TRAITS DE LUMIÈRE Forum Med Suisse No 1/2 9 janvier 2002 18 Médecine intensive pédiatrique et néonatologique 2001 O. Baenziger Après de nombreuses années d’ambiance survoltée en médecine intensive pédiatrique et néonatologique, le nouveau siècle demande des preuves. Et cette année est justement caractérisée par l’apparition de plusieurs études multicentriques randomisées examinant sous un angle critique des traitements bien établis. Deux traitements ayant modifié la médecine intensive pédiatrique et néonatologique au cours de ces dernières années ont fait l’objet de telles études. 1. L’administration prénatale de stéroïdes pour la prophylaxie de la maladie à membranes hyalines chez le petit prématuré, et la corticothérapie postnatale dans la dysplasie broncho-pulmonaire. 2. Le traitement par inhalation de NO (monoxyde d’azote) dans l’insuffisance pulmonaire hypoxique. Dr O. Baenziger, PD Division de Médecine intensive et Néonatologie Service universitaire de Pédiatrie Steinwiesstrasse 75 CH-8032 Zurich Nous savons bien depuis des années que l’administration prénatale de stéroïdes abaisse la mortalité du petit prématuré, en améliorant d’une part la production de surfactant, problème majeur de la maladie à membranes hyalines, et en stabilisant d’autre part la situation vasculaire pulmonaire. Nul n’a su pendant longtemps quel médicament utiliser, ni à quelle dose et à quelle fréquence. En Europe surtout, c’est la bétaméthasone qui s’est imposée au cours de ces dernières années. Des études en expérimentation animale, mais entre-temps les premières observations chez l’être humain ont montré qu’à côté d’une amélioration de la mortalité, il est possible qu’il y ait un ralentissement du développement du cerveau. Les études cliniques sur les stéroïdes administrés en prénatal ne font ressortir aucune preuve de risque d’atteinte cérébrale. L’administration postnatale de dexaméthasone à des prématurés souffrant d’une pneumopathie chronique (dysplasie broncho-pulmonaire) présente par contre une augmentation nette du risque de problèmes de neuromotricité. Tout cela a une importance non seulement pour la médecine intensive néonatologique, mais aussi pour la prise en charge obstétrique de la mère ayant tendance à faire des accouchements prématurés. C’est pour cette raison que l’induction à répétition de la maturation pulmonaire par dexaméthasone doit être revue, mais cette même induction une seule fois, telle qu’elle est généralement pratiquée en Suisse, semble inoffensive du point de vue néonatologique. Un autre dogme de médecine intensive pédiatrique est remis en question par les premières études randomisées sur l’inhalation de NO (monoxyde d’azote) dans l’insuffisance pulmonaire hypoxique du prématuré, du nouveau-né et de l’enfant plus âgé. Le NO a connu une grande vogue au milieu et à la fin des années 90, qui a changé le décor des services de soins intensifs avec les grandes bonbonnes à la tête du lit de tous les patients souffrant d’un ARDS. Quelques nouvelles études ont maintenant montré que le NO parvient il est vrai à améliorer à court terme l’oxygénation du patient en hypoxie. Chez les prématurés et les patients pédiatriques souffrant d’un ARDS, il n’a par contre jamais été possible de démontrer que la mortalité et/ou la durée de ventilation assistée étaient améliorées sous NO. Une légère diminution de la mortalité a été démontrée uniquement chez des enfants nés à terme et présentant le tableau d’une hypertension pulmonaire primitive. Mais cela n’est pas le cas des patients présentant des hernies diaphragmatiques. Une leçon de ces études est qu’aucun traitement ne doit être lancé sans de bonnes études examinant les bons paramètres (endpoints). L’introduction de nouveaux traitements, même dans les disciplines en pleine évolution comme la médecine intensive pédiatrique et néonatologique, ne doit pas se faire de manière incontrôlée. Une autre leçon est que de nombreux traitements pharmacologiques n’ont pas été testés chez l’enfant, et en particulier chez le nouveauné, et que ces traitements sont souvent appliqués sans validation formelle. Le résultat est soit que des traitements onéreux sont administrés à des enfants sans données suffisantes, soit que des médicaments potentiellement efficaces ne peuvent pas être utilisés pour des patients pédiatriques, vu qu’ils ne sont pas admis. Les deux attitudes ne sont pas dans l’intérêt de l’enfant. Il faut donc à l’avenir aborder le problème de l’absence d’études sur la sécurité et l’efficacité chez l’enfant au niveau national ou international. C’est dans ce sens que le souvenir de l’«Evidence Based Intensive Care Medicine» permettra d’aborder de nouveaux rivages. TRAITS DE LUMIÈRE Forum Med Suisse No 1/2 9 janvier 2002 19 Références 1 Barrington KJ, Finer NN. Inhaled nitric oxide for respiratory failure in preterm infants. Cochrane Library, Issue 4: 2001; http://www.updatesoftware.com/ccweb/cochrane/reva bstr/ab000509. 2 Finer NN, Barrington KJ. Nitric oxide for respiratory failure in infants born at or near term. Cochrane Library, Issue 4: 2001; http://www.updatesoftware.com/ccweb/cochrane/reva bstr/ab000399.htm. 3 Whitelaw A, Thoresen M. Antenatal steroids and the developing brain. Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed 2000;83:F154–7. 4 Kleist P. Immer noch Waisenkinder der Medizin. Schweiz Ärztezeitung 2001;82:2221–9.