CHAPITRE XX Syntagme verbal et cohésion du

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CHAPITRE XX
Syntagme verbal et cohésion du groupe
I. Analyse de l’emploi des modalités « actif / moyen » et de la catégorisation du
syntagme verbal pour l’ensemble de la conversation.
Les quatre moments de la conversation présentent quelques différences dans la
répartition des modalités du verbe. Résumons sous forme du tableau qui suit cette
répartition :
MOYEN
Réunion Janvier Février
Catégorisation
de Récanati
Constatif
15
Promissif
1
Déclaratif
3
Directif
3
Non représentatif
0
ACTIF
Catégorisation
de Récanati
Constatif
Promissif
Déclaratif
Directif
Non
représentatif
Réunion Janvier
23
7
17
21
0
Mars
5
2
1
1
0
Février
Avril
27
15
5
1
0
Mars
32
12
23
10
10
4
7
4
17
0
Avril
22
12
15
9
7
7
2
10
6
8
Rappelons que les actes d’élocution sont classés, par Récanati après Grice, en deux
catégories : représentatifs ou non représentatifs. Ces derniers ont une fonction déictique
qui renvoie l’acte de langage à la situation de l’énonciation. Sont déclinées ensuite dans
la catégorie des actes représentatifs deux classes : les performatifs et les constatifs. Les
premiers nécessitent l’implication de l’acteurs, les seconds marquent une distance entre
l’énonciation et l’acteur qui se désengagent de l’action du verbe. Parmi les performatifs
Récanati distingue ceux qui impliquent seulement la personne qui parle, le promissif, et
ceux qui veulent intégrer les auditeurs à l’action de parole : les directifs. Il indice un
troisième acte performatif qui est celui de la déclaration d’existence de la réalité du
monde : le déclaratif. Cette catégorie permet le repérage des moments visibles
d’invention des réalités. Elle ne dit rien des processus mis en œuvre mais l’approche
633
sémantique des contenus décrit leur configuration. Pour le travail d’analyse qui va
suivre, les modalités déclaratives sont importantes dans la mesure où il s’agit de la
parole du groupe qui est mise en acte. Nous assistons à l’actualisation d’une réalité de
l’organisation groupale.
L’analyse des actes de langage permet de marquer les tendances de l’implication des
acteurs dans l’utilisation des syntagmes verbaux. Celle de la diathèse en actif et moyen
vient en complémentarité de cette première approche, pour nuancer ou accentuer ces
tendances.
La répartition en quatre moments de la « vie d’un groupe » autorise une lecture
dynamique de l’organisation groupale. La structuration du groupe peut ainsi être perçue
en fonction de l’axe du temps. La distinction entre le démarrage et la fin du groupe,
entre les moments de crises et des moments plus neutres, permet quelques remarques
croisées à propos de l’implication des acteurs.
Constatif
Répartition
entre actif /
moyen
Total et %
Total
actifs
51 moyens
120 indices
Janvier
%
Février
%
Mars
%
Avril
%
Actif
Moyen
Actif
Moyen
Actif
Moyen
Actif
Moyen
33
30
32
5
31
52
10
0,6
31%
30%
40%
0,9%
En fonction de la lecture des tableaux ci-dessus, un premier constat s’impose. Il
concerne la répartition des verbes au cours des quatre moments de la conversation des
membres du groupe.
Dans l’emploi de la catégorisation du verbe en « constatif », la fin de la conversation
marque un net changement dans la répartition de cette modalité en comparaison des
trois premiers. Alors qu’elle représente 30 à 40% du nombre total d’utilisation de cette
modalité du verbe pour les trois premiers mois, elle tombe à moins de 1% pour la
dernière.
L’analyse de la répartition des catégorisations des verbes, montre donc que
l’utilisation de la forme constative du verbe est pratiquement inexistente lorsqu’émerge
une forme de groupe. En effet, en fin de conversation, alors même que l’organisation
groupale émerge fortement, les verbes performatifs sont très majoritairement utilisés.
Cela indique probablement que l’implication des acteurs du groupe est particulièrement
634
nécessaire à l’émergence de la forme groupale. Lorsque la conversation est construite
sur des formes verbales non implicatives, comme les formes constatives l’indiquent, il
est à supposer une moindre cohésion du groupe.
Pourtant, regardons de plus près ce qui se passe dans la séance de mars. 40 %
d’utilisation des constatifs devraient marquer cette mise à distance des acteurs dans
l’action. Or, l’équilibre entre les modalités actif et moyen, nous incite à nuancer notre
jugement. Le moment de crise vécu durant cette séance, implique individuellement les
acteurs. Comme nous le montrerons lors du travail à propos des indicateurs de référents
collectifs, il s’exerce des ajustements entre individus et entre sous-groupes. La très forte
présence du verbe « être » durant l’échange, montre
vraisemblablement une crise
d’identité, la difficulté pour « l’être social » d’être au monde.
La cohésion du groupe demande une forte mobilisation d’énergie de la part des
acteurs. Cependant, l’utilisation du constatif, marque la mise à distance de cette
implication. Dans l’énonciation, l’implication (indiquée par le mode moyen) est prise en
compte sur un nouveau niveau logique. Elle est objectivée, est non plus vécue dans
l’instant du groupe. C’est probablement pour cela que nous constatons une présence
forte de modalités moyennes du verbe, mais également, une forte présence de catégories
en constatif. Nous développerons cette remarque plus avant à propos des référents
collectifs. Ici, se joue les deux niveaux logiques individuels et collectifs.
Passons à la répartition des modalités performatives : promissif et directif.
Promissif
Total
Répartition
entre actif /
moyen
Total et %
actifs
25 moyens
Directif
Total
Répartition
entre actif /
moyen
Total et %
Janvier
%
68 indices
Mars
%
Avril
%
Actif
Moyen
Actif
Moyen
Actif
Moyen
Actif
Moyen
21
0,4
36
,08
36
60
0,6
28
58 indices
46 actifs
22 moyens
Février
%
13%
24%
46%
15,5%
Janvier
%
Février
%
Mars
%
Avril
%
Actif
Moyen
Actif
Moyen
Actif
Moyen
Actif
Moyen
45
13,6
21
0,45
19
0,45
13
77
35%
16%
14%
34%
Le premier constat concernant les performatifs, est l’équilibre entre la répartition des
modalités de « promissif » et celles de « directif » pour les quatre réunions. Lors des
635
moments de crise l’utilisation de modes « promissif » est majoritaire, en début et en fin
de conversation, les modes « directif » sont plus utilisés. Cela semble logiquement
indiquer que l’implication est plus individuelle en période de crise que dans des temps
plus neutres ; et que l’implication de l’ensemble des acteurs est plus forte hors des
moments de crises.
Mais le plus intéressant est ici l’observation de la répartition des diathèses en actif et
moyen en fonction des moments de la conversation.
En ce qui concerne les modalités de « promissif », celles indiquant de fortes
implications individuelles de l’acteur dans ce qu’il énonce, le mode moyen n’est
majoritaire qu’en mars et très marqué en avril. C’est-à-dire en fin de travail de l’équipe.
Cette inversion des pourcentages dans la répartition des verbes (actif et moyen) est
aussi forte pour les « directifs » qui portent à 77 % la présence de « moyen » en avril,
alors qu’elle était très minoritaire lors des trois premiers moments.
Lors de deux premières réunions de travail de l’équipe, moins de 1% d’utilisation de
verbes à modalité moyenne est utilisé. Cela accentue l’hypothèse de la faible
implication des acteurs dans les actions de paroles lors du démarrage de la conversation.
En mars, lors de la troisième séance de travail, l’expérience de groupe ayant été
partagée, l’implication individuelle augmente, pratiquement la moitié des actes de
langage promissifs se retrouvent en mars au bout de trois mois d’activité commune, et
cette tendance est renforcée par la répartition marquée à 60% du mode moyen. Les
acteurs s’impliquent dans l’énonciation, mais sont également impliqués dans celle-ci,
transformés de l’intérieur même de cette acte de parole collective. Ensuite, en avril, la
modalité active disparaît pratiquement pour laisser place à des indicateurs d’implication
dans le procès du verbe. Mais elle se répartit plus fortement dans une implication plus
globale qui concerne à 34% l’ensemble du groupe et à 15% les individus.
Il est à remarqué que l’émergence de l’organisation groupale n’a pas lieu
progressivement, contrairement à la montée en charge de l’énergie déployée à
l’implication des acteurs. En effet l’apparition des 77% d’implication dans le procès du
verbe, alors que lors des deux précédentes réunions, elle n’était marquée que par 0, 45
% des verbes, montre un saut qualitatif, une rupture, au moment de l’émergence de la
forme du groupe. On peut émettre l’hypothèse que l’investissement des acteurs dans la
conversation est évolutif dans le temps de l’énonciation. Cependant, l’implication dans
une construction d’une nouvelle réalité du monde, et notamment de celle d’un groupe de
personnes, donne lieu à des moments de transcendance, durant lequel, en dehors de
636
l’intentionnalité individuelle, quelque chose de l’ordre du collectif émerge
soudainement au sein de cette dynamique. L’investissement des acteurs dans cette
construction est indispensable, mais sa volonté n’interagit pas ou secondairement dans
l’avènement d’une forme
collective. L’individu lui-même est objet de cette
transformation qui s’inscrit dans son être.
Pour terminer notre analyse de la répartition des catégorisations des syntagmes
verbaux et de la diathèse des verbes, nous remarquerons le travail particulier de l’acte
de parole déclaratif qui donne à voir la mise en parole de la construction de la réalité
d’être au monde.
Déclaratifs
Total
Répartition
entre actif /
moyen
Total et %
65 actifs
13 moyens
78 indices
Janvier
%
Février
%
Mars
%
Avril
%
Actif
Moyen
Actif
Moyen
Actif
Moyen
Actif
Moyen
26
23
35
0,76
23
38
15
30
23%
30%
25%
18%
Comme tous les actes performatifs précédemment étudiés, on retrouve, avec les actes
déclaratifs, la même tendance à inverser pour mars et avril le rapport entre « actif et
moyen ». Il semble néanmoins plus pertinent de porter l’analyse de ce type d’indicateurs
sur le commentaire sémantique que nous avons élaboré pour chacune des apparitions de
cet indice. L’analyse de contenu est plus performante à propos de l’énonciation des
réalités.
A la suite de ce travail sur les verbes, nous présentons maintenant une analyse plus
fine qui s’intéresse aux indicateurs de référents collectifs auxquels renvoient les
syntagmes verbaux.
II. Approche pragmatique et repérage des indices de cohésion du groupe.
Notre préoccupation est « l’organisation groupale » de cette équipe de travail. Aussi
est-il intéressant de faire ressortir, de cette longue conversation, les occurrences de
l’indice de cohésion « nous » ou « on » non indéterminé.
637
Nous avons donc extrait ces indices tout en leur associant les contextes syntaxiques
de leur apparition et les classifications. C’est-à-dire : la séance de travail ;
l’interlocuteur et le numéro d’ordre de l’intervention ; le référent collectif ; le verbe ; le
classement en actif/moyen du verbe et l’une des cinq catégorisations des actes de
langage. Ainsi, obtenons-nous les classements sous la forme suivante :
Démarrage de la discussion, Première crise, Deuxième crise, Fin de la discussion.
Interlocut°/ N° / Groupe nominal / Locution verbale / Actif Moyen/ Actes de langage.
Nos remarques portent sur l’implication du sujet dans le procès du verbe et sur le
sens que l’on peut donner au choix de l’acte de langage. Nous développons aussi les
quelques hypothèses déjà inscrites dans la partie heuristique de la classification
antérieure. A savoir les interprétations fondées sur les hypothèses psychosociales et
cognitives à propos des groupes. Il ne nous apparaît pas pertinent de comptabiliser les
occurrences des indices de cohésion. Bien entendu, le fait que l’indice apparaisse est
signifiant en soi de la présence d’une plus ou moins forte cohésion de groupe.
Cependant, nous ne reprenons pas ici le travail effectué sur la première équipe qui
consistait en une comptabilité précise des indices. IL s’agit d’une approche plus fine qui
porte sur les syntagmes verbaux.. Nous devons connaître à qui renvoient les référents
collectifs « on » ou « nous ». Puis nous interrogeons les formes verbales, le temps
utilisé, l’implication du sujet dans le procès du verbe, les catégories d’actes de parole. A
partir de ces éléments, nous tentons de tirer quelques interprétations.
638
I Démarrage de la conversation
Inter- N°
locuteur
RE
1
Groupe
nominal
nous
Locution verbale
pourrions
avancer
Actif
Moyen
Actes de
langage
Performatif
directif
1 pouvoir
avancer,
RE
3
Geb
4
on s’
on s’
est vu
est rencontré
Geb
4
a réfléchi
Geb
4
Geb
4
on
Isis et Geb
on
Isis et Geb
on
allait
s’organiser
travaille
Geb
4
on
fait circuler
Geb
4
on
va organiser
20
Travailler
25
mettre en
circulation
38 organiser
Geb
4
on
est
39 être :
Geb
4
on
convoque
40 convoquer
Constatif
6
on
a
constatif
8
on
on
travaille
organise,
recentrer
travailler sur
choisit
convoquer
mettre en place
43 avoir une
réflexion
49
Travailler
organiser,
recentrer
travailler sur
choisir,
convoquer
mettre en place
52 travailler
52 organiser
56 caler
Amon
Geb
on
3 Essayer
d’agir
Performatif
directif
7 Etre vu et
Se voir, Se
rencontrer
11 Réfléchir
Constatif
Constatif
2
S’organiser
Performatif
promissif
Performatif
directif
Performatif
directif
Performatif
directif
Constatif
Performatif
directif
Re
11 on
travaille
organiser
cale
Geb
11 on
avait
58 avoir
Performatif
directif
Performatif
directif
Constatif
GEB
11 c’est ce
qu’on
avait dit
61 avoir dit
Constatif
Geb
10 on
essai
639
ISIS
12 on
sait
64 savoir
Re
18 on
Re
18 on ne
avait
enlevé
va pas s’amuser
à convoquer
Geb
19 on
avait
Geb
19 on
puisse
évoquer
72avoir
enlevé
75 s’amuser
à
convoquer
78 avoir une
interrogation
79 pouvoir
évoquer
Directif
Constatif
Performatif
directif
Performatif
promissif
Performatif
directif
Interprétations
nous
pourrions
avancer
1 pouvoir
avancer,
Dès la première intervention et les premiers mots prononcés dans le groupe, un
indice de cohésion apparaît. Sa fonction est ici de situer l’ensemble des participants
présents dans le temps et l’espace de l’énonciation. RE reçoit pour la première fois, les
membres de cette nouvelle équipe de travail. Il propose donc à chacun de commencer la
séance.
Nous avons classé l’acte de langage en « performatif directif ». Nous aurions aussi
pu considérer cet acte de parole comme un acte de politesse, un acte social de
convivialité, marquant la bienvenue des personnes en ce lieu. Cependant, nous avons
préféré laisser l’acte non représentatif en arrière plan, car, au delà de la convivialité, RE
a l’intention de solliciter chacun à prendre la parole. « Pouvoir avancer » est une
représentation précise exprimée par RE . Il envisage le groupe comme potentiellement
capable de travailler et de progresser. Le conditionnel indique ce potentiel. La capacité
du groupe n’est pas encore connue, tout est à faire, tout est en devenir.
RE pose aussi, par cet acte directif, sa position à la fois de leader et de refus de l’être.
Paradoxalement, il invite les autres et particulièrement GEB à prendre l’initiative de la
conversation. Il semble vouloir se mettre en retrait par le contenu de l’énoncé. Tout en
énonçant son intention de ne pas prendre la parole, la dirige, par l’énonciation ellemême.
640
Il est possible que les membres du groupe ressentent confusément cette injonction
contradictoire. 620
essai
3 Essayer
d’agir
n
RE réutilise un indice de cohésion, pour insister sur la nécessité de travailler
ensemble, ici et maintenant. Ce second acte directif confirme le choix du premier en
« performatif » et non en « non représentatif ». RE assure la fonction, si ce n’est de
leader, pour le moins celle de « donneur de parole » au sein du groupe.
on s’
on s’
est vu
7 Etre vu et
est rencontré Se voir, Se
rencontrer
Le pronom « on » ne fait référence qu’à un collectif réduit à deux personnes, ce que
nous nommons des sous-groupes. Il désigne RE et GEB. L’acte renvoie à une rencontre
antérieure. Le passé composé confirme ce contexte. Il apparaît ainsi un premier sousgroupe. RE et GEB sont tous deux responsables de structures sur Paris. Ils sont
régulièrement amenés à se rencontrer pour d’autres raisons que celle qui les réunit
aujourd’hui. Le public reçu dans leur organisations est souvent commun aux deux
structures.
Nous notons que « se voir et se rencontrer » sont des désinences actives, les acteurs
sont conjoints dans cet acte, mais ne sont pas impliqués dans l’action, seulement
engagés comme acteurs. Leur personnes restent différenciées dans le « on ». Le
processus de réciprocité n’entraîne pas nécessairement celui de transaction, il est
néanmoins présent dans la co-action au sens de coordination et co-opération.
on
Isis et Geb
on
Isis et Geb
a réfléchi
11 Réfléchir
allait
s’organiser
« Réfléchir » est une action que seuls ISIS et GEB, ont menée ensemble. Le référent
collectif ne désigne donc, là encore, qu’un sous-groupe précis. Cependant, il semble que
l’acte de parole soit d’un autre ordre que le précédent.
En effet, la réflexion qui est rapportée ici, comme un moment antérieur, a impliqué
les deux personnes dans le procès du verbe. Le pronom « on » implique ici éminemment
620
Lors d’un entretien informel avec RE, quelques mois après ce travail de groupe, RE m’a confié de pas
avoir voulu prendre la responsabilité de diriger de cette équipe. Il pensait que c’était la raison pour
laquelle le travail avait été interrompu.
641
les deux sujets dans une transaction qui dépasse la coopération vécue dans cette
expérience commune.
Lors de l’énonciation, deux évocations à des moments passés apparaissent. Le
premier rapporte une association en sous-groupe de deux des membres présents, suite à
une action menée par les deux acteurs (co-action, coopération). Le rapprochement des
deux acteurs est lié à l’expérience antérieure, mais les personnes n’étaient pas incluses
dans le procès du verbe. C’est pourquoi, dans l’énonciation qui rapporte l’événement
passé, nous constatons qu’à l’indice de cohésion « on » correspond un verbe à désinence
active.
Le second rapporte une association en sous-groupe de deux des membres présents.
Suite à une action de collaboration, les deux personnes ont été amenées à franchir un
niveau d’abstraction plus élevé, elles ont mené une réflexion sur leurs actions
communes. Les acteurs deviennent alors co-acteurs, puis involontairement trans-acteurs
puisqu’ils entrent dans le procès du verbe « réfléchir ».621 Le processus de co-opération
a fait émerger une transaction.
Parler de trans-action signifie que quelque chose de l’ordre du « trans » est apparu.
Cette nouvelle instance, pressentie ici, rappelle que de l’action et de la co-action des
hommes émerge une « organisation » en dehors de leur volonté même. Cette nouvelle
nature d’association entre les personnes est-elle conséquente de l’intégration des sujets,
dans le procès du verbe ?
Cette transaction passée peut être intégrée à la conversation. L’association de GEB et
ISIS est donc d’une autre nature que celle de RE et GEB. Nous pouvons supposer
qu’elles sont perçues différemment par les membres du groupe.
Le second indice de cohésion désigne ISIS et GEB, mais peut-être aussi les autres
membres du groupe. A partir de leur transaction (réflexion à deux), GEB ouvre aux
autres la possibilité d’action coordonnée. La forme syntaxique est interrogative :
« comment s’organiser ? ». Le choix de la désinence « moyen » est du à la relation
particulière de la forme d’organisation qu’adoptera le groupe. Le groupe est envisagé
comme interne à l’organisation qu’il sera amené à mettre en place par ses actions de
coordination.
on
travaille
20
Travailler
621
« Réfléchir » est entendu ici, au sens piagétien de pensée réfléchissante, qui prend en compte les
accommodations et modifie les schèmes internes des sujets en les coordonnant.
642
on
on
on
on
on
on
on
fait circuler 25
mettre en
circulation
va organiser 38 organiser
est
39 être :
travaille
49
organise,
Travailler
recentrer
organiser,
travailler sur recentrer
choisit
travailler sur
convoquer choisir,
mettre en place
convoquer
mettre en place
travaille
52 travailler
organiser
52 organiser
puisse
79 pouvoir
évoquer
évoquer
Non seulement le groupe organisera - c’est le sens de « on va organiser », qui pose la
question du « comment organiser ?» les opérations - mais il s’organisera par cette
opération même. L’organisation est organisatrice en retour622, de la forme du groupe.623
ISIS et GEB sont déjà impliqués dans un procès moyen, ils pourraient tenter d’inclure
l’ensemble du groupe dans une action de ce type. Pour cela, GEB s’engage, par l’acte
promissif, il engage aussi ISIS, en utilisant le référent collectif . Il invite chacun à
prendre part à sa démarche.
Geb poursuit son invitation. Cet autre indice de cohésion « on organise ? » interroge
les actions futures.624 Cette fois-ci, il désigne l’ensemble du groupe. Le présent utilisé ici
n’enlève rien au conditionnel précédent, l’existence du groupe est soumise au doute, aux
conditions d’actions. La syntaxe interrogative marque ces doutes.
« Faire circuler l’information » est une des actions dont GEB entrevoit la nécessité
pour le groupe. Il identifie les acteurs concernés par cet échange de l’information :
« entre vous et nous ». Le « nous » signifie l’association de ISIS et GEB. Le « vous »,
indique le reste du groupe et renvoie à l’association de tous les autres membres. Ceci
622
Deux auteurs nous permettent de supposer cela. Jean Louis Le Moigne nous offre le modèle d’un
système complexe et de son auto-organisation. Jean Pierre Dupuy qui considère « l’ordre social »
émergeant, non du pouvoir donné au peuple ou d’un pouvoir sacré externe à la société, mais qui
considère l’organisation sociale comme émergeante des actions des hommes.
623
Il est intéressant de souligner l’intimité qui lie la forme du groupe à l’organisation interne et à
l’organisation externe des actions entreprises dans l’environnement. Nous référons à Liiceanu, 1994,
lorsqu’il écrit sur l’identité donné par le jeu des délimitations interne/ externe. « De la limite » p 36
624
Là encore, nous pouvons renvoyer à la pensée de Liiceanu qui pense que la nature profonde des êtres
humains est d’être toujours ailleurs que là où ils sont. Ce mode d’être est lié à la transcendance, c’est ce
que nous lisons dans les modalités de transaction entre ISIS et GEB. Maintenant l’idée de l’identité
mobile du groupe qui se projette dans l’avenir pour devenir ce qu’il tend à être, permet de voir comment
le sous-groupe ISIS et GEB a un projet pour l’ensemble du groupe.
643
confirme l’hypothèse de la nature différente de l’association en sous-groupe de GEB et
ISIS.
Il semble que GEB envisage d’élargir le groupe à l’ensemble des partenaires, même
ceux qui sont absents de la conversation. L’identité du groupe n’est donc pas encore
définie, ses limites sont exprimées soit en terme de sous-groupes RE-GEB, ISIS-GEB,
soit en terme de groupe restreint aux présents à cette réunion, soit enfin en terme plus
flous à tous les gens concernés par les publics du Plan. Le « on » utilisé avec le verbe
pouvoir au subjonctif est presque indéfini. La capacité du groupe à être, est liée à sa
capacité d’évocation des circuits d’informations et des opérations concrètes qui seront
mises en œuvre. L’identité du groupe, sa forme, sa limite est déterminée par le pouvoir
qu’auront ses membres à décider ensemble. C’est-à-dire à entrer dans un projet
commun. Autrement dit, le problème de la délimitation du groupe rejoint celui de la
décision de chacun. L’identité du groupe est liée au pouvoir qu’ont ses membres
d’accepter les limites extérieures et à projeter un « être ensemble » au delà de cette
forme vide de groupe qu’est l’ensemble des personnes présentes.
on
est
39 être :
Le pronom « on » n’est pas facile à identifier en terme de référent. Nous pensons
qu’il peut s’agir, de la désignation de la structure de GEB. « Etre » est ici en désinence
actif , puisque les personnes ou les structures professionnelles, désignées ne sont pas
elles-mêmes impliquées dans le fait d’être situées à 50% des objectifs. Seules les
actions effectuées donnent ces résultats. GEB en fait une estimation rapide. Si « on »
désigne l’ensemble du groupe et non plus l’organisation professionnelle de GEB, alors
nous constatons que GEB entre dans une démarche d’objectivation des actions et fait
circuler des informations chiffrées au sein du groupe. Cela peut être considérer comme
une invitation à un premier travail de réflexion sur des actions mises en œuvre
concrètement sur le terrain.
on
convoque 40 convoquer
644
Le pronom « on » ne désigne plus le groupe mais seulement les personnes
appartenant à la structure professionnelle de GEB. Il s’agit d’un constat d’existence de
faits. Geb décrit ce qu’il fait avec ses collaborateurs.
on
cale
56 caler
RE, tarde à reprendre la parole après GEB, il confirme, ce que le groupe doit
entreprendre pour exister. Il utilise le verbe « caler » dont la désinence active signifie
l’action de coordination entre les acteurs et les actions. RE énonce la nécessité de cette
opération de régulation entre sa propre structure et celle de GEB. Il ne fait que
reformuler ce que GEB vient d’exprimer. RE ne reprend pas l’initiative. L’invitation de
GEB à agir ne semble pas le concerner
on
avait
58 avoir
c’est ce
avait dit
61 avoir dit
avait
72avoir
enlevé
enlevé
va pas
75 s’amuser
qu’on
on
on ne
s’amuser
on
à
à convoquer
convoquer
avait
78 avoir une
interrogation
Il semble que l’indice de cohésion « on » désigne RE et GEB. Mais il est possible de
voir Amon s’associer à ce sous-groupe. Le contexte de référence renvoie de nouveau à
la rencontre des deux acteurs et au travail de leur structures de rattachement. Amon, très
attentif laisse parler GEB, mais semble confirmer ce qu’il énonce par des « oui »
réguliers. Un premier accord de fonctionnement avait été trouvé très empiriquement
semble-t-il, et c’est ce qui semble devoir être évoqué maintenant. Amon, RE et GEB ont
donc amorcé quelques opérations avant de se rencontrer ici avec les autres participants.
On peut penser que cette ébauche d’expérience empirique est à l’origine de cette amorce
d’association entre les trois personnes. Mais la cohésion est légère, elle ne se réfère qu’à
645
un passé un peu flou. La cohésion semble seulement être issue des activités effectuées
antérieurement. Des co-actions sans transaction, sans même, semble-t-il, de
coordination.
RE fait état d’un accord trouvé empiriquement sur le terrain entre ces trois
personnes. Cependant, il l’exprime sous une forme négative. Aussitôt GEB le remet en
question, car des actions de terrain sans réflexion, sans représentation partagée, voilà ce
qu’il faut interroger dans ce groupe, voire au delà même de ce groupe.
on
sait 64 savoir
ISIS pose une question . Elle ne semble pas pouvoir se faire une représentation des
actions évoquées par GEB et entreprises par RE Amon et GEB. Le pronom « on » est
proche d’un « on » indéterminé, mais nous pouvons aussi penser que ISIS exige des
trois autres l’accès à cette connaissance, pour elle-même et pour les autres membres du
groupe qui n’ont pas encore pris part à la conversation. MAAT me dira en entretien ne
pas avoir été intéressé par cette partie de conversation. Quant à SETH, il n’en avait
aucun souvenir. L’hypothèse d’une structuration cognitive du groupe est renforcée,
lorsque, par l’interrogation d’ISIS, nous voyons apparaître l’indice de cohésion lié au
verbe « savoir ce que cela représente ».
Nous supposons que ce qui donnera une limite au référent collectif « on » est
précisément l’accès à une représentation partagée collectivement. Ceux qui parviendront
à ce partage seront inclus dans le référent collectif. Pour l’instant « on » est presque
indéterminé. ISIS, par son acte de parole « directif » ne cherche-t-elle pas à transformer
la réalité présente ? Elle entraîne avec elle, les autres personnes du groupe, à
comprendre ce qui, pour l’instant, est supposé être un savoir partagé seulement par trois
personnes.
Conclusion
Le premier phénomène qui nous apparaît lors de ce début de conversation concerne
l’identité du groupe. Des processus de délimitation sont à l’œuvre. Nous constatons que
l’organisation du groupe de personnes se lit au travers des actes d’énonciation dans
lesquels l’indice d’un référent collectif apparaît. Notre grille de lecture prend en compte
la complexité des phénomènes en relevant différents indices de contextualisation. Ainsi
sont-ils étudiés les référents collectifs sujets des verbes. Les diathèses des verbes à
désinence « actif » ou « moyen » sont interprétés en fonctions des actes de langages et
de leur classification. Nous mettons l’accent sur les degrés d’implication des
646
participants dans le procès du verbe qu’ils emploient. Nous prenons en compte
l’intention de l’interlocuteur de transformer ou d’informer la réalité. Le participants peut
être amené à s’engager lui-même ou à engager les autres. Il peut arriver que
l’interlocuteur n’ait pas d’intention particulière, mais cherche seulement à constater des
faits. Les énonçant, il affirme néanmoins un état de réalité qu’il impose plus ou moins
fortement à l’ensemble de ses auditeurs.
Le démarrage de la conversation montre que le groupe n’a pas encore trouvé sa
réalité. Son identité passe par trois impératif : la limitation à un nombre restreint et
défini de personnes, la nécessité d’agir et de parler ensemble, la capacité à s’intégrer
dans un projet qui permette non seulement des coordinations, mais des transactions qui
l’engagent au présent, et anticipe l’avenir.
La grille de lecture permet de discerner des binômes (sous-structures de groupe) dont
la structuration n’est pas du même ordre. Nous remarquons que deux modalités
d’association différencient le degré d’implication des sujets dans le procès du verbe.
Sans préjuger de la nature du lien, nous ne pouvons que conjecturer que l’une est plus
fortement structurante que l’autre.
Les actions de parole ont leur propre logique interne. Chacun des participants
s’intègre dans les limites imposées par cette logique. L’acceptation de cette contrainte
imposée par la structure de la langue, mais également par les règles de l’énonciation,
permet la rencontre avec autrui. L’acceptation de ses limites ouvre la possibilité
d’existence du groupe. Agir et parler sont inscrits dans un espace et un temps restreints
qui permettent la transcendance. C’est-à-dire que les individus interagissent,
l’organisation groupale n’est rien sans cette action des hommes, cependant elle ne
dépend que d’elle-même. « L’être social » n’a pas les propriétés des sujets, (l’intention
et la volonté), cependant il se nourrit des actions et est le support des décisions
collectives issue de l’instance collective.
647
Premier moment de crise
Comme lors du démarrage de la conversation, une vingtaine d’indices apparaissent
parmi la centaine de verbes répertoriés.
Inter- N°
Groupe
Locution
Moyen
Actes de
Actif
locunominal
verbale
langage
teur
RE
189
on
avait
RE
189
on
s’est rendu
RE
189
on
a redéfini
RE
189
on
a vu
RE
189
on
a croisé
Constatif
3 avoir
Constatif
4 se rendre
compte
Constatif
10 redéfinir
Constatif
12 voir
Constatif
13
avoir croisé
Maat
192
on
avait précisé
Maat
192
on
avait repris
Maat
192
on
mette
Maat
198
on
peut laisser
passer
Sylvie
200
on
sait
Sylvie
200
on
s’affole
Maat
202
on
peut
Sylvie
204
on
vit
ISIS
205
on
a croisé
ISIS
205
on
a
Maat
206
on
mette
Maat
209
on
était
Maat
209
on
voit
réapparaître
Promissif
30 préciser
Promissif
32 reprendre
Directif
34 mettre
46 pouvoir 47
laisser
48 passer
Directif
Déclaratif
65 savoir
8 s’affoler
76 pouvoir
83 vivre
84 croiser
85 avoir
93 mettre
101 être
103 voir
Non
représentatif
Directif
Déclaratif
Performatif
directif
Constatif
Directif
Constatif
Constatif
réapparaître
648
Interprétations
on
avait
on
s’est rendu
3 avoir
4 se rendre
compte
on
a redéfini
on
a vu
10 redéfinir
12 voir
13
on
a croisé
avoir croisé
Les pronoms « on » réfèrent à la structure professionnelle de RE. Cela est confirmé
par RE lui-même lorsqu’il ajoute : « en interne ». Mais à sa structure professionnelle, il
associe le Ministère de tutelle au niveau hiérarchique N+ 1. Il reste flou, mais on peut
penser qu’il cherche une légitimité à ce niveau de décision. Peut-être dans l’espoir de
faciliter l’acceptation de sa décision au membres du groupe.
Rappelons que Sylvie appartient à la structure de RE. Il serait logiquement recevable
que les personnes, travaillant dans la même institution que RE, puissent être, ou se
sentir, associées dans ce « on » ; Pourtant à aucun moment de la discussion, nous
(acteur), nous n’avons imaginé que RE nous associait à lui. C’est lors du travail de
chercheur sur les référents collectifs, que nous l’avons envisagé. D’ailleurs ce pronom
plural se transforme rapidement en singulier « je », à la fin de la prise de décision de
RE. (RE 189 - « …j’ai travaillé(a15) de la manière suivante »).
Les actes de langage sont difficiles à catégoriser : Si nous classons en « constatif ».
Nous pensons qu’il n’y avait pas d’intention consciente, de la part de RE, de
transformer la réalité passée. Si nous classons cet acte en « déclaratif ». Nous percevons
alors l’intention de RE qui, en informant le groupe,
veut faire de sa décision
personnelle, une réalité pour l’ensemble des personnes. Cela serait confirmé par sa
recherche de légitimité au niveau N+ 1.
Néanmoins nous ne pouvons décider. Dans l’éventualité où il veuille le faire, et qu’il
ait été conscient de ce qui se jouait à ce moment là, seul RE pourrait choisir, et encore,
ce choix arriverait dans un temps de recule sur l’action qui n’aurait pas beaucoup plus
de légitimité que notre hésitation.
649
Nous pensons que RE n’a pas intentionnellement donné ces informations. Son intérêt
n’était d’ailleurs pas de le faire, car cela l’obligeait à se dévoiler et à prendre le risque
qu’on lui reproche d’avoir décidé seul.
S’il y a « acte déclaratif », c’est celui qui consiste à remettre « en main propre » à
chacun, des documents écrits. RE a bien l’intention de donner naissance à une nouvelle
réalité, et les règles en sont écrites.
on
on
avait
précisé
avait repris
30 avoir
précisé
32
reprendre
Le référent collectif est assez flou. Nous pensons qu’à ce moment là, seuls THOT et
RE savent de qui il s’agit, car ils étaient présents à la réunion évoquée par MAAT.
MAAT cherche toujours des appuis, pour s’opposer à RE et surtout à cette nouvelle
réalité qui semble vouloir s’imposer. Ce pronom plural semble donner à MAAT, une
puissance de légitimité, même s’il n’est pas bien déterminé, n’étant pas non plus
indéterminé, il donne de la force à l’énonciation.
MAAT renvoie donc RE à une décision collective antérieure. RE s’y était
apparemment associé. La désinence active laisse supposer que les acteurs de cette
décision n’étaient pas inclus dans le procès des verbes « préciser » et « reprendre »..
L’expérience partagée alors entre RE, THOT et MAAT, n’impliquait donc pas les
personnes, mais partait des acteurs pour aller vers autre chose. L’objet de l’action
concernait les publics et leur sélection pour l’entrée dans les contrats X et Y.
on
mette
on
on
peut
laisser
passer
peut
on
mette
on
voit
réappara
34 mettre
46 pouvoir 47
laisser
48 passer
76 pouvoir
93 mettre
103 voir
650
ître
réapparaître
Lorsque MAAT revient au présent de l’énonciation et refuse catégoriquement cette
réalité énoncée par RE et son document, il s’associe tous les autres membres du groupe.
Son intention est marquée par le mode « directif » qui, au delà de la déclaration (nous
avons hésité à classer en « déclaratif ») d’opposition ferme voire de désobéissance, veut
entraîner les autres membres du groupe avec lui en recherchant des appuis.
Ce « on », nous l’avons déjà vu lors des commentaires sémantiques, fait aussi
référence à une entité supérieure à l’organisation professionnelle de RE. Il est fait
référence à la loi, à l’éthique. MAAT joue ainsi avec RE, le jeu du pouvoir.
MAAT réussit à s’adjoindre THOT, ISIS et GEB. Tous soutiennent le principe de la
loi. Puis rappelle l’accord de tous sur une vérité qu’il avait lui-même vérifiée. Enfin, le
dernier pronom trouve l’ensemble des partenaires.
Remarquons qu’aucune désinence moyenne n’apparaît durant les diverses
occurrences du référent collectif. Nous faisons l’hypothèse que cette cohésion
ponctuellement effectuée durant les échanges, n’est que passagère. Elle devient
nécessaire dans le moment de conversation car face à un danger particulier, l’union
donne une force de résistance. Les alliances ont lieu dans l’action de défense. Ce n’est
pas négligeable, mais les personnes ne sont pas impliquées dans l’action, elles s’y
engagent et c’est un début de structuration de groupe.
651
Second moment de crise
Inter- N°
locuteur
GEB
57
Groupe
nominal
Locution
verbale
on
devrait être
Actif
Moyen
2 devoir
Actes de
langage
Promissif
GEB
57
on
est
être
3 être
GEB
57
on
est
5 être
Promissif
GEB
57
on
est
7 être
Promissif
nous, on
nous, on
a
a
Horus 58
Promissif
Promissif
6 avoir
6 avoir
RE
60
on
va avoir
GEB
61
on
a
GEB
61
GEB
61
on
se dise
GEB
61
on
voyait
GEB
61
on
commence à
se faire
allumer
Horus 66
on
a exploité
à se dire
Déclaratif
9 avoir
Directif
14 avoir
Directif
15 se dire
Directif
17 se dire
Promissif
20 voir
29
19
Constatif
commencer
à se faire
allumer
Constatif
exploiter
GEB
67
nous, on
a
GEB
67
on
est
RE
68
on
a pris
RE
68
on
avait
RE
68
on
avait décidé
Horus 70
on
a
GEB
on
a
71
Constatif
34 avoir
33 être
36 prendre
38 avoir
42 décider
43 avoir
44 avoir
Promissif
Promissif
Promissif
Constatif
Constatif
Constatif
652
GEB
73
on
a choisi de
convoquer
45 choisir
Promissif
de convoquer
GEB
75
on
voit
RE
76
on
avait arrêté
46 voir
47 avoir
Déclaratif
Constatif
arrêté
RE
78
on
avait définis
53 avoir
Constatif
défini
GEB
79
on
a fait
56 avoir
Constatif
fait
GEB
79
on, nous
voit
GEB
79
on
voit
GEB
79
on
a travaillé
57 voir
59 voir
Constatif
Constatif
60 avoir
travaillé
RE
80
on
a mis
61 avoir
Constatif
mis
RE
80
on
a
Horus 81
on
fait
GEB
82
on
est
GEB
82
on
peut voir
62 avoir
64 faire
67 être
69 pouvoir
Déclaratif
Promissif
Promissif
Constatif
voir
GEB
82
on
connaît
46 connaître Constatif
Tout l’intérêt de travailler sur ce moment de conversation, tient au fait qu’il exprime
une confrontation des divers référents collectifs. Nous pensons que s’exerce ici des
ajustements entre les sous-groupes. Nous voyons apparaître également des indicateurs de
cohésion de l’ensemble du groupe présent. Le classement des syntagmes verbaux est ici
présenté en fonction des référents collectifs. Ainsi, obtenons-nous un classement de :
653
groupe ; sous-groupes de RE et GEB ; GEB et ISIS ; organisation professionnelle de RE,
HORUS et GEB.
Le groupe
on
devrait être
on
est
être
3 être
on
est
5 être
on
est
7 être
on
va avoir
on
a
à se dire
on
se dise
on
est
2 devoir
9 avoir
14 avoir
15 se dire
17 se dire
33 être
Organisation professionnelle de HORUS
nous,
on
nous,
on
on
a
a
a exploité
on
a
on
fait
6 avoir
6 avoir
29 exploiter
43 avoir
64 faire
Organisation professionnelle de GEB
nous,
on
on
on
a
a
voit
on
voyait
34 avoir
44 avoir
46 voir
20 voir
654
on,
nous
on
voit
voit
57 voir
59 voir
Sous-groupe de ISIS et GEB
on
commence à se faire
allumer
19 commencer
à se faire
allumer
Nous avons pris en compte la remarque de ISIS, qui s’associe tout à fait à
GEB et le soutient dans sa position. ISIS intervient au moment précis de
l’évocation, faite par GEB, de la réunion départementale et lorsqu’il exprime ce
qu’il a ressenti. Elle insiste sur l’injustice des faits.
Sous-groupe de RE et GEB
on
a pris
on
avait
on
avait décidé
on
a choisi de
convoquer
36 prendre
38 avoir
42 décider
45 choisir de
convoquer
on
avait arrêté
on
avait définis
on
a fait
on
a travaillé
47 avoir arrêté
53 avoir défini
56 avoir fait
60 avoir
travaillé
on
a mis
on
a
Soulignons
61 avoir mis
62 avoir
quelques phénomènes marquants. Les désinences moyennes ne
concernent pas le sous-groupe de RE et GEB. Cela confirme l’hypothèse que nous
avions émise lors de l’interprétation du début de la conversation. A savoir que
l’association en binôme de RE et GEB ne s’est construite que sur des actions dans
655
lesquelles ni RE, ni GEB ne se sont positionnés comme étant au centre du processus
d’action. La diathèse, en « moyen », du verbe n’apparaît que lorsque l’indice d’un
référent collectif renvoie au groupe dans son ensemble, à l’organisation professionnelle
de GEB ou au sous-groupe ISIS et GEB.
En ce qui concerne le sous-groupe ISIS et GEB, nous avions déjà émis une
hypothèse. Lors du démarrage de la conversation, nous avons supposé que le lien social,
établi entre les deux personnes, pouvait être lu au travers de l’indicateur de l’intégration
dans le procès des verbes. Cela se confirme ici. Ajoutons que l’évocation, dans une
situation antérieure, d’un sentiment partagé d’injustice et de colère a réuni ISIS et GEB.
Au moment de l’énonciation, ce sentiment resurgit et associe de nouveau les deux
personnes.
En ce qui concerne globalement le groupe, nous effectuons la diathèse en « moyen »
pour les formes verbales de « être » et « devoir être ». C’est ici un positionnement
théorique particulier qui sous-tend notre choix.
Les occurrences de « être » sont toutes associées à l’idée d’un dénombrement, d’un
chiffrage, d’une position statistique. Le sujet « groupe » est-il intégré, dans ce cas, au
procès du verbe « être » ? Ne s’agit-il pas uniquement d’abstractions empiriques issues
immédiatement des actions de terrain et sur lesquelles le groupe va travailler ici ? Il ne
saurait alors être question de considérer ce type d’actions comme portant sur les sujets
eux-mêmes.
En posant cette question, nous sommes confrontée à la nature de « l’être social ».
Comme Jean-Pierre Dupuy, nous pensons que l’ordre social émerge de l’activité des
hommes. Même s’il ne doit rien à leur intention, ou à leur volonté, il n’en n’est pas
moins vrai que les actions modifient les hommes en retour. Ils sont donc intégrés à
certains processus d’émergence de l’être dans sa réalité existentielle.625
625
Sur le plan cognitif, Piaget a suffisamment montré en quoi l’action sensori-motrice était
intelligente et modifiait le sujet. Nous avons montré, lors du travail sur le premier groupe qu’elle pouvait
aussi structurer un groupe de personnes. Sur le plan affectif, Pagès, Anzieux ont montré les modifications
psychologiques internes ; Rogers ou Doise ont montré les changements de structurations sociales en
fonctions des actions partagées entre les sujets.
656
FIN DE LA CONVERSATION
Interlocuteur
N°
Formes
nominales
Locution
verbales
AMON 180
on
a
AMON 182
on
a
AMON 182
on n
a pas
Actif
Moyen
Actes de
langage
Constatif
7 avoir
Constatif
10 avoir
Déclaratif
11
ne pas
avoir
AMON 186
vous
entendez
AMON 186
on
met
AMON 186
on
diagnostique
6 entendre
Directif
Directif
15 mettre
Directif
16
diagnostiquer
ISIS
189
on
laisse
16 laisser
Directif
ISIS
192
on
192
on vous
21 pouvoir se
dire ce qu’on
vient de se dire
22 proposer
Directif
ISIS
peut se dire ce
qu’on vient de
se dire
propose
Promissif
ISIS
192
on
avait dit
25 avoir dit
directif
ISIS
192
on
allait intégrer
26 aller intégrer
Directif
ISIS
192
on
est
28 être
Déclaratif
ISIS
194
on
31 être
Directif
ISIS
194
on
est
d’accord
était tombé
d’accord
32 être tombé
d’accord
Constatif
657
La première remarque porte sur les référents collectifs de la fin de discussion qui
renvoient au groupe dans son ensemble. Mais il faut souligner qu’à trois reprises RE,
absent de la réunion, est inclus dans le groupe, mais qu’ensuite, il en sera exclu. Il paraît
vraisemblable que les quatre mois d’expérience professionnelle permettent aux
participants de s’envisager dans une identité de groupe. Mais l’intérêt du travail de
classification est de permettre d’affiner l’analyse, au delà de l’occurrence des indices de
cohésion.
Voici les trois moments où RE, et son organisation professionnelle, sont évoquées. 626
on n’ 3
a pas
11
ne pas
avoir
on 5
met
on 6
diagnostique
15 mettre
16
diagnostiquer
Il s’agit ici de syntagmes verbaux dans lesquels le groupe, envisagé comme entité
globale, est interrogé sur ses activités et sur ses choix d’action. Une fois encore la
syntaxe et le sens de la proposition donne une incertitude à cette forme qui semble avoir
beaucoup de mal à s’organiser dans ses actes et sa forme. Au bout de quatre mois, il
semble que le groupe soit encore une potentialité non réalisée. Ceux qui sont là savent
ce qu’il faudrait faire, le disent, mais lorsque RE est représenté dans le groupe, rien ne
prend forme.
on 1
a
on 2
a
7 avoir
10 avoir
Ces deux premiers pronoms sont du même ordre que ceux des séances précédents.
Les actions portées par le verbe font référence à des chiffres. Les personnes ne se
préoccupent, là encore, que des résultats des actions. Elles restent en dehors du
626
Une fois encore, Sylvie, qui appartient à la même organisation professionnelle que RE, n’est pas
associée à RE. Sans doute est-ce dû en partie à notre rôle de chercheur et à la « neutralité » qu’il
représente.
658
processus actif. Elles sont intéressées mais non impliquées dans les actions en tant que
personnes.
vous 4
entendez
6 entendre
Nous avons relevé cette forme de référent collectif et l’avons associé à la forme
moyenne de l’action « d’entendre », prise ici au sens de « comprendre ». Le pronom
« vous » indique la représentation de l’interlocuteur Amon. Celui-ci perçoit l’ensemble
des participants sous une forme collective. Le lien qu’il établit entre eux est l’écoute et
la compréhension de ce qu’il vient de leur soumettre. Il semble rechercher la
confidentialité de ce lien.
Ce moment marque un basculement dans la structuration du groupe. L’énonciation
est ici un acte fort. C’est une action à part entière et le groupe se structure autour d’elle.
Nous ne revenons pas en détail sur l’événement, nous l’avons abondamment
commenté dans le tableau et les commentaires sémantiques. Notons toutefois que tous
les référents collectifs indiquent uniquement les membres du groupe présents. Comme si
l’écoute et la demande de confidentialité de Amon avait soudé ces personnes à
l’exclusion de toute autre.
on
laisse
16 laisser
on
21 pouvoir se dire ce qu’on
vient de se dire
on vous
peut se dire ce
qu’on vient de se
dire
propose
on
avait dit
25 avoir dit
on
allait intégrer
26 aller intégrer
on
est
28 être
on
est
d’accord
était tombé
d’accord
31 être
on
22 proposer
32 être tombé
d’accord
Dès lors que l’angoisse est exprimée par l’image du « bateau ivre », tous les pronoms
« on » réfèrent aux personnes présentes. Elles sont impliquées dans les verbes : « être
capables de », « proposer en s’opposant », « dire », « intégrer la coordination », « être
659
ou tomber d’accord ». Cette implication donne une grande cohésion au groupe. Il trouve
ainsi une réalité exprimée au présent du verbe être. « Etre d’accord » rappelle « être
ensemble ». Ainsi émerge-il un lien social dont le processus d’émergence complexe
peut être lu en fonction de quelques interprétations comme :
A / Processus d’intégration et de mise en œuvre des règles d’organisation du groupe :
« on dit ce qu’on fait », « on fait ce qu’on dit ».
B / Processus de montée en niveau d’apprentissage. Deux niveaux logiques dans
l’énonciation fonctionnent ensemble : a) niveau I : « on se dit les choses». b) niveau II :
« on est capable de se les dire » . Avec la prise en compte du contexte de l’énonciation
et la prise de conscience de la capacité à le faire.
C / Processus d’inscription dans un projet. La liberté est donnée et/ou prise
d’accepter les limites du groupe. Chacun acceptant les limites du groupe trouve une
liberté individuelle.
Accepter les contraintes c’est s’en remettre à une capacité à faire, à appliquer les
règles internes,
à définir les limites externes et donc de dire qui appartient et
n’appartient pas au groupe.
Le projet dans lequel chacun s’inscrit est celui de la formalisation par écrit de la
parole du groupe.627 L’identité du groupe est ainsi donnée par ce jeu organisateur
intra/extra dont émerge la forme.
D / Le processus imaginaire rend possible l’émergence organisatrice de l’être social.
Nous avons remarqué que le moment libérateur donne une réalité à une nouvelle réalité
du groupe. Il est le moment de l’expression, symboliquement forte, de l’angoisse de ses
membres. La question n’est pas de savoir si, en l’absence de cet appel à l’imaginaire
symbolique, le groupe aurait, ou n’aurait pas, fonctionné autrement. Nous sommes
néanmoins en capacité de conjecturer la nécessité de ce moment. L’angoisse de la
dérive, du non contrôle des événements, lorsque le capitaine n’est plus à la tête du
navire, impose l’auto-organisation de l’équipage. Ce lien imaginaire entre les personnes,
ouvre un moment de liberté. L’exclusion de RE (hors des frontières du groupe), laisse
un vide qu’il est vital de combler. Contrairement au premier groupe qui tentait de se
maintenir, ici, il s’agit ici de naître en tant que collectif. Comme tout acte de naissance,
627
Remarquons que lors du travail sur le premier groupe, nous avions déjà entr’aperçu ce processus de
structuration du groupe lorsque l’ensemble des participants a produit un compte rendu .
660
il est violent et porteur d’angoisse. Elle est indiquée par le silence qui suit l’énoncé de
l’image du bateau. Marqué par les pointillés dans la retranscription, cet indice en creux
n’est pas à négliger. La voix s’éteint lentement sur un [a :] soutenu et le silence le
prolonge.
Remarque complémentaire
Lors des séances du premier groupe sur l’alternance, nous avons relevé un moment
où, là encore, l’appel à l’imaginaire sert de lien symbolique à la constitution du groupe.
Si l’on se rapporte à la séance du 13 octobre 1995628 , on peut constater l’angoisse que
provoque la diffusion du compte rendu et comment les membres du groupe vont
travailler à renforcer le lien social interne par l’emploi d’une métaphore simple mais
hautement efficace. Celle du linge sale en famille ». C’est la première fois que la
question se pose au groupe, qui fonctionne depuis plusieurs années, de montrer aux
partenaires extérieurs et cela très précisément, les réflexions, les actions, les décisions et
les projets qui s’élaborent en son sein. Eric et Michel qui travaillent au quotidien sur les
activités de terrain, semblent inquiets de la diffusion d’un compte rendu que Sylvie a
proposé de faire de chaque séance hebdomadaire de travail. Dès lors que la métaphore
du « linge sale de famille » est exprimée, la parole du groupe opère. Elle n’opère pas
comme un libérateur des angoisses, comme c’est l’hypothèse que nous posons pour le
groupe sur l’insertion en permettant son émergence, mais elle provoque une montée en
abstraction qui vient, en retour, renforcer la structuration groupale. Il devient nécessaire
à chacun des participants d’élargir sa représentation du groupe et de prendre en compte
son environnement. Autrement dit de se décentrer pour intégrer d’avantage de variété.
Cela fait, plus ou moins difficilement selon les personnes, le système interne est affermi
par cette opération qui permet un niveau d’apprentissage supérieur (l’élaboration
collective du compte rendu pour le groupe dans son entier. Notons que l’image du
628
Extrait de la séance du groupe sur l’alternance du 13.10.95.AG.GR.2.6.- « C’est pas
un drame. »
ED.GR.2.2.- « Vous trouvez pas que ça fait petit linge sale de ...
MP.GR.2.2.- « de famille »
ED.GR.2.3.- « de famille quoi? »
GT.GR.2.7.- « Oui, mais on a intérêt à la transparence, moi la transparence ne me
gêne jamais. »
SB.ED.2.1- « C’est quoi qui t’ennuie, c’est le fait que ce soit diffusé a l’extérieur? »
ED.SB.2.1.- « Ouais, parce que le petit truc du vendredi matin, c’est des petits points
techniques »
GT.GR.2.8.- « C’est pas forcément des petits truc du vendredi. »
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« linge sale » pourrait être perçue comme négative et dévalorisante pour le groupe
(Pagès dirait l’image du mauvais objet) mais que « famille » qui est prononcé par deux
membres du groupe, associant néanmoins tous les membres entre eux dans cette même
métaphore les porte collectivement à revaloriser immédiatement cette image qui est
vécue comme une intimité. Ce « linge sale de famille » devient une sorte de secret
suffisamment bien maîtrisé pour être donné à voir au dehors. Ce que Eric considère
comme des problèmes insignifiants pour les « autres », reprend une valeur essentielle
qui valorise non seulement les actions, mais le personnes elles-mêmes en tant qu’elles
appartiennent au groupe.
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