Estelle de Massia 1ère année, F.C. Février 2010 La vie artistique (1800 à 1870) entre néoclassicisme et romantisme Un coup d'œil d'ensemble sur la vie artistique du XIX° révèle avant tout sa complexité. Au rythme des événements politiques qui donnent à la France sept régimes politiques en un siècle, correspond tout un enchevêtrement de courants d'idées, de mouvements littéraires et artistiques, allant du néoclassicisme au romantisme, et du romantisme au réalisme vers la fin du siècle. Dans tous les domaines artistiques - littérature, peinture, sculpture, architecture, musique, mobilier - la France a montré une puissante vitalité. De 1800 à 1870, néoclassicisme, romantisme, et réalisme sont les principaux courants qui, tout en s'opposant par leur esthétique et leur vision de l'homme et du monde, vont en réalité s'entremêler, ce qui donne naissance à des mélanges féconds. Là où le néoclassicisme prône une beauté idéale, le rationalisme, la vertu, la ligne et le culte de l'Antiquité classique, le romantisme s'oppose et met en avant les passions, l'irrationnel, l'imaginaire, le désordre, l'exaltation, le culte du Moyen-Age et des mythologies orientales. Le néoclassicisme est à son apogée sous le Ier Empire, le romantisme triomphe sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, le réalisme s'installe sous le Second Empire. I – Le néoclassicisme : un retour à l'antique et une volonté de représenter l'histoire 1° Généralités Le néoclassicisme est un mouvement artistique qui s'est développé en peinture, sculpture, architecture et littérature dès 1750. A la fin du XVIII°, les fouilles de Pompéi et d'Herculanum remettent à la mode le goût de l'antique et donnent naissance à Rome au néoclassicisme. D'abord sensible en architecture, ce mouvement se répand en France entre 1750 et 1830 environ par l'intermédiaire des élèves et sculpteurs de l'Académie de France à Rome, imposant une esthétique et des « canons » de beauté aux artistes : l'équilibre, la clarté et la pureté des lignes, la platitude de la surface, la construction géométrique des corps. Contrairement au romantisme, le néoclassicisme recherche la perfection de la ligne. Il préconise un retour à la simplicité de l'antique après le baroque et les excès du rococo du siècle précédent. Cette expression nouvelle d'un style ancien rallia tous les arts au « grand goût ». Ce style fut accueilli favorablement par les différents régimes français du XIX° parce qu'il représentait de manière symbolique la démocratie de la Grèce antique et la république romaine. Sous Napoléon Ier notamment, la Rome impériale devînt un modèle, comme en architecture. Cependant ce style disparut avec l'émergence du romantisme. Le néoclassicisme se caractérise par la recherche de l'idéal et de l'excellence en art. L'artiste ne se contente pas seulement de reproduire des modèles, mais il synthétise le travail de ses prédécesseurs en y apportant sa touche personnelle, et ce pour atteindre l'excellence dans chacune de ses œuvres. Ce travail difficile suppose donc une grande connaissance de toutes les techniques de peinture et d'architecture, l'art de l'imitation parfaite, et le goût de la perfection. Le néoclassicisme refuse l'innovation, l'improvisation, ou encore l'inspiration libre qui caractérisent le romantisme ; il ne cherche pas à créer une œuvre d'art à partir de rien, mais plutôt la parafaite maîtrise d'un modèle antique. 2° La peinture néoclassique Les peintres néoclassiques brossent des toiles aux accents héroïques et dramatiques, préparant ainsi le terrain au romantisme. Leur priorité est la volonté de revenir à l'antique et de peindre l'histoire. Jacques-Louis David (1748-1825) ouvre un atelier de peinture à Paris et se lance dans de grandes compositions épiques, très rigoureusement construites. Il est l'auteur de puissantes et vastes compositions historiques, comme Le Serment des Horaces, dans lequel les personnages, empruntés à la statuaire grecque, semblent issus d'un bas-relief. David est aussi portraitiste, alliant à la spontanéité de son trait, la précision et l'élégance. Dans son atelier, viennent se former de futurs grands peintres néoclassiques, tels François Gérard (1770-1837), portraitiste officiel de Napoléon Ier puis de Louis XVIII, Antoine-Jean Gros (1771-1835) qui peindra Bonaparte au pont d'Arcole et la Bataille d'Eylau, et surtout Jean-Auguste Ingres (1780-1867) dont les œuvres conjuguent le classicisme, la sculpture antique et les arabesques sinueuses : Thétis implorant Jupiter et La Baigneuse. 3° Architecture et sculpture néoclassiques Succédant à l'architecture baroque et rococo, l'architecture néoclassique, héritière de l'architecture classique, puise son inspiration dans le style et les éléments architecturaux grécoromains. Pompeuse, elle utilise les colonnes, les frontons, les portiques, et prône les proportions harmonieuses. Les premiers édifices néoclassiques datent du règne de Louis XV avec le Palais de Compiègne, la Place de la Concorde et le Petit Trianon. C'est un retour aux formes antiques qui a recours aux formes grecques (ioniques, doriques, corinthiennes) et romaines (celles de l'Empire romain surtout). Au XIX°, l'architecture se met au service des régimes français : Napoléon veut faire de Paris la nouvelle Rome : les arcs de triomphe notamment sont un éloge à l'Empire et à la Grande Armée. A son ami Vivant-Denon, l'empereur dit : « Ce qui est grand est toujours beau, ce que je recherche avant tout c'est la grandeur ». Les nombreux bâtiments qu'il fit édifier, par Percier et Fontaine, rappellent tous l'Empire romain : - L'Arc de Triomphe du Carrousel : édifié en hommage à la Grande Armée de Napoléon Ier entre 1807 et 1809, ce monument illustre la victoire française d' Austerlitz, la campagne de 1805 et la capitulation d'Ulm en 1807. Dessiné par Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine, l'arc de triomphe fait explicitement référence aux arcs de triomphe de l'empire romain, notamment celui de Septime Sévère à Rome. La quadrige surmontant l'arc du Carrousel est une copie des Chevaux de Bronze de Constantin Ier, attelage qui orne le dessus de la porte principale de la basilique Saint-Marc de Venise. L'Arc de Triomphe de l'Etoile : le lendemain de la bataille d'Austerlitz, Napoléon déclarait à ses soldats : « Vous ne rentrerez dans vos foyers que sous des arcs de Triomphe ». Il ordonne la construction de l'Arc le 18 février 1806, désirant en faire le point de départ d'une avenue triomphale qui traverserait le Louvre. Les fondations durèrent deux ans, et la construction fut interrompue avec les défaites napoléoniennes de 1812 (Campagne de Russie) pour être finalement reprise et achevées sous Louis-Philippe entre 1832 et 1836. Les architectes désignés furent Héricart de Thury, LouisRobert Goust et Huyot. L'Arc de Triomphe fut inauguré le 29 juillet 1836. La Madeleine : est une parfaite illustration du style architectural néoclassique. Sa construction dura 85 ans, à cause des troubles politiques de l'époque. Les changements fréquents de régime firent modifier plusieurs fois les plans de La Madeleine : en effet, conçue à l'origine par Napoléon comme un temple à la gloire de la Grande Armée, le bâtiment faillit être transformé en 1837 en gare, avant de devenir une église en 1845. Les autres bâtiments du style néoclassiques sont la rue de Rivoli (Percier et Fontaine), la Colonne Vendôme, la ville de La Roche-sur-Yon, le Panthéon (Jacques-Germain Soufflot), Outre Percier et Fontaine, Claude Nicolas Ledoux et Etienne-Louis Boullée furent aussi deux grands représentants du néoclassicisme architectural français du XIX°. Ce style connaît un succès durable durant toute la première moitié du XIX°, tant pour les édifices publics que privés. Il se traduit également dans les arts décoratifs jusqu'en 1830. 4° Mobilier Le style Empire, hérité du style Directoire, dit néoclassique, se caractérise par une soumission absolue à l'art antique. Le mobilier Empire, imposé par Napoléon à toute l'Europe, propose toutefois une version plus simple, plus austère, plus authentique du style néoclassique prérévolutionnaire, jugé trop ostentatoire. Des ornements plus sobres, limités à des motifs néoclassiques en bronze signent ce style qui associe dès lors l'Empire napoléonien à la grandeur de l'Antiquité grecque et romaine. Le mobilier perd la douceur arrondie du siècle précédent, adopte des lignes droites à angles vifs, et veut exprimer le faste et la grandeur du régime impérial. L'influence néoclassique s'affiche dans les ornements en bronze doré omniprésents sur le mobilier Empire : flambeaux, candélabres, bras de lumière sont admirablement montés, ciselés et dorés. Tous les éléments décoratifs sont empruntés à l'art romain, à la mythologie, à l'art égyptien (Campagne d'Egypte de Bonaparte) comme : la Victoire ailée portant des couronnes, le sphinx égyptien, les cariatides pieds nus à tête de guerrier, les figurines de nymphes dansantes, les palmettes sur feuilles de lotus, d'inspiration égyptienne, l'aigle romain, les feuilles de chêne et de laurier, les lions ailés. Le règne de Napoléon fut donc une période faste pour le mobilier français : conscient de l'utilité de l'art comme forme de propagande, l'empereur mit en place un ambitieux programme pour l'art et la décoration, nommant Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine architectes et décorateurs officiels. Leur Recueil de décorations intérieures influença la plupart des ébénistes européens. Architectes de talent, formés à Rome au goût des antiquités classiques, ils sont aussi décorateurs et dessinateurs de meubles : ils vont dès lors imposer aux ébénistes un style à la mesure des ambitions de l'empereur. Paris redevint le centre de l'ébénisterie de qualité, et les conquêtes napoléoniennes permirent la diffusion de cet art jusqu'en Russie. L'empereur veilla à la création d'établissements chargés de produire du mobilier et des bronzes de haute qualité. Il commanda une suite de meubles pour le palais de Saint-Cloud, fit redécorer le château de Fontainebleau en 1804, puis Versailles, Rambouillet, Compiègne. Le château de Malmaison, acheté pour Joséphine en 1799 fut aussi redécoré par Percier et Fontaine, et meublé par les frères Jacob. Ce bâtiment, très représentatif du style Empire, est rempli des motifs associés à l'empereur : le N doré et entouré de laurier, le blason aux abeilles, l'aigle impériale. Dans la vie quotidienne, l'empereur préfère les meubles simples et pratiques : lorsqu'un modèle lui convient, il le fait copier en plusieurs exemplaires pour toutes ses résidences. Les meubles se caractérisent par des formes majestueuses, et équilibrées, ce à quoi l'acajou se prête à merveille. L'application sur ce bois foncé d'ornements en bronze doré lui donne encore plus d'éclat. Dans cet art de ciseleur-bronzier s'illustrent Pierre-Philippe Thomire et Martin-Guillaume Biennais, auteurs de splendides candélabres, flambeaux, et lustres. Les meubles les plus typiques du style Empire sont les secrétaires à abattant (flanqués de colonnes), les consoles avec leur plateau de marbre foncé (souvent soutenu par deux cariatides), les guéridons circulaires avec un piètement tripode, la psyché (grand miroir mobile pivotant sur un axe entre deux colonnes), le lit dit « bateau » en raison de sa forme en nacelle. Le style Empire est la dernière expression du néoclassicisme ; le style Restauration se contente de gommer toutes les ornementations et insignes trop impériaux ; délaissant la rigueur des lignes classiques, les courbes se manifestent dans le mobilier sous formes d'arabesques. Le règne de Charles X laisse apparaître un style néogothique avec des formes parfois extravagantes : c'est le style Troubadour qui allie des éléments de style gothique et de la Renaissance. Le style Louis-Philippe est d'une grande simplicité : avec la mécanisation de l'outillage, et la fabrication industrielle du mobilier, les Français recherchent des meubles utiles, confortables, fonctionnels, et très simples. Le style Napoléon III est le reflet d'une époque de décadence tant en architecture que dans le mobilier : c'est le règne du pastiche, des copies serviles, et des interprétations exagérées de tous les styles. La capacité d'invention s'est tarie. Les fabricants se contentent de recopier le modèles anciens, en donnant plus d'ampleur aux ornements. C'est l'éclosion de tous les styles néo-Louis XV, néo-Louis XVI, néo-gothiques, marqués par une surcharge de bronzes rocaille, d'ornements flamboyants, de marqueteries surchargées. II – Le romantisme : la victoire de la sensibilité sur la raison 1° Généralités Le romantisme est un mouvement culturel complexe, touchant à tous les domaines de l'art, qui se développe dans la première moitié du XIX°. En dépit des rivalités entre les nations à cette époque, ce mouvement, né en Allemagne, gagne toute l'Europe et devient aussi puissant que celui de la Renaissance ou des Lumières. Présent dans toutes les expressions artistiques, ce mouvement naît de la découverte du moi, et libère par là-même les passions, la sensibilité, et l'éternelle insatisfaction : en effet, après la Révolution, les façons de penser changent, l'individu prime et la sensibilité l'emporte peu à peu sur la raison. Porté par la légende napoléonienne et le retour à la nature, le goût du fantastique et du mystère s'affirme. Contrairement au classicisme qui s'adresse à la raison, le romantisme donne la première place à l'émotion, au sentiments, à la mélancolie, à l'individualisme exalté par le moi, à la recherche du scandale. Il cherche à s'évader du réel, à se dépayser en se tournant vers la culture du Moyen-Age et de l'Orient. La révolution de 1848 marque le point culminant du romantisme, avec un mélange entre religion et romantisme, une vogue de la « fraternité », une certaine confusion entre l'évangile et le socialisme. De plus, beaucoup d'écrivains romantiques sont engagés en politique, comme Lamartine, Lammenais, Béranger qui font partie des assemblées. 2° La Littérature romantique A l'origine, le romantisme est un courant littéraire, et l'on ne peut que constater l'étonnant foisonnement de ce mouvement qui domine la première moitié du XIX° siècle, même si c'est tout le siècle, qui, comme le montre la présence tenace du « mal de siècle » est plus ou moins romantique Le romantisme est d'abord une réaction, une révolution dans la manière de penser, de sentir, d'écrire, qui se manifeste par un rejet systématique du classicisme. Le maître-mot de ce courant est la liberté, c'est-à-dire le rejet des règles, et une volonté de mêler tous les genres. On fait la guerre au XVII° et on se met à honorer le Moyen-Age et la littérature étrangère anglaise, allemande, orientale. Préférant l'imagination et la sensibilité à la raison classique, le romantisme se manifeste par le lyrisme personnel, l'exaltation du moi, les inquiétudes quant aux passions, bref le « mal du siècle ». C'est aussi un mouvement de communion profonde et personnelle avec la nature et l'humanité. Le moi : l'individu prend de plus en plus conscience de son autonomie et de sa valeur propre : le romantisme est le mouvement typique de l'individualisme où le moi devient un absolu, et aspire sans cesse à dépasser les limites du monde réel. Mais l'aspiration est souvent déçue, ce qui est à l'origine du « mal du siècle » dont Chateaubriand présente l'image la plus populaire avec René (1802). La nature : l'écrivain romantique se plaît à évoquer les paysages tumultueux des montagnes, l'immensité des forêts sombres : pour lui, la nature est une image de l'infini, une sorte de double où l'homme se retrouve, se reconnaît : c'est la communion avec la nature. Le dépassement des limites : le romantisme entend franchir les limites de la raison bornée des philosophes : pour eux, le rêve est comme la patrie privilégiée de l'homme. La poésie devient personnelle et lyrique. La mélancolie : la plupart des écrivains témoignent d'une humeur sombre, d'une mélancolie noire qu'ils justifient par l'analyse de leur situation. Ce mal du siècle envahit tout leur être, entraînant une certaine torpeur, une lassitude, voire le dégoût de la vie. Cependant, le romantique aime son mal, il s'y complait, et le cultive par la réflexion. Ce mouvement a d'abord trouvé sa place dans les récits autobiographiques, et le roman personnel. En 1848, Chateaubriand publie ses Mémoires d'outre-tombe. Le roman autobiographique à la première personne marque ce début de siècle avec un goût prononcé pour la confession intime, un lyrisme et un narcissisme profonds, pour explorer le mal de vivre ce cette génération de romantiques : Chateaubriand : René 1802, Madame de Staël ; Corinne 1807, Benjamin Constant : Adolphe 1816, Musset : La Confession d'un enfant du siècle 1836. Dans le roman historique, les écrivains cultivent nostalgie et pittoresque, mêlant un souci de documentation et des faits imaginés à des personnages ou actions historiques. Balzac : Les Chouans 1829, Vigny : Cinq-Mars 1828, Hugo : Notre-Dame de Paris 1831, Dumas père : Les Trois Mousquetaires 1844, Féval : Le Bossu 1858. Mais le romantisme trouve rapidement dans la poésie lyrique la forme par excellence des thèmes romantiques que sont la fuite du temps, l'amour de la partie, l'inquiétude passionnelle ou religieuse (Lamartine Méditations poétiques, Vigny Les Destinées, Hugo Les feuilles d'automne, Musset Les Nuits) : la poésie devient l'expression de ce qu'il y a de plus intime dans l'âme et du même coup, dans l'univers qui n'est que l'expression de l'âme créative et divine que le poète sent en lui comme une force. Enfin, ce mouvement fait du drame romantique le cheval de bataille de son opposition à la tradition classique. Prenant Shakespeare comme modèle, les écrivains trouvent dans le drame le moyen d'exalter leurs passions. Ce genre va s'imposer face aux tragédies classiques dans la célèbre « bataille d'Hernani » (première représentation le 25 février 1830) qui marque le début de l'opposition entre classiques et romantiques. Le romantisme rejette les règles de la tragédie classique et revendique une nouvelle esthétique de la sensibilité, de la liberté et de la vérité : tout devient sujet pour la poésie qui peut désormais s'exprimer en prose ou en vers. Dans la préface de Cromwell, Hugo codifie en quelque sorte le théâtre, et s'oppose à la tragédie classique du XVII° en proposant l'abandon de la règle des trois unités, le choix de l'écriture en prose ou en vers, l'abandon des bienséances (désormais on peut choquer), le mélange des registres comiques ou tragiques : c'est la naissance du drame romantique. Au nom de la vérité, on refuse les restrictions de vocabulaire, on assouplit la métrique et la syntaxe, on rejette la distinction traditionnelle des genres (comiques et tragiques), on recherche la couleur locale avec des sujets empruntés à l'histoire des XVI° et XVII° : Hugo : Ruy Blas, Hernani, Cromwell ; Musset : On ne badine pas avec l'amour, Lorenzaccio, Vigny : Chatterton. Des liens étroits unissent les écrivains et les poètes aux artistes inspirés du même idéal. 3° La peinture romantique En 1846, Charles Baudelaire, écrivain mais aussi critique d'art, écrivait : « Le romantisme n'est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir. Pour moi, le romantisme est l'expression la plus récente, la plus actuelle du beau. Qui dit romantisme, dit art moderne, c'est-à-dire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l'infini, exprimés par tous les moyens que contiennent les arts », et donc aussi par la peinture. En France, la peinture romantique prend son essor face à Ingres et aux autres néoclassiques. Le romantisme se marque par un goût prononcé pour la nature et pour tout ce qui crée et attire la mélancolie. Il se caractérise par le contraste entre les lignes fines et épaisses, un grand jeu de clair-obscur, beaucoup de désordre dans la composition, une sorte de tourbillon sensuel de couleurs et de lumière autour d'un personnage qu'on ne saurait identifier sans le titre. La peinture romantique c'est avant tout l'art de sentir, et se sentir personnellement : le peintre Delacroix dira que c'est « la libre manifestation de ses impressions personnelles ». Dans ce domaine artistique, l'Angleterre et l'Allemagne ne sont plus les pays les plus puissants, et ils doivent céder la place à la France : - Théodore Géricault (1791-1824) présente en 1819 Le Radeau de la Méduse, un véritable manifeste du romantisme. C'est un maître dans l'art de la maîtrise de la lumière qui sculpte des corps athlétiques. - Cependant, le maître incontesté du romantisme pictural reste Eugène Delacroix (17991863), chef de file des romantiques avec La Liberté guidant le peuple et Les Barricades. Son inspiration est souvent très orientaliste, et il utilise de savants dégradés de couleurs. 4° Musique romantique L'expression musique romantique désigne la période de la musique qui s'échelonne entre le début du XIX° et le début du XX°. Comme la peinture, la musique est influencée par le romantisme et vise dès lors à susciter l'émotion, la nostalgie : elle veut bouleverser. Le piano-forte remplace rapidement le clavecin, et permet de donner de puissants contrastes de dynamique. De même, la musique d'orchestre devient de plus en plus audacieuse et élaborée. Les sonorités inventées par les musiciens romantiques sont particulièrement colorées et évocatrices, contrastant avec les Classiques que sont Haydn ou Mozart. Entre ces deux courants, se situe la forte personnalité de Ludwig van Beethoven, dont les premières œuvres se rattachent à l'esprit classique, tandis que celle de sa maturité sont considérées comme marquant le début du romantisme musical. Tout au long du XIX°, la musique romantique garde une certaine continuité dans ses caractéristiques, une impressionnante homogénéité temporelle de style (que les autres formes de romantisme ne connaissent pas forcément). Cette continuité est due au fait que la musique devenait en ce siècle, une réelle forme d'art, revêtant une toute autre dimension : désormais, elle n'est plus considérée comme un art mineur. Portée au plus haut degré par Beethoven, la symphonie devient la forme la plus prestigieuse de la musique romantique, forme à laquelle s'attachent de nombreux compositeurs. (Franz Schubert, Félix Mendelssohn-Bartholdy, Robert Schumann, Johannes Brahms, et l'audacieux Hector Berlioz qui dépasse la forme de la symphonie par la forme et l'esprit). Le lied est un genre musical qui apparaît avec l'usage du piano-forte : il s'agit d'une musique vocale accompagnée au piano forte, dont le chant est tiré de poèmes romantiques. (Schubert, Schumann) Inauguré par Beethoven, le concerto rivalise avec la symphonie dans le répertoire des grandes formations orchestrales. Le concerto permet à des compositeurs, tels Chopin ou Liszt, de révéler leur virtuosité au violon ou au piano. Au XIX°, le romantisme gagne aussi l'opéra : c'est Paris qui en est le foyer. La plupart des opéras romantiques sont composés par des compositeurs vivant en France, comme Cherubini ou Daniel-François-Esprit Auber. L'apogée du style est marqué par les œuvres de Meyerbeer, et Faust de Charles Gounod. Après 1850, Georges Bizet révolutionne l'opéra avec Carmen, « un rayon de lumière méditerranéen dissipant le brouillard de l'idéal wagnérien » d'après Nietzsche. Cet intérêt pour les couleurs locales se confirme avec Lakmé de Déo Delibes, et Samson et Dalila de Camille Saint-Saens. En France la musique romantique compte deux grands maîtres : Chopin, discrètement sensible, et Hector Berlioz, plus hardi. Conclusion : Ce tableau de la vie artistique en France au XIX° serait incomplet s'il n'évoquait les courants qui se dressent en réaction contre le romantisme dans les années 1850-1870 : Né du romantisme, le réalisme se révolte bientôt contre lui : l'idéal romantique déformait parfois la vérité pour des raisons esthétiques ou sentimentales, et par goût du rêve, du mystère, du fantastique, de l'imagination. C'est ce qui explique la réaction réaliste. En relation avec le positivisme et le scientisme, cette nouvelle école professe le respect des faits matériels, l'étude des hommes d'après leurs comportements, et ce à la lumière des théories sociales. Le réalisme se défit du rêve, de l'imagination, et de la métaphysique. Le premier domaine d'élection du réalisme est le roman qui connaît un grand essor en cette fin du XIX°. Balzac le conçoit comme l'histoire des mœurs, et l'enracine solidement dans la réalité matérielle. Le réalisme de Stendhal est surtout psychologique, mais s'étend aussi à la peinture des mœurs. De même Flaubert impose cette discipline à son romantisme spontané. Il s'agit de produire un effet de réel, en peignant avec un souci constant du détail et de la vraisemblance, les décors, les personnages et les faits de la société. Stendhal parle du roman comme d'un miroir, et Balzac fait du romancier un historien du présent. Stendhal se situe entre romantisme et réalisme avec Le Rouge et le Noir 1830, La Chartreuse de Parme 1839. Balzac se passionne pour l'étude des mœurs , allant des scènes de la vie privée aux scènes de la vie de province, et de la vie parisienne : Le Père Goriot, Eugénie Grandet, Le Lys dans la vallée, Illusions perdues, Le Médecin de campagne. En peinture, le souci d'authenticité et les scènes de la vie quotidienne deviennent pour les artistes le sujet et la source de recherches créatrices : les peintres notamment donnent à voir la réalité de leur époque ; en cela, ils s'opposent à la peinture officielle et à la peinture académique. Honoré Daumier (1808-1879) se fait par ses tableaux l'interprète de l'évolution de la société du XIX°. Jean-François Millet (1814-1879) peint de manière plus austère, plus calme, presque religieuse : Les Glaneuses en 1957. Gustave Courbet (1819-1877) : L'atelier du peintre. Le Parnasse se fait aussi jour contre l'effusion du romantisme : ce mouvement veut recentrer la poésie sur le travail formel du poète et développe la fameuse théorie de l'art pour l'art : héritière de Théophile Gautier, cette école est notamment représenté par Leconte de Lisle (18181894) avec Poèmes antiques, Poèmes barbares, et Théodore de Banville (1823-1891) avec Odettes, Odes funambulesques. Flaubert communie avec les poètes de l'art pour l'art et les Parnassiens pour immortaliser, grâce aux formes impeccables, les spectacles passagers et les êtres éphémères. Ces poètes auront beaucoup d'influence sur la génération suivante de poètes tels Baudelaire (qui dédiera Les Fleurs du mal à Théophile Gautier), Rimbaud, et José-Maria de Heredia dont les œuvres témoignent de la pérennité de la théorie du Parnasse, symbolisée sous la forme contraignante du sonnet. La vie artistique du XIX° est donc riche, et très diversifié, unissant ou opposant néoclassiques, romantiques, et réalistes. Recherchant la perfection, la beauté idéal et le rationalisme, le néoclassicisme se heurte à la sensibilité passionnée et la nostalgie profonde des romantiques. La fin du XIX° apporte encore des courants nouveaux avec l'essor du réalisme, attaché aux comportements humains, et à la description réelle de la société. Bibliographie : – XIX° siècle, Collection Littéraire Lagarde et Michard, Bordas 1969 – Français Littérature, D. Rincé, Nathan 2007 – Histoire de la peinture, Michèle Barilleau et François Giboulet, Hatier, 1989 – L'art de reconnaître les styles, Gisèle Boulanger, Hachette Librairie, 1960 – Le mobilier ancien et contemporain, Judith Miller, Editions Gründ, Paris, 2006. – Le grand guide des styles, Jean Bedel, Hachette Pratique, 2006 – Précis de littérature française, sous la direction de Daniel Bergez, Lettres Sup., Armand Colin, Paris 2005 – Sites internet : wikipédia : le romantisme, le néoclassicisme.