Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant 4. Une dynamique de mise en place variée Alors que l'aspect microscopique des roches volcaniques dépend surtout de leurs compositions chimiques et minéralogiques, leur aspect macroscopique dépend principalement de leurs mécanismes de mise en place. Le mode de mise en place est tributaire de paramètres intrinsèques du magma (composition, viscosité*, teneur en gaz, température…) mais il est aussi contrôlé par des facteurs externes comme la morphologie du volcan, la pente, la présence d'un aquifère sur le trajet du magma, etc. Ainsi, au cours de son histoire, le volcan bouclier de La Réunion a été le siège d'une grande variété de dynamismes volcaniques (intrusifs, effusifs*, explosifs*) mettant en place des produits d'aspects très divers et qui ont été parfois remobilisés par les processus gravitaires associés ou non à ceux de l'eau (lahars, avalanches de débris*...). Les produits volcaniques peuvent ainsi être classés en deux grands groupes : laves et intrusions* d'une part, et volcanoclastites d'autre part. Les premiers sont souvent massifs et les seconds ont un aspect bréchique. Les dépôts volcanoclastiques* peuvent être primaires (liés à des explosions volcaniques) ou secondaires, c'est-à-dire remaniés par des processus gravitaires assistés ou non par de l'eau. Ce chapitre a pour objectif d'explorer les produits issus d'un ensemble de dynamismes volcaniques bien préservés à La Réunion. Les différents dynamismes sont présentés en partant des roches d'origine intrusive, effusive puis explosive. Dans un deuxième temps les dépôts d'origine secondaire associés aux remobilisations gravitaires sont traités. La Réunion, un volcan bouclier Un volcan comme celui de La Réunion est bien différent des petits édifices de la Chaîne des Puys dans le Massif Central. Alors que ceux-ci sont le résultat d'une éruption souvent unique et qu'ils se sont mis en place au cours d'éruptions courtes (quelques jours à quelques mois), les volcans tels que celui de La Réunion sont le résultat d'une histoire longue et complexe pendant laquelle se produisent de nombreuses éruptions souvent très différentes dans leurs dynamismes et leurs durées. Les premiers sont qualifiés de monogéniques* et les volcans complexes de polygéniques*. C'est le mode de mise en place des magmas, lui-même essentiellement dépendant de leur viscosité, qui va contrôler la morphologie des futurs volcans. La viscosité des laves est avant tout fonction de leur composition chimique : plus elles sont riches en silice, plus elles sont visqueuses. La viscosité est aussi fortement contrôlée par la température : elle diminue lorsque la température augmente. Les magmas siliceux sont relativement « froids » (température de mise en place d'environ 800-900 C ° à comparer aux 1 100-1 200 C ° des basaltes), ce qui a ccroît encore leur résistance à Kit Pédagogique Sciences de la Terre 29 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant l'écoulement. L'« explosivité » d'un magma augmente avec sa viscosité et sa teneur en gaz : un magma basaltique, chaud et « pauvre » en gaz donnera une éruption « effusive », alors qu'un magma trachytique produira souvent des explosions violentes. Les morphologies résultant de l'un ou de l'autre de ces processus seront bien sûr radicalement différentes. Ainsi, les volcans polygéniques à laves basaltiques et donc fluides auront tendance à former des « volcans boucliers* » (figure 27) à pente très faible (tels que Hawaii ou La Réunion) alors que les édifices à lave visqueuse et riche en gaz formeront des volcans aux formes plus proches de l'imaginaire des enfants tels que le Fuji-Yama au Japon ou le Vésuve en Italie. Le volcanisme actuel de La Réunion est de type effusif, c'est-à-dire qu'il émet calmement et fréquemment (une à plusieurs éruptions annuelles en moyenne) des laves basaltiques très fluides. Pour autant son histoire n'a pas toujours été un « long fleuve tranquille ». Un volcan bouclier est presque exclusivement constitué de coulées de laves basaltiques très fluides, produites par des éruptions volcaniques effusives et responsables d'une morphologie caractéristique en bouclier. © BRGM - 2005 Figure 27 - La morphologie du massif du Piton des Neiges montre bien l’ancienne forme en bouclier du volcan primitif qui a été érodé. 30 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant 4.1. PRODUITS INTRUSIFS 4.1.1. Dykes et sills Avant d'arriver en surface, les magmas circulent dans des fissures qui, une fois remplies, créent des filons subverticaux (dénommés dykes) qui sont les conduits d'alimentation du volcanisme. C'est ainsi que le cœur du Piton des Neiges est recoupé par un important réseau de dykes basaltiques, mugéaritiques, benmoréitiques et trachytiques (figure 28) qui affleure remarquablement au cœur des cirques du Piton des Neiges. L’analyse spatiale de l’orientation des dykes montre qu’ils n'ont pas une direction unique qui relierait le Piton des Neiges et la Fournaise mais qu'ils ont plusieurs orientations préférentielles qui marquent l'existence de plusieurs zones d'injections, c'est-à-dire plusieurs rifts-zones*. Les filons basaltiques ont généralement une épaisseur faible comprise entre 50 cm et 1 m et présentent quelquefois une prismation perpendiculaire aux parois. Les filons plus siliceux et donc plus visqueux ont tendance à être plus épais. C'est ainsi que les filons trachytiques (figure 29) ont généralement des puissances plurimétriques à décamétriques. © BRGM - 2005 Figure 29 - Sill de trachyte dans la rivière des Fleurs Jaunes, cirque de Salazie. © BRGM - 2005 Figure 28 - Dykes dans la rivière des Remparts. Kit Pédagogique Sciences de la Terre 31 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant 4.1.2. Chambres magmatiques Lorsque les magmas cristallisent non plus en surface mais dans des réservoirs magmatiques en profondeur, la vitesse de refroidissement et donc de cristallisation est très ralentie. Cela permet à l'ensemble du magma de cristalliser et aux minéraux de croître bien plus qu'en surface. Les roches résultantes ne sont plus à proprement parler des roches volcaniques. Entièrement refroidis et cristallisés, ces magmas donnent des roches grenues* appelées roches plutoniques. De telles roches affleurent très localement au cœur de l'édifice volcanique. Elles ont la même composition chimique que les laves, souvent les mêmes minéraux mais leur aspect macroscopique diffère, ce ne sont plus alors des basaltes mais des gabbros*. Ainsi, dans le cirque de Salazie affleure au fond de la rivière du Mât un bel ensemble de roches plutoniques. Certaines d'entre elles montrent un litage* magmatique bien développé. Ces roches peuvent être vues au niveau de la passerelle de l'îlet de la Mare d'Affouches sur le sentier qui mène de l'îlet à Vidot vers Grand Sable et Grand Ilet (figure 30). Là, affleure le toit d'un massif gabbroïque recoupé de nombreux dykes et sills (figure 31). © BRGM - 2005 Figure 30 - Passerelle de l’îlet de la Mare d’Affouches, au dessus de la rivière du Mât, cirque de Salazie. © BRGM - 2005 Figure 31 - Affleurement de gabbros lités dans la rivière du Mât. Un examen du haut de la passerelle (la descente dans le lit de la rivière est déconseillée car très dangereuse) montre que les gabbros sont finement stratifiés. Des lits centimétriques plus ou moins clairs ou sombres font alterner des niveaux contenant des proportions variables en minéraux. Les niveaux clairs sont enrichis en plagioclase, 32 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant les niveaux sombres en pyroxène et olivine. Les roches qui forment les niveaux clairs sont appelées anorthosite et gabbros leucocrates*, Les roches qui composent les niveaux sombres prennent le nom de gabbros mélanocrates* voire ultrabasites lorsque leur teneur en feldspath est très faible (figure 32). Le processus à l'origine de cette différentiation est appelé cristallisation fractionnée*. Ce processus fait intervenir les paramètres physiques et chimiques du magma (températures, composition, viscosité…). De plus, la gravité provoque la formation de lits plus ou moins riches en olivine, pyroxène et plagioclases, lors de la cristallisation des réservoirs magmatiques dont la composition change légèrement de façon cyclique. © BRGM - 2005 Figure 32 - Litage des gabbros avec une alternance de lits clairs (leucocrates) et de lits sombres (mélanocrates). Le massif de gabbros est intrusif dans des brèches volcaniques* basaltiques hydrothermalisées* et il correspond à un témoin des grandes intrusions magmatiques qui peuvent se faire à un niveau élevé de l'appareil volcanique. La taille de cette intrusion n'est pas connue mais les affleurements* du fond de la rivière du Mât laissent supposer qu'il avait des dimensions latérales supérieures à une centaine de mètres. 4.2. PRODUITS EFFUSIFS 4.2.1. Coulées Lorsque la lave qui arrive en surface est suffisamment fluide - c'est le cas des laves basaltiques - elle donne naissance à des coulées (figure 33) qui empreintent les creux topographiques. ces derniers peuvent être d’anciens cours d’eau et c'est pourquoi il n'est pas rare de trouver des dépôts alluviaux à leur base. Selon la pente, la viscosité Kit Pédagogique Sciences de la Terre 33 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant des laves et le volume de celles-ci, les coulées sont plus ou moins épaisses et longues. Les coulées épaisses qui se refroidissent plus lentement développent parfois des structures en prismes appelées orgues basaltiques* (figure 34) que l'on peut admirer en plusieurs endroits de l’île. La base et le toit des coulées en gratons* (figures 35 et 37) sont généralement constitués de fragments scoriacés de même nature que la lave créée pendant le déplacement de la coulée en cours de refroidissement. © IPGP - 1998 Figure 33 - Coulée de l’éruption de 1998 dans la caldeira* de l’Enclos. © M. Kerneis - 2005 Figure 34 - Orgues basaltiques à la Pointe de la Table à Saint-Philippe ; ces prismes correspondent à des figures de refroidissement de la coulée de 1776. Les coulées basaltiques présentent deux aspects : Les laves aa (en « gratons ») à la surface meuble constituée d’éléments mats, épineux et de taille variable. © BRGM - 2004 Figure 35 - Morphologie de type aa ou « gratons » à la surface de la coulée 2002 dans le Grand Brûlé. 34 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant Les laves pahoehoe (cordées, en boudins, en plaques) dont la surface forme une croûte brillante plus ou moins déformée et parfois morcelée. Sous cette surface, la lave peut s'écouler dans des tunnels (figure 36). © P. Mairine - 2005 Figure 36 - Morphologie de type pahoehoe ou en cordes à la surface de la coulée 2004. © BRGM - 2005, modifié d’après P. Lavina Figure 37 - Coupe d’une coulée en gratons. Kit Pédagogique Sciences de la Terre 35 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant C’est la viscosité des laves qui est responsable de leur aspect, les coulées aa étant plus visqueuses que les pahoehoe. Elles peuvent donc être trouvées comme parties du même écoulement de lave, sans différence significative de composition chimique (figure 38). © P. Mairine - 2004 Figure 38 – Laves en gratons et cordées se côtoient sur la coulée d’août 2004. 4.2.1. Centres d'émission L'origine des coulées est à rechercher dans les centres d'émission. L'examen des dynamismes actuellement actifs au Piton de la Fournaise et ceux préservés dans l'enregistrement géologique montre que les éruptions sont principalement effusives (figure 39). Quelquefois, les éruptions construisent un important cône de scories* (Plaine des Cafres et Plaine des Palmistes) mais même dans ces cas-là, le volume de lave émis domine largement le volume de projections accumulées dans les cônes. 36 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant © BRGM - 2005, modifié d’après P. Mairine Figure 39 - Schéma décrivant une éruption volcanique de type effusif. 4.3. LES PRODUITS VOLCANOCLASTIQUES On pourrait penser que le volcan de La Réunion n'est qu'un empilement de coulées de laves. Il n'en est rien. Les formations volcaniques de La Réunion sont aussi représentées par des dépôts volcanoclastiques* qui sont localement majoritaires, au cap de La Houssaye par exemple (figure 40). © M. Kerneis - 2005 Figure 40 - Panorama des dépôts d’avalanches de débris au Cap La Houssaye. Kit Pédagogique Sciences de la Terre 37 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant Les dépôts volcanoclastiques Le terme « dépôt volcanoclastique » recouvre l’ensemble des dépôts « bréchiques » de nature volcanique, indépendamment de leur origine. Ce sont des produits clastiques constitués exclusivement ou en partie de particules d'origine volcanique et dont le mode de fragmentation est généralement lié à l'activité volcanique. La genèse de ces matériaux accompagne généralement l'activité volcanique, mais ce sont aussi des phénomènes liés à la dynamique externe qui contrôlent leur dépôt. Ainsi, les particules volcanoclastiques sont libérées par n'importe quel mode de fragmentation, sont transportées par n'importe quel mécanisme, se déposent dans tous les types d'environnement et peuvent être mélangées en toute proportion avec des particules volcanoclastiques d'origine différente ou avec des éléments non volcaniques. La reconnaissance des mécanismes volcanoclastiques dépend en grande partie de la détermination des modes de fragmentation qui ont donné naissance aux particules volcanoclastiques. Ils sont déterminés par une analyse morphologique des particules. Il existe cinq catégories principales de particules volcanoclastiques : des pyroclastes, des hydroclastes, des autoclastes, des alloclastes et des épiclastes. Les pyroclastes se forment par fragmentation d’un magma lorsque les gaz sont libérés par décompression et éjectés d’un évent volcanique, soit dans l’atmosphère, soit dans l’eau. Les hydroclastes se forment par explosion hydromagmatique lors d’interactions entre l’eau et le magma et par fragmentation des coulées subaquatiques (hydroclastites de progression). Les autoclastes se forment par friction mécanique lors de l’écoulement des laves et de la rupture des encaissants froids ou de l’écroulement des aiguilles et des dômes. Les alloclastes se forment par destruction de roches éruptives préexistantes par des processus volcaniques. Les épiclastes, le préfixe –épi indique soit une position supérieure, soit l’acquisition d’un nouvel état qui s’est surimposé à un état antérieur. 4.3.1. Les dynamismes de mise en place des formations volcanoclastiques primaires et les dépôts associés La Réunion présente une grande diversité de mécanismes éruptifs à l'origine des dépôts pyroclastiques*. L'essentiel des faciès primaires est représenté par des dépôts d'origine strombolienne* qui construisent des cônes stromboliens, des spatter-cônes* et des spatter-remparts*. Un deuxième faciès est constitué d'accumulations de matériaux grossiers riches en cendres* volcaniques et plus ou moins soudés (ignimbrites de Salazie…). Les dépôts qui résultent de retombées pyroclastiques sont moins abondants et présentent des épaisseurs faibles car ces matériaux peuvent être facilement remaniés. Localement, des dépôts phréatomagmatiques sont observés. La genèse des dépôts volcanoclastiques primaires Les formations volcanoclastiques primaires - c'est-à-dire non remaniées - peuvent être subdivisées en deux grands groupes : d'une part les projections résultant du dégazage et de la fragmentation d'un magma lors de son ascension rapide, d'autre part celles 38 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant produites par fragmentation du magma au contact d'un réservoir d'eau lors de sa montée vers la surface (éruptions hydromagmatiques généralement désignées sous le terme de phréatomagmatiques). Pendant la remontée des magmas dans les conduits volcaniques, la baisse de pression est à l'origine d'une diminution de la solubilité des gaz. Lorsque la teneur en gaz est importante, la baisse de leur solubilité peut conduire à leur exsolution et à l'apparition de bulles de plus en plus nombreuses qui coalescent et finissent par éclater. L'éclatement de ces bulles conduit à une fragmentation du magma. En fonction de différents paramètres (viscosité, diamètre du conduit volcanique, nature et abondance des volatils*, volume de magma, flux) cette fragmentation du magma se traduit en surface par des explosions volcaniques plus ou moins violentes. 4.3.1.1. Dépôts et dynamismes stromboliens Les matériaux éjectés lors des éruptions stromboliennes* (figure 41) consistent surtout en cendres et lapilli* formant des niveaux lités. Les cendres contiennent parfois de nombreux minéraux automorphes (pyroxènes, olivines) et des phénocristaux, isolés au moment de la fragmentation de la lave sous l’effet du dégazage. Des fragments de lave, de toutes tailles, sont aussi projetés prenant des formes en bombes*, mêlées aux scories plus fines, ou en amas provenant de l’accumulation de lambeaux informes, tombés avant leur solidification et intimement soudés, au point de simuler de véritables coulées de laves scoriacées. Ces matériaux et ce dynamisme sont caractéristiques d’une activité strombolienne. Ils construisent des cônes de scories, des spatter-cônes et des spatter-remparts que l'on trouve en abondance dans l'Enclos, dans la plaine des Cafres (figure 42) et dans la plaine des Palmistes. © BRGM - 2004, modifié d’après De Goër de Hervé A. Figure 41 - Structure et fonctionnement d’un cône de scories type « strombolien ». Kit Pédagogique Sciences de la Terre 39 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant © BRGM - 2005 , modifié d’après P. Mairine Figure 42 - Photographie et dessin du panorama sur les cônes de la plaine des Cafres depuis la route forestière du Volcan. Des appareils mixtes, traduisant une activité strombolienne précédée ou suivie par une activité effusive, voire phréatomagmatique*, sont relativement fréquents. 4.3.1.2. Dynamismes associés à la mise en place des ignimbrites et des coulées cendro-ponceuses Les éruptions dites pliniennes* (figure 43) sont parmi les plus intenses et voient la formation d'une colonne éruptive de plusieurs kilomètres de haut dans laquelle les matériaux volcanoclastiques sont transportés de manière convective. Leur sédimentation se fait par différents mécanismes et trois types fondamentaux de dépôts sont couramment distingués : - des retombées pyroclastiques qui proviennent de la décantation en pluie des particules volcanoclastiques depuis la colonne éruptive sous l'effet de la gravité. Les dépôts ont souvent une large répartition dont la surface dépend de l'intensité de l'éruption, du volume de matériaux émis et des conditions atmosphériques. Ils drapent toute la topographie et sont bien stratifiés et classés ; - des écoulements pyroclastiques qui sont généralement générés par l'effondrement gravitaire de la colonne éruptive. Selon la teneur en gaz, ils sont plus ou moins denses 40 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant et classés en deux groupes principaux : les coulées de ponces riches en éléments très vésiculés de faible densité et les nuées ardentes constituées* d'éléments lithiques peu vésiculés. Les coulées de ponces se forment principalement par effondrement de la colonne éruptive devenue plus dense que l'atmosphère, alors que les nuées ardentes se forment aussi par effondrement de dômes, d'aiguilles ou de coulées de laves. Le dépôt s'effectue souvent en masse et conduit alors à des séquences mal classées dans lesquelles les matériaux grossiers flottent dans une matrice cendreuse plus fine. Au contraire des dépôts de retombées, les dépôts issus des écoulements pyroclastiques sont canalisés dans les vallées (exemple des coulées visibles en rive gauche de la rivière Saint-Etienne, le long de la route de l’Entre-Deux) ; © BRGM - 2004, modifié d’après De Goer de Hervé A. Figure 43 - Schéma d’une éruption de type « plinien ». - des déferlantes basales qui sont des écoulements très peu denses qui conduisent à la formation de litages obliques dans des dépôts très fins. Lorsque les dépôts sont épais et mis en place à haute température, ils sont souvent très indurés et prennent alors le nom d'ignimbrites. De telles roches affleurent largement sur la crête entre les cirques de Cilaos et de Mafate, dans la partie aval de la plaine des Marsouins, au pied du Piton d'Enchaing et à l'entrée du cirque de Salazie après le pont de l'Escalier sur la rivière du Mât. De ce dernier endroit et jusqu'à Salazie, la rivière est bordée d'escarpements prismés de plus de 100 m d'épaisseur rappelant la morphologie des orgues basaltiques. Ils affleurent particulièrement bien et peuvent être échantillonnés dans les éboulis aux abords de l'Ilet Morin et de Plateau Wickers (figure 44). Kit Pédagogique Sciences de la Terre 41 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant © BRGM - 2005 Figure 44 - Affleurement d’ignimbrites prismées à Plateau Wickers, cirque de Salazie. Cet affleurement montre un dépôt pyroclastique très compact dont l'examen détaillé révèle une organisation verticale avec des brèches basales (jusqu'à 100 m d'épaisseur) surmontées par des tufs* soudés (jusqu'à 50 m d'épaisseur) eux-mêmes surmontés par des tufs cendro-ponceux (moins d'un mètre d'épaisseur). Les brèches et les tufs renferment des fragments millimétriques à centimétriques de laves différenciées (mugéarites, benmoréites, trachytes), du verre volcanique (sous forme de fiammes*), de rares fragments de cumulats* gabbroïques et des phénocristaux de feldspaths* alcalins. Le tout est englobé dans une matrice cendreuse brun-vert. La composition du magma juvénile indique qu'il s'agit d'une mugéarite. La nature et la forme des dépôts indiquent qu'il s'agit du résultat de l'effondrement gravitaire d'une colonne pyroclastique dense de type nuée ardente*. La distribution des dépôts suggère que le lieu d'émission des ignimbrites était localisé dans la partie centrale de l'édifice volcanique. Le volume conservé est de quelques kilomètres cubes. La mise en place de cette ignimbrite* a été datée aux alentours de 188 000 ans et permet de reconstruire la paléomorphologie du Piton des Neiges autour de cet âge. Deux grands cirques coalescents (protocirques de Salazie et des Marsouins) occupaient alors le flanc oriental du Piton des Neiges. 4.3.1.3. Dépôts et dynamismes phréatomagmatiques Les dépôts issus de ce dynamisme ne sont pas très nombreux à La Réunion. Ce type d’éruption se produit lorsqu’un magma remontant vers la surface rencontre des eaux souterraines : (1) l’eau se vaporise sous l’effet de la chaleur du magma, (2) augmentant considérablement le degré d’explosivité de l’éruption, (3) ce qui a comme effet la fragmentation et la projection du magma juvénile et des roches encaissantes. Par ailleurs, le magma réagit chimiquement avec l'eau et il y a hydratation du verre volcanique avec 42 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant formation de hyaloclastites caractérisées par la présence de palagonite jaune, une famille particulière d’argiles. En bord de mer, au lieu-dit Le Plateau, entre Saint-Joseph et Vincendo, des falaises, de couleur jaune-orange correspondent à des hyaloclastites* qui doivent leur origine à un dynamisme éruptif particulier (figure 45). Ces hyaloclastites sont constituées de débris de magma vitrifié et de blocs de lave ancienne, arrachés aux terrains pré-existants lors d’une éruption explosive phréatomagmatique . © M. Kerneis - 2005 Figure 45 - Falaise de hyaloclastite du Cap Jaune au lieu-dit Le Plateau, entre Vincendo et Saint-Joseph. Kit Pédagogique Sciences de la Terre 43 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant © BRGM - 2004, modifié d’après De Goër de Hervé A. Figure 46 - Schéma d'une éruption phréatomagmatique. 4.3.2. Les dynamismes de mise en place des formations volcanoclastiques remaniées Les produits volcaniques primaires sont fragiles car souvent peu cohérents (structures en millefeuilles des coulées) et ils sont alors fréquemment remaniés par des processus secondaires. La gravité en est le moteur principal aidé en cela par l'eau. À La Réunion, trois mécanismes principaux participent à ce remaniement : les avalanches de débris, les coulées de débris et de boue (lahars) et les mouvements de terrain (glissements, éboulements, écroulements). 44 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant 4.3.2.1. Les avalanches de débris Les levers bathymétriques et acoustiques autour de l'île de La Réunion indiquent que les flancs du volcan sont constitués en partie par d'importantes accumulations de débris issus de gigantesques glissements (figure 47) (Lénat et al., 1990 ; Labazuy, 1996 ; Oehler, 2005) et pratiquement tous les échantillons récoltés par dragage sont les produits d'éruptions aériennes. © J-F. Oehler – 2005 Figure 47 - Localisation des avalanches de débris et surfaces à hummocks sous-marines sur la carte bathymétrique de La Réunion. Depuis leur mise en évidence en mer, des dépôts d'avalanches de débris ont été activement recherchés à terre et ont été reconnus au Cap La Houssaye (figure 48) (Bachèlery et al., 1996). Des dépôts présentant des caractéristiques typiques d'avalanches de débris (présence de mégablocs, injections de matrice, zones cataclasées, rotations de blocs…) ont été activement recherchés dans les différents cirques du Piton des Neiges. À ce jour, aucune formation de ce genre n'a été rencontrée avec certitude et tous les dépôts présentant l'une ou l'autre des caractéristiques de dépôts proximaux (Pente Carozin, Grand Ilet) pourraient tout aussi bien être interprétés en termes de glissement de Kit Pédagogique Sciences de la Terre 45 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant flancs des cirques, de coulées de débris… À l'évidence, se pose un problème d'échelle d'observation (faible continuité des affleurements par rapport au gigantisme probable des phénomènes…). Par ailleurs, rien ne dit que les dépôts aient été préservés au fond des cirques. © BRGM - 2004 Figure 48 - Faciès des dépôts d’avalanches de débris ou brèches de Saint-Gilles au Cap La Houssaye le long de la route nationale 1. Caractéristiques des avalanches de débris Les avalanches de débris volcaniques débutent généralement le long d’un plan très incliné, en retrait du sommet, qui s’enfonce profondément au cœur de l’édifice volcanique fréquemment altéré par des fluides hydrothermaux. Des explosions volcaniques, associées aux dépressurisations des intrusions volcaniques, peuvent ajouter de l’énergie cinétique et favoriser l’éclatement de la masse rocheuse (Mont Saint Helens, par exemple) (figure 49).Les avalanches de débris ont une origine gravitaire et se déclenchent le long d’un plan de glissement avant de se désagréger en fragments individuels de taille pluri-hectométrique à infra-millimétrique ; les fragments les plus fins constituant la matrice des plus gros. L’ensemble s’écoule comme un fluide et peut atteindre des vitesses de plus de 100 m/s. La première avalanche de débris* observée de visu et étudiée en détail fut celle du Mont Saint-Helens, le 18 mai 1980. Depuis lors, des dépôts d’avalanches de débris ont été décrits sur la quasi-totalité des édifices volcaniques, tant terrestres que sous-marins : Nevado del Ruiz (Colombie, 1595 et 1845), Bandaï-San (Japon, 1888), Unzen (Japon, 1792), Bezymianny en 1956 et Shiveluch en 1964 (Kamchatka, URSS), Ontake (Japon, 1984). 46 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant © BRGM - 2004 Figure 49 - Schéma de la formation des avalanches de débris du Mont Saint-Helens. Il s’agit d’un événement à probabilité faible à l’échelle de la vie humaine mais commun dans l’évolution des grands volcans. En fait, lorsque l’activité volcanique est soutenue et longue, les pentes de l’édifice volcanique augmentent par croissance externe (coulées de laves sur des dépôts pyroclastiques meubles) et interne (intrusions). Les édifices deviennent fragiles et se déstabilisent sous leur propre poids, soit à l’occasion d’une crise sismique ou d’une éruption volcanique, soit sans signe avant-coureur. Les chiffres suivants attestent du caractère gigantesque des avalanches de débris. Les volumes mis en jeu sont de l’ordre du km3 (jusqu’à 45 km3 pour celle du Mont Shasta dans le Nord de la Californie) ; les surfaces sont recouvertes quasi instantanément sur des centaines, voire des milliers de km² (70 km parcourus par une avalanche de débris* du Colima, au Mexique). Une des caractéristiques des avalanches de débris volcaniques est leur très grande mobilité par rapport aux autres mouvements de terrain non volcaniques, ce qui indique un coefficient de friction très faible. En particulier, des vitesses largement supérieures à 100 km/h ont été documentées. La forme caractéristique laissée par un effondrement de type avalanche de débris* est un amphithéâtre en forme de « fer à cheval » : la caldeira* d’avalanche. Un inventaire des caldeiras d’avalanche montre que celles-ci ont typiquement un diamètre de 1 à 3 km. Leur profondeur est généralement de plusieurs centaines de mètres. Les avalanches de débris génèrent des dépôts constitués de brèches non stratifiées, à éléments volcaniques anguleux à subanguleux très diversifiés et mal classés. Les éléments des avalanches de débris sont classiquement subdivisés en clastes* ou blocs, pour les éléments dont la taille est inférieure à 10 m, et en mégaclastes ou mégablocs, pour les éléments de taille supérieure à 10 m. Ces derniers sont des pièces cohérentes, plus ou Kit Pédagogique Sciences de la Terre 47 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant moins consolidées, ayant relativement bien conservé leur structure d’origine. Dans les parties très proximales des avalanches subsistent souvent des blocs de taille hectométrique, ayant glissé sur de faibles distances sans avoir subi de déformation. Les blocs et mégablocs sont généralement enrobés partiellement par une matrice argilo-sableuse regroupant l’ensemble des éléments de taille inférieure au millimètre. Ces faciès sont dénommés « faciès à blocs » lorsque la proportion de matrice n'excède pas 30 % et « faciès matrice » lorsqu'elle est plus abondante. La taille des blocs a tendance à diminuer vers l’aval et indique, soit un dépôt des gros blocs à l’amont, soit une fracturation et un démantèlement de ceux-ci au fur et à mesure de la progression de l’avalanche. Toutefois, les blocs de tailles les plus importants sont trouvés au niveau du premier tiers de l’avalanche et non dans les parties proximales. 4.3.2.2. Lahars (coulées de débris et coulées de boue) Les dépôts de lahars sont issus du remaniement de produits volcanoclastiques sur les versants et dans les talwegs à la suite de pluies violentes ou de ruptures de retenues d'eau. Lorsqu’ils présentent une grande extension verticale et entraînent des blocs plurimétriques, il n’est pas toujours évident de les distinguer des dépôts d’avalanches de débris. Ils se présentent généralement sous la forme de bancs stratifiés, la stratification étant très irrégulière, avec des contacts érosifs fréquents, des variations rapides (figure 50). La granulométrie des dépôts lahariques est très hétérogène et l’ensemble est souvent induré (figure 51). Localement de tels dépôts de lahars sont préservés mais l'essentiel part dans la mer. © BRGM – 2005 Figure 51 - Échantillon de lahar, cirque de Salazie. © BRGM - 2005 Figure 50 - Affleurement de lahar au lieu-dit Bois de Pomme, Salazie 48 Kit Pédagogique Sciences de la Terre Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant 4.3.2.3. Brèches et agglomérats de fond de cirques Les cirques de Salazie, de Cilaos et de Mafate montrent un gigantesque remplissage de brèches. Celles-ci sont décrites comme « matériau volcanique détritique » (carte 1/100 000 ; Bussières, 1965) ou encore comme des « éboulis : accumulations caillouteuses et terreuses sur les pentes et en pieds d'escarpement » et « ensemble d'épandage, coulées de solifluxion, lahars, tufs, éboulis et éluvions » (Carte 1/50 000 ; Billard, 1974). Ce remplissage n'est pas qu'un simple nappage des fonds de cirque. Il s'agit d'accumulations de plusieurs centaines de mètres d'épaisseur. Les variations de faciès y sont à la mesure de la taille des dépôts : des brèches consolidées côtoient des brèches meubles ; des brèches montrent plusieurs phases de bréchifications. Enfin, les causes de formation de ces brèches sont multiples : brèches d'origine volcanique, brèches d'effondrement, de glissement, d'épandage, d'éboulis, de coulées de débris, d'alluvions. 4.4. ALTÉRATIONS HYDROTHERMALES Les circulations hydrothermales sont le résultat de la percolation d'eau météorique et marine dans le cœur perméable et chaud de l'édifice volcanique. Le réchauffement de cette eau et la baisse de densité qui accompagne ce changement de température peut générer des systèmes hydrothermaux dits convectifs. Dans ces systèmes, de l'eau froide pénètre dans l'édifice volcanique chaud et perméable, l'eau se réchauffe, sa densité baisse et elle a donc tendance à remonter à la surface en étant remplacée par de l'eau froide, et ainsi de suite. Lors de sa circulation, l'eau refroidit son encaissant mais génère aussi des transformations minéralogiques qui se traduisent par la cristallisation de zéolites et de phyllosilicates (argiles, par exemple). Ainsi, les fractures et les pores sont peu à peu obstrués, ce qui limite les circulations d'eau jusqu'à la fermeture complète du système hydrothermal. C’est ainsi que dans les rivières et ravines des trois cirques du massif du Piton des Neiges, les vacuoles* et les fractures de ces laves sont tapissées de cristaux ou d’associations de cristaux translucides ou opalescents (figures 52 et 53) ; ce sont essentiellement des zéolites* (aluminosilicates hydratés). Celles-ci sont largement représentées à La Réunion. Dix-huit espèces minérales différentes ont été inventoriées. De manière générale, leur détermination précise est difficile à l’œil nu. Cependant, la diffractométrie aux rayons X, l’utilisation d’outils d’observation et d’analyse performants, comme le microscope électronique à balayage, permet de les différencier (figures 54 et 55). Kit Pédagogique Sciences de la Terre 49 Connaissance géologique de La Réunion - Livret de l'enseignant © BRGM – 2005 Figure 52 - Zéolites tapissant des vacuoles, échantillon prélevé dans la rivière des Fleurs Jaunes, cirque de Salazie. © BRGM - 2005 Figure 53 - Vue macroscopique des vacuoles tapissées de zéolites. © Thèse de J.P Rançon - 1980 Figure 54 - Faces losangiques des cristaux de philipsite vus au microscope électronique à balayage (MEB). 50 Figure 55 - Gerbes lamellaires de thomsonite et aiguilles de natrolite vus au MEB. Kit Pédagogique Sciences de la Terre