsi que les
filons trachytiques (figure 29) ont généralement des puissances plurimétriques à
décamétriques.
© BRGM - 2005
Figure 28 - Dykes dans la rivière
des Remparts.
© BRGM - 2005
Figure 29 - Sill de trachyte dans la rivière
des Fleurs Jaunes, cirque de Salazie.
Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant
32 Kit Pédagogique Sciences de la Terre
4.1.2. Chambres magmatiques
Lorsque les magmas cristallisent non plus en surface mais dans des réservoirs
magmatiques en profondeur, la vitesse de refroidissement et donc de cristallisation est
très ralentie. Cela permet à l'ensemble du magma de cristalliser et aux minéraux de
croître bien plus qu'en surface. Les roches résultantes ne sont plus à proprement
parler des roches volcaniques. Entièrement refroidis et cristallisés, ces magmas
donnent des roches grenues* appelées roches plutoniques. De telles roches affleurent
très localement au cœur de l'édifice volcanique. Elles ont la même composition
chimique que les laves, souvent les mêmes minéraux mais leur aspect macroscopique
diffère, ce ne sont plus alors des basaltes mais des gabbros*. Ainsi, dans le cirque de
Salazie affleure au fond de la rivière du Mât un bel ensemble de roches plutoniques.
Certaines d'entre elles montrent un litage* magmatique bien développé.
Ces roches peuvent être vues au niveau de la passerelle de l'îlet de la Mare
d'Affouches sur le sentier qui mène de l'îlet à Vidot vers Grand Sable et Grand Ilet
(figure 30). Là, affleure le toit d'un massif gabbroïque recoupé de nombreux dykes et
sills (figure 31).
© BRGM - 2005
Figure 30 - Passerelle de l’îlet de la Mare
d’Affouches, au dessus de la rivière du Mât,
cirque de Salazie.
© BRGM - 2005
Figure 31 - Affleurement de gabbros lités
dans la rivière du Mât.
Un examen du haut de la passerelle (la descente dans le lit de la rivière est
déconseillée car très dangereuse) montre que les gabbros sont finement stratifiés. Des
lits centimétriques plus ou moins clairs ou sombres font alterner des niveaux contenant
des proportions variables en minéraux. Les niveaux clairs sont enrichis en plagioclase,
Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant
Kit Pédagogique Sciences de la Terre 33
les niveaux sombres en pyroxène et olivine. Les roches qui forment les niveaux clairs
sont appelées anorthosite et gabbros leucocrates*, Les roches qui composent les
niveaux sombres prennent le nom de gabbros mélanocrates* voire ultrabasites lorsque
leur teneur en feldspath est très faible (figure 32).
Le processus à l'origine de cette différentiation est appelé cristallisation fractionnée*.
Ce processus fait intervenir les paramètres physiques et chimiques du magma
(températures, composition, viscosité…). De plus, la gravité provoque la formation de
lits plus ou moins riches en olivine, pyroxène et plagioclases, lors de la cristallisation
des réservoirs magmatiques dont la composition change légèrement de façon cyclique.
© BRGM - 2005
Figure 32 - Litage des gabbros avec une alternance de lits clairs (leucocrates)
et de lits sombres (mélanocrates).
Le massif de gabbros est intrusif dans des brèches volcaniques* basaltiques
hydrothermalisées* et il correspond à un témoin des grandes intrusions magmatiques
qui peuvent se faire à un niveau élevé de l'appareil volcanique. La taille de cette
intrusion n'est pas connue mais les affleurements* du fond de la rivière du Mât laissent
supposer qu'il avait des dimensions latérales supérieures à une centaine de mètres.
4.2. PRODUITS EFFUSIFS
4.2.1. Coulées
Lorsque la lave qui arrive en surface est suffisamment fluide - c'est le cas des laves
basaltiques - elle donne naissance à des coulées (figure 33) qui empreintent les creux
topographiques. ces derniers peuvent être d’anciens cours d’eau et c'est pourquoi il
n'est pas rare de trouver des dépôts alluviaux à leur base. Selon la pente, la viscosité
1 / 22 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !