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15e festival international de géographie Saint-Dié-des-Vosges
30 septembre au 3 octobre 2004
« Nourrir les hommes, nourrir le monde. Les géographes se mettent à table. »
Vendredi 1er octobre 2004, 12h – 13h
LES RÉGIMES ALIMENTAIRES EN INDE, FACTEURS MATÉRIELS ET SPIRITUELS
par François Durand-Dastès, géographe, Université de Paris VII.
Dans son introduction générale, le conférencier insiste sur 3 idées essentielles :
• La rareté des travaux ayant pour objet d’étude les repas et les habitudes culturelles
en Inde.
• Le grand changement récent est la diminution de la sous-alimentation même si elle
concerne encore quelques centaines de millions d’Indiens.
• Le succès de la « Révolution Verte » est l’une des réussites majeures de la seconde
moitié du XXe siècle.
A. UNE ALIMENTATION TRÈS LARGEMENT VÉGÉTARIENNE.
Le type de repas est caractérisé par une inégalité de pureté rituelle attachée à la
préparation et à la nature des aliments que l’on consomme. M. Durand-Dastès insiste sur
l’aspect très épicé (au sens « brûlant ») des plats indiens.
Il y a des cuisines indiennes mais elles se caractérisent souvent par la domination
des végétaux. Sur une ration quotidienne moyenne de 2459 calories par jour en 2002, les
céréales représentent 59.4 % des calories, les sucres 10.2%, les huiles 10.5%, les pois et
légumes secs 4.8%... Le conférencier insiste sur la faiblesse des aliments d’origine animale
comme la viande 0.9 %, les poissons 0.4% et les œufs 0.2% des calories consommées.
L’hindouisme est souvent donné comme cause de ce végétarianisme mais il ne faut
pas oublier que l’Inde compte 16 % de musulmans (soit près de 150 millions de personnes).
L’interdiction de consommer de la chair est ancienne : cf. Mahabarata vers 800 avant
JC., les Védas plus anciens encore.
Il y a eu des époques de sacrifices de buffles et de bœufs à l’époque védique. Mais la
proscription s’est accrue à partir du IVe siècle avant JC, au moment de la naissance du
Bouddhisme et surtout du Jaïnisme avec le vœu de ne pas faire de violence à la moindre
créature. La loi la plus stricte est celle des Jains qui ont trouvé que les céréales « souffrent »
moins si la graine tombe d’elle-même, s’interdisant la moindre cueillette.
La place de la vache est très particulière : tuer une vache en lactation est aussi grave
que tuer un brahmane. La vache est « la Terre qui fournit le lait aux hommes » et conseille
les rois.
L’appartenance à une caste (« Varna ») et à une sous – caste (« Jati ») provoque des
obligations (qui constituent le « Dharma ») du point de vue alimentaire également.
Les brahmanes doivent se maintenir « purs » (obligations les plus strictes de
l’Hindouisme les concernent directement) alors que les harijans ou dalits ou intouchables
doivent se livrer aux opérations les plus polluantes (celles liées aux poils, à la chair, la peau
ou le sang). La consommation de viande est totalement interdite aux brahmanes mais peut
être permise aux dalits, voire aux shudra (serviteurs) et kshatrias (guerriers) dans certaines
conditions. La consommation non-végétarienne n’est pas négligeable.
Les vaches ne peuvent pas être tuées car elles fournissent le lait, le fumier, l’urine qui
sert pour certains enduits et surtout le travail pour la charrue. Elles sont donc très
nombreuses. Une loi au Bengale permet l’abattage de vache de plus de 14 ans dans
certaines conditions. Cette loi est très difficile à mettre en œuvre à l’échelle fédérale, c’est
une des raisons qui aurait entraîné la chute du gouvernement du BJP – le parti
fondamentaliste hindouiste – au début 2004.
Mais il ne faut pas oublier qu’en Chine la part des céréales et de la viande dans
l’apport de calories est à peu près égale à celle de l’Inde sans que la Chine ne soit
hindouiste. L’alimentation végétale serait beaucoup plus efficace que l’alimentation carnée.
Le végétarianisme est donc dans ce genre de société paysanne la forme d’agriculture la plus
rentable.
B. LES CARACTÉRISTIQUES DU REPAS INDIEN.
Le repas est défini par le fait que l’on passe « de la main à la bouche » d’où
l’importante notion de « pollution » au sens de l’absence de pureté.
Il possède certaines caractéristiques :
• La main gauche ne doit pas être utilisée malgré l’absence de couverts car elle
sert à se nettoyer après être allé aux toilettes.
• « l’assiette » considérée comme la plus « pure » est composée de feuilles de
bananier jetée après usage.
• On mange accroupi ou assis en tailleur, près du sol.
La nourriture est classée de manière complexe :
• Nourriture « chaude » comme le riz blanc, le blé, les œufs, le sucre brun /
nourriture « froide » comme le riz cuit avant décorticage ou le lait caillé.
• Nourritures plus ou moins « nobles » : le bien (pouvoir de purification) est
représenté par le ghee (beurre clarifié) / mal (aliments apportant une souillure)
représenté par les champignons, l’ail, l’oignon et les viandes.
Les conditions de préparation jouent également un rôle capital. Une femme qui a ses
règles est proscrite de la cuisine. La cuisine n’est jamais située près de la porte car une
personne de basse caste ou un occidental qui y entrerait la souillerait.
Les brahmanes (caste des prêtres) sont souvent cuisiniers. Cela offre la certitude que
la nourriture ne sera pas souillée. Au contraire, dans les restaurants en Inde, ceux qui
desservent les plats appartiennent aux basses castes car la nourriture et le plat ont été
souillés par le client. Une personne de caste supérieure ne peut pas faire ce travail.
Les Indiens sont très stricts sur la traçabilité pour des raisons religieuses : il y a
même des industries « d’œufs non fécondés » donc consommables par les hindouistes.
Enfin, les curry sont des sauces d’une infinie diversité. Les curry seraient originaires
du Sud de l’Inde (sans doute du Tamil Nadu). Pourquoi autant d’épices ? Ce seraient des
productions locales ou « proches » MAIS le piment qui est l’un des ingrédients principaux est
une plante d’origine américaine. Il est cultivé dans les zones les plus sèches où il est une
culture de rapport, par exemple en Orissa.
C. UNE DIVISION RÉGIONALE.
• Les régimes alimentaires diffèrent selon les régions et sont très liées à la carte des
productions du blé, du riz et des millets. Le blé est en croissance du point de vue des
surfaces. Désormais la production de blé serait supérieure à celle du riz.
•
Dans le Nord, l’influence musulmane est importante. Elle serait à l’origine du
TANDOORI (nom provenant du four « tandoor ») lié aux influences de l’Asie centrale
et de l’époque des envahisseurs moghols. Les peuples d’envahisseurs venus d’Asie
centrale auraient également imposé la culture du blé.
•
La consommation de volailles est liée à la présence de musulmans mais aussi aux
populations de basses castes.
Compte-rendu : Emmanuel Porché
Lycée Galilée
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