La santé mentale au Maroc : enquête nationale sur la prévalence

© L’Encéphale, Paris, 2008. Tous droits réservés.
L’Encéphale (2007) Supplément 4, S125-S126
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
en permettant d’éclairer une stratégie de lutte contre les
maladies mentales qui par ailleurs s’articule avec la mon-
tée en charge progressive de la couverture sociale souhai-
tée par le gouvernement.
Les objectifs de cette enquête épidémiologique étaient
de déterminer les prévalences des troubles mentaux et de
l’abus de substances ainsi que d’identi er des déterminants
socio-démographiques en population générale, sur la base
d’un échantillon national représentatif de près de 6 000 per-
sonnes âgées de 15 ans et plus (se rapportant à au moins
20 millions d’habitants sur les 30 que compte le pays).
L’instrument de dépistage standardisé, validé qui a été
retenu est le MINI (Mini International Neuropsychiatric
Interview), dont une traduction des 120 items a été validée
en arabe dialectal marocain (N. Kadri) permettant de cou-
vrir l’ensemble des provinces et territoires.
Il est à noter qu’un travail d’une telle ampleur est le
premier du genre dans un pays arabe, dans un pays musul-
man, et son exhaustivité (échantillon national) dépasse ce
qu’on connaît, y compris dans nombre de pays industriali-
sés.Les résultats se fondent sur un échantillon de 5 635 per-
sonnes de plus de quinze ans, réparti entre femmes et
hommes, et entre milieu urbain et rural. L’essentiel de
l’échantillon était représenté par la classe d’âge des 20 –
44 ans.
Le principal résultat (Tableau 1) objective que 48,9 %
des personnes enquêtées présentaient au moins un des
25 troubles mineurs ou majeurs investigués, avec une pré-
La santé mentale au Maroc :
enquête nationale sur la prévalence
des troubles mentaux et des toxicomanies
D. Moussaoui
Centre Psychiatrique Universitaire Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
Au début du siècle (2001, 2004), l’Organisation Mondiale de
la Santé (OMS) engageait tous les états du monde sur la
voie de l’investissement résolu dans le champ de la Santé
Mentale. Au-delà du seul bien-être physique, la part du
bien-être psychique intimement lié au bien être social pre-
nait là toute sa valeur dans la dé nition de la Santé de
l’organisme international. Partout dans le monde, pays du
sud, pays du nord, développés ou en développement,
étaient incités à prendre la mesure des enjeux futurs
concernant les maladies mentales. Les projections de la
Banque Mondiale relayées par l’OMS pour 2020, soit dans à
peine 12 ans, positionnent déjà la dépression, la plus fré-
quente des pathologies mentales, au deuxième rang mon-
dial des maladies les plus « lourdes » en santé publique et
au tout premier rang de toutes les pathologies chez la
femme.
L’OMS souhaitait aussi aider à mieux connaître ce pan
entier de l’état de bien-être de l’humanité en permettant
de lutter contre toutes les stigmatisations, discriminations,
et inégalités, malheureusement bien connues, que peuvent
engendrer les troubles mentaux dans toutes les sociétés.
C’est dans ce cadre, qu’un important travail collabora-
tif entre l’OMS et le ministère marocain de la Santé a per-
mis le 22 février 2007 de présenter les premiers résultats
d’une Enquête Épidémiologique Nationale sur la Prévalence
des Troubles Mentaux et les Toxicomanies au Maroc. Toute
la communauté psychiatrique marocaine s’accorde pour
dire que ce travail marquera de façon déterminante un
tournant dans l’histoire de la santé publique de notre pays,
* Auteur correspondant.
L’auteur n’a pas de con its d’intérêts.
4514_05_Mous saoui . i ndd 1254514_05_Moussaoui.indd 125 14/ 12/ 07 15: 12: 0214/12/07 15:12:02
> XPress 6 Noir
D. MoussaouiS126
valence plus grande chez la femme de ces troubles, ainsi
que dans la population plus jeune ayant peu ou pas d’ins-
truction et sans activité professionnelle stable. (http://
www.sante.gov.ma/Leministre/Communique/2007/evene-
ment/santementale.htm)
Sans réelle surprise, la dépression est le trouble le plus
fréquent avec 26,5 % de l’échantillon porteur d’un épisode
dépressif en cours, et 16,5 % semblaient exprimer des idées
suicidaires (intensité légère : 84,6 %, moyennes : 9 %, éle-
vée : 6,5 %).
La seconde pathologie était représentée par 9,3 % des
personnes enquêtées qui exprimaient un trouble anxiété
généralisée.
Quant ces chiffres ont été communiqués au grand
public, toutes les stigmatisations pointées par l’OMS sont
très vite remontées en particulier dans la presse. Le
Ministère et les psychiatres tentent toujours de bien accom-
pagner la communication résolue de tels chiffres.
Les comparaisons sont à cet égard toujours utiles. Une
récente enquête épidémiologique marocaine portant sur le
dépistage d’une seule maladie physique, a révélé que 33 %
des Marocains étaient porteurs d’une hypertension arté-
rielle, sans que cela ne pose aucun problème de nature
« stigmatisante ».
Quant il s’agit des comparaisons internationales les
chiffres présentés par le Maroc sont conformes à ceux
connus dans la littérature internationale (Tableau 2) la plu-
part ayant utilisé le même instrument diagnostique.
En n une précédente enquête avait portée sur un
échantillon représentatif de 800 personnes à Casablanca
(N. Kadri et coll. 2007, http://www.annals-general-psy-
chiatry.com/content/6/1/6) et avait déjà objectivé les
mêmes pourcentages concernant les troubles anxieux,
considérant ici que l’enquête présentée constitue pour
cette entité des troubles anxieux une réplication de ce qui
avait déjà été évalué et retrouvé dans les mêmes propor-
tions.
Ces résultats sont très préliminaires, et de nombreuses
analyses restent encore à faire dans le cadre ce travail ainsi
que sa publication princeps.
La politique de santé publique a trouvé la mesure des
enjeux en santé Mentale et les prévalences, si elles sont
peu ou prou conformes à ce que l’on connaît dans la litté-
rature, sont par contre à mettre en regard des moyens pour
relever les dé s. En 1970 le Maroc comptait 7 psychiatres,
il en compte aujourd’hui 350 avec les résidents en forma-
tion. Nous comptons à peine 50 psychologues cliniciens, et
même si les efforts sont notables il est devenu évident que
devant simplement une maladie comme la dépression,
c’est l’ensemble des forces sanitaires du pays, avec les
médecins généralistes en première ligne, sur lesquelles il
faudra compter pour aider et traiter les Marocains.
Les psychiatres devront donc s’impliquer fortement
dans la motivation et la formation de leurs confrères pour
les années à venir.
Texte retranscrit d’après la communication du Pr Driss Moussaoui
Tableau 2 Prévalences de l’occurrence d’au moins un
trouble mineur récurrent
Maroc 48,9 %
USA 46 % – 51 %
France 32 %
Nouakchott 33 %
Alger 59 %
Antananarivo 45 %
NB : Prévalences non comparables (différences méthodologiques et
de tranches d’âge, prévalences ponctuelles et sur la vie).
Tableau 1 Sujets présentant au moins un trouble de
santé mentale(MINI)
Non Oui Total Oui en %
Hommes 1 632 1 459 3 091 47,2 %
Femmes 939 1 468 2 407 61,0 %
Total 2 571 2 927 5 498 48,9 %
Enquête Santé Mentale - Ministère de la Santé Marocain, 2007.
4514_05_Mous saoui . i ndd 1264514_05_Moussaoui.indd 126 14/ 12/ 07 15: 12: 0714/12/07 15:12:07
> XPress 6 Noir
1 / 2 100%

La santé mentale au Maroc : enquête nationale sur la prévalence

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !