Le financement canadien-français de la mission chinoise des

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Le financement canadien-français de la mission
chinoise des Jésuites au Xuzhou de 1931 à 1949
La Procure de Chine
Mémoire
SAMUEL C. FLEURY
Maîtrise en histoire
Maître ès arts (M.A.)
Québec, Canada
© Samuel C. Fleury, 2014
RÉSUMÉ
Les Jésuites du Québec œuvraient à l'accomplissement de la mission chinoise de
Xuzhou que le Saint-Siège leur confiait en 1931. Ceux-ci captaient le soutien de nombreux
bienfaiteurs canadiens-français gagnés aux causes missionnaires. Un musée d'art chinois et
la revue missionnaire Le Brigand étaient les principales publicités de leurs activités en
Chine. De juin 1931 à août 1950, plus de 1,1 million de dollars canadiens était donné à
l'Église du Xuzhou via la Procure des Missions Étrangères de Chine, une institution jésuite
fondée à Québec pour financer la mission. La pauvreté, les imprévus climatiques et
l'instabilité politique maintenaient la communauté catholique du Xuzhou dans un état de
dépendance face aux dons de l'Église canadienne-française. Favorisant le financement des
institutions d'enseignement de l'Église du Xuzhou, les Jésuites du Québec ont formé peu de
prêtres chinois avant leur expulsion de la Chine par le Parti communiste chinois à partir
de 1949.
iii
ABSTRACT
The Quebec Jesuits were given the Chinese mission of Xuzhou by the Holy See
in 1931. They were supported by many French Canadian donors convinced of the
importance of missionary causes. A museum of Chinese arts and the missionary review Le
Brigand were the principal publicity of their activities in China. From June 1931 to
August 1950, more than 1.1 million of Canadian dollars were given to the Church of
Xuzhou by the Procure des Missions Étrangères de Chine, a Jesuit institution founded at
Quebec to fund the mission. Poverty, climate instability and political insecurity maintained
the Catholic community of Xuzhou in a state of dependence towards the French Canadian
Church's generosity. Prioritizing the financing of the schools of the Church of Xuzhou, the
Quebec Jesuits trained few Chinese priests before their exile of China by the Chinese
Communist Party, starting in 1949.
v
TABLE DES MATIÈRES
RÉSUMÉ...............................................................................................................................iii
ABSTRACT.............................................................................................................................v
TABLE DES MATIÈRES.....................................................................................................vii
REMERCIEMENTS..............................................................................................................ix
INTRODUCTION...................................................................................................................1
Contexte historiographique................................................................................................2
Cadre conceptuel et problématique....................................................................................9
Présentation et critique du corpus de sources...................................................................11
Les lettres administratives entre Québec et Xuzhou ...................................................11
Les états financiers de la Procure des Missions Étrangères de Chine ........................12
Les publications missionnaires....................................................................................13
Cadre méthodologique......................................................................................................15
CHAPITRE 1: LA CONSCIENCE MISSIONNAIRE CATHOLIQUE:
L'AXE VATICAN-QUÉBEC-XUZHOU..........................................................19
1.1 Le Saint-Siège et la conscience missionnaire.............................................................20
1.1.1 La force d'un éveil missionnaire ........................................................................20
1.1.2 La « romanisation » et le financement des missions..........................................23
1.1.3 Les communautés religieuses en renfort ............................................................26
1.2 L'Église catholique enracinée au Québec avec le concours des Jésuites....................28
1.2.1 L'éveil du catholicisme canadien........................................................................29
1.2.3 Une Église canadienne-française........................................................................31
1.2.3 La Compagnie de Jésus au Québec ....................................................................34
1.3 L'Église catholique de Chine, ses avancées et ses reculs au Xuzhou.........................37
1.3.1 Des tirs de canons pour l'implantation................................................................38
1.3.2 Donner la Chine aux Chinois?............................................................................40
1.3.3 L'Église catholique du Xuzhou ..........................................................................44
CHAPITRE 2: LA PROCURE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES DE CHINE:
CENTRE MISSIONNAIRE ET INTERMÉDIAIRE QUÉBEC-XUZHOU....51
2.1 Entre la province et la procure: vers la coopération pour la mission de Xuzhou.......52
2.1.1 Les éclaireurs canadiens de la province jésuite du Bas-Canada en Chine..........52
2.1.2 La Procure des Missions Étrangères de Chine ...................................................56
2.1.3 L'ambigüité d'une garde partagée ......................................................................58
vii
2.2 Convaincre par l'œuvre d'art et la plume....................................................................62
2.2.1 Exposer la Chine et les Chinois, attirer la sympathie des Canadiens.................62
2.2.2 Publicité missionnaire écrite et brigandage littéraire..........................................67
2.2.3 Mobiliser la ferveur canadienne-française pour l'Église du Xuzhou..................72
2.3 Fluctuations, rentabilité et pont Québec-Xuzhou.......................................................75
2.3.1 Grande récession mondiale, grand défi missionnaire.........................................76
2.3.2 Limite et succès de la publicité pour Xuzhou.....................................................79
2.3.3 La transfusion Québec-Xuzhou et ses interruptions...........................................85
CHAPITRE 3: LES JÉSUITES DU QUÉBEC ET LA COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE
ROMAINE DU XUZHOU: UNE ÉGLISE DÉPENDANTE ..........................93
3.1 Gagner le « vil métal » pour rapprocher des âmes chinoises.....................................94
3.1.1 La dot de Nankin: des réparations et des placements.........................................94
3.1.2 L'aide extraordinaire du Saint-Siège ..................................................................97
3.1.3 La marche forcée et avortée de l'Église du Xuzhou vers son autonomie.........100
3.2 Les frais des œuvres de l'Église du Xuzhou. La formation d'une relève chinoise?..103
3.2.1 Guider l'âme vers la conversion........................................................................103
3.2.2 Éduquer l'esprit à l'apostolat ...........................................................................106
3.2.3 Consolider les vocations...................................................................................111
3.3 Traité de missiologie: les obstacles à l'évangélisation du Xuzhou...........................114
3.3.1 Des séries de calamités naturelles ....................................................................114
3.3.2 Des conflits militaires et des régimes instables................................................117
3.3.3 Des brigands et des « Rouges »........................................................................120
CONCLUSION...................................................................................................................127
BIBLIOGRAPHIE..............................................................................................................131
ANNEXE A: La Chine en 1930..........................................................................................141
ANNEXE B: Le vicariat apostolique de Xuzhou en 1943 .................................................143
ANNEXE C: Les revenus de la Procure de Chine de 1932 à 1950....................................145
ANNEXE D: Les montants administrés par la Procure de Chine de 1932 à 1950.............147
ANNEXE E: Résumé des statistiques de l'Église du Xuzhou de 1931 à 1950...................149
viii
REMERCIEMENTS
La rédaction de ce mémoire est le fruit d'un long travail de recherche duquel je
retiens plusieurs accomplissements qui se sont réalisés grâce au soutien de personnes que je
souhaite sincèrement remercier.
Mes premières pensées vont à M. Shenwen Li, directeur de cette maîtrise et
spécialiste des échanges Orient-Occident, qui m'a m'offert un accompagnement
professionnel de haute qualité malgré la distance qui nous séparait lors de mes
déménagements dans l'Ouest canadien et en Chine. Je suis très reconnaissant de sa volonté
à m'encourager à persévérer durant mes années d'efforts et à motiver chez moi une curiosité
toujours plus grande pour les relations sino-canadiennes. J'ai grandement apprécié son
écoute, ses commentaires et son désir de m'introduire à des documents pertinents à ma
recherche. Je suis également très redevable au CÉLAT et au Centre d'études Québec-Chine
pour l'environnement stimulant qui m'a été offert à l'Université Laval.
J'aimerais également remercier le personnel des Archives des Jésuites du Canada
pour ses disponibilités lors de mes multiples passages à Montréal. Je souligne aussi
spécialement l'apport essentiel à ce mémoire des commentaires pertinents de Mme Brigitte
Caulier, professeure à l'Université Laval, et de M. Serge Granger, professeur à l'Université
de Sherbrooke.
J'aimerais décerner d'autres remerciements aux membres de ma famille qui m'ont
toujours inspiré dans les projets que j'ai entrepris. Je remercie la patience de mes amis très
proches qui ont écouté et dialogué avec moi pendant plusieurs heures. Je pense, entre
autres, à mes collèges des études chinoises, des études internationales et, aussi, tout
spécialement à Nicholas Toupin, qui a fait la relecture du texte. Vos conseils,
encouragements et suggestions ont enrichi mon parcours universitaire.
Bonne lecture.
ix
INTRODUCTION
La mission chinoise de Xuzhou porte les signatures de célèbres missionnaires, dont
celle du Père jésuite Joseph-Louis Lavoie (1886-1968), le fondateur de la revue
Le Brigand. Posté au Québec à la Procure des Missions Étrangères de Chine, ce dernier,
ainsi que ses collègues de la division canadienne-française de la Compagnie de Jésus, avait
pour principale mission d'assurer le ravitaillement des activités apostoliques dans la région
chinoise du Xuzhou1.
Ce mémoire porte sur le financement des efforts des Jésuites du Québec pour
soutenir la progression de l'Église du Xuzhou vers son autonomie de 1931 à 19492. Le
mandat d'évangéliser un territoire autour de la ville chinoise de Xuzhou était une première
expérience significative de gestion d'une mission étrangère des Jésuites du Québec. Ces
derniers ajoutaient alors leur contribution au grand mouvement missionnaire catholique qui
avait été lancé en France au XIX e siècle et qui avait gagné toute l'Europe et les Amériques
suite aux annonces du Pape Grégoire XVI (1831-1846). Les membres de la Compagnie de
Jésus se démarquaient par leur grand dynamisme dans plusieurs pays 3. Ils étaient
particulièrement influents auprès de la population francophone du Canada. Bernard Denault
souligne que la communauté recrutait si efficacement auprès des Canadiens français que ses
effectifs au Québec atteignaient des proportions uniques dans le monde. Durant la première
moitié du XXe siècle, cet avantage favorisait l'envoi à l'étranger de missionnaires jésuites
d'origine canadienne-française et la Chine était une destination privilégiée par le SaintSiège4.
1
2
3
4
La région du Xuzhou se situe dans la Nord de la province chinoise du Jiangsu (Chiang-su) entre les provinces du
Shandong (Shan-tung), du Zhili (An-hui en 1930) et du Henan (Ho-nan). Voir l'annexe A et l'annexe B.
« Jésuites du Québec » a été retenu pour désigner les membres de la province jésuite du Bas-Canada. Cette
abréviation a aussi été utilisée par Jacques Langlais (1979) et par Diana Lary (2005, 2009). Leurs publications sont
abordées ci-bas.
Les Jésuites français représentaient une grande proportion des religieux qui participaient à l'élan missionnaire
du XIXe siècle. Françoise Douaire-Marsaudon et al., Missionnaires chrétiens. Asie et Pacifique XIX e-XXe siècles,
Paris, Autrement, 2008, pp. 10-12.
À ce sujet, voir Bernard Denault, Sociologie générale des communautés religieuses au Québec (1837-1969):
éléments de problématique, Mémoire de maîtrise, Sherbrooke, Université de Sherbrooke, 1972, pp. 48-61.
1
Au lendemain de la Grande Guerre (1914-1918), les missionnaires de la province
jésuite de Paris, qui œuvraient dans le vaste territoire chinois du vicariat de Nankin
depuis 1856, espéraient l'arrivée en Chine de missionnaires canadiens-français pour
remplacer leurs membres de nationalité française qui devaient quitter la région chinoise de
la ville de Xuzhou afin de répondre aux besoins spirituels de l'Europe d'après-guerre. Les
Jésuites du Québec offraient des renforts francophones dès 1918. Ils acceptaient la charge
d'une partie du territoire de Nankin après avoir fondé, en 1928, la Procure des Missions
Étrangères de Chine pour alimenter leurs opérations missionnaires.
Le rôle de la Procure de Chine devint central au lendemain du 23 juin 1931 alors
qu'un décret du Saint-Siège officialisa l'autonomie de la mission canadienne-française de
Xuzhou par rapport à la tutelle de la mission française de Nankin. D'abord basée à Québec,
puis à Montréal, l'institution jésuite favorisait la cueillette des dons pour aider à
l'enracinement de l'Église catholique au Xuzhou. Son appui permettait le départ de près de
cent Jésuites du Québec vers cette partie de la Chine pour y organiser et y entretenir des
œuvres apostoliques encadrant la population chinoise. Le territoire ecclésiastique de
Xuzhou fut élevé au titre de vicariat le 18 juin 1935, puis à celui de diocèse
le 11 avril 1946. Le financement de la mission de Xuzhou demeurait l'objectif principal
assigné à la Procure de Chine jusqu'en 1949. Les opérations des Jésuites du Québec au
Xuzhou furent, ensuite, sensiblement ralenties, puis furent complètement entravées par les
communistes chinois qui désiraient l'expulsion des missionnaires de la Chine.
Contexte historiographique
Les efforts des Jésuites du Québec au Xuzhou se situent dans le cadre d'une longue
historiographie missionnaire dont les débuts remontent aux relations de voyages
du XVIe siècle. Préoccupés de conserver la mémoire de leurs victoires et de leurs sacrifices,
les milliers de religieux engagés dans le projet de l'évangélisation du monde étaient les
premiers à rédiger l'histoire de leurs missions. Animés par des objectifs confessionnels, les
publications d'ouvrages visaient à rendre témoignage des actions charitables de l'Église et,
2
parfois, à justifier auprès des bienfaiteurs la légitimité de poursuivre les travaux
missionnaires à l'international. Les ouvrages publiés contribuaient au développement d'une
science missionnaire, la missiologie, qui consiste principalement en l'étude des méthodes
d'apostolat employées face à des environnements socioculturels différents. Le partage des
stratégies d'évangélisation constituait aussi un code de recommandations face aux
problèmes missionnaires5.
Les tentatives d'implantation de l'Église en Chine entre les XVIe et XVIIIe siècles
inspiraient
plusieurs
réflexions
sur
les
échecs
du
mouvement
missionnaire.
L'historiographie retient la « querelle des rites », cette mésentente entre la papauté et
l'Empereur de Chine qui avait mené à la suppression de l'Ordre des Jésuites entre 1773
et 1814, comme une grande rupture, un intermède d'une quarantaine d'années et une remise
à zéro du compte missionnaire6. À ce marqueur temporel, Édouard Lecompte opposa les
« anciennes missions » (1551-1773) aux « missions modernes » (1814-) pour identifier le
nouvel élan auquel prenait part la Compagnie de Jésus à partir de la fin du XIX e siècle. Il
souligna l'année significative de 1842 puisqu'elle marque le double retour des Jésuites au
Canada et en Chine. Il raconta les avancées de ces derniers dans plusieurs autres pays pour
démontrer avec quelle vigueur la communauté religieuse parvenait à surpasser ses objectifs
dans la majorité de ses entreprises modernes7.
Un premier ouvrage dressant le portrait mondial de l'effort missionnaire de la
Compagnie de Jésus fut publié avec un grand optimisme en 1934 à l'occasion de la
commémoration du quatrième centenaire des vœux d'Ignace de Loyola, le fondateur de
l'Ordre. Le Père jésuite Alexandre Brou compila dans Cent ans de missions, 1815-1934 les
statistiques des sacrements administrés et des pratiques religieuses des convertis pour
5
6
7
À propos de la naissance et du développement de la missiologie, veuillez consulter André V. Seumois, Introduction
à la missiologie, Schöneck-Beckenried, Administration der Neuen Zeitschrift für Missionswissenschaft, 1952,
pp. 20-58.
Voir René Étiemble, Les Jésuites en Chine (1551-1773): la querelle des rites, Paris, R. Julliard, 1966, pp. 11-17. Les
rivalités entre les communautés religieuses jouaient un rôle déterminant durant la querelle des rites. À ce sujet, voir
également Xavier Walter, La Troisième mort des missions de Chine (1723-1838), Paris, François-Xavier de
Guibert, 2008, pp. 23-29.
Édouard Lecompte, Les missions modernes de la Compagnie de Jésus au Canada (1842-1924), Montréal, Messager
canadien, 1925, p. 74.
3
démontrer l'efficacité des Jésuites dans l'implantation du catholicisme, inviter les autres
communautés religieuses à suivre leur exemple et justifier le bien-fondé de la poursuite du
travail d'évangélisation à l'international. L'ouvrage alimenta des espérances messianiques
pour l'Asie, car la conversion des habitants de la région très peuplée était ciblée comme un
objectif essentiel pour l'avenir de l'Église universelle. Le P. Brou présenta le christianisme
comme une solution aux problèmes rencontrés par des pays comme la Chine et chercha à
convaincre ses lecteurs de s'impliquer pour accélérer l'atteinte de l'idéal d'un christianisme
universel8.
Aux attentes positives qui avaient inspiré les ouvrages ecclésiastiques de la première
moitié du XXe siècle succéda toutefois une tendance très critique sur l'expérience
missionnaire. La Chine en était souvent le sujet après la fondation de la République
Populaire de Chine le 1er octobre 1949 puisque les relations entre le Saint-Siège et le
nouveau gouvernement communiste menaient à l'expulsion de la Chine de tous les
missionnaires. Constatant de la faible progression du message chrétien auprès des
populations chinoises et remarquant que la plupart des Églises catholiques implantées en
Chine furent désorganisées, des auteurs penchaient pour des conclusions négatives sur les
méthodes d'évangélisation employées en Chine et demandaient leurs révisions afin que
cette expérience chinoise puisse bénéficier à d'autres missionnaires9.
Entre temps, des chercheurs formés dans des universités mirent en doute les motifs
religieux de l'histoire des missions en publiant des études sur les actions et le vécu des
missionnaires. Ils cherchaient à comprendre les « […] efforts faits par les Églises
chrétiennes pour répandre le message évangélique à travers le monde »10. La
reconnaissance de l'universalité du rôle des Églises chrétiennes lors du 21e concile
8
9
10
4
Alexandre Brou, Cent ans de missions, 1815-1934, Paris, SPES, 1935, pp. 147-181.
Un missionnaire commentait anonymement le travail missionnaire en Chine: « Considering the vast amount of
money, personnel, thought and devotion that has gone into the Christian schools and colleges in China, our
intellectual failure is remarkable ». Missionnaire Anonyme, « First Thoughts on the Debacle of Christian Missions
in China », African Affairs, vol. 51, no. 202 (janv., 1952), p. 33. Voir également David J. Bosch, Dynamique de la
mission chrétienne. Histoire et avenir des modèles missionnaires, Paris, Labor & Fides, 1995, p. 19.
Cet objectif était rappelé dans les actes du colloque tenu en 1980 par la Société d'histoire ecclésiastique de la France.
Guy Duboscq et al., Les réveils missionnaires en France. Du Moyen-âge à nos jours (XII e-XXe siècles), Paris,
Beauchesne, 1984, p. 7.
œcuménique du Vatican (1962-1965) favorisa leurs arguments. Cette dernière contredit la
perception voulant que l'Église universelle ait eu comme unique finalité de reproduire son
modèle en multipliant les baptêmes. Elle amena les spécialistes des affaires missionnaires à
réfléchir sur les conditions préalables à l'autonomie de l'Église sur un nouveau territoire en
tenant compte de multiples indicateurs11.
Des historiens reformulèrent aussi la thèse que la publicité communiste diffusait en
Chine depuis 1949 pour justifier sa politique nationaliste. Cette thèse, défendue jusqu'à
l'ouverture préconisée par le gouvernement chinois au lendemain de la Révolution
culturelle chinoise (1966-1976), démontrait que les missionnaires avaient agi en Chine en
tant que des représentants des puissances coloniales et que, en toute fidélité aux intérêts de
leur pays d'origine, leurs activités évangéliques avaient été l'une des causes principales des
problèmes sociaux chinois. Selon Jérôme Ch'en, les efforts missionnaires en Chine
reposaient davantage sur la foi que sur la capacité d'adaptation aux conditions chinoises.
L'auteur formula l'idée en 1979 que les missionnaires se dévouaient davantage à la
conversion d'un peuple qu'à trouver des solutions durables pour favoriser la condition de
vie de la population12.
Alvyn J. Austin réfuta cette dernière perception dans l'introduction d'un ouvrage
marquant qu'il publia en 1986. Avec Saving China. Canadian Missionaries in the Middle
Kingdom 1888-1959, il inspira une réinterprétation de l'histoire des missions en prenant la
Chine comme cas d'études. Plutôt que de jeter le blâme de l'échec du christianisme en
Chine sur les stratégies apostoliques des missionnaires, l'auteur interrogea la
correspondance de ces derniers et chercha à expliquer les conditions difficiles avec
lesquelles les membres des communautés religieuses avaient œuvré. Il conclut que pendant
une trentaine d'années, les Presbytériens, les Méthodistes et les Jésuites du Canada avaient
participé à la modernisation des installations chinoises en multipliant le nombre des œuvres
sociales pour répondre aux besoins de la population. Selon lui, les montants que les
11
12
Cette approche faisait écho à la constitution pastorale Gaudium et Spes adoptée lors du 21e concile œcuménique du
Vatican (Vatican II). David J. Bosch, op. cit., p. 510.
Voir Jérôme Ch'en, China and the West: Society and Culture, 1815-1937, London, Hutchinson, 1979, pp. 147-150.
5
bienfaiteurs canadiens ont envoyés aux Églises chinoises servaient, entre autres, à financer
la construction et l'entretien d'écoles, de dispensaires et d'orphelinats qui étaient, en partie,
saisis par le gouvernement communiste chinois après l'expulsion des missionnaires13.
Comme Austin,
de
nombreux
chercheurs,
tels
que
Karen
Minden
et
Peter M. Mitchell, réinterprétèrent le vécu de missionnaires de confessionnalités différentes
en analysant les actions et les expériences telles que racontées par la correspondance
missionnaire14. De cet angle d'approche, Erleen J. Christensen identifia la guerre civile
chinoise (1927-1950) et la guerre sino-japonaise (1937-1945) comme les obstacles
principaux à l'évangélisation de la population chinoise. Selon elle, les conflits militaires ont
affaibli l'Église chrétienne de Chine au début du XXe siècle. Les missionnaires auraient eu à
articuler leurs activités apostoliques avec une condition de vie particulièrement impropice15.
Deux historiens principaux ont défriché l'histoire plus spécifique des Jésuites du
Québec ayant œuvré au Xuzhou durant la première moitié du XX e siècle. Le P. jésuite
Rosario Renaud était la référence historienne principale sur la mission. Missionnaire en
Chine entre 1935 et 1949, il avait été mandaté par la Compagnie de Jésus pour produire une
œuvre imposante sur le territoire ecclésiastique de Xuzhou. Le premier tome de cette
histoire, son Süchow. Diocèse de Chine, qui paraît en 1955, porte principalement sur les
caractéristiques de l'environnement chinois qui avait accueilli les Jésuites français. Renaud
travaillait encore plusieurs années avant de rendre disponible en 1982 un deuxième tome
intitulé Le diocèse de Süchow, Chine: champ apostolique des jésuites canadiens de 1918
à 1954. Ce dernier ouvrage, qui porte sur l'histoire du territoire ecclésiastique sous la
13
14
15
6
Les trois communautés religieuses étudiées par Austin ont respectivement œuvré au Henan, au Sichuan et au
Jiangsu. Les missionnaires qui œuvraient au Jiangsu étaient les Jésuites du Québec au Xuzhou. Alvyn J. Austin,
Saving China: Canadian Missionaries in the Middle Kingdom, 1888-1959, Toronto, University of Toronto
Press, 1986, pp. 5-17.
En 1989, Karen Minden dressa le portrait des efforts des médecins missionnaires de l'Église unie du Canada pour
assister les Chinois atteints par les famines et les épidémies. L'année suivante, Peter M. Mitchell étudia la
contribution des missionnaires canadiens ayant œuvré dans le domaine de l'éducation dans la province chinoise du
Henan. Karen Minden, Canadian Development Assistance: The Medical Missionary Model in West China, 19101952, Toronto, University of Toronto-York University Joint Centre for Asia Pacific Studies, 1989, pp. 4-17. Peter M.
Mitchell, Canadian Missionaries and Chinese Rural Society: North Henan in the 1930s, North York, University of
Toronto-York University Joint Centre for Asia Pacific Studies, 1990, pp. 7-22.
Erleen J. Christensen, In War and Famine: Missionaries in China's Honan Province in the 1940s, Montréal, McGillQueen's University Press, 2005, p. 9.
direction des Jésuites du Québec, contient le récit chronologique des progrès de l'Église du
Xuzhou et des obstacles rencontrés durant le travail apostolique en Chine16.
Jacques Langlais, historien québécois et prêtre de la Congrégation de Ste-Croix,
publia en 1979 un autre ouvrage incontournable sur les missionnaires du Xuzhou sous le
titre Les Jésuites du Québec en Chine (1918-1955). Son ouvrage était une innovation par
rapport aux recherches de Renaud puisque, pour comprendre les stratégies d'évangélisation
des Jésuites du Québec, l'auteur analysa leurs perceptions face aux coutumes des Chinois
du Xuzhou. Il identifia deux visions dominantes envers les religions populaires chinoises.
Alors qu'une tendance compréhensive représentée par la revue missionnaire Le Brigand
faisait l'éloge de la culture chinoise, l'autre, intolérante et aux jugements condescendants,
motivait la majorité des Jésuites du Québec à imposer des substitutions chrétiennes à
certaines pratiques des convertis chinois qu'ils estimaient superstitieuses17.
D'autres études ont récemment fait progresser la compréhension des activités des
Jésuites du Québec au Xuzhou. France Lord publia en 2005 un chapitre sur les expositions
missionnaires de la Compagnie de Jésus après avoir analysé des documents de la Procure
de Chine18. Serge Granger visita aussi les archives des Jésuites pour compléter sa recherche
sur les relations entre le Québec et la Chine19. Les documents des Jésuites du Québec ont
également attiré la curiosité de l'historienne Diana Lary qui publiait sur les impressions et
les rôles de ces missionnaires durant la guerre sino-japonaise. Puisque les Jésuites du
Québec sont restés en poste au Xuzhou, une région limitrophe de la ville de Nanjing qui
était occupée par les Japonais, leurs lettres sont des témoignages uniques qui permettent de
16
17
18
19
Rosario Renaud, Süchow: diocèse de Chine, Montréal, Bellarmin, 1955, 482 p. Rosario Renaud, Le diocèse de
Süchow, Chine: champ apostolique des jésuites canadiens de 1918 à 1954, Montréal, Éditions Bellarmin,
1982, 462 p.
Jacques Langlais, Les Jésuites du Québec en Chine (1918-1955), Québec, Presses de l'Université Laval, 1979,
379 p.
France Lord, « The Silent Eloquence of Things: The Missionary Collections and Exhibitions of the Society of Jesus
in Quebec, 1843-1946 » dans Alvyn J. Austin et al., Canadian Missionaries, Indigenous Peoples: Representing
Religion at Home and Abroad, Toronto, University of Toronto Press, 2005, pp. 205-261.
Serge Granger, Le lys et le lotus. Les relations du Québec avec la Chine de 1650 à 1950 , Montréal,
VLB, 2005, 187 p.
7
mieux connaître les massacres - dont celui de Nanjing -, qui animent les débats d'historiens
à l'international20.
Shenwen Li s'est également intéressé aux Jésuites de la mission de Xuzhou dans le
cadre de recherches sur les rencontres entre l'Occident et l'Orient. Sa contribution, intitulée
« Les jésuites canadiens-français et leur mission en Chine, 1918-1945 », démontre
l'évolution de la mission de Xuzhou en offrant une liste complète de son personnel jésuite
en provenance du Québec. Li fera également bientôt paraître un article sur les œuvres
d'éducation des Jésuites du Québec au Xuzhou qu'il a rédigé après avoir visité en Chine
l'actuelle École supérieure IV, qui est un ancien collège, autrefois administré par les Jésuites
du Québec21. Sinon, les travaux portant directement sur les missionnaires au Xuzhou sont
très rares.
L'approche qui inspire ce mémoire ranime les critiques que des auteurs
ecclésiastiques ont prononcées sur l'échec de l'évangélisation de la Chine après 1949. Elle
cherche à expliquer les difficultés d'implanter une Église chrétienne en se penchant sur un
sujet qui n'a jusqu'ici pas encore été abordé spécifiquement : celui du financement. Elle se
situe à l'aboutissement de la reconsidération de l'histoire des missions entamée par
Saving China en 1986 puisqu'elle tient compte de la spécificité de l'aventure missionnaire
en Chine durant la première moitié du XXe siècle et qu'elle le fait en cherchant à
comprendre l'expérience des missionnaires plutôt que celle des chrétiens chinois à l'aide de
sources qui ont rarement été consultées. Cette perspective unilatérale tiendrait compte de la
perception étroite face à l'Asie que l'historiographie attribue aux missionnaires et dont le
contenu de la correspondance serait le reflet. Elle permet de mieux comprendre les
20
21
8
Voir, Diana Lary, « Faith and War Eyewitnesses to the Japanese Invasion of China: Quebec's Jesuit priests »,
Modern Asian Studies, vol. 39, no. 4 (2005), pp. 817-841. La référence de son second article est Diana Lary, « War
and Transcendence: The Transformation of the Role of Quebec's Jesuit Missionaries During the Japanese Invasion
of China », dans Shenwen Li et al., Chine-Europe-Amérique. Rencontres et échanges de Marco Polo à nos jours,
Québec, Presses de l'Université Laval, 2009, pp. 355-376.
Shenwen Li, « Les jésuites canadiens-français et leur mission en Chine, 1918-1945 », dans Shenwen Li et al.,
Chine-Europe-Amérique. Rencontres et échanges de Marco Polo à nos jours, op. cit., pp. 329-354. Un autre article
de Shenwen Li paraîtra bientôt sous le nom de « Les jésuites canadiens-français et leurs écoles catholiques en
Chine (1919-1949) ».
réactions des missionnaires face à leur environnement d'accueil chinois et de compléter les
informations élémentaires récoltées par Rosario Renaud.
Cadre conceptuel et problématique
Partie prenante de l'histoire des missions, l'étude de la contribution des Jésuites du
Québec à l'élan missionnaire des XIX e et XXe siècles suppose une compréhension
particulière des concepts d'« Église » et de « mission ». L'Église catholique universelle
représente une communauté de croyants unie au niveau spirituel et possédant un caractère
supranational par sa direction par le Saint-Siège: c'est-à-dire par la papauté et par la Curie
romaine. L'Église universelle se compose de communautés locales ou d'Églises locales qui
sont dites « mineures » lorsque naissantes et « majeures », « matures » ou « autonomes »
lorsque consolidées ou composées d'un nombre élevé de fidèles. Pour qu'une Église soit
considérée majeure et autonome, elle devait répondre à trois prérogatives principales: la
capacité de s'auto-financer, la capacité de s'auto-administrer et la capacité de faire sa propre
publicité à une autre société, c'est-à-dire la capacité de s'implanter ailleurs en envoyant une
aide sous forme de mission à d'autres Églises plus jeunes pour que ces dernières se
consolident et deviennent, à leur tour, autonomes22.
Lorsque la mission était assignée au clergé d'une Église locale sur son territoire, elle
était dite mission « intérieure ». Lorsque le clergé d'une Église majeure prenait la charge
d'évangéliser des habitants d'un autre territoire d'évangélisation, sa mission était dite
« extérieure » ou « lointaine ». L'envoi d'un personnel religieux formé pour l'étranger et le
transfert de gros montants par une Église autonome vers une jeune Église devaient aider à
encadrer l'évangélisation d'une autre nation par la fondation d'œuvres d'évangélisation
comme des églises, des écoles et des hôpitaux23.
En 1952, André Seumois indiqua dans Introduction à la Missiologie que le sens du
mot « mission » tire ses origines des Contitutiones circa missiones rédigées entre 1544
22
23
Achiel Peelman, L'inculturation: l'Église et les cultures, Paris, Desclée, 1988, pp. 29-30.
À propos de la distinction entre missions paroissiales (intérieures) et étrangères (extérieures) qui était utilisée par les
historiens ecclésiastiques, veuillez consulter David J. Bosch, op. cit., pp. 11- 20.
9
et 1558 par Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie de Jésus. Jusqu'au milieu
du XXe siècle, l'utilisation du terme « mission » faisait référence à « [un] envoi ou [une]
destination à un lieu déterminé en vue d'y exercer le saint ministère; il signifiait aussi le
territoire lui-même où devait se dérouler cette activité »24. La définition qui avait été
répandue par les Jésuites se rapprochait du terme de « province » et s'appliquait aussi aux
pays christianisés depuis longtemps. Pour les historiens, « mission » désigne à la fois celui
qui donne le mandat (ex.: missions de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi),
celui qui le reçoit (ex.: missions des Jésuites du Québec) et le territoire auquel ce mandat
s'adresse (ex.: missions de Chine, mission de Xuzhou). L'usage de ce terme renvoie aux
activités des missionnaires au sens large, à la conversion des peuples et à la fondation de
nouvelles communautés chrétiennes25.
Dans le cadre de ce mémoire, le terme « mission » identifie l'objectif chrétien qui a
rassemblé les Jésuites du Québec autour du projet d'évangéliser le territoire chinois de la
région de Xuzhou. En toute considération de cette définition supranationale, la Procure des
Missions Étrangères de Chine qui était établie au Québec contribuait aussi à la « mission de
Xuzhou ». En effet, les Jésuites qui participaient aux cueillettes des dons des bienfaiteurs
canadiens-français n'en partageaient pas moins l'objectif d'évangéliser les Chinois et de
consolider l'Église du Xuzhou.
L'historiographie a jusqu'ici souligné la nécessité de posséder suffisamment de
ressources matérielles et humaines pour mener une mission d'évangélisation à terme, mais
elle a peu questionné les moyens impliqués par les missionnaires pour y arriver. Les
Jésuites du Québec faisaient régulièrement état de problèmes financiers et de besoins en
personnel pour consolider l'Église du Xuzhou. Ils mentionnaient également les nombreux
projets dans lesquels il fallait investir avec le concours de bienfaiteurs pour favoriser le
travail apostolique. Si on en croit les constats du P. Édouard Goulet, qui travaillait au SaintSiège au Secrétariat général des missions des Jésuites en 1933, la situation de l'Église du
Xuzhou était en retard quant à son développement en comparaison avec les autres missions
24
25
10
André J. Seumois, op. cit., p. 63.
David J. Bosch, op. cit., pp. 11 et 31-34.
chinoises sous la responsabilité d'autres instituts et congrégations religieuses 26. Fortes des
méthodes qui avaient fait leurs preuves dans la longue histoire des entreprises missionnaires
de la Compagnie de Jésus, les stratégies de financement des Jésuites du Québec œuvrant en
Chine et leurs résultats animent des interrogations. Les Jésuites du Québec ont-ils observé
les directives du Saint-Siège? Par quelles manœuvres ont-ils tenté de soutenir leur
entreprise chinoise? Qu'en était-il de l'état des montants transférés par la Procure des
Missions Étrangères de Chine vers le Xuzhou? Les dons de la mature Église canadiennefrançaise ont-ils encouragé l'autonomie de la jeune Église du Xuzhou?
Ce mémoire propose que, appuyés par les manifestations de la conscience
missionnaire canadienne-française, les Jésuites du Québec administraient un ensemble
d'initiatives stratégiques via la Procure des Missions Étrangères de Chine qui leur permirent
de recueillir de nombreux dons généreux de 1931 à 1949, mais dont l'épargne et
l'investissement ne guidaient que tardivement l'Église du Xuzhou vers sa maturité.
Présentation et critique du corpus de sources
Les Jésuites du Québec ont produit plusieurs documents dont le contenu répond à
ces questionnements. Le personnel de la Procure des Missions Étrangères de Chine
conservait des dossiers depuis la création d'un fonds d'archives le 5 septembre 1931. Le
déménagement de l'institution à Montréal en 1947 et sa transformation en apostolat
international en 1970 entraînèrent l'établissement d'un classement incluant ce qui avait été
ramené du Xuzhou par les missionnaires expulsés. Temporairement déposé à Saint-Jérôme
en 1990, le fonds d'archives du nom de « Procure des Missions, M-0007 » est maintenant
conservé aux Archives des Jésuites au Canada (AJC) à Montréal. Les autres documents des
Jésuites du Québec qui ont enrichi ce mémoire sont en circulation, car ils avaient été
publiés pour favoriser la collecte de dons canadiens en faveur de la mission.
26
Édouard Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 57 (24 mars, 1933), p. 4.
11
Les lettres administratives entre Québec et Xuzhou
Le fonds d'archives « Procure des Missions, M-0007 » contient plusieurs lettres
administratives qui étaient échangées régulièrement chaque mois de 1918 à 1956 entre les
Jésuites travaillant au Québec et ceux œuvrant au Xuzhou. De ce corpus imposant ont été
retenues près de 350 lettres significatives. De longueurs diverses, ces dernières étaient, pour
la majorité, destinées aux usages internes à la communauté religieuse. Elles servaient
assurer le fonctionnement de la Procure de Chine, coordonner les opérations internationales
et maintenir la communication entre les missionnaires. Le temps entre l'envoi et la
réception d'une lettre échangée entre le Québec et le Xuzhou pouvait être de plusieurs
semaines. Certaines étaient adressées à plusieurs destinataires à la même date. Toutes
étaient sujettes aux révisions des autorités de la Compagnie de Jésus et du Saint-Siège qui
se réservaient un droit de regard sur leur contenu.
Les émetteurs les plus impliqués dans la rédaction de la correspondance
administrative étaient le P. Joseph-Louis Lavoie, le procureur de la Procure de Chine à
Québec (1928-1945), le P. Louis Bouchard, son successeur installé à Montréal (1945-1965),
Mgr. Georges Marin, l'administrateur apostolique de Xuzhou (1931-1935), et Mgr. Philippe
Côté, son successeur nommé évêque de Xuzhou (1935-1970)27. Ces derniers conservaient
souvent des copies papier de leurs échanges qui servaient de preuves d'envoi et d'aidemémoires. Dactylographiées, pour la plupart, parfois rédigées en forme télégraphique, les
lettres administratives contiennent des informations claires abordées par sujets identifiés.
Elles fournissent de nombreux renseignements pertinents sur les besoins financiers de la
mission de Xuzhou et sur les méthodes administratives structurant les activités des Jésuites
du Québec visant à consolider l'Église du Xuzhou28.
27
28
12
Le P. Lavoie avait été missionnaire au Xuzhou de 1924 à 1928. Le P. Bouchard avait souhaité œuvrer au Xuzhou,
mais les autorités de la Compagnie de Jésus ne le destinèrent pas à la Chine. Mgr. Marin fut mandaté pour le
Xuzhou en 1920. Il fut nommé Visiteur des missions de Chine après son mandat d'administrateur apostolique de la
préfecture de Xuzhou. Mgr. Côté arriva au Xuzhou en 1929 et il demeura officiellement évêque de Xuzhou jusqu'à
son décès en 1970.
Une partie des lettres administratives a été classée chronologiquement dans le fonds d'archives « Procure des
Missions, M-0007 ». AJC. M-0007, Cl. 6, no. 52 à no. 134. Corr. AJC. M-0007, Cl. 6, no. 166 à no. 168.
Lettres: 1931-41 à 1944-48. AJC, M-0007, Cl. 7, no. 62 à no. 71. Académie des Missions: Lettres.
Les états financiers de la Procure des Missions Étrangères de Chine
Le fonds d'archives « Procure des Missions, M-0007 » contient également des états
financiers annuels de la Procure de Chine. Souvent commentés par les lettres
administratives, ils rapportent les montants administrés par l'institution jésuite. La
compilation des états financiers annuels était sous la responsabilité du procureur. Le début
de
leur
tenue
annuelle
régulière
est
daté
de
mars
1932.
Seule
l'année
administrative 1947-1948 est manquante. Les Archives des Jésuites au Canada conservent
des états financiers annuels dont la datation se poursuit jusqu'en août 1955, mais,
après 1949, les activités de financement des Jésuites du Québec ne concernaient plus
spécifiquement la mission de Xuzhou et aucun poste budgétaire ne permet de distinguer les
transferts monétaires exclusivement destinés vers la Chine29.
Chaque état financier annuel se compose de tableaux compilant les revenus et les
dépenses de la Procure de Chine en dollars canadiens. Ces tableaux contiennent des postes
budgétaires auxquels sont attribués des montants pour une année administrative débutant
le 1er août. Les postes budgétaires renseignent sur la vision que les Jésuites du Québec
avaient de la gestion de la Procure de Chine. Un premier regard sur leur nombre permet
d'identifier la variété des initiatives que les Jésuites animaient pour financer la mission de
Xuzhou. La critique des états financiers démontre, par contre, que les ajouts de postes
budgétaires n'étaient pas toujours des signes du dynamisme de leurs activités de
financement. Il semble que les additions et les fusions de postes budgétaires étaient
effectuées au rythme des fluctuations de l'économie canadienne et des montants reçus à la
Procure de Chine.
Les montants compilés dans ces états financiers permettent de comprendre les
activités de financement des Jésuites du Québec, la générosité des bienfaiteurs canadiens29
Bien que les premières tenues de livres de la Procure de Chine aient été irrégulières, les bilans financiers partiels des
années 1929, 1930 et 1931 sont conservés aux Archives des Jésuites au Canada. Ces bilans, ainsi que les états
financiers de 1931 à 1949 (sauf l'année 1947-1948) se trouvent en AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1. Un coup d'œil
aux états financiers conservés par le curé M. Réjean Couture de la paroisse Saint-Christophe d'Arthabaska confirme
que le clergé séculier ne tenait pas non plus d'états financiers réguliers avant 1930 dans certaines régions du Québec.
Laurence Gottlieb, The Catholic Church and Economic Growth in Quebec from 1919 to 1929, New York, Edwin
Mellen Press, 2007, p. 24.
13
français pour la mission de Xuzhou et les priorités de la Procure de Chine lors de
l'administration de ses ressources financières.
Les publications missionnaires
Les relations des Jésuites du Québec avec les bienfaiteurs de la mission de Xuzhou
étaient entretenues grâce à une production littéraire de promotion missionnaire publiée par
les institutions de la Compagnie de Jésus au Canada et par la Procure de Chine.
Des journaux comme L'Action catholique et Le Devoir accueillaient à l'occasion des
articles publicitaires sur la Chine. Le périodique Le Brigand, par contre, était la principale
publication qui assurait la visibilité de l'Église du Xuzhou au Canada. Imprimés dans les
locaux de la Procure de Chine avec pour objectif de financer la mission de Xuzhou, 125
numéros étaient publiés entre mars 1930 et octobre 1949. Sorti à raison de six à sept
numéros par année, le périodique divertissait ses lecteurs sur la culture chinoise, les
informait sur les activités apostoliques des Jésuites du Québec au Xuzhou et les rassurait
sur l'utilisation de leurs contributions financières. Chaque exemplaire était garni d'articles,
de listes de besoins, de noms de donneurs, de nouvelles, de petites annonces, de statistiques
et de transcriptions de lettres envoyées par des missionnaires postés en Chine qui
remplissaient un support papier de huit à seize pages. La comparaison du contenu du
périodique avec la correspondance originale permet de constater la modification de lettres
avant leur publication. L'information choisie par le rédacteur en chef se gardait, en effet, de
commentaires politiques et de descriptions pouvant affecter la collecte des dons. Destiné au
grand public, surtout à celui du Canada francophone, le périodique avait aussi des lecteurs
dans l'Ouest canadien, aux États-Unis et dans des missions en Asie. Le Brigand est une
revue missionnaire encore active qui travaille maintenant à faire connaître les missions des
Jésuites à Taiwan et en Haïti. En juin 2011, il en était au numéro 50630.
Quelques Jésuites du Québec ont également écrit pour faire connaître leur mission.
Le P. Georges Marin, qui visita pour la première fois le Xuzhou en 1920, fut l'un des
30
14
Le Brigand, no. 1 (mars, 1930) à no. 125 (oct., 1949). Voir
http://www.jesuites.org/Brigand.htm, page consultée le 28 mars 2013 [en ligne].
aussi
son
site
web
actue l:
premiers missionnaires à en faire le sujet d'un tract intitulé La Chine à Dieu: une mission
canadienne, le Siu-Tchou-Fou dans lequel il décrit la région, son peuple, son histoire et
insistait sur la collecte de dons et le recrutement de candidats. Le supérieur de la région du
Xuzhou de 1928 à 1931, le P. Édouard Lafortune, publia, en 1930, l'ouvrage éducatif
Canadiens en Chine: croquis du Siutchoufou. Mission des Jésuites du Canada dans lequel
il se penche sur l'environnement, la culture et le travail des missionnaires du Xuzhou. Le
P. Antonio Dragon insista sur la condition de vie en Chine avec En Mission parmi les
rouges en 1946. Après avoir visité la région en tant que supérieur provincial des Jésuites du
Bas-Canada, il publia également Le Père Bernard en mémoire du P. Prosper Bernard
assassiné en 1943 durant la guerre sino-japonaise31.
D'autres documents, intitulés Œuvre de la Mission de Suchow d'après la Division
Ecclésiastique (1931-1949), qui ont parfois été cités dans les lettres et les publications des
Jésuites du Québec décrivent les progrès réalisés en Chine grâce à l'appui des bienfaiteurs
de la mission. Il s'agit de compilations de statistiques informant sur l'état de la consolidation
de l'Église catholique au Xuzhou32.
Cadre méthodologique
L'analyse critique interne et externe du corpus de source a enrichi la compréhension des
activités de financement des Jésuites du Québec pour la mission de Xuzhou. Les lettres et
les publications des missionnaires ont subi une analyse de contenu inspirée des méthodes
de Roger Mucchielli. Cette façon d'analyser exhaustivement les sources consiste à « […]
rechercher les informations qui s'y trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui y est
présenté, formuler et classer tout ce qu['elles] "contien[nent]"» 33. Elle consiste à étudier le
support de l'information, le contenu du document et la manière utilisée par son auteur pour
31
32
33
Georges Marin, La Chine à Dieu: une mission canadienne, le Siu-Tchou-Fou, Montréal, Procure de la Mission de
Chine, 1925, 35 p. Édouard Lafortune, Canadiens en Chine: croquis du Siutchoufou. Mission des Jésuites du
Canada, Montréal, L'Action Paroissiale, 1930, 230 p. Antonio Dragon, En mission parmi les Rouges, Montréal,
Messager canadien, 1946, 127 p. Antonio Dragon, Le Père Bernard, Montréal, Messager canadien, 1948, 237 p.
Les Œuvre de la Mission de Suchow d'après la Division Ecclésiastique ont été compilés annuellement et servaient à
donner l'heure juste sur les résultats des activités missionnaires auprès des autorités du Saint-Siège et de la
Compagnie de Jésus. Il semble que l'année administrative 1948-1949 n'ait pas été classée dans le fonds d'archives
« Procure des Missions, M-0007 ». AJC, M-0007, Cl. 6, no. 142 à 162.
Roger Mucchielli, L'analyse de contenu. Des documents et des communications, Issy-les-Moulineaux,
ESF editeur, 2006, p. 24.
15
transmettre son message34. Une grille d'analyse flexible a été conçue afin de tenir compte de
la censure qui contrôlait l'information transmise et d'identifier les auteurs et les destinataires
des documents. Les copies de lettres émises par un même individu à des destinataires
différents ont rendu possible la comparaison des motifs des auteurs, surtout dans les cas où
elles étaient modifiées.
L'usage complémentaire des lettres administratives, des publications missionnaires
et des états financiers annuels a permis de vérifier les montants administrés pour la mission
à la Procure de Chine de 1931 à 1949 et de retracer des informations concernant les années
1931-1932 et 1947-1948 dont les rapports sont respectivement incomplets et manquants. Le
calcul annuel des sommes des revenus et des dépenses et la comparaison de ces sommes
avec l'avoir que la Procure de Chine avait en compte bancaire à la fin de chaque année
administrative ont servi à connaître les montants exacts transférés en Chine et à produire
des graphiques qui se trouvent en annexes C et D. Puisque les états financiers ont été
compilés en dollars canadiens, lorsque connue, la valeur du taux de change de cette devise
avec la monnaie chinoise (yuan) a été établie grâce à la critique des lettres administratives
qui en abordaient souvent le sujet.
Les statistiques annuelles compilées par les Jésuites du Québec, dont une partie se
trouve en annexe E, ont servi à évaluer les investissements de l'Église du Xuzhou. Le
nombre d'institutions fondées et financées par secteur d'activité apostolique et les
proportions des sommes payées en personnel laïc pour entretenir les œuvres sociales de la
mission ont été considérées comme des indicateurs pertinents de la croissance de la
communauté catholique au Xuzhou et de la progression de l'Église du Xuzhou vers son
autonomie.
***
34
16
Laurence Bardin, L'analyse de contenu, Paris, Presses Universitaires de France, 1993, p. 150.
La première partie de ce mémoire porte sur les origines pontificales du mouvement
missionnaire dans lequel s'insérait la participation des Jésuites au Xuzhou. La vigueur de la
conscience missionnaire au Québec y est expliquée. Un exposé sur la situation de l'Église
de Chine durant la première moitié du XXe siècle confirme ensuite le lien direct qui existait
entre les instructions du Saint-Siège, les entreprises missionnaires canadiennes-françaises et
le catholicisme au Xuzhou. La compréhension de ce contexte introduit à la seconde partie
du mémoire qui concerne plus spécifiquement les initiatives que les Jésuites du Québec ont
encadrées par la Procure de Chine pour financer leurs activités en Chine. Le contenu de la
publication Le Brigand et des états financiers de la Procure de Chine y est soigneusement
analysé. La troisième partie clôt la démonstration en présentant comment des institutions
financées par des bienfaiteurs canadiens-français ont participé à l'évangélisation du Xuzhou
et à la consolidation de son Église. Elle explique les réussites et les limites du travail des
Jésuites du Québec en ce qui concerne l'utilisation des fonds recueillis et la progression de
l'Église du Xuzhou vers son autonomie.
17
CHAPITRE 1
LA CONSCIENCE MISSIONNAIRE CATHOLIQUE:
L'AXE VATICAN-QUÉBEC-XUZHOU
Les activités des Jésuites du Québec en Chine se situaient dans la continuité des
efforts missionnaires entrepris depuis la Judée pour étendre la présence de l'Église
catholique à l'échelle mondiale. Leur mission au Xuzhou rappelle celles des premiers
apôtres qui ont voyagé vers Rome, puis à travers toute l'Europe. L'évangélisation de la
région chinoise était motivée par une vision universelle du prosélytisme tirée des Évangiles
qui dictait de partager la Bonne Nouvelle du Salut de l'humanité dit rendu possible par la
résurrection de Jésus Christ35.
La Compagnie de Jésus, dont les Jésuites du Québec sont des membres, est née
concomitante à la volonté du Saint-Siège de promouvoir la lecture catholique romaine de la
Bible36. Constitué par Ignace de Loyola en 1537, l'Ordre était spécialement mandaté face à
la multiplication des Églises protestantes (anglicane, calviniste, luthérienne, etc.). Régie par
des règles strictes et ascétiques, la communauté religieuse défendait la position pontificale
sur tous les dossiers théologiques. De ce fait, elle reconnaissait l'achat d'indulgences
comme une pratique valide permettant aux bienfaiteurs d'expier ou d'admettre leurs fautes
commises à l'encontre des Dix Commandements de l'Ancien Testament37.
Les Jésuites prenaient les devants à l'appel lancé par le Pape Paul III (1534-1549) de
rallier les chrétiens d'Europe et de continuer à répandre la Bonne Nouvelle aux habitants
des campagnes et des contrées lointaines. Grâce à leur aide fidèle, le Saint-Siège, déjà
régnant au sommet d'une bureaucratie enracinée à Rome, orchestrait avec rigidité des
interventions pour encadrer le corps épiscopal européen et diffuser aux catholiques un
35
36
37
« Allez donc! De toutes les nations faites des disciples » commande l'Évangile de Matthieu. Matthieu (28,19)
Le Saint-Siège est l'incarnation du pouvoir spirituel du pape et de son administration.
Le dossier des indulgences avait soulevé de nombreuses questions théologiques au XVI e siècle. L'indulgence
consistait en la compilation des aumônes données à l'Église en échange du pardon des fautes commises
contrairement aux règles de la vie chrétienne. L'indulgence était une forme de contribution à l'Église. Robert
Herrmann explique aussi que, pour les chrétiens, « la collecte pour les besoins sociaux de la communauté s'intègre à
la messe et constitue une participation active des fidèles à la foi au culte et à la charité ». Robert Herrmann, La
charité de l'Église de ses origines à nos jours, Mulhouse, Salvador, 1961, p. 30.
19
enseignement plus clair des critères de l'atteinte du Salut. Les missions catholiques
s'épanouissaient à l'échelle mondiale du XVIe au XVIIIe et du XIXe au XXe siècles en deux
vagues entrecoupées par les révolutions françaises et européennes (1789-1799, 1830
et 1848). Les Jésuites s'installaient pour la première fois au Canada durant la première
vague, puis, à partir du Québec, ils étaient mandatés pour le Xuzhou, en Chine, lors de la
deuxième vague.
1.1 Le Saint-Siège et la conscience missionnaire
Les éveils missionnaires catholiques étaient ceux de prises de conscience par le
Saint-Siège de l'urgence d'étendre le christianisme catholique romain au monde entier 38.
Aussi désignée sous le terme « esprit missionnaire », la conscience missionnaire était « [...]
cette vertu surnaturelle acquise qui port[ait] à s'intéresser constamment au Salut des âmes;
en [...] faisant participer [les catholiques] par la prière et le sacrifice à la conversion des
infidèles; en les incitant à recruter des missionnaires et à les assister matériellement dans
leur entreprise »39. La conscience missionnaire répondait au projet universaliste
qu'annonçaient les Évangiles et ses manifestations par les prières, les vocations et les
aumônes étaient jugées nécessaires pour accéder au paradis.
1.1.1 La force d'un éveil missionnaire
Si le premier éveil missionnaire était animé par l'effort du Saint-Siège d'affirmer sa
suprématie sur les interprétations protestantes de la Bible se multipliant en Europe et, par
ricochet, dans les colonies américaines, africaines et asiatiques à partir du XVIII e siècle, le
second éveil missionnaire prit de sa vigueur alors que, en quête d'une spiritualité nouvelle,
des Français, réceptifs au Génie du christianisme de Chateaubriand, s'investissaient, dès les
années 1820, dans un vaste programme de sensibilisation et de participation aux missions40.
38
39
40
20
Les Églises protestantes manifestaient aussi d'éveils missionnaires. Pour de plus amples informations à ce sujet,
veuillez consulter Émile G. Léonard, « Histoire du protestantisme (1939-1952) (5 e partie) », Revue Historique,
T. 2217, Fasc. 2 (1957), pp. 295-303.
Nive Voisine et al., Histoire du catholicisme québécois, Tome 1: 1898-1940, Montréal, Boréal Express, 1984, p. 167.
Le « Génie du christianisme » fut publié en 1802 par François-René de Chateaubriand pour contredire les idées
libérales qui avaient justifié la Révolution française. À ce sujet, voir Arlette Michel, « La beauté de Dieu dans la
première partie du Génie du christianisme », Revue d'histoire littéraire de la France, 98e année, no. 6 (nov. déc., 1998), pp. 1035-1046.
Encouragée par le Pape Grégoire XVI (1831-1846), la conscience missionnaire française
était ensuite diffusée à l'ensemble du monde catholique41.
Inquiète des progrès des Églises protestantes, de l'avancée de l'Islam et, surtout, de
la popularité récente du communisme, la papauté s'adressait à plusieurs reprises à
l'ensemble des croyants de l'Église catholique romaine. Les messages du Saint-Siège
cherchaient à répondre à deux objectifs principaux. Le premier était de faire prendre
conscience aux chrétiens que l'ignorance des vérités théologiques constitue un réel danger
pour le Salut de l'âme de chaque habitant de la planète. Le deuxième était de les convaincre
de fournir aux missionnaires les moyens spirituels et matériels pour répandre le
catholicisme à l'échelle planétaire42.
Les directives du Pape Alexandre VII (1655-1667) en matière d'affaires
missionnaires font partie des indications pontificales qui étaient observées par les Jésuites
du Québec au XXe siècle. Les Instructions de 1659 soulignèrent l'importance de confier les
postes de responsabilité des missions à des hommes de jugement reconnus par la papauté et
commandèrent à ces derniers d'organiser soigneusement les soutiens moral et financier de
leur mission. Le Pape souhaitait que l'établissement d'un clergé indigène, formé dans des
séminaires de qualité, soit l'objectif principal de la nomination d'évêques en mission. Le
scénario idéal qu'il concevait était qu'un corps épiscopal complet originaire de la jeune
Église succède aux missionnaires envoyés pour l'implanter et l'encadrer temporairement
jusqu'à ce qu'elle devienne autonome43.
Le Pape Léon XIII (1878-1903) rappela les Instructions de 1659 et fit remarquer
que, selon lui, en particulier au Japon et en Chine, le clergé indigène avait moins été
41
42
43
Voir Robert S. Maloney, « Mission Directives of Pope Gregory XVI, (1831-1846): A Contribution to the History of
the Catholic Mission Revival in the 19th Century », Thèse de doctorat, Rome, 1959, pp. 44 à 48.
Francine Lorrain, « L'esprit missionnaire au Québec: les laïcs et les coopérants », Thèse de doctorat, Québec,
Université Laval, 1994, p. 290.
Plusieurs éléments des Instructions étaient rappelés durant la première moitié du XX e siècle. Par exemple, les
missionnaires étaient appelés à organiser des séminaires pour former un clergé fidèle au Saint-Siège capable
d'assurer l'avenir de la nouvelle Église dont il était issu. À propos des Instructions à l'usage des vicaires
apostoliques en partance pour les royaumes chinois de Tonkin et de Cochinchine (1659), veuillez consulter Marcel
Gérin, « Le gouvernement des missions », Thèse de doctorat, Université Laval, 1944, pp. 67-68.
21
victime des persécutions dirigées envers les prêtres étrangers et avait partiellement pu
administrer l'Église en l'absence des missionnaires. Il ajouta que la présence d'un clergé
indigène était un signe de la maturité d'une Église puisqu'elle assurait la viabilité du
catholicisme sur le territoire de mission44.
La lettre apostolique Maximum Illud émise par le Pape Benoît XV (1914-1922)
en 1919 se démarqua ensuite en moussant la conscience missionnaire catholique. Elle lança
un appel à la mobilisation illimitée de tous les croyants en faveur du projet missionnaire. Le
Pape demanda aux supérieurs de mission de veiller au plein développement du territoire qui
leur était attribué dans l'objectif de permettre le plus de conversions possible. Il les chargea
impérativement d'augmenter le nombre de paroisses jusqu'à ce qu'un clergé indigène puisse
les administrer. Le Pape souhaitait que les membres des clergés séculier et régulier soient
imprégnés de la conscience missionnaire et qu'ils en soient les principaux promoteurs.
L'Union missionnaire du clergé, dont il commanda la fédération en 1916, lui paraissait le
meilleur regroupement international pour convaincre les religieux de l'importance à
accorder aux missions et pour les inviter à communiquer cet engouement aux laïcs. Pour
Benoît XV, la participation active aux succès des missions était un devoir chrétien et une
obligation salutaire impliquant tous les fidèles de l'Église universelle. Reprenant l'idée des
indulgences, le Pape indiqua que trois moyens s'offraient aux catholiques pour assurer leur
rédemption tout en venant en aide aux missions: prier, entrer en vocation pour les missions
ou donner l'aumône aux missionnaires45.
Les Papes Pie XI (1922-1939) et Pie XII (1939-1958) rappelaient les Instructions et
Maximum Illud, puis reconnaissaient, entre autres, l'importance des publications
missionnaires et de la presse écrite pour stimuler la conscience missionnaire. Le SaintSiège utilisait la radiodiffusion dès 1931 pour favoriser l'unité de la catholicité46.
44
45
46
22
Léon XIII, « Lettre apostolique Ad Extremas: Fondation de séminaires dans les Indes (juin, 1893) », dans Le Siège
apostolique et les missions: textes et documents instructions de 1659 – Léon XIII – Saint Pie X – Benoît XV –
Pie XI – S. S. Pie XII, Paris, Union missionnaire du clergé, 1956, pp. 20 à 23.
Benoît XV, « Épitre apostolique Maximum Illud: sur la propagande de la foi à travers le monde (nov., 1919) », dans
Le Siège apostolique et les missions, op. cit., pp. 29 à 45.
À propos de la nécessité de créer un clergé indigène, voir Pie XI, « Allocution au 1 er Congrès international de
l'Union missionnaire du clergé (juin, 1922) », dans Le Siège apostolique et les missions, op. cit., pp. 59-61. Pie XII,
« Encyclique Summi pontificatus (oct.,1939) », dans Le Siège apostolique et les missions, op. cit, pp. 150-151.
1.1.2 La « romanisation » et le financement des missions
La stratégie pontificale concourait à une plus grande emprise du Saint-Siège sur les
activités des missionnaires actifs autour du globe. Phénomène désigné « romanisation » par
Annie Lacroix-Riz, la centralisation de l'effort missionnaire catholique autour du SaintSiège progressait surtout sous les pontificats de Pie XI et de Pie XII. Les deux papes
cherchaient activement à regrouper les initiatives catholiques régionales autour d'un idéal
spirituel supérieur et à assurer le financement des missions catholiques47.
À partir du Concordat de 1801, les missions catholiques étaient sous la protection de
la République française. La Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi, un ministère
du Saint-Siège fondé en 1622 et rétabli en 1815 en même temps que la Compagnie de
Jésus, créait alors des circonscriptions ecclésiastiques, des vicariats, auxquels étaient
nommés des missionnaires coopérant avec les autorités françaises48.
La France était le cœur financier des actions catholiques outre-mer. Dès sa
fondation française par Pauline-Marie Jaricot en mai 1822, l'Œuvre de la Propagation de la
Foi amassait des dons pour nourrir les entreprises de la Sacrée Congrégation de la
Propagation de la Foi. L'Œuvre de Saint-Pierre-Apôtre, fondée en France par Stéphanie
Bigard, quêtait dès 1839 pour promouvoir la formation d'un clergé indigène dans les
missions. L'Œuvre de la Sainte-Enfance, qui fut organisée en France en 1842 par
Mgr. Charles de Forbin-Janson, l'évêque de Nancy, finançait l'éducation catholique des
enfants des missions en organisant des parrainages. Les œuvres caritatives françaises
amassaient des montants considérables qu'elles administraient de Lyon. Les intermédiaires
lyonnais transféraient une partie des montants au Saint-Siège basé à Rome. L'autre partie
parvenait directement aux missions des missionnaires français49.
47
48
49
Annie Lacroix-Riz, « Le rôle du Vatican dans la colonisation de l'Afrique (1920-1938): de la romanisation des
missions à la conquête de l'Éthiopie », Revue d'histoire moderne et contemporaine (1954-), T. 14e, no.1
(janv.-mars, 1994), p. 29.
Josef Metzler, « Foundation of the Congregation "de Propaganda Fide" by Gregory XV » dans Sacrae
congregationis de propaganda fide memoriam rerum: 350 ans au service des missions (1622-1972),
Tome 1: 1622-1700, Rome, Herder, 1971, pp. 79-111. Le Concordat de 1801 sanctionnait le protectorat français sur
les missions catholiques jusqu'en 1904. Bernard Ardura, Le concordat entre Pie XII et Bonaparte, 15 juillet 1801:
Bicentenaire d'une réconciliation, Paris, Cerf, 2001, pp. 43-69.
Des œuvres semblables à celle de Mme Jaricot furent clandestinement organisées durant la Révolution française,
mais peu d'entre elles survécurent aux répressions anti-cléricales. L'Œuvre de la Propagation de la Foi avait
23
Au lendemain de la Première Guerre mondiale (1914-1918), la Troisième
République française, dont les finances étaient mal-en-point, n'arrivait plus, aux yeux du
Saint-Siège, à assurer la sécurité des missions. Le Saint-Siège, qui décourageait la
collaboration de certains missionnaires avec les colonisateurs, centralisa les initiatives
missionnaires50. Le nouveau Code de droit canonique de 1917 prépara un renforcement du
rôle de leader que la papauté voulait prendre pour stimuler, coordonner et financer les
activités missionnaires catholiques à travers le monde51.
Dès sa nomination comme pontife, Pie XI, et son conseiller, Mgr. Van Rossum,
donna le coup d'envoi à une romanisation prononcée sur la question missionnaire en
centralisant les opérations financières en faveur des missions. Le 22 mai 1922, le Pape
permit d'introduire un acte législatif motivant la réorganisation à Rome de l'Œuvre de la
Propagation de la Foi autrefois basée à Lyon. Au grand damne du clergé français
impuissant, le Saint-Siège profita de l'appui du clergé américain - dont la générosité était
très grande - et fit volte-face à la France en centralisant pareillement les Œuvres de SaintPierre-Apôtre et de la Sainte-Enfance. À la faveur d'une nouvelle coopération entre le
Vatican et un « Conseil des Missions » basé à Washington en 1921, le Saint-Siège prit le
contrôle des moyens financiers qui alimentaient l'élan missionnaire catholique52.
50
51
52
24
l'originalité de multiplier son nombre de bienfaiteurs en demandant à chacun d'en recruter dix autres. Antoine
Lestra, Histoire secrète de la Congrégation de Lyon: de la clandestinité à la fondation de la propagation de la foi ,
Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1967, pp. 95 à 98 et 295 à 334. Joseph Jolinon, Pauline Jaricot: Patronne des
chrétiens sociaux, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1957, pp. 131-148.
En vertu du protectorat français, les activités des missions étaient souvent mêlées aux affaires des colonisateurs.
Certains missionnaires tiraient parti de la protection qui leur était accordée par la France pour interférer dans des
affaires judiciaires qui concernaient les nouveaux convertis. Dans ces conditions, les pouvoirs locaux avaient
souvent raison d'associer les intérêts missionnaires de la papauté aux intérêts commerciaux des États. L'émergence
de conflits nuisibles à la maturation des Églises incitait le Saint-Siège à réduire les contraintes imposées par le
Concordat de 1801 et à décourager les missionnaires à coopérer avec les colonisateurs. Claude Prudhomme,
Missions chrétiennes et colonisation, XVIe-XXe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2004, pp. 53 à 66.
La préparation du Code de 1917 répondait aux décisions du premier Concile du Vatican (1869-1870) en matière de
division du pouvoir dans l'administration du Saint-Siège. Émile Jombart, Manuel de droit canon: conforme au Code
de 1917 et aux plus récentes décisions du Saint-Siège, Paris, Beauchesne et ses fils, 1949, pp. 135-182. Le Code de
droit canonique de 1917 était en vigueur jusqu'en 1983.
Les bienfaiteurs américains contribuaient à la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi depuis 1883.
Dès 1888, ils transféraient des montants de plus de 10 000$ américains par année. Les Américains étaient en
première position des bienfaiteurs des missions dans le monde en 1925. Joseph P. Ryan, « Contribution to the
Catholic Missionary Effort in China in the Twentieth Century », The Catholic Historical Review, vol. 31, no. 2
(juil., 1945), p. 171. Pour connaître l'opinion du corps épiscopal français de l'époque face à la politique francophobe
du Saint-Siège, veuillez consulter Abbé Daniel, Le baptême de sang: histoire d'un complot au Vatican contre la
France, Paris, A. Michel, 1917, 225 p. Pour une étude historique sur les relations entre la France et le Vatican, voir
Joseph Hajjar, Le Vatican, la France et le catholicisme oriental (1878-1914): diplomatie et histoire de l'Église,
Paris, Beauchesne, 1979, pp. 115 à 129.
Le Saint-Siège instaurait un ensemble de projets pour assurer la fidélité des
missionnaires à son objectif spirituel. L'un d'entre eux, l'exposition missionnaire qui eut lieu
dans les jardins du Vatican en 1925, connut un grand rayonnement. Environ 100 000 objets
en provenance des missions furent exposés dans 24 pavillons pour éduquer les visiteurs sur
l'ampleur du mouvement missionnaire. Un musée missionnaire annexé au palais du Latran
fut fondé afin d'offrir aux supérieurs de mission un lieu où s'inspirer de différentes
méthodes d'évangélisation53. L'année suivante, le Saint-Siège clarifia sa volonté de
multiplier le nombre de territoires ecclésiastiques dans le monde et d'améliorer la qualité de
la formation des missionnaires. Des stages d'études à Rome dans le nouveau Séminaire de
la Propagande inauguré en avril 1929 visaient, entre autres, à former un clergé indigène
fidèle au pape et à sa doctrine54.
Le Saint-Siège guidait le zèle missionnaire, orchestrait les efforts des catholiques et
leur rappelait leur obligation, en tant que membres de l'Église, d'encourager le
développement des missions par les prières, les vocations et les aumônes. La canonisation
en 1925 de la carmélite française Thérèse de Lisieux et sa nomination comme co-patronne
des missions avec Saint-François-Xavier, un Jésuite qui avait précédemment été nommé
patron de l'Œuvre de la Propagation de la Foi en 1904, animaient un mouvement populaire
de dévotion pour les missions tout en fournissant un modèle de vie chrétienne inspirant.
L'instauration, en 1926, du Dimanche des missions, une journée missionnaire observée
dans le calendrier chrétien à l'avant-dernier dimanche d'octobre de chaque année, stimulait
la conscience missionnaire des catholiques55.
53
54
55
Annie Lacroix-Riz, op. cit., pp. 36-39 et 41.
Le Collège de la Propagande, le Collège Saint-Pierre et l'Institut missionnaire étaient aussi des lieux d'enseignement
à Rome. La Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi organisait des cours de missiologie dès 1920 pour
assurer une meilleure préparation du personnel missionnaire. André Seumois, « La S.C. "de Propaganda Fide" et les
études missionnaires », dans Sacrae congregationis de propaganda fide memoriam rerum: 350 ans au service des
missions (1622-1972), Tome 3: 1815-1972, Rome, Herder, 1976, p. 459. Pie XI, « Encyclique Rerum Ecclesiae: Le
développement à donner aux missions (fév.,1926) », Le Siège apostolique et les missions, op. cit., pp. 73 à 95.
L'autobiographie de Thérèse de Lisieux se vendait à 2,5 millions d'exemplaires dans le monde entre 1898 et 1925.
Bernard Laluque propose une interprétation des raisons de la popularité de la carmélite dans Bernard Laluque, Un
docteur pour l'Église: Thérèse de Lisieux, Paris, Nouvelle Cité, 1987, p. 23. Pie XI, « Rescrit de la S. C. des Rites:
Le dimanche missionnaire d'octobre (avril, 1926) », Le Siège apostolique et les missions, op. cit., pp. 96-97.
25
La mainmise sur les œuvres caritatives que le Saint-Siège acquérait dans les années
1920 modifiait la distribution des richesses accordées aux missions. En effet, les allocations
aux missions françaises diminuaient de 35% suite à la centralisation de l'Œuvre de la
Propagation de la Foi à Rome en 192256. Maître de ses moyens financiers, le Saint-Siège
souhaitait amorcer un vaste projet d'expansion des missions après avoir organisé l'État du
Vatican en 192957.
1.1.3 Les communautés religieuses en renfort
L'encyclique Evangelii Praecones rapporte que, de 1926 à 1951, environ deux cents
nouvelles missions étaient créées portant au nombre d'environ 600 les missions catholiques
dans le monde58. Toutefois, la Grande Dépression, qui débuta aux États-Unis en
octobre 1929 et qui s'installa dans plusieurs pays jusqu'en 1939, affecta durement la
capacité du Saint-Siège de soutenir toutes ses missions. En effet, les revenus en aumônes
reçues par les œuvres pontificales auraient diminué d'environ 40% entre 1931 et 1932. La
Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi, dont les conseils pontificaux étaient
chargés de distribuer les subsides aux missions, aurait eu peu à offrir aux jeunes Églises59.
Le Saint-Siège réalisait son plan d'action en mandatant des communautés religieuses
qui assuraient le recrutement du personnel missionnaire et le financement des activités
d'évangélisation. Les candidats en religion devaient prononcer formellement trois vœux
principaux: ceux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance. Il leur était interdit toute
descendance, toute possession ou héritage et toute révolte contre les autorités de la
communauté et du Saint-Siège. Chacun était mandaté pour les missions par la Sacrée
Congrégation de la Propagation de la Foi via la recommandation de son supérieur
56
57
58
59
26
Annie Lacroix-Riz, op. cit., p. 36.
Le roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, reconnu la souveraineté des relations internationales du Saint-Siège en 1929.
Les accords du Latran donnèrent au Saint-Siège toute la juridiction sur l'État du Vatican. À propos du contexte
historique entourant cet événement majeur, voir Philip Bernardini, « The Lateran Concordat with Italy », The
Catholic Historical Review, vol. 16, no. 1 (avril, 1930), p. 20.
Un tiers des efforts missionnaires était effectué en moins de trente ans. Pie XII, « Encyclique Evangelii Praecones:
sur le développement à donner aux missions (juin, 1951) », Le Siège apostolique et les missions,
op. cit., pp. 196-224.
Le P. Goulet, qui travaillait au Saint-Siège, prévoyait une autre diminution de 20 à 30% des revenus en aumônes de
la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi pour l'année 1933. Édouard Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC,
M-0007, Cl. 6, no. 58 (30 nov., 1933), p. 4.
immédiat. Les communautés religieuses administraient les biens de leurs membres. Le
Saint-Siège affermissait son droit de regard sur les états financiers des communautés
religieuses et il encourageait la correspondance des problèmes missionnaires rencontrés60.
Le Saint-Siège renforcissait une hiérarchie missionnaire pour encadrer et assister les
communautés religieuses en missions. Des délégués apostoliques représentaient le pape
auprès des Églises locales. Ils supervisaient l'observance des instructions pontificales par
les supérieurs de mission. Des nonces, quant à eux, représentaient le Vatican auprès des
États. Ils veillaient au respect de la liberté de pratiquer la religion catholique et à la
coopération des pouvoirs locaux pour la consolidation du catholicisme. Les nonces
composaient officiellement le corps diplomatique du Vatican, mais ils pouvaient parfois
s'attribuer le rôle de délégués apostoliques auprès des jeunes Églises comme celles de la
Chine. Leurs visites étaient significatives puisque leurs rapports influençaient les
allocations que les conseils pontificaux débloquaient aux missions nécessiteuses61.
La Compagnie de Jésus secondait le Saint-Siège dans de nombreuses initiatives
missionnaires durant la première moitié du XX e siècle. Ses efforts étaient en grande partie
coordonnés par le supérieur général Wlodimir Ledochowski (1915-1942). Élu par
la 26e Congrégation générale de la Compagnie de Jésus comme successeur à Franz Xavier
Wernz (1906-1914), il occupait son poste pendant vingt-sept ans et il travaillait
parallèlement à la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi. Quelques mois après
l'élection de Pie XI, en 1923, il convoqua la 27e Congrégation générale afin d'aligner la
Constitution de l'Ordre des Jésuites avec le Code de droit canonique adopté en 1917.
Conservateur convaincu, il considérait, tout comme la papauté, que l'athéisme était la plus
grande menace pour la catholicité. Il cherchait à organiser des stratégies pour réfuter le
marxisme-léninisme et il laissa sa marque dans l'encyclique anti-communiste Divini
60
61
La plupart des instituts et des congrégations religieuses imposaient les trois vœux à leur membre dès leur fondation.
Leur prononciation devenait officiellement le fait de tout le clergé avec le Concile du Vatican I (1870) qui
réaffirmait l'infaillibilité pontificale. François Méjan, « Les régimes des congrégations », La Revue
administrative, 9e année, no. 53 (sept.-oct., 1956), pp. 462 et 473.
Bertrand Peltier, « La dispense des interpellations en pays de mission », Thèse de doctorat, Université
Laval, 1948, p. 55. Selon le Code de droit canon de 1917, toutes les opérations de financement organisées par les
supérieurs de mission devaient être supervisées par le délégué apostolique ou le nonce du Saint-Siège. Émile
Jombart, op. cit., pp. 454-466.
27
Redemptoris qu'il avait préparée en 1937. L'élection de son remplaçant, le supérieur général
Jean-Baptiste Janssens (1946-1964), que la Seconde Guerre mondiale retardait pendant
quatre ans, concrétisa la continuité d'une politique fidèle au pape, conservatrice et rigide
face au communisme62.
Appelée à participer activement au projet universaliste de répandre le catholicisme,
la Compagnie de Jésus observait sa vocation missionnaire en obéissant à des directives
pontificales qui insistaient sur l'importance de former un clergé indigène capable de prendre
la responsabilité des jeunes Églises. Bras droit du Saint-Siège, l'Ordre des Jésuites
favorisait l'émergence de la conscience missionnaire des fidèles en rappelant les devoirs
catholiques de prier, entrer en vocation et donner l'aumône. Grâce au soutien inconditionnel
des communautés religieuses, le Saint-Siège, qui centralisait les moyens de ses ambitions,
rappelait ainsi des instructions qui avaient auparavant favorisé les succès de la
consolidation de l'Église catholique en Amérique du Nord.
1.2 L'Église catholique enracinée au Québec avec le concours des Jésuites
L'Église catholique du Canada est un exemple de mission qui parvint à son
autonomie. Le catholicisme résistait au protestantisme dès le début du régime d'occupation
militaire britannique qui succéda à la conquête de la Nouvelle-France en 1760. La rébellion
des patriotes (1837-1838) échoua dans un bain de sang. Il fallait assimiler les Canadiens
français, écrivait Lord Durham, qui était l'envoyé spécial de la couronne britannique pour
mener une enquête sur leur insatisfaction. Et pourtant, paradoxalement, l'Église catholique
canadienne-française se consolidait au Canada avec le concours des autorités britanniques63.
62
63
28
En 1941, environ 3900 Jésuites administraient 32 missions et étaient présents dans 21 autres. Joseph Stierli indique
que la Compagnie de Jésus avait 5500 membres actifs en missions en 1953. Il ajoute que le recrutement pour
l'Ordre ne faiblissait pas de 1853 à 1964. Joseph Stierli, Les jésuites, Paris, Éditions Saint-Paul, 1966, p. 244.
Philippe Chenaux, L'Église catholique et le communisme en Europe, 1917-1989: de Lénine à Jean-Paul II, Paris,
Cerf, 2009, pp. 88-101.
Puisque l'Église catholique s'était rallié la bourgeoisie libérale canadienne-française écrasée durant la rébellion des
patriotes, elle occupait une place centrale dans la société francophone du Canada. Les autorités britanniques la
considéraient comme une des institutions les plus stables des Canadiens français. À ce sujet, voir John C. Super,
« Rerum Novarum in Mexico and Quebec », Revista de historia, no. 126 (janv.-juin, 2000), pp. 64-65.
1.2.1 L'éveil du catholicisme canadien
La Confédération canadienne de 1867 reconnaissait le droit de l'Église catholique de
s'implanter au Canada. Les principes démocratiques qui soutenaient la constitution du
dominion britannique confirmaient la liberté de tous les habitants de pratiquer la religion de
leur choix. Auparavant majoritairement présente dans la vallée du Saint-Laurent, le
catholicisme s'étendait davantage vers l'Ouest canadien. Les quatre premières provinces du
jeune État avaient depuis plusieurs décennies été l'arène de la compétition entre les Églises
protestantes et catholique64.
Une immigration majoritairement protestante en provenance du Royaume-Uni
posait un grand défi à l'Église catholique romaine qui entendait conserver son influence au
Canada. Pour parvenir à augmenter le nombre de religieux et faciliter le recrutement des
vocations canadiennes, Mgr. Ignace Bourget, l'évêque de Montréal (1840-1876), fit appel à
des communautés religieuses missionnaires européennes, dont certaines avaient auparavant
travaillé en Nouvelle-France. Les Oblats de l'Immaculée-Conception étaient les premiers à
répondre (1841), suivis par les Jésuites en 1842 (l'Ordre fut rétabli en 1814), les Clercs de
Saint-Viateur (1847), les Pères de Sainte-Croix (1847), les Dominicains (1873), les
Rédemptoristes (1878), les Pères Blancs (1901) et presque vingt autres communautés
catholiques masculines. Environ cinquante-quatre communautés catholiques féminines
firent successivement la traversée pour s'implanter au Canada. Bien que les relations entre
les supérieurs des communautés religieuses et les curés des paroisses canadiennes fussent
parfois conflictuelles - surtout parce que ces premières drainaient les aumônes en dehors
des caisses paroissiales pour financer leurs activités -, les clergés régulier et séculier
collaboraient généralement pour assurer le bien-être spirituel des fidèles65.
64
65
Les premières provinces à former la Confédération canadienne étaient l'Ontario, le Québec, le Nouveau-Brunswick
et la Nouvelle-Écosse. De 1867 à 1949, 6 autres provinces et 2 territoires s'y greffèrent. Le Nunavut fut le dernier
territoire à être reconnu en 1999. Plusieurs Églises protestantes, en majorité presbytériennes et méthodistes, se sont
fédérées en 1925 sous le nom d'Église unie du Canada. Michel Gauvreau et al, The Churches and Social Order in
Nineteenth and Twentieth Century Canada, Montréal, McGill-Queens University Press, 2008, p. 199.
Une augmentation de plus de 600 nouvelles vocations par décennie était enregistrée au Canada. Alors que 3064
prêtres furent dénombrés au Québec en 1930, ce nombre passa à 4423 en 1950. Commission épiscopale pour les
ministères et l'apostolat, Rapport sur l'état des ressources humaines de l'Église catholique au Canada, Ottawa,
Conférence des évêques catholiques du Canada, 1984, p. 78. Bulletin de l'Union missionnaire du clergé, vol. II,
no. 5 (avril, 1931), pp. 150-151. Voir également Louis-Edmond Hamelin, « Évolution numérique séculaire du clergé
catholique dans le Québec », Recherches Sociographiques, II, 2 (avril-juin, 1961), pp. 189-236.
29
L'encadrement des croyants à l'échelle de la paroisse était un moyen privilégié par le
clergé catholique pour favoriser la consolidation de l'Église catholique romaine au
Canada66. Supervisées par des curés assistés par des vicaires et par des bénévoles laïcs, des
campagnes de tempérance et des retraites fermées donnaient des résultats étonnants. De
mensuelle, la pratique de la communion devint hebdomadaire. La présence à la messe était
constante dans la plupart des diocèses. Elle relevait presque du conformisme social. René
Hardy souligne que la croissance de l'influence du clergé était proportionnelle à l'« éveil »
du catholicisme canadien67.
Encadrée, la vitalité religieuse des catholiques à l'échelle paroissiale permettait au
clergé canadien de recueillir les montants qui lui étaient nécessaires pour poursuivre ses
activités et encourager la naissance de nouvelles œuvres. La dîme ecclésiastique, en vigueur
depuis le régime français (1627-1854), permettait de financer l'entretien des églises68. La
charité chrétienne, quant à elle, ne se limitait à aucun pourcentage. Des banquets, des
encans, des loteries, des soirées de cartes, des spectacles, etc.: tout servait de prétexte pour
remplir les caisses paroissiales si les besoins n'avaient pas été comblés durant les quêtes des
messes du dimanche. Au Québec, l'Église parvenait à posséder plus de ressources
financières que le gouvernement69.
Fort du soutien de nombreuses communautés religieuses, le clergé séculier du
Canada prenait et cherchait à conserver la responsabilité de l'éducation des classes
populaires. Les gouvernements provinciaux du Canada, qui en avaient la responsabilité
depuis 1867, considéraient la présence des religieux dans les écoles comme un compromis
66
67
68
69
30
Selon Jacques Palard, la paroisse était la « [...] cellule de base de l'organisation diocésaine ». Des curés y étaient
affectés par des évêques. Jacques Palard, « Les recompositions territoriales de l'Église catholique entre singularité et
universalité: territorialisation et centralisation », Archives de sciences sociales des religions, 44e année, no. 107
(juil.-sept., 1999), pp. 60-61.
L'éveil religieux auquel René Hardy réfère était un « mouvement d'acculturation » aux pratiques catholiques. René
Hardy, Contrôle social et mutation de la culture religieuse au Québec, 1830-1930, Montréal, Boréal, 1999,
pp. 98-99 et 114.
La dîme ecclésiastique était perçue par l'évêque depuis le XVIIe siècle. Elle représentait dix pour cent des revenus
d'un foyer. Pierre-Paul Viard, « La dîme ecclésiastique dans les colonies françaises aux XVII e et XVIIIe siècles »,
Revue d'histoire moderne, T. 3e, no. 15 (mai-juin, 1928), p. 226.
Nive Voisine et al., op. cit., p. 46.
financier. L'Église formait le personnel enseignant et entretenait à ses frais plusieurs
institutions. En contrepartie, la religion demeurait en tête de liste des matières enseignées 70.
Pour les mêmes raisons, le clergé catholique assumait également la plupart des frais des
services sociaux québécois avant la fin des années 1950. Ses implications lui procuraient
une grande influence surtout auprès des Canadiens français71.
1.2.3 Une Église canadienne-française
En novembre 1908, le Pape Pie X (1903-1914) conféra à l'Église canadienne le
statut d'Église autonome. L'organisation du territoire ecclésiastique - deux archidiocèses
principaux dont les chefs-lieux étaient Toronto et Québec, auprès desquels celui d'Ottawa
s'affirmait -, consacra une direction épiscopale majoritairement canadienne-française72.
Le clergé canadien-français était très influent dans la province majoritairement
francophone du Québec. Répondant, entre autres, aux directives du Pape Pie XI, il
reproduisait les réussites du Saint-Siège comme des expositions missionnaires qui furent
organisées à Joliette (1927), Montréal (1930), Trois-Rivières (1935), Sherbrooke (1941) et
Montréal (1942), et même à Gravelbourg (1944), en Saskatchewan. Des semaines
missionnaires furent instaurées dans les années 1930 pour sensibiliser la population à l'aide
de conférences. La presse missionnaire se multipliait en langue française. Des thématiques
70
71
72
Lucia Ferretti a calculé qu'en 1866 près de 4900 élèves étudiaient dans les nouvelles institutions du clergé
catholique du Québec. Lucia Ferretti, Brève histoire de l'Église catholique du Québec, Montréal,
Boréal, 1999, p. 79. Le catéchisme était appris par cœur dans toutes les institutions d'enseignement et, dès 1855, il
était le livre le plus répandu dans les écoles catholiques francophones pour faire la lecture. Dans les années 1920, il
devint un outil puissant pour imposer la vision du monde du Saint-Siège. Raymond Brodeur et al., Les catéchismes
au Québec, 1702-1963, Québec, Presses de l'Université Laval, 1990, p. 184. L'instruction primaire rendue
obligatoire jusqu'à l'âge de quatorze ans par le gouvernement provincial du Québec assurait une emprise encore plus
forte du clergé sur la jeunesse canadienne-française dès 1943. Brigitte Caulier, « Developing Christians, Catholics
and Citizens: Quebec Churches and School Religion from the Turn of the Twentieth Century to 1960 », dans Michel
Gauvreau et al. op. cit., p. 180.
En 1881, 86.1% des habitants du Canada étaient catholiques (1 170 718 catholiques sur 1 359 027 habitants)
et 91.7% des catholiques parlaient le français. L'Église catholique du Canada était donc à forte majorité canadiennefrançaise. Ces chiffres sont tirés de Alexis de Barbezieux, L'Église catholique au Canada: sa naissance, son
développement, son organisation: précis historique et statistique publié à l'occasion du premier Concile plénier,
Québec, Imprimerie de l'Action sociale, 1909, 40 p.
La première province ecclésiastique au Canada survint en 1844. Le Canada de 1893 se composait de six
archidiocèses dont quatre étaient sous la direction du clergé canadien-français. Les deux autres étaient sous la
direction de Canadiens anglophones d'origine irlandaise. Les clergés canadien-français et canadien-irlandais
défendaient des positions différentes durant la crise des écoles francophones. En 1904, la nomination d'un évêque
anglophone au diocèse de Sault-Sainte-Marie où la majorité de la population était francophone avait causé le
mécontentement du corps épiscopal canadien-français. Pour davantage de précisions sur les conflits entre les clergés
canadien-français et canadien-irlandais, voir Nive Voisine et al., op. cit., pp. 52-53, 89-90 et 108.
31
publicitaires suggérées par le Saint-Siège, comme la pitié et la charité, étaient mises en
valeur. La participation aux succès des missions était présentée aux Canadiens français
comme une initiative assurant une bonne place au paradis; un apostolat assez facile auprès
d'une population déjà sensibilisée à l'idée chrétienne des indulgences 73. Un modèle de
perfection guidait les actions de plusieurs bénévoles et bienfaiteurs: celui de la carmélite
française Sainte-Thérèse de Lisieux qui était connue au Québec grâce à la publication de
son autobiographie dès 1898. Cette dernière devint rapidement une héroïne auprès des
Canadiens français qui lui rendaient de nombreuses dévotions74.
Les aumônes récoltées au Québec pour les œuvres pontificales reflétaient la vigueur
de la conscience missionnaire canadienne-française. La branche canadienne de l'Œuvre de
la Propagation de la Foi, qui ouvrit au Canada en 1836 par Mgr. Joseph Signay,
l'archevêque de Québec (1833-1850), amassait déjà au-delà de 10 000$ canadiens en 1877.
De 1920 à 1944, le diocèse de Québec enregistrait un total de près de 6 millions de dollars
canadiens donnés à cette œuvre pontificale. À ce montant s'ajoutaient les contributions qui
étaient faites aux branches canadiennes des œuvres de la Sainte-Enfance et de Saint-PierreApôtre qui étaient centralisées à Rome après 1922. Alors que les revenus mondiaux de la
Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi diminuaient drastiquement durant la
Grande Dépression, les Canadiens - et les Américains - se classaient, toute proportion
démographique gardée, parmi les bienfaiteurs aux missions les plus généreux au cours des
années 193075.
73
74
75
32
Bulletin de l'Union missionnaire du clergé, vol. III, no. 7 (sept., 1946), p. 351. Le contenu détaillé des semaines
missionnaires se trouve dans Archange Godbout et al., La semaine missionnaire de Joliette, 4 au 10 juillet 1927,
Québec, Imp. Charrier & Dugal, 1928, 656 p., dans Semaines d'études missionnaires du Canada, La conversion des
infidèles: chronique, rapports, conférences et communications, Québec, Secrétariat général de l'Union missionnaire
du clergé, 1936, 370 p. et dans Semaines d'études missionnaires du Canada, Introduction au problème des missions:
compte rendu in extenso des cours et conférences, Ottawa, Secrétariat des semaines d'études
missionnaires, 1934, 300 p.
Bernard Laluque, op. cit., pp. 23 à 27.
Annales de la propagation de la foi pour la province de Québec, no. 1 (fév., 1877), p. 11. De 1929 à 1938, les
bienfaiteurs du Québec donnaient entre 70 000$ et 120 000$ par année à l'Œuvre de la Propagation de la Foi. La
branche canadienne de l'Œuvre de la Sainte-Enfance fut organisée à Québec en 1851. Elle ouvrit un bureau à
Montréal l'année suivante. La branche canadienne de l'Union Saint-Pierre compléta le trio en 1925. Elle prit place au
Grand séminaire de Montréal et fut intégrée à l'Œuvre de Saint-Pierre-Apôtre en 1928. Bulletin de l'Union
missionnaire du clergé, vol. III, no. 7 (sept., 1946), p. 353.
Les aumônes récoltées au Québec finançaient aussi la participation de communautés
religieuses canadiennes-françaises au mouvement missionnaire mondial. Les membres de
ces dernières étaient d'abord mandatés en renfort dans des missions en manque de
personnel. Ils travaillaient à titre de subordonnés: c'est-à-dire qu'ils étaient assignés à des
tâches supervisées par d'autres missionnaires responsables des administrations d'Églises
locales.
Cette
situation
perdurait
jusqu'à
ce
que
le
cardinal
Louis-Nazaire
Bégin (1898-1925) considère les Canadiens français capables de prendre la responsabilité
de missions approuvées par le Saint-Siège. La volonté du clergé du Québec de s'engager à
l'étranger s'exprimait au moment où, sous Pie XI, le Saint-Siège élaborait son vaste plan de
morcellement des divisions ecclésiastiques dans le monde pour favoriser l'évangélisation76.
Réceptive à l'idée de confier des territoires afin de permettre un meilleur travail
apostolique auprès des populations, la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi
accorda sa confiance aux missionnaires canadiens-français. De 1909 à 1925, quatre
vicariats apostoliques furent attribués aux Oblats et aux Pères Blancs du Canada. Deux ans
plus tard, un diocèse indien et une préfecture apostolique japonaise furent respectivement
confiés aux Pères de Sainte-Croix et aux Franciscains canadiens. Les missionnaires des
Missions-Étrangères du Pont-Viau obtinrent un vicariat en Mandchourie en 1929 et,
en 1931, alors qu'un Dominicain canadien fut nommé à la tête d'un diocèse du Japon, les
Jésuites du Québec prirent la direction de la préfecture apostolique de Xuzhou. Trois ans
plus tard, un autre vicariat et une autre préfecture furent confiés à des missionnaires
canadiens-français77.
L'Église canadienne-française soutenait plusieurs missions lointaines par les prières,
les vocations et les aumônes. Cependant, la générosité des bienfaiteurs canadiens-français
profitait davantage aux œuvres pontificales et aux missions qu'au clergé canadien qui
76
77
Environ 46 communautés religieuses alimentaient l'effort missionnaire canadien-français en 1930. Lionel Groulx,
Le Canada français missionnaire: une autre grande aventure, Montréal, Fides, 1962, pp. 81 et 482. Lucia Ferretti
estima que plus de 1200 missionnaires canadiens-français œuvraient dans les missions lointaines en 1932. Lucia
Ferretti, op. cit., p. 118.
« Où sont nos missionnaires? 1932 », L'Action nationale, III, 4 (avril, 1934), p. 249, cité dans Nive Voisine et al.,
op. cit., p. 159. Den katolske kirke, « Chronology of Erections of Catholic Dioceses and Other Territorial
Jurisdictions », page consultée le 28 mars 2013 [en ligne]. http://www.katolsk.no/organisasjon/verden/chronology
33
rencontrait quelques difficultés financières durant la Grande Dépression. Par exemple, les
curés du Québec ne recevaient presque plus d'honoraires pour faire dire des messes dans
leurs paroisses. En conséquence, le P. Édouard Goulet constata que les évêques du Canada
parvinrent à retenir des aumônes destinées aux œuvres pontificales afin de sauver les
diocèses de Régina et de Gravelbourg de la banqueroute78. Inquiets du fait que la popularité
des dons aux missions drainait les aumônes hors des caisses paroissiales, les évêques du
Canada établirent en 1941 un règlement leur réservant le droit de limiter les quêtes des
communautés religieuses dans leurs diocèses: une initiative qui eut peu d'impacts sur les
finances de la Procure de Chine puisque l'économie canadienne était déjà relancée par
l'industrie militaire qui répondait à la demande du second conflit mondial79.
Enracinée au Québec, l'Église catholique romaine portait un grand intérêt pour le
projet missionnaire du Saint-Siège. Convaincus, les Canadiens français faisaient preuve
d'une grande générosité pour les missions. Soutenu par les encouragements, les dons et la
conviction divine qui l'animait, le clergé canadien-français se lançait dans plusieurs
entreprises apostoliques à travers le monde. Les Jésuites participaient à ce mouvement. Ils
étaient de fervents promoteurs de la conscience missionnaire au Québec.
1.2.3 La Compagnie de Jésus au Québec
Clamant leur fierté d'être parmi les premières communautés religieuses masculines
arrivées au Québec au XVIIe siècle, les membres de la Compagnie de Jésus
commémoraient surtout leur retour en Amérique du Nord de 1842. De Montréal où le
premier supérieur provincial jésuite du Canada, le P. Pierre Chazelle, avait constitué le
centre administratif de la communauté, des Jésuites partirent pour la ville de Québec
en 1849. Trois des neuf premiers membres français arrivés à la demande de Mgr. Bourget
s'installèrent temporairement à Toronto, puis une résidence fut bâtie pour eux à Guelph, en
Ontario, en 1852. Des candidats francophones et anglophones à la vie religieuse furent
78
79
34
L'archidiocèse de Régina avait été confié à un évêque francophone en 1915. Édouard Goulet, Corr. au
sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (31 juil., 1936), p. 1. La paroisse montréalaise de SaintÉtienne, qui avait été fondée en 1912, déclara malgré tout faillite en 1932. Pierre Michaud, La paroisse lépreuse ou
l'affaire Saint-Étienne: chronique d'un scandale juridico-religieux dans une paroisse de Montréal (1931-1945),
Montréal, Les Presses d'Amérique, 1994, pp. 18-46.
Guy Arbour, Le droit canonique particulier du Canada, Ottawa, Les Éditions de l'Université d'Ottawa, 1957, p. 80.
rapidement sélectionnés. Après leur formation, ces derniers devinrent les premières recrues
d'origine canadienne de la Compagnie de Jésus80.
Les Jésuites multipliaient les initiatives missionnaires au Canada et acquéraient une
grande influence auprès de la population canadienne-française. Ils organisaient de
nombreuses activités pour financer les projets que les évêques canadiens leur confiaient.
Des tombolas, des souscriptions et des appels aux aumônes leur permettaient, par exemple,
de fonder et d'entretenir une douzaine d'institutions d'enseignement supérieur entre 1846
et 1876. Grâce aux dons, la Compagnie de Jésus, déjà bien enracinée à Montréal, encercla
Québec et émergea dans les grandes villes canadiennes jusqu'à Vancouver en se déployant
auprès des Premières Nations, des colonisateurs de l'Ouest et des travailleurs du chemin de
fer transcanadien du Canadien Pacifique81. Après avoir repris le travail apostolique auprès
des Iroquois à l'endroit même où les saints martyrs canadiens avaient trouvé la mort, les
Jésuites du Canada contribuaient à la mission africaine du Zambèze (1883), puis
investissaient dans la mission de l'Alaska (1885)82.
Les membres de la Compagnie de Jésus répondaient activement aux directives
pontificales en alimentant la conscience missionnaire au Canada. Ils favorisèrent
l'implantation de l'Union missionnaire du clergé au Québec en 1921. Des expositions sur
leurs missions des Grands Lacs et de l'Alaska furent montées avec des objets qu'ils avaient
80
81
82
Le premier Jésuite d'origine canadienne-française fut accepté par la Compagnie de Jésus en 1843. Un premier
Canadien anglais joignit les rangs de la communauté en 1845. Le Quatrième centenaire de la fondation de l'Ordre
des Jésuites fut célébré en 1940. Un ouvrage fut publié en 1942 pour commémorer les progrès que la communauté
religieuse avait enregistrés depuis un siècle au Canada. La Compagnie de Jésus au Canada, 1842-1942: l'œuvre
d'un siècle, Montréal, Maison provinciale, 1942, 183 p.
Les Jésuites du Canada administraient plusieurs institutions d'enseignement, dont le Collège de Saint-Boniface
(1818, au Manitoba) et le Collège de Sainte-Marie (1848-1969, à Montréal). Ils avaient la responsabilité des
paroisses de Laprairie (1842-1854, près de Montréal), de Sainte-Anne de Sudbury (1883, en Ontario) et de
l'Immaculée-Conception (1889, près de Montréal). La Compagnie accepta de diriger une nouvelle paroisse près de
Québec en 1909 (Notre-Dame-du-Chemin jusqu'en 1928) et bâtit à Winnipeg (Residence,1908), Edmonton
(Collège, 1913), Sudbury (Collège, 1913), Régina (Collège, 1918) et Vancouver (Paroisse de l'ImmaculéeConception, 1924). Elle dirigeait aussi des missions auprès des Amérindiens à partir de 1843. Ibid., pp. 87-105.
Les saints martyrs canadiens sont huit missionnaires jésuites assassinés par les Iroquois entre 1664 et 1669. Pie XI
les consacra en 1930 et les nomma saints patrons du Canada. Pour en savoir davantage sur le processus de
canonisation, veuillez consulter Pierre Delooz, « Pour une étude sociologique de la sainteté canonisée dans l'Église
catholique », Archives de sociologie des religions, 7e année, no. 13 (janv.- juin, 1962), pp. 17-31. À propos des
périples des Jésuites au Canada, voir Édouard Lecompte, Les jésuites du Canada au XIXe siècle, Montréal, Messager
canadien, 1920, 333 p. Voir également, Édouard Lecompte, Les Missions modernes de la Compagnie de Jésus au
Canada (1842-1924), Montréal, Messager canadien, 1925, 76 p.
35
eux-mêmes récoltés83. Des cercles d'études missionnaires furent organisés dans leurs
institutions d'enseignement pour promouvoir l'apostolat à travers la prière, l'étude et
l'aumône. Des Jésuites, comme le P. Émile Muller qui partit au Xuzhou en 1931, étaient
reconnus pour leurs conférences. La Ligue missionnaire des étudiants initiée par le
P. Arthur Tremblay, un autre Jésuite qui œuvra ensuite au Xuzhou entre 1931 et 1934,
favorisait le recrutement des vocations pour les missions84.
La forte présence de la Compagnie de Jésus au Canada et le désir de faciliter la
cueillette des aumônes motivèrent le supérieur général Ledochowski à approuver la
division du territoire jésuite canadien en deux provinces jésuites munies de systèmes
parallèles et équivalents. La partition refléta à partir de 1924 la double identité anglophone
et francophone du clergé du Canada. D'un côté, le P. J.-M. Filion poursuivait son mandat de
supérieur provincial du Canada auprès des opérations dans la nouvelle province jésuite du
Haut-Canada située dans l'Ouest. De l'autre, la nouvelle province jésuite du Bas-Canada, le
Québec à peu de chose près, fut soumise à la direction d'un Canadien français, le P. Louis
Boncompain (1924-1927)85.
Le P. Boncompain apprit dès sa nomination comme supérieur provincial que le
Saint-Siège avait approuvé la transmission de la mission chinoise du Xuzhou à des Jésuites
du Québec. Aidé d'un assistant et d'un procureur responsable des finances de la province
religieuse tous deux installés au 1180 rue Bleury à Montréal, il disposait de 172 prêtres
répartis dans onze institutions jésuites et dans la mission iroquoise de Caughnawaga pour
remplir son mandat canadien tout en secondant le lancement de la mission de Xuzhou86.
83
84
85
86
36
France Lord, op. cit., pp. 214-217.
Les cercles missionnaires furent fédérés par le P. J.-Papin Archambault sous le nom de Ligue Missionnaire des
Écoles en 1932. La Ligue missionnaire des étudiants tint son premier congrès en septembre 1942. Son directeur, le
P. jésuite Antonio Poulin, introduisit les thèmes du rôle des jeunes pour les missions et de l'impact de la Seconde
Guerre mondiale sur les missions. Ligue missionnaire des étudiants, La valeur éducative des missions, op. cit.,
pp. 11-80.
Les successeurs du P. Boncompain à la tête de la province jésuite du Bas-Canada ont tous été d'origine canadiennefrançaise. Il s'agit des PP. François-Xavier Bellavance (1927-1932), Adélard Dugré (1932- 1936), Émile Papillon
(1936-1942), Antonio Dragon (1942-1947) et Léon Pouliot (1947-1953). Le P. Gérard Goulet assumait le poste de
supérieur provincial du Bas-Canada à partir de 1953.
Rosario Renaud retient 172 prêtres sous la supervision de la province jésuite du Bas-Canada en 1924. Rosario
Renaud, Le diocèse de Süchow, op. cit., p. 17. Le Canada ecclésiastique mentionne 330 membres pour la même
année, puis 242 prêtres, 279 scolastiques et 127 frères coadjuteurs pour l'année 1935. Au moment où la maison
provinciale déménagea au 3215 chemin Sainte-Catherine (1943), la province jésuite du Bas-Canada incluait 640
Les Jésuites du Québec étaient expérimentés dans le recrutement et la formation de
missionnaires. L'une de leurs institutions, l'Académie de l'Immaculée-Conception, avait
auparavant accueilli de nombreuses recrues avant d'être choisie comme lieu préparatoire
pour la mission de Xuzhou87. Des classes de langue chinoise y étaient ouvertes et 47 des 93
Jésuites du Québec qui étaient destinés pour la Chine entre 1918 et 1955 y accomplissaient
une partie ou la totalité de leur formation aux frais de la province jésuite du Bas-Canada.
L'Académie offrait un environnement imprégné de la conscience missionnaire canadiennefrançaise et plusieurs de ses recteurs ont ensuite été promus supérieur provincial du BasCanada. Ces derniers étaient tous concernés par le financement de la mission de Xuzhou88.
Un clergé nombreux encadrant une population dont la conscience missionnaire était
manifeste: c'est ce que représentait l'Église canadienne-française auprès de laquelle les
Jésuites du Québec étaient très impliqués durant la première moitié du XX e siècle. Isolée en
Amérique du Nord par sa francophonie, celle-ci s'enracinait, puis, répondant aux directives
pontificales, elle contribuait généreusement au lancement de missions canadiennesfrançaises. Les Jésuites du Québec comptaient sur son appui pour relever le défi de
seconder l'Église chinoise du Xuzhou jusqu'à son autonomie.
1.3 L'Église catholique de Chine, ses avancées et ses reculs au Xuzhou
La Compagnie de Jésus n'en était pas à son premier voyage dans l'Empire du
Milieu. Les Jésuites, qui y avaient œuvré au XVIIIe siècle, y retournaient en 1842 alors que
la querelle des rites était terminée et que les règlements des guerres de l'Opium (1839-1842,
1856-1860) encourageaient la venue en masse de missionnaires. Devant les refus des
87
88
membres postés dans 19 institutions, les missions iroquoises et la mission de Xuzhou. Le Canada ecclésiastique:
Catholic Directory of Canada, Montréal, Librairie Beauchemin, 1944, pp. 678-686.
Les écoles apostoliques et les séminaires de la Compagnie de Jésus au Canada avaient formé 3285 missionnaires
entre 1865 à 1924, desquels 1600 étaient entrés chez les Jésuites. Archange Godbout et al., La semaine missionnaire
de Joliette, 4 au 10 juillet 1927, op. cit., p. 237. Fondée à Montréal en 1884, d'abord simple scolasticat, l'Académie
de l'Immaculée-Conception fut reconnue comme Collegium Maximum en 1916 avant de devenir une faculté
pontificale en 1932. La Compagnie de Jésus au Canada, 1842-1942: l'œuvre d'un siècle, op. cit. , pp. 36-39.
Au sujet des lieux de formation des Jésuites du Québec, voir la compilation de Jacques Langlais, op. cit.,
pp. 317-320. Les PP. Adélard Dugré (1926-1932), Émile Papillon (1932-1936), Léon Pouliot (1942-1947) et Gérard
Goulet (1947-1951) ont été recteurs de l'Académie avant de devenir supérieurs provincial du Bas-Canada. Le
Canada ecclésiastique: Catholic Directory of Canada, Montréal, Librairie Beauchemin, Tomes 1924-1954.
37
Empereurs mandchous de permettre le commerce européen en Chine, les puissances
coloniales, le Royaume-Uni et la République française en tête de liste, usèrent de leurs
canons pour satisfaire leurs ambitions impérialistes et obtenir de nombreuses concessions
en territoires et en indemnités monétaires89. De cette manière, des missionnaires sont
parvenus jusqu'à la région du Xuzhou.
1.3.1 Des tirs de canons pour l'implantation
Les puissances européennes, et surtout la France qui était officiellement la
protectrice des missions depuis le Concordat de 1801, insistaient, entre autres, pour inclure
aux traités de Nanjing (1842) et de Beijing (1860) des clauses favorables au prosélytisme
chrétien en Chine. Ces dernières visaient à protéger les missionnaires sous la juridiction de
leur pays d'origine plutôt que sous la juridiction chinoise et à permettre l'achat de terrains
en vue d'y bâtir des églises. Ces droits, qui avaient auparavant été refusés à plusieurs
reprises par l'État chinois, incitaient la création de nombreuses missions chinoises90.
Les décisions du Saint-Siège en Chine ont, à ce moment, été prises au diapason des
avancées coloniales. En effet, l'installation des missionnaires était souvent avantagée par
l'acquisition de concessions par des pays européens. Alors que trois vicariats et trois
diocèses couvraient le pays asiatique en 1810, les traités de Nanjing et de Beijing permirent
à la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi de définir sur le même territoire 24
vicariats et un diocèse. Au moment du Concile du Vatican I (1870), Louis-Eugène Louvet
nota que 267 missionnaires européens et 243 prêtres chinois étaient actifs en Chine91.
Puisque des religieux coopéraient avec des colonisateurs, les missionnaires étaient
souvent perçus comme des représentants d'une autorité étrangère par les habitants du pays
d'accueil. Certains Chinois, au nombre d'environ 740 000 vers 1900, auraient, d'ailleurs,
89
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91
38
À propos de la querelle des rites, voir Xavier Walter, op. cit., 658 p. L'Empire chinois dut concéder face aux grandes
puissances. Les Britanniques obtinrent Hong Kong. Les Français reçurent Zikawei, un territoire près de la ville de
Shanghai. Au sujet des contextes politique et économique des guerres de l'Opium, voir Carl Déry, Diplomatie,
rhétorique et canonnières: relations entre la Chine et l'Angleterre, de l'ambassade Macartney à la guerre de
l'Opium, 1793-1842, Québec, Presses de l'Université Laval, 2007, 140 p.
Étienne Ducornet, L'Église et la Chine: histoire et défis, Paris, Éditions du Cerf, 2003, p. 11-23.
Louis-Eugène Louvet, Les missions catholiques au XIXe siècle, Paris, Société de Saint-Augustin, 1898, pp. 215-234.
accepté la conversion au christianisme par désir d'obtenir la protection des missionnaires.
D'autres s'enflammaient de xénophobie dans des mouvements anti-étrangers qui atteignirent
un point culminant en 1899 avec la révolte des Boxeurs. Des églises furent détruites, des
concessions furent assiégées et des chrétiens furent assassinés. Le christianisme aurait pu
culbuter en Chine, mais une intervention des Huit Nations mit violemment fin à la rébellion
par des exécutions publiques en 1901. Des indemnités imposées par les puissances
coalisées ont, en partie, ensuite servi à remplir les caisses déficitaires des missions. De
nouvelles églises et écoles furent construites avec les montants perçus. Les nouvelles
institutions permirent d'encadrer de plus près la population méfiante et cela accéléra la
pénétration étrangère sur le continent chinois92.
Après la chute de la dynastie mandchoue des Qing en octobre 1911 et l'échec de
maintenir l'unité de la jeune République de Chine proclamée l'année suivante, l'État chinois
sombra dans une période de chaos militaire alimentée par des factions politiques. De 1916
à 1928, treize gouvernements instables se succédèrent93. Les seigneurs de guerre, qui
s'affrontaient pour conserver leur influence sur les régions chinoises, avaient des manières
très personnelles d'interagir avec les missionnaires. Généralement occupés par la question
militaire, ils ne leur assuraient que peu de garanties de protection. Ce contexte politique
était pourtant propice à l'expansion des activités apostoliques puisque peu de contraintes
étaient imposées aux missionnaires. Au contraire, certains seigneurs de guerre appréciaient
leur présence puisqu'ils assuraient à leurs frais des services sociaux qui soulageaient
presque gratuitement les populations et, ainsi, favorisaient la stabilité de leur régime94.
92
93
94
Jacques Gernet a évalué à 450 millions de taels (monnaie chinoise) le total des indemnités revendiquées par les Huit
Nations (Allemagne, Empire austro-hongrois, États-Unis, France, Italie, Japon, Royaume-Uni et Russie). Jacques
Gernet, Le monde chinois, Paris, Colin, 1972, pp. 526-528. Marie-Ina Bergeron, Le christianisme en Chine:
approches et stratégies, Lyon, Chalet, 1977, p. 112.
Yuan Shikai remplaça Sun Yat-sen comme président de la République de Chine en 1912. Sous sa tutelle militaire, la
Chine fut momentanément unifiée. Il plaça ses officiers aux ministères et aux postes officiels, ce qui lui assurait la
direction principale des affaires de l'État. Après son décès soudain en 1916, la Chine sombra dans une crise de
succession. Diana Lary, China's Republic, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, pp. 46-47. Selon Marten,
le militarisme est le phénomène qui combla le vide étatique. Kimberly Marten, « Warlordism in Comparative
Perspective », International Security, vol. 31, no. 3 (hiver, 2006/2007), p. 48.
Les missionnaires n'avaient plus à respecter les directives du ministère du Culte qui supervisait les activités de
l'Église en Chine jusqu'à son abolition en 1911. Étienne Ducornet, op. cit., p. 15.
39
Face au désir collectif chinois de changement que l'instabilité politique inspirait, les
missionnaires ne manquaient pas, quand ils le pouvaient, de présenter le christianisme
comme la solution aux problèmes du pays. Or, les tribunes chinoises s'enflammaient contre
la présence des pouvoirs coloniaux en Chine. Une clause du Traité de Versailles (1919)
transmettant des concessions allemandes de Chine à l'Empire japonais attisa une colère
populaire qui éclata en un vaste mouvement de contestation anti-étrangère le 4 mai 1919 et
qui alimenta des idées de réformes nationalistes parfois radicales puisées chez le marxismeléninisme95. L'Église de Chine, qui était en grande partie dirigée par des prêtres étrangers,
entrevoyait le besoin de porte-paroles chinois: en d'autres mots, d'un clergé indigène
d'origine chinoise.
1.3.2 Donner la Chine aux Chinois?
L'attitude des missionnaires face aux prêtres chinois avait fait l'objet de critiques
très sévères de la part du Lazariste Vincent Lebbe. En Chine dès 1901, le prêtre dénonçait
le fait que plusieurs missionnaires perçoivent les Chinois comme incapables de diriger
l'Église de Chine96. Indigné, il défendait l'idée que l'Église de Chine ne parviendrait jamais
à son autonomie si elle n'était pas administrée par un clergé d'origine chinoise. Or, sans
instructions claires de la part du Saint-Siège, les supérieurs de mission étaient, à ce
moment, encore peu réceptifs à l'idée de donner « la Chine aux Chinois » 97. Le Pape
Benoît XV suivait de près la situation politique chinoise et Maximum Illud, que le SaintSiège commença à diffuser six mois après les agitations du 4 mai 1919, faisait la promotion
d'un changement d'attitude. La question de la formation d'un clergé chinois ne fut pourtant
vraiment répondue qu'à partir du pontificat de son successeur.
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97
40
Le Parti communiste chinois fut clandestinement formé à Shanghai en juillet 1921. Chen Duxiu, l'un des
intellectuels chinois réputés du mouvement du 4 mai 1919, était le premier secrétaire général du Parti. À propos de
ce mouvement de contestation, veuillez consulter Marie-Claire Bergère et Tchang Fou-jouei, Sauvons la Patrie: le
nationalisme chinois et le mouvement du 4 mai 1919, Paris, Publications orientalistes de France, 1977, pp. 7-16.
Méthode de l'apostolat moderne en Chine, un guide publié en 1911 pour former les missionnaires partant en Chine,
expose, en effet, plusieurs arguments qui justifiaient à l'époque l'infériorité des Chinois et l'incapacité des prêtres
chinois à diriger l'Église de Chine. Le chapitre III de l'ouvrage contient plus de deux cents pages sur les faiblesses
alors attribuées à la société chinoise. Louis Kervyn, Méthode de l'apostolat moderne en Chine, Hong Kong,
Imprimerie de la Société des missions étrangères, 1911, pp. 132 à 370. Notons que l'ouvrage rappelait la position du
Saint-Siège lors du Concile du Vatican I (1870). Le Saint-Siège avait alors constaté le manque d'éducation religieuse
des prêtres chinois et leur incapacité à gérer l'Église de Chine sans l'aide d'une assistance étrangère. Louis Wei
Tsing-sing, Le Saint-Siège et la Chine: de Pie XI à nos jours, Sotteville-lès-Rouen, A. Allais, 1971, p. 127.
À propos de la formule « La Chine aux Chinois et les Chinois au Christ », voir Léopold Levaux, Le Père Lebbe,
apôtre de la Chine moderne (1877-1940), Bruxelles, Éditions universitaires, 1948, pp. 169-209.
La nomination de Mgr. Celso Costantini (1922-1933) comme premier délégué
apostolique de Chine fut la première décision que le Pape Pie XI prit pour superviser
l'Église de Chine sans l'intermédiaire des ambassades européennes et rappeler aux
supérieurs de mission leur devoir de former des prêtres chinois. Pie XI mandata sans
attendre la tenue d'un premier concile de Chine dans le but de clarifier les grandes lignes de
la stratégie missionnaire en Chine. Il tenait à ce que Mgr. Louis Tcheng et Mgr. Melchoir
Suen, deux préfets apostoliques chinois nouvellement nommés, soient présents à
l'événement. Ouvert à Shanghai en 1924, et organisé en partie dans la concession française
à Zikawei, le Concile de Shanghai réaffirma l'importance de fonder des séminaires de
qualité en Chine pour former un clergé chinois d'élite devant prochainement assumer la
plupart des postes de direction des missions chinoises. Chaque supérieur de mission devait
faire sa part98.
Six candidats chinois, incluant Mgr. Tcheng et Mgr. Suen, furent accompagnés à
Rome par Mgr. Costantini afin d'être officiellement sacrés évêques par Pie XI en
octobre 1926. Quatre d'entre eux, dont le Jésuite chinois Mgr. Simon Tsu, furent attitrés à
de nouveaux vicariats. Les deux autres demeuraient supérieurs de la préfecture apostolique
dont ils avaient reçu les responsabilités respectivement en 1923 et en 192499. L'encyclique
Rerum Ecclesiae (1926) clarifia, ensuite, la place du clergé chinois dans l'Église de Chine
en affirmant que ce dernier était égal aux missionnaires étrangers100.
Afin d'assurer le succès de sa politique, le Saint-Siège souhaitait établir des relations
diplomatiques avec le gouvernement chinois que le Généralissime Jiang Jieshi, et son
Armée nationale révolutionnaire, unifia autour de la ville de Nanjing en 1928.
98
Paul Wang Jiyou, Le premier concile plénier chinois (1924): droit canonique missionnaire forgé en Chine, Paris,
Éditions du Cerf, 2010, pp. 249-259.
99 Il faut peser à sa juste mesure l'intérêt de Pie XI pour l'Église de Chine: il s'agissait des premières nominations
d'évêques non-européens depuis Mgr. Lo en 1674. Voir Louis Wei Tsing-sing, op. cit., p. 130. Pie XI, « Lettre Ab
ipsis aux évêques de Chine. La vérité sur les intentions de l'Église en Chine (juin, 1926) », Le Siège apostolique et
les missions, op. cit., pp. 97-100. Paul Wang Jiyou, Ibid., p. 240.
100 Pie XI, « Encyclique Rerum Ecclesiae: Le développement à donner aux missions (fév., 1926) », Le Siège
apostolique et les missions, op. cit., pp. 73 à 95. Étienne Ducornet, op.cit., pp. 57-58.
41
Mgr. Costantini et son successeur, Mgr. Mario Zanin (1933-1946), formèrent des
délégations pour superviser l'Église de Chine, mais l'attaque de l'armée nipponne sur la
Mandchourie en 1931, puis sur Shanghai en 1932, et la guerre sino-japonaise (1937-1945)
retardaient les négociations. Jiang Jieshi priorisait la question militaire. Afin de repousser
l'envahisseur nippon, le Généralissime avait été contraint en 1936 à accepter une
coopération stratégique temporaire entre son armée et l'Armée rouge du Parti communiste
chinois, et des relations diplomatiques n'étaient établies entre le gouvernement de Nanjing
et l'État du Vatican qu'en 1943. La nomination de Mgr. Antonio Riberi comme premier
nonce apostolique de Chine était retardée pendant trois autres années101.
À la faveur de ce rapprochement, le Saint-Siège déclara prématurément l'Église de
Chine autonome et officialisa une nouvelle hiérarchie épiscopale que le premier cardinal
chinois, Mgr. Thomas T'ien, dirigeait dès 1946. Les 34 dernières préfectures apostoliques
qui avaient été organisées en Chine depuis 1926 restèrent inchangées. Par contre, 79 des 99
vicariats apostoliques qui couvraient la Chine à la fin de la guerre sino-japonaise furent
alors élevés au statut de diocèse supervisé par 20 nouveaux archidiocèses. Or, plusieurs
administrations de territoires ecclésiastiques chinois étaient encore financièrement
dépendantes de la charité de bienfaiteurs étrangers pour poursuivre leurs projets 102. De plus,
l'organisation de la nouvelle hiérarchie épiscopale de l'Église de Chine était bousculée par
la guerre civile qui, dès le retrait de l'armée nipponne, divisa le territoire chinois entre les
forces du gouvernement de Nanjing et celles du Parti communiste chinois103. Les relations
101 Mgr. Costantini devint secrétaire de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi en 1933. Jiang Jieshi, dont la
gouvernance était très critiquée par les observateurs internationaux, aurait accepté d'établir des relations
diplomatiques avec le Saint-Siège afin d'assurer le support international à sa cause. L'État du Vatican venait
d'ailleurs tout juste d'établir des relations diplomatiques avec l'État du Japon (1942). Louis Wei Tsing-sing, op. cit.,
p. 144. Précisons que l'État japonais était officiellement entré en guerre contre les Alliés à partir de son attaque sur
Pearl Harbor, aux États-Unis, en décembre 1941 et que la Chine se positionnait du côté des Alliés. Les Alliés sont
les nations unies contre l'Axe (Allemagne, Italie et Japon) lors de la Seconde Guerre mondiale. Les États-Unis, la
Russie et le Royaume-Uni en étaient les trois principaux dirigeants assistés par des entités politiques comme le
Canada et la Chine.
102 Paul Wang Jiyou, op. cit., p. 23.
103 Depuis que les communistes avaient été chassés de Shanghai par le gouvernement de Nanjing en 1927, le Parti
communiste chinois s'organisait dans les campagnes. Mao Zedong alimentait une partie du mouvement paysan dans
la province du Hunan. Angus McDonald, « The Hunan Peasant Movement, Its Urban Origins », Modern China,
vol. 1, no. 2 (avril, 1975), pp. 180-203. À la faveur de sa popularité auprès des paysans chinois, le Parti communiste
chinois réalisa un premier projet de fédération autonome avec les zones qu'il avait sous son influence. Ce projet prit
le nom de « République soviétique chinoise du Jiangxi » (1931-1937). Après sa destruction par l'Armée nationale
révolutionnaire, les troupes communistes entreprirent la Longue Marche vers le Nord de la Chine, à Yan'an. C'est en
chemin, à la conférence de ZunYi (au Guizhou), que la majorité des membres du Parti communiste chinois se sont
42
que les communistes entretenaient avec les missionnaires étaient très tourmentées. Leurs
rencontres étaient parfois violentes. Quelques missionnaires ont été capturés et torturés. Les
Églises chinoises ont déboursé des rançons lorsqu'elles l'ont pu pour libérer les prêtres
captifs. Le marxisme-léninisme - et son dérivé chinois, le maoïsme - prônant la suppression
de toutes les religions, des motifs idéologiques guidaient l'animosité de certains
communistes. Rappelons que des Chinois très nationalistes pouvaient également considérer
les missionnaires comme des représentants des pouvoirs coloniaux et les accuser d'avoir
désorganisé la Chine depuis les guerres de l'Opium104.
En fait, les hostilités entre les missionnaires et les communistes étaient souvent
partagées. Alors que le Saint-Siège brandissait l'encyclique anti-communiste Divini
Redemptoris, Mgr. Riberi organisait la Ligue de Marie pour contrebalancer la popularité du
maoïsme auprès de la population chinoise. L'association, active dans la majorité des
provinces de Chine, et dont un embryon naissait au Xuzhou, avait l'apparence d'une
rébellion pour le Parti communiste chinois qui prit la tête du pays en 1949.
L'incompréhension quant au rôle de nonce officiellement invalide que Mgr. Riberi occupait
auprès de l'Église de Chine et les troubles que ses directives causaient au Parti servaient
d'arguments aux autorités de la nouvelle République Populaire de Chine qui expulsèrent les
missionnaires de la Chine105.
Au moment de l'arrestation des premiers missionnaires par la police chinoise,
l'Église catholique de Chine n'était pas en mesure d'assumer seule la direction spirituelle de
ralliés à Mao Zedong et l'ont reconnu comme secrétaire général. La déclaration de guerre japonaise à la Chine força
l'alliance des deux belligérants en 1936, mais leur lutte reprit dès le départ des troupes nipponnes. Jung Chang et Jon
Halliday, Mao: l'histoire inconnue, Paris, Gallimard, 2006, pp. 79 à 178. Bai Shouyi, Précis d'histoire de
Chine: 1919-1949, Beijing, Éditions en Langues Étrangères, 1993, pp. 122-135.
104 Selon William T. Liu et Beatrice Leung, la position anti-chrétienne du Parti communiste chinois gagnait l'appui des
populations chinoises puisque le christianisme, n'ayant pas réussi à s'adapter à la langue et à la culture chinoise, était
considéré comme une religion étrangère. William T. Liu et Beatrice Leung, « Organizational Revivalism: Explaining
Metamorphosis of China's Catholic Church », Journal of the Scientific Study of Religion, vol. 41, no.1 (mars, 2002),
p. 123.
105 L'État du Vatican, qui avait établi des relations diplomatiques avec le gouvernement de Nanjing en 1943, ne
reconnut pas le nouveau gouvernement chinois basé à Beijing. Le poste de nonce de Chine arriva donc
prématurément à son terme. Lorsque le Parti communiste chinois repoussa le gouvernement de Nanjing sur l'île de
Formose (Taiwan) en 1949, Mgr Riberi perdit officiellement sa fonction de représentant diplomatique en Chine
continentale, mais il conservait officieusement une influence très grande auprès de l'Église de Chine. Les
missionnaires répondaient massivement aux directives que Mgr. Riberi leur transmettait. Mgr. Riberi fut expulsé à
Hong Kong par le Parti communiste chinois en septembre 1951. Louis Wei Tsing-sing, op. cit., pp. 177-178.
43
ses quelque 3 400 000 fidèles chinois. Si de nombreuses religieuses chinoises avaient été
formées, seulement 35 supérieurs des 146 territoires ecclésiastiques de Chine étaient
d'origine chinoise. Les missions catholiques avaient été implantées de force en Chine et
leur direction avait été conservée par des communautés religieuses qui assuraient une
grande partie du financement et qui se souciaient, en général, peu de la formation d'une
relève chinoise. Les missionnaires supervisaient un personnel religieux de plus en plus
nombreux, mais ils administraient des caisses vidées lors des guerres et devaient
régulièrement recourir à la charité chrétienne internationale106. La situation de l'Église de
Chine était d'ailleurs également celle de l'Église chinoise du Xuzhou qui en formait une
partie significative.
1.3.3 L'Église catholique du Xuzhou
Le Xuzhou, une région d'approximativement 24 000 kilomètres carrés située dans le
Nord de la province civile chinoise du Jiangsu, fut visité par des Jésuites français pour
première fois au XIXe siècle107. Basée à Zikawei, concession où seule la juridiction
française était en vigueur, la division française de la Compagnie de Jésus bâtit de
nombreuses institutions grâce aux privilèges accordés par les traités des guerres de l'Opium.
Elle fonda un séminaire dès 1843. Puis, un observatoire, un centre météorologique, un
centre de presse, une bibliothèque et une université alimentaient des activités à la fine
pointe de la science occidentale de l'époque. De ce quartier général, les Jésuites français
dirigeaient les opérations missionnaires du vicariat de Nankin duquel ils prirent la charge et
la direction en 1856108.
106 À noter que si le clergé chinois n'occupait pas la majorité des postes de supérieur des territoires ecclésiastiques de
Chine, le clergé indigène féminin, qui conservait des postes subalternes, était nombreux. À titre d'exemple, le
personnel qui travaillait en Chine en 1928 se composait, entre autres, de 3968 religieuses dont 2641 était d'origine
chinoise. En 1948, 5112 des 7463 religieuses étaient d'origine chinoise, soit une progression de près de 52% en
terme d'effectif religieux féminin d'origine chinoise. Beatrice Leung et Patricia Wittbert, « Catholic Religious Orders
of Women in China: Adaptation and Power », Journal for the Scientific Study of Religion, vol. 42, no.1
(mars, 2004), p. 70. Marie-Ina Bergeron, Le christianisme en Chine: approches et stratégies, Lyon, Chalet, 1977,
p. 137.
107 La ville de Xuzhou fut évangélisée au XVIIe siècle par le P. jésuite Jean Valat. Un bienfaiteur chinois permit
l'érection d'une église catholique. Les missionnaires étaient forcés de quitter la Chine suite à la querelle des rites et
n'y retournaient pas avant les règlements des guerres de l'Opium. Édouard Lafortune, Canadiens en Chine: croquis
du Siutchoufou. Mission des Jésuites du Canada, Montréal, L'Action Paroissiale, 1930, p. 24. La région du Xuzhou
se situe sur la Grande Plaine entre Beijing et Shanghai, au Nord de la province civile chinoise du Jiangsu. Voir
« Chiang-su » sur la carte de la Chine en annexe A. Voir la carte du Xuzhou en annexe B.
108 L'Université Aurore, une des institutions d'enseignement supérieur catholique principales en Chine, ouvrit en 1903.
L'observatoire météorologique de Zikawei, fondé en 1871, était l'une des stations que les Jésuites avaient mises en
44
À l'extrémité du vaste territoire que la Sacrée Congrégation de la Propagation de la
Foi confia aux Jésuites français, le Xuzhou était l'un des centres les plus éloignés. La
construction d'églises et l'organisation d'écoles rudimentaires furent les principales tâches
qui occupaient les premiers prêtres qui y ont été affectés. Rosario Renaud raconte que le
P. Léopold Gain et ses collègues y affrontèrent la famine, les brigands et la révolte des
Boxeurs (1899-1901). La communauté catholique, dont les pionniers assumaient les
services spirituels, atteignit lentement 13 375 fidèles en 1905. Le constat encourageant était
le fruit des ambitions du supérieur de la mission de Nankin, Mgr. Valentin
Garnier (1879-1898), qui souhaitait voir l'Église catholique s'épanouir jusque sur la Grande
Plaine chinoise109.
Or, le catholicisme au Xuzhou subit l'impact de la désorganisation de l'Empire des
Qing en 1911 à laquelle succéda l'instabilité politique jusqu'en 1928. De nombreux
bâtiments de la mission furent endommagés et plusieurs missionnaires français quittèrent la
région pour répondre à l'appel du front européen durant la Première Guerre mondiale.
L'Église éloignée du Xuzhou passait alors loin des priorités de la communauté religieuse.
Pas assez nombreuse pour maximiser l'impact des œuvres d'évangélisation sur tout le
territoire de Nankin, cette dernière sauvegarda ce qui lui restait autour des villes principales
et abandonna les projets limitrophes. La centralisation des œuvres pontificales à Rome
réduisit, dès 1922, le financement accordé au vicariat français110.
Face à la perspective de la faillite, le nouveau supérieur du vicariat de Nankin,
Mgr. Prosper Paris (1900-1931), suggéra la partition. Le Saint-Siège, qui était à ce moment
place dans le monde. Il était une source de données pour les marchands et les voyageurs maritimes. Augustín Udías,
« Jesuits' Contribution to Meteorology », Bulletin of the American Meteorological Society, vol. 77, no. 10
(oct., 1996), pp. 2311-2313. La librairie de Zikawei était la plus grande des librairies, des écoles et du musée de la
mission de Nankin. Gail King, « The Xijiahui (Zikawei) Library of Shanghai », Libraries & Culture, vol. 32, no.4
(automne, 1997), p. 459. À propos du vicariat de Nankin et du contexte politique au Xuzhou, voir Jacques Langlais,
op. cit., pp. 44-76.
109 Rosario Renaud, Süchow: diocèse de Chine, Montréal, Bellarmin, pp. 171-191 et 347-380. Sept Jésuites décuplaient
les efforts du P. Léopold Gain et de ses deux collègues, mais le personnel alloué à la région du Xuzhou ne dépassait
jamais le nombre de quinze missionnaires avant le passage, en 1918, des premiers Canadiens français. Œuvre de la
Mission de Suchow d'après la Division Ecclésiastique, AJC, M-0007, Cl. 21 (1887, 1905 et 1918).
110 Ibid., pp. 425-477.
45
très réceptif aux entreprises missionnaires, approuva la stratégie et le territoire de Nankin
fut morcelé. Alors que les missions de Wuhu (1921), de Anking (1929) et de Pengpu (1929)
étaient transmises à d'autres congrégations religieuses européennes, la direction de celle de
Haimen (1926) fut assignée à Mgr. Simon Tsu, l'un des premiers évêques chinois nommés
par le Pape Pie XI. Chaque préfecture ainsi créée devait décharger les Jésuites français de la
grande responsabilité financière qu'ils ne pouvaient plus assumer pour les œuvres
catholiques des régions périphériques à celle de Shanghai111.
Les Jésuites français demandèrent le renfort des Jésuites du Québec dès 1918. Le
P. Édouard Goulet et le F. Paul Gagnon furent les premières recrues que la province jésuite
du Canada envoya en Chine pour répondre à leur appel. Les scolastiques Georges Marin,
Auguste Gagnon et Édouard Côté arrivèrent pour la première fois au Xuzhou en 1920.
Trois autres recrues, le P. Jean-Louis Lavoie, le scolastique Armand Proulx et le F. Aza
Souligny suivirent le même parcours et résistèrent aux bandits et à l'occupation militaire
des soldats fatigués de l'Armée nationale révolutionnaire en 1927. Le P. Édouard Lafortune,
un autre Jésuite canadien-français, était mandaté par les Jésuites français comme supérieur
de la région du Xuzhou entre 1928 et 1931. Le P. Philippe Côté arriva au Xuzhou alors que
la Chine venait tout juste d'être réunifiée sous le commandement du Généralissime Jiang
Jieshi autour de la ville de Nanjing pour une décennie (1928-1937)112.
L'Église du Xuzhou fut officiellement assignée par le Saint-Siège aux Jésuites du
Québec le 23 juin 1931, au creux de la crise économique mondiale. Mgr. Georges Marin
était l'administrateur apostolique de la nouvelle préfecture apostolique. Avec ses 55 526
fidèles catholiques, ce qui lui attitrait le 7e rang en importance sur les 110 circonscriptions
ecclésiastiques de Chine de l'époque, l'Église du Xuzhou constituait une responsabilité
111 Les Jésuites français de Nankin ont cédé le territoire de l'Anhui le 8 août 1921. Renommé Wuhu par la suite, il
donna en 1929 naissance aux missions de Pengpu et de Anking qui furent confiées à des Jésuites espagnols et
italiens. Nankin transmit les préfectures apostoliques de Haimen en 1926, de Xuzhou en 1931 et de Shanghai
en 1933. Alors que Nankin fut élevé au rang d'archidiocèse en 1946, les Jésuites français s'installèrent à Shangh ai.
Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges III (27 déc., 1933), p. 2. Deux autres
missions furent plus tard octroyées par Nankin à des missionnaires californiens et au clergé séculier chinois.
112 Les brigands étaient particulièrement actifs au Xuzhou. Située entre les provinces civiles chinoises de l'Anhui, du
Henan et du Shandong, la région était visitée par des bandits qui migraient stratégiquement pour fuir les juridictions
provinciales. À propos de l'occupation militaire des bâtiments de l'Église du Xuzhou par l'Armée nationale
révolutionnaire en 1927, voir Édouard Lafortune, op. cit., pp. 214-222.
46
d'envergure. Le projet de la soutenir jusqu'à son autonomie avait parallèlement un grand
potentiel. Son église principale était située à la ville de Xuzhou où deux chemins de fer
principaux se croisaient: les axes Tianjin-Pukou et Kaifeng-Haizhou. Le territoire était
administré en deux, puis trois (1932), quatre (1941) et six (1945) sections totalisant de 18
à 29 paroisses (districts). La région stratégique accueillait le Grand Canal, l'ancien Canal
impérial qui reliait Beijing à Hangzhou, et était le siège de plusieurs garnisons militaires113.
Sous la responsabilité des Jésuites du Québec, l'Église du Xuzhou connut plusieurs
transitions marquantes. Le P. Philippe Côté, qui assistait Mgr. Marin depuis son arrivée en
Chine, lui succéda lors de l'élévation du territoire ecclésiastique en vicariat le 18 juin 1935
et assuma de nombreux choix difficiles. Sacré premier évêque de Xuzhou, il dirigeait les
activités missionnaires durant l'occupation japonaise du Xuzhou (1937-1945) et supervisait
l'encadrement d'une communauté de fidèles catholiques chinois de plus de 88 000
individus. L'évêque partit également avec les 35 Jésuites du Québec qui furent internés à
Shanghai par l'armée nipponne entre novembre 1943 et août 1945. Il demeura à la tête du
territoire ecclésiastique lorsque ce dernier, inclus dans la hiérarchie épiscopale chinoise,
devint un diocèse le 11 avril 1946. Puis, constatant de l'incapacité de répondre aux
prérequis de cette promotion rapide, il organisa la même année la partition du territoire du
Xuzhou en transférant six paroisses et leurs 25 647 catholiques aux Franciscains américains
de la Californie. Entre 61 433 et 68 478 fidèles de l'Église du Xuzhou sont demeurés sous
la supervision des Jésuites du Québec jusqu'à leur départ graduel qui était forcé par les
communistes chinois dès 1949. Mgr. Côté fut expulsé du Xuzhou, fut accusé d'avoir
espionné pour l'État du Vatican et d'avoir pris part aux activités de la Ligue de Marie et fut
séquestré à deux reprises. L'Église du Xuzhou fut alors gravement désorganisées114.
113 Georges Marin, Corr. à Mgr. Zanin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (19 déc., 1932), pp. 1-2. La province du Jiangsu
était rapidement dotée d'un réseau ferroviaire après la chute de la dynastie Qing. En 1912, la section Tianjin-Pukou
fut complétée. Quatre ans plus tard, celle de Xuzhou-Kaifeng était fonctionnelle. En 1925, la section XuzhouHaizhou fut reliée. Ernest P. Liang. China: railways and agricultural development, 1875-1935. Chicago, University
of Chicago, 1982, pp. 71-82. À propos des situations administratives et militaires dans la région du Xuzhou, veuillez
consulter Shenwen Li, « Les jésuites canadiens-français et leur mission en Chine, 1918-1945 », op.cit., pp. 330-334.
Voir la carte du Xuzhou en annexe B pour constater du croisement à Xuzhou de deux chemins de fer principaux et
du passage du Grand Canal entre les villes de Tushan et de Yaowan.
114 Mgr. Côté fut finalement exilé de la Chine en 1953. Les Philippines, Hong Kong, le Vietnam et l'île de Formose
(Taiwan) accueillirent une bonne partie des Jésuites du Québec après leur expulsion de la Chine. L'autre partie
retourna au Canada. Voir en annexe E le nombre de chrétiens qui étaient sous la responsabilité des Jésuites du
Québec d'août 1931 à août 1950.
47
Le travail apostolique que les Jésuites du Québec accomplissaient au Xuzhou
entre 1931 et 1949 se situait dans la continuité des initiatives missionnaires encouragées en
Chine par le Saint-Siège depuis les guerres de l'Opium. Il contribuait une partie des efforts
que les missionnaires mandatés par la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi
combinaient en réponse aux directives du Concile de Shanghai. Les Jésuites du Québec
soutenaient une communauté de catholiques ébranlée par la famine, les brigands et la
guerre. Ils le faisaient en cherchant à contrecarrer l'influence du communisme. Au départ
forcé des missionnaires, l'Église catholique du Xuzhou n'était toutefois pas prête à s'autoadministrer.
***
Face aux avancées protestantes, musulmane et surtout communiste, les papes
élevaient la conscience missionnaire et en centralisaient les manifestations pour soutenir
l'expansion du catholicisme à travers le monde. Des communautés religieuses missionnaires
étaient mandatées aux quatre coins de la planète dans l'objectif spirituel de transmettre la
lecture romaine de la Bible. Le Canada était un territoire de missions où le catholicisme
occupait une place centrale dans la culture des habitants francophones. Le clergé catholique
romain était particulièrement présent au Québec. Ce dernier manifestait d'un esprit
missionnaire particulièrement aigu qu'il transmettait aux paroissiens canadiens-français.
Capable de les convaincre de la pertinence du projet missionnaire du Saint-Siège, le clergé
du Québec accueillait les prières, les vocations et les aumônes qui lui permettaient
d'investir dans des missions étrangères. L'Église de Chine était au centre des préoccupations
de la papauté. Implantées à la faveur des intérêts des puissances coloniales, les missions
chinoises étaient mandatées à des supérieurs qui, en général, monopolisaient leur
administration au détriment d'un clergé chinois qu'ils considéraient comme inférieur dans la
hiérarchie ecclésiastique. Le Saint-Siège, qui cherchait à promouvoir la formation d'un
clergé indigène pour que l'Église de Chine devienne autonome, ne trouvait pas d'échos
assez rapides à ses directives dans les missions avant que le communisme soit proclamé
48
l'idéologie du gouvernement de Beijing. L'État du Vatican étant considéré comme une
puissance étrangère par le Parti communiste chinois, les missionnaires étaient les uns après
les autres expulsés de la Chine continentale.
Les autorités de l'Ordre des Jésuites, qui supervisaient de nombreuses missions à
travers le monde, obéissaient très souvent aux directives de la papauté. La Compagnie de
Jésus était bien enracinée au Québec où elle occupait une place très influente auprès des
Canadiens français. Les Jésuites du Québec cherchaient à les convaincre de la pertinence de
financer le projet missionnaire outre-mer du Xuzhou. Ils fondaient la Procure des Missions
Étrangère de Chine pour répondre à leur mandat de soutenir la jeune Église chinoise jusqu'à
son autonomie.
49
CHAPITRE 2
LA PROCURE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES DE CHINE:
CENTRE MISSIONNAIRE ET INTERMÉDIAIRE QUÉBEC-XUZHOU
Plusieurs Jésuites du Québec avaient visité la Chine avant de prendre la
responsabilité de superviser l'Église du Xuzhou le 23 juin 1931. Les besoins en capitaux
financier et humain que les Jésuites français du vicariat de Nankin avaient exprimés étaient
sérieusement considérés par les autorités de la province jésuite du Canada qui mandataient
les premières recrues canadiennes-françaises pour la Chine en 1918. Le P. Édouard Goulet
et le F. Paul Gagnon étaient en Chine jusqu'en 1923115. Les scolastiques Georges Marin,
Auguste Gagnon et Édouard Côté revinrent à Montréal en 1924 pour terminer leurs études
de théologie avant d'exercer la prêtrise au Xuzhou à partir de 1928. Entre 12 et 18 Jésuites
du Québec, dont les PP. Alphonse Dubé, Joseph Courchesne et Philippe Côté, presque tous
formés à l'Académie de l'Immaculée-Conception, œuvraient dans la région chinoise sous la
supervision du P. Édouard Lafortune entre 1928 et 1931116.
Le projet de séparer le territoire du Xuzhou du vicariat de Nankin, que Mgr. Prosper
Paris suggéra au supérieur provincial Filion en 1922, invita la province jésuite du Canada à
préparer l'organisation et le ravitaillement de sa première mission chinoise. Suite à la
structuration administrative de la province jésuite du Bas-Canada en 1924, ce mandat fut
transmis au supérieur provincial Louis Boncompain (1924-1927) qui chargea aussitôt le
P. Joseph-Louis Lavoie, alors curé de la paroisse de Howkiachwang, au Xuzhou, d'évaluer
les besoins financiers de la future mission canadienne-française. Le missionnaire écrit
en 1925 que, afin de multiplier les dons, répondre convenablement aux bienfaiteurs et
faciliter les envois en Chine, « [...] la création d'une nouvelle charge aurait du bon: la
charge de Procureur de la Mission, confiée à un homme d'affaires qui n'en aurait pas
d'autres en mains que celle-là » 117. Le P. Lavoie considérait que les missionnaires œuvrant
115 Le P. Édouard Goulet fut appelé par la Compagnie de Jésus à travailler à l'État du Vatican au Secrétariat général des
missions des Jésuites à partir de 1923.
116 Les candidats pour le Xuzhou étaient choisis avec soin par le supérieur provincial du Bas-Canada selon la condition
de santé, la capacité d'adaptation et le degré d'instruction. Georges Marin, La Chine à Dieu: une mission
canadienne, le Siu-Tchou-Fou, op. cit., p. 3.
117 J.-Louis Lavoie, Corr. au sup. provincial Louis Boncompain, AJC, M-0007, Cl. 3, Corr. III et dossiers personnels
51
en Chine étaient trop occupés à veiller à leurs ouailles et, par conséquent, qu'ils n'avaient
pas le temps de solliciter eux-mêmes des aumônes pour poursuivre les activités
apostoliques. La grande majorité des convertis chinois du Xuzhou était, selon lui, trop
pauvre pour donner la dîme. La mission de Xuzhou devait être financée à partir du Québec.
2.1 Entre la province et la procure: vers la coopération pour la mission de Xuzhou
L'idée de fonder une procure que le P. Lavoie soumit au supérieur provincial
Boncompain s'inspirait de l'organisation administrative de la Compagnie de Jésus dans
plusieurs pays118. Sa réalisation était conditionnelle à la désignation d'un personnel
compétent. Puisqu'aucun candidat ne répondait aux critères du poste, l'idée restait en
suspens jusqu'à ce que le curé de Howkiachwang, ébranlé par un brigandage qu'il subit en
1926, soit rappelé au Canada en 1928119. Entre temps, les Jésuites du Québec avaient tissé
un réseau de bénévoles et de bienfaiteurs canadiens-français grâce aux institutions que la
Compagnie de Jésus mettait à leur disposition.
2.1.1 Les éclaireurs canadiens de la province jésuite du Bas-Canada en Chine
L'Académie de l'Immaculée-Conception était l'épicentre au Canada du rayonnement
des activités des Jésuites attitrés au Xuzhou. Les missionnaires utilisaient son adresse
postale, le 1855 rue Rachel à Montréal, pour transmettre des lettres à leurs parents et amis
canadiens. L'institution chargeait un modérateur responsable de transmettre par le service
postal la correspondance de Chine à ses destinataires et d'en reproduire des extraits pour
remercier les bienfaiteurs. Gratifier les bienfaiteurs d'avoir contribué à la caisse personnelle
de l'un des missionnaires canadiens était une pratique jugée digne des politesses
élémentaires qui favorisait la récidive de l'action120. La rédaction et l'envoi, via Montréal, de
des missionnaires, Lavoie Joseph-Louis III (28 fév., 1925), p. 1.
118 Le terme « procure » réfère à un lieu administratif. Son procureur en est l'administrateur ou le trésorier . Dictionary
of Jesuit Biography Ministry to English Canada, 1842-1987, Toronto, Canadian Institute of Jesuit
Studies, 1991, p. XXV.
119 Le P. Lavoie raconte le récit de ce brigandage dont il fut victime en 1926. Voir Joseph-Louis Lavoie, Quand j'étais
chinois, Montréal, Les Éditions Bellarmin, 1961, pp. 139-150.
120 Les Jésuites du Québec étaient au Xuzhou sous l'autorité française jusqu'en 1931. Puisqu'ils demeuraient attachés à
la province jésuite canadienne, ceux-ci pouvaient recevoir les aumônes canadiennes adressées à leur nom
(attributions personnelles). Les goûts des bienfaiteurs pour motiver ce genre de don étaient, par contre, ma l connus
par les missionnaires. Joseph-Louis Lavoie, Corr. au sup. provincial Louis Boncompain, AJC, M-0007, Cl. 3, Corr.
III et dossiers personnels des missionnaires, Lavoie Joseph-Louis III (5 juin, 1925), p. 2.
52
« Lettres aux bienfaiteurs » adressées à tous les donneurs devenaient réguliers à partir
de 1928. Le P. Georges Marin se chargeait généralement de la rédaction en français des
relations qui étaient lues surtout au Québec dans le réseau de connaissances des
missionnaires121.
La publicité pour la mission de Xuzhou se colorait de conférences qu'offraient les
candidats destinés à la Chine. Initiées par les scolastiques Marin, Gagnon et Côté dès 1924
lors de leurs études à Montréal, les présentations étaient annuellement renouvelées. Animés
de la passion qu'ils ressentaient pour leur vocation, les conférenciers cherchaient à
convaincre les membres du clergé et les fidèles canadiens du bien-fondé de missionner
outre-mer, même si le travail apostolique n'était pas terminé partout au Canada. Peu de
matériel portant sur le Xuzhou était disponible au Québec avant 1931, mais ceux qui
avaient déjà visité la Chine transmettaient des informations inédites pour les Canadiens qui
étaient encore peu informés sur le géant asiatique et sur son peuple 122. Des quêtes auprès
des paroissiens de plusieurs diocèses québécois étaient effectuées afin de remplir la caisse
qui servait à payer les effets personnels et les billets de train et de bateau des missionnaires
partant pour la Chine123. Les deux appareils de type « Kodak », que les Jésuites du Québec
possédaient, produisaient du matériel publicitaire prometteur que l'Académie était chargée
de développer124.
Le projet de Xuzhou s'imbriquait parfaitement dans les directives pontificales de
Maximum Illud. Il servait de prétexte pour augmenter la publicité missionnaire et de sujet
de cette publicité auprès du grand public. Évangéliser le Xuzhou était présenté comme une
121 Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 64 (16 oct., 1931), p. 2.
122 Les échanges existaient entre la Chine et le Québec depuis le XVII e siècle, mais, durant la première moitié du
XXe siècle, les Canadiens étaient encore peu ou mal informés sur la Chine et sur les coutumes des Chinois. Serge
Granger, Le lys et le lotus. Les relations du Québec avec la Chine de 1650 à 1950, Montréal, VLB, 2005, pp. 13-28.
123 Les missionnaires prenaient souvent le train du Canadien Pacifique jusqu'à Vancouver, d'où ils embarquaient sur un
navire de l'Empire britannique avec des escales à Hawaï et au Japon avant d'atteindre Shanghai en Chine. Rosario
Renaud, « Le Japon », Le Brigand, no. 40 (fév., 1936), pp. 5 à 8.
124 L'équipement photographique Kodak était disponible en Amérique du Nord dès la fin du XIXe siècle. Les Jésuites
prenaient de nombreux clichés à travers le monde grâce à l'appareil qui était très populaire pour son faible prix
d'achat. Le développement des pellicules était par contre peu abordable et, pour inciter les missionnaires du Xuzhou
à prendre davantage de photographies pour la publicité au Canada, Rosario Renaud, le modérateur de l'Académie,
envoyait 0,25 cents en attribution personnelle pour chaque négatif. Rosario Renaud, Corr. à Arthur Tremblay, AJC,
M-0007, Cl. 7, no. 64 (29 nov., 1931), p. 4.
53
contribution des catholiques canadiens-français à l'effort missionnaire mondial. L'histoire
des Jésuites du Québec commandée au P. Édouard Lecompte mentionne l'apostolat au
Xuzhou en 1925. Des ouvrages, comme La Chine à Dieu: une mission canadienne, le SiuTchou-Fou (1925) et Canadiens en Chine: croquis du Siutchoufou. Mission des Jésuites du
Canada (1930), rédigés par les PP. Georges Marin et Édouard Lafortune, ont concentré les
premiers appels au financement et au recrutement lancés aux Canadiens pour la mission
chinoise125.
La Compagnie de Jésus possédait au Canada des revues de culture générale,
d'études scientifiques, de piété, de collèges et de missions par lesquelles la visibilité du
projet de Xuzhou grandissait. Le Messager canadien, une parution jésuite transcanadienne,
soulignait les premiers efforts des missionnaires en Chine. Les périodiques Le Semeur et La
Nouvelle étaient d'autres médiums que la province jésuite du Bas-Canada mettait à la
disposition des Jésuites œuvrant au Xuzhou. La semaine missionnaire de Joliette offrit
en 1927 une tribune exceptionnelle au P. Georges Marin qui y raconta les conditions de
l'apostolat auprès des Chinois. Xuzhou était le sujet de rencontres de l'Union missionnaire
du clergé et de cercles missionnaires organisés au Canada par les Jésuites126.
Malgré tout, de nombreux préjugés envers les Chinois, que les Canadiens
entretenaient, défiaient les fraîches sympathies pour la mission étrangère. Des récits de
voyage inspirés de l'Empire du Milieu du XIX e siècle avaient auparavant diffusé au Canada
l'image populaire d'une Chine en pleine décadence et cette représentation mentale
défavorable auprès des Canadiens motivait l'indifférence face au projet de Xuzhou127.
125 Édouard Lecompte, Les Missions modernes de la Compagnie de Jésus au Canada (1842-1924), Montréal, Messager
canadien, 1925, pp. 74 à 76. Georges Marin, La Chine à Dieu: une mission canadienne, le Siu-Tchou-Fou, Montréal,
Procure de la Mission de Chine, 1925, pp. 1-2. Édouard Lafortune, Canadiens en Chine: croquis du Siutchoufou.
Mission des Jésuites du Canada, Montréal, L'Action Paroissiale, 1930, p. 5-7.
126 Rosario Renaud souligne que la publication Le Semeur destinait parfois des articles de 1500 mots à la publicité
missionnaire du Xuzhou. La Nouvelle, qui acceptait de publier sur la mission chinoise, s'adressait presque
exclusivement aux Jésuites du Canada. Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54
(30 janv., 1932), pp. 5-7. Archange Godbout et al., La semaine missionnaire de Joliette, 4 au 10 juillet 1927, op. cit.,
pp. 265-281. Joseph-Louis Lavoie, Corr. au sup. provincial Louis Boncompain, AJC, M-0007, Cl. 3, Corr. III et
dossiers personnels des missionnaires, Lavoie Joseph-Louis III (5 juin, 1925), p. 3.
127 Les récits des missionnaires du XIX e siècle témoignaient très négativement de la Chine et de ses habitants. Ils
alimentaient le sentiment anti-asiatique au Canada. À propos des préjugés des Canadiens envers les Chinois durant
la première moitié du XX e siècle, voir Constance Backhouse, Colour-Coded: a Legal History of Racism in Canada,
1900-1950, Toronto, University of Toronto Press, 1999, 485 p. et Patricia E. Roy, The Oriental Question:
54
Dès son retour au Canada en 1928, le P. Lavoie s'appliquait activement à dénoncer
les préjugés anti-asiatiques par la rédaction de lettres et par la présentation de conférences
sur la Chine. Ancien curé de la paroisse de Howkiachwang, il connaissait bien les besoins
de la jeune Église du Xuzhou et il souhaitait les faire connaître au Canada pour qu'ils soient
comblés. Puisqu'il était reconnu pour son talent à convaincre les bienfaiteurs, le supérieur
provincial François-Xavier Bellavance (1927-1932) lui assigna le poste encore vacant de
procureur de la mission de Xuzhou. Le P. Lavoie n'était ni un administrateur ni un homme
d'affaires, mais il apparaissait comme le candidat idéal pour animer la publicité en faveur
du projet et pour favoriser la cueillette des aumônes afin de le financer128.
La localisation d'une procure à la charge de la province jésuite du Bas-Canada
devait succéder à la nomination du P. Lavoie. La croissance économique, qui favorisait la
condition de vie des Canadiens depuis 1919, permettait la projection d'une augmentation
constante des recettes en aumônes capable d'absorber les frais de l'achat d'un local.
Toutefois, le Grand Krach boursier qui survint aux États-Unis en octobre 1929 renversa
cette anticipation. L'inflation diminua la demande immobilière et encouragea la spéculation
chez les investisseurs. La crise économique étouffa la générosité des bienfaiteurs et les
aumônes, qui étaient la principale source des recettes de la province jésuite du Bas-Canada,
ne suffisaient pas à combler l'achat prévu d'un local129.
Le P. Lavoie était un procureur sans procure. Puisque la province jésuite ne lui
désignait pas d'endroit, le procureur occupait, entre temps, une pièce de la maison Loyola
au 14 rue Dauphine, la maison mère de la Compagnie de Jésus à Québec. Cette résidence
jésuite remplissait un rôle central dans la vie sociale des citoyens catholiques. La chapelle
qui y était affiliée était ouverte au public depuis 1820 et de nombreuses confessions y
étaient entendues chaque mois130. Le supérieur de l'endroit, le P. Sheehy (1927-1931),
Consolidating a White's Man Province, 1914-1941, Vancouver, UBC Press, 2003, 334 p.
128 Rosario Renaud, Le diocèse de Süchow, Chine, op. cit., pp. 26-27 et 48.
129 La Compagnie de Jésus au Canada, 1842-1942: l'œuvre d'un siècle, op. cit., pp. 80-110.
130 Ibid., p. 106.
55
accueillit le P. Lavoie, mais les projets pour la Chine ne devaient pas nuire à la vie
religieuse de la maison. La préfecture apostolique de Xuzhou devenait la propriété des
Jésuites du Québec le 23 juin 1931. Le temps pour financer l'entreprise était compté.
2.1.2 La Procure des Missions Étrangères de Chine
La Procure des Missions Étrangères de Chine fut reconnue comme une organisation
légale à la Cour Supérieure du Québec le 5 septembre 1931 sous le nom de « Procure des
Missions de Chine, Enr'g ». L'institution voua sa vocation au financement de la mission de
Xuzhou. Son contrat d'enregistrement reconnaît le P. Lavoie comme le seul signataire du
projet et lui attribue l'enseignement comme occupation principale pour souligner que, sans
procure définie, il logeait et travaillait aussi temporairement au Collège Saint-Charles
Garnier (83 chemin Ste-Foy, Québec), une institution jésuite affiliée à l'Université Laval
ouverte aux élèves dès juillet 1930. Le Collège avait besoin d'un personnel enseignant
temporaire et il est, par conséquent, possible que le P. Lavoie y ait fait la promotion de la
mission de Xuzhou pendant au moins deux ans131.
Le Canada Ecclésiastique conserve, toutefois, l'adresse « 14 rue Dauphine » comme
adresse de la Procure de Chine pour l'année 1932. Le procureur avait une entente avec la
maison Loyola. Le nouveau supérieur de la résidence, le P. Arsène Roy (1931-1936), était
réceptif aux besoins de la jeune mission de Xuzhou dont il était un partisan convaincu et il
s'impliquait à la mesure de ses pouvoirs et de ses moyens dans son financement. Il
offrait 4930$ à la Procure de Chine lors de l'année administrative 1932-1933, puis il
renouvelait annuellement des dons d'au moins 2000$ jusqu'à la fin de son mandat 132. Le
P. Roy acceptait qu'une partie des aumônes reçues à la maison Loyola soit transmise par le
131 J. Louis Lavoie et J. Alex Lepire, « Dans la Cour Supérieure - Canada, province de Québec, district de Québec »,
AJC, M-0007, Cl.7, no.179 (5 sept., 1931), p. 1. J.-Louis Lavoie, s.j., « Procure des Missions. Incorporation, 1932 »,
AJC, M-0007, Cl.7, no.179 (déc., 1932), p. 1. Le petit-séminaire de Québec, devenu collège, ne suffisait plus aux
besoins en éducation de la population de la ville de Québec après 1930. Pour davantage de précisions sur l'histoire
du Collège Saint-Charles Garnier, voir Adrien Pouliot, Les Jésuites, pionniers de l'enseignement au Canada (16351985), Québec, Collège Saint-Charles Garnier, 1985, pp. 49-73.
132 La Procure de Chine et la résidence jésuite de Québec qui occupaient officiellement la même adresse étaient des
entités juridiques indépendantes. Les PP. Lavoie et Roy tenaient des états financiers différents. Le Canada
ecclésiastique: Catholic Directory of Canada, Montréal, Librairie Beauchemin, 1933. Rosario Renaud, Corr. au
P. Edouard Goulet, AJC, M-0007, Cl.7, no. 65 (13 fév., 1933), pp. 2-3. Rapport financier de la Procure des Missions
de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1936). Voir en annexe C les contributions de la province jésuite
du Bas-Canada de 1932 à 1936.
56
P. Lavoie à la mission chinoise. Il consentait également à donner des honoraires que des
fidèles payaient à la chapelle pour faire dire des messes en l'honneur d'un défunt ou d'une
dévotion133.
Le procureur de la Procure de Chine attirait les sympathies, utilisait les moyens à sa
disposition et usait de ses relations. Il communiquait régulièrement avec de nombreux
Jésuites qui sollicitaient des dons au Québec pour la mission de Xuzhou. Le scolastique
Rosario Renaud, qui était le modérateur de l'Académie, était son meilleur bras droit à
Montréal. Il l'informait des prochains candidats choisis pour la Chine par le supérieur
provincial et il lui transmettait les aumônes montréalaises. Toutefois, cette coopération était
informelle et les procédures administratives qui lui étaient sous-jacentes faisaient l'objet de
nombreux rappels, ce qui maintenait une certaine imprécision quant aux responsabilités des
différents acteurs impliqués dans le financement de l'entreprise internationale134.
Le P. Lavoie assurait jusqu'en 1936 la continuité des ententes impliquant le
financement de la mission de Xuzhou. Il entretenait de bons rapports avec le scolastique
Paul-Émile Gauthier qui remplaça Rosario Renaud comme modérateur de l'Académie
en 1935135. Toutefois, le P. Lionel Vanier (1936-~1941), le nouveau supérieur de la maison
Loyola, soucieux de répondre à sa nouvelle charge et méfiant face à l'influence du P. Lavoie
dans son établissement, refusa de coopérer avec la Procure de Chine de la manière de son
prédécesseur. Il considérait que les choix du P. Roy désavantageaient la caisse de la
résidence jésuite. En conséquence, il ne contribuait pas à la mission de Xuzhou. Une légère
mésentente éclata sur l'ordre des priorités de la province jésuite du Bas-Canada. Allait-on
continuer à favoriser le financement d'une mission étrangère au détriment des institutions
canadiennes136?
133 Il était interdit par le droit canon de célébrer une messe avant d'en avoir reçu les honoraires. La P. Lavoie ne pouvait
pas dire les messes lui-même puisqu'il n'était plus curé d'une paroisse. Les prix des honoraires (0,5$, 1$, 5$ et 10$)
étaient fixés par l'évêque du diocèse de Québec. Guy Arbour, Le droit canonique particulier du Canada, Ottawa,
Les Éditions de l'Université d'Ottawa, 1957, pp. 87-88.
134 Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (30 janv., 1932), p. 3.
135 Rosario Renaud se destinait pour le Xuzhou en 1935.
136 J.-Louis Lavoie, Corr. à Lionel Vanier, AJC, M-0007, Cl. 7, Finances + Corr. Süchowku 1933-1943, no. 157 (1936),
pp. 1-2.
57
2.1.3 L'ambigüité d'une garde partagée
Le P. Vanier questionna les pouvoirs du P. Lavoie à un moment propice pour
provoquer des ajustements. La Procure de Chine relevait de la préfecture apostolique de
Xuzhou dont les dettes étaient désastreuses et Mgr. Philippe Côté, dont le sacre d'une
pauvreté édifiante accompagna la nomination du territoire ecclésiastique au rang de vicariat
le 18 juin 1935,
avait
fait
appel
à
l'assistance
du
supérieur
provincial
Émile
Papillon (1936-1942) afin d'obtenir de l'aide pour à rencontrer ses obligations devant le
Saint-Siège. Les pourparlers qui débutaient entre le vicariat apostolique de Xuzhou et la
province jésuite du Bas-Canada visaient à partager les frais de la mission dans l'objectif de
doubler les efforts missionnaires pour éviter le recul du catholicisme dans la région
chinoise malgré l'impact néfaste de la crise économique mondiale sur la récolte des dons137.
L'évêque de Xuzhou, dont le budget ne couvrait pas les frais des investissements
nécessaires pour répondre aux critères d'un vicariat, demanda à la province jésuite du BasCanada d'acquitter quelques postes budgétaires. Pour se faire, Mgr. Côté transféra à la
province jésuite du Bas-Canada tous les pouvoirs sur le Collège Saint-Louis-de-Gonzague
qui avait été organisé dans la ville de Xuzhou depuis 1913 et qui avait récemment été
rénové aux frais du vicariat en 1936. L'évêque renonça aussi à ses droits d'administrer les
biens achetés par la province jésuite du Bas-Canada en Chine et de distribuer les budgets du
personnel du Collège. Afin de favoriser la coopération, le P. Joseph Courchesne, qui
œuvrait au Xuzhou depuis 1928, fut nommé supérieur régulier. Il fut chargé de superviser
les activités de la province jésuite du Bas-Canada au Xuzhou et son autorité fut élevée à un
rang équivalent à celui de Mgr. Côté auprès de l'institution d'enseignement que la province
jésuite du Bas-Canada prit en charge. Le P. Courchesne administrait dorénavant une caisse
séparée de celle de Mgr. Côté pour disposer du budget des institutions de la province jésuite
du Bas-Canada en Chine138.
137 Lorsque le territoire ecclésiastique de Xuzhou passa au rang de vicariat, il demeurait sous la supervision de la Sacrée
Congrégation de la Propagation de la Foi, mais sa direction n'était plus sous l'autorité directe de la Compagnie de
Jésus. Mgr. Côté, qui fut nommé évêque par le Saint-Siège, devait dorénavant accorder préséance aux directives de
la Curie sur les directives de sa communauté d'origine. Le supérieur provincial Émile Papillon et Mgr. Côté
négociaient donc d'égal à égal : l'un assurant les intérêts de la Compagnie de Jésus en Chine, l'autre ceux de l'Église
du Xuzhou. Philippe Côté, « Statut administratif du vicariat de Suchow », AJC, M-0007, Cl. 6, no.151
(1er juil. 1940), pp. 1-4.
138 Le P. Courchesne entra en fonction comme supérieur régulier en 1937. Idem.
58
Afin de faciliter la collaboration entre les deux partenaires, les biens que le vicariat
apostolique de Xuzhou possédait au Canada furent transférés à la province jésuite du BasCanada. De ce fait, la Procure de Chine devint officiellement une propriété de la province
jésuite du Bas-Canada. L'institution demeurait responsable d'alimenter la publicité de la
mission, d'accueillir les aumônes et de transférer des montants en Chine, mais Mgr. Côté
n'y avait plus de juridiction139.
À partir de 1937, la gestion des finances de la Procure de Chine fut soumise à un
contrôle significativement plus étroit supervisé par le supérieur provincial du Bas-Canada.
Le P. Lavoie reçu de nouvelles directives concernant l'administration des profits de
l'institution. Alors qu'auparavant toutes les aumônes données à la mission avaient été
destinées au territoire ecclésiastique de Xuzhou, deux postes budgétaires supplémentaires
furent créés afin que les bienfaiteurs désignent le vicariat, la province jésuite du BasCanada en Chine ou Mgr. Côté comme le destinataire de leurs contributions. Également,
une partie des honoraires, celle des messes dites au Canada et en Chine par les prêtres
jésuites attitrés aux propriétés de la province jésuite du Bas-Canada, n'étaient plus assignés
à Mgr. Côté140.
L'entente entre le vicariat de Xuzhou et la province jésuite du Bas-Canada fut
approuvée entre Mgr. Côté, le supérieur général Ledochowski et le supérieur provincial
Papillon le 30 juin 1939141. Elle devait s'appliquer pour seulement trois ans. Une clause
convenue au Concile de Shanghai (1924) stipulait que, après cette période de probation,
une ratification s'imposait sans quoi le droit commun devait prédominer. Or, le conflit sinojaponais (1937-1945) et la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) éclatèrent et mélangèrent
les cartes du jeu. Dans les déboires de la guerre et de l'occupation japonaise du Xuzhou, la
règle des trois ans fut oubliée, le droit commun ne fut pas rappelé et Mgr. Côté, qui s'était
lié d'amitié avec le P. Courchesne, administrait - selon les besoins globaux de la mission 139 Idem.
140 Idem.
141 La signature de Mgr. Côté fut apposée au contrat final en date du 17 février 1939, celle du supérieur général
Ledochowski en date du 30 mai 1939 et celle du supérieur provincial Papillon en date du 30 juin 1939. Les trois
parties communiquaient au rythme régulier du service postal. Émile Papillon, Philippe Côté et Wlodimir
Ledochowski, « Entente », AJC, M-0007, Cl.8, no.2 (30 juin, 1939), pp. 1-4.
59
tous les montants envoyés par la Procure de Chine, y compris ceux qui étaient destinés à la
caisse de la province jésuite du Bas-Canada en Chine. Les communications entre le Canada
et la Chine étaient discontinues142.
Lorsque la fumée se dissipa en septembre 1945, et que les Jésuites, qui avaient été
internés à Shanghai pendant près de deux ans, étaient retournés au Xuzhou, les
missionnaires évaluèrent avec déception les dégâts causés par les échanges militaires sur les
biens de l'Église. Le P. Auguste Gagnon remplaça le P. Courchesne comme supérieur
régulier et il dénonça aussitôt le monopole que Mgr. Côté avait sur les montants envoyés
par la Procure de Chine. De nouveaux pourparlers entre l'évêque et le supérieur provincial
du Bas-Canada, le P. Antonio Dragon (1942-1947), débutèrent afin de renouveler l'entente
de 1939, mais les négociations se poursuivaient encore au moment où, le 11 avril 1946, le
vicariat fut élevé par le Saint-Siège au rang de diocèse. Entre temps, la province jésuite du
Bas-Canada avait donné plus de 30 000$ à la Procure de Chine pour entretenir le Collège
Saint-Louis-de-Gonzague qui demeurait sous sa responsabilité143.
L'élévation du vicariat au rang de diocèse motiva l'acceptation d'un second plan de
coopération pour la mission de Xuzhou qui fut approuvé par le Saint-Siège en 1947.
Mgr. Côté et le supérieur provincial du Bas-Canada, le P. Léon Pouliot (1947-1953),
convinrent du transfert à la province jésuite du Bas-Canada des droits et des responsabilités
d'un second établissement d'enseignement chinois: le Collège St-Augustin situé au Xuzhou
dans la ville de Tangshan. De plus, une quatrième catégorie de don en aumônes
spécifiquement en faveur du Collège Saint-Louis-de-Gonzague fut ajoutée aux trois qui
étaient en vigueur à la Procure de Chine depuis 1939. Les honoraires de messe, dont les
recettes étaient plus grandes pour le territoire ecclésiastique de Xuzhou depuis plusieurs
142 Le P. Goulet critiqua sévèrement: « À Suchow, par le fait que l'accord de 1939 n'a pas été renouvelé, on devait
retomber sous la loi commune, et non dans le chaos [...]. Mgr. n'avait pas le droit d'accaparer les biens de la
Compagnie, ni de s'attribuer les dons faits à la Compagnie par nos bienfaiteurs ». Édouard Goulet, Corr. au
sup. provincial Antonio Dragon, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (1 avril, 1948), p. 2.
143 Le supérieur provincial Dragon défendait la position que les aumônes destinées aux institutions de la province
jésuite du Bas-Canada au Xuzhou avaient été détournées par Mgr. Côté. Antonio Dragon, Corr. au sup. général
Janssens, AJC, M-0007, Cl.8, no. 3 (22 avril, 1946), p. 6. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine,
AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1944-1946). Voir en annexe C les contributions à l'Église du Xuzhou de la
province jésuite du Bas-Canada de 1944-1945 et de 1945-1946.
60
années, étaient dorénavant distribués « […] au prorata des prêtres (réguliers ou séculiers)
inscrits au catalogue comme appartenant à la mission »144. Concrètement, entre 1947
et 1949, la procure de la province jésuite du Bas-Canada débloquait des montants
de 223555$, 93 978$ et 125 112$ qu'elle remettait à la Procure de Chine pour financer les
institutions de la province jésuite du Bas-Canada au Xuzhou. Ces ajustements visaient à
équilibrer les recettes et les dépenses des deux partenaires de la mission de Xuzhou, mais
ils avaient cinq ans de retard par rapport au délai permis par le Concile de Shanghai145.
La Procure de Chine, dont la gestion était ajustée aux accords de 1939 et de 1947,
déménagea en 1943 dans Sillery, près de Québec, à l'endroit même où le P. jésuite
Ennemond Massé avait fait l'apostolat au XVIIe siècle146. Le P. Lavoie en demeurait le
procureur jusqu'à son remplacement par le P. Louis Bouchard en 1945. Il avait, pendant
plusieurs années, demandé au supérieur provincial du Bas-Canada qu'on lui assigne des
collègues jésuites pour l'assister dans son travail. Une augmentation du personnel aurait,
selon lui, fait croître les recettes de la Procure de Chine. Quelques Jésuites de passage à
Québec l'assistaient parfois temporairement. Préoccupé par la sélection de candidats le
travail au Xuzhou, le supérieur provincial esquivait par contre les requêtes du P. Lavoie
jusqu'au jour où, le 10 septembre 1939, le Canada entre officiellement en guerre du côté des
Alliés. Les départs vers la Chine étant jugés dangereux, trois Jésuites supplémentaires
furent dès lors affectés à la publicité à la Procure de Chine147.
L'entente signée en 1947 entre l'évêque de Xuzhou et le supérieur provincial
Papillon incita le déménagement de la Procure de Chine au 762 rue Sherbrooke Ouest, à
144 Les honoraires de messe étaient séparés, d'une part, parmi les prêtres séculiers et réguliers du diocèse et, d'autre part,
parmi les prêtres assignés par la province jésuite du Bas-Canada au Xuzhou. August Gagnon et Philippe Côté,
« Projet d'accord financier entre S. E. Mgr. L'Évêque de Suchow et le Supérieur Régulier représentant la Province
du Bas-Canada de la Compagnie de Jésus pour l'administration financière de la mission de Xuzhou », AJC, M-0007,
Cl. 8, no. 1 (1947), 13 p.
145 En vertu du Concile de Shanghai, l'entente de 1939 aurait dû être renouvelée en 1942. Idem. Rapport financier de la
Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1946-1947 et 1948-1950). Il est possible que la
province jésuite du Bas-Canada ait également contribué à la mission de Xuzhou lors de l'année
administrative 1947-1948.
146 Le P. Lavoie informa les bienfaiteurs du changement d'adresse de la Procure de Chine: « Tout à côté, se dresse
encore la Maison Bleue où, mêlé à nos saints Martyrs, vécut le premier missionnaire à venir au Canada, le
P. Ennemond Massé, dont les restes reposent en face de son ancienne demeure. » J.-Louis Lavoie, « Chez soi! »,
Le Brigand, no. 81 (sept., 1942), pp. 5-6.
61
Montréal. La sollicitation des dons auprès des bienfaiteurs et des amis de la ville de Québec
était assurée par l'ouverture, la même année, d'un bureau de la Procure de Chine à la Villa
Manrèse, une maison de retraite jésuite de la ville de Québec148.
2.2 Convaincre par l'œuvre d'art et la plume
La localisation de la Procure de Chine à Québec avait une importance significative
pour le financement de la mission de Xuzhou. Le diocèse de Québec était un centre du
catholicisme canadien-français très imprégné de la conscience missionnaire. Les œuvres
pontificales y récoltaient des montants en aumônes qui trompaient la récession des
années 1930149. La mission du P. Lavoie consistait à attirer une part de ces généreux dons
pour ravitailler l'Église du Xuzhou. La Chine était, par contre, méconnue ou mal connue du
grand public canadien et convaincre les fidèles d'assurer leur Salut en priant, travaillant et
donnant pour celui des Chinois s'avérait être un défi de taille.
2.2.1 Exposer la Chine et les Chinois, attirer la sympathie des Canadiens
Les conférences que les Jésuites du Québec présentaient sur la Chine depuis 1924
sensibilisaient les Canadiens à la mission de Xuzhou. Cependant, la réussite de ces
événements dépendait de la disponibilité et de l'intérêt des auditeurs, qui étaient, pour la
plupart, des religieux déjà réceptifs au projet. Parmi ceux-ci, les bienfaiteurs étaient peu
nombreux. C'est pourquoi, le P. Lavoie insistait pour que la Procure de Chine sorte de
l'ombre de la résidence de la rue Dauphine et s'affiche au grand public comme la
147 Puisqu'il était le seul Jésuite officiellement attribué à la Procure de Chine, le P. Lavoie devait payer entre trois et six
employés laïcs pour administrer l'institution entre 1931 et 1945. Un personnel jésuite aurait quant à lui coûté de
deux à trois fois moins cher. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28,
chemise 1 (1932-1945). Aucun Jésuite ne partait du Canada pour la Chine entre 1941 et 1946. Le personnel de la
Procure de Chine gonfla à huit individus pendant cette période: 4 Jésuites, 2 auxiliaires et 2 domestiques. Le
Canada ecclésiastique: Catholic Directory of Canada, op. cit., Tomes 1942-1947. Le P. Lavoie fut assigné à la
maison Bellarmin en 1945. Il y travaillait comme archiviste jusqu'à son décès en 1968. Des hommages lui furent
rendus pour son long travail de missionnaire dans L. R., « Le Père Joseph-Louis Lavoie (1885-1968) », Lettres du
Bas-Canada, vol. XXII (mars-déc., 1968), pp. 56-71 et dans Louis-Joseph Goulet, « Le Père Joseph-Louis
Lavoie, S.J. (1886-1968) », Le Brigand, no. 301 (juil.-août, 1968), pp. 3-15.
148 La Procure de Chine demeurait officiellement au 762 rue Sherbrooke Ouest jusqu'en 1965. Sa succursale à Québec
était dirigée par le P. Lucien de Carufel jusqu'en 1949. Le P. Paul-Émile Robin, un des missionnaires expulsés de la
Chine, lui succédait jusqu'en 1951 et le P. Rosario Renaud prenait le relais jusqu'en 1954. Cette seconde petite
procure de Chine quitta la Villa Manrèse en 1955 pour déménager au 34 Côte de la Fabrique, à Québec. Le Canada
ecclésiastique: Catholic Directory of Canada, op. cit., Tomes 1949-1955.
149 L'Œuvre de la Propagation de la Foi récoltait annuellement entre 94 000$ et 145 000$ dans les diocèses du Québec
de 1929 à 1939. Le diocèse de Québec récoltait une grande partie des dons destinés aux œuvres pontificales.
Bulletin de l'Union missionnaire du clergé, VIII, 7 (sept., 1946), cité dans Nive Voisine et al., op. cit., p. 169.
62
représentante d'une mission à la fois distincte des projets de la province jésuite du BasCanada au Québec et à la fois dans la continuité des entreprises missionnaires de la
Compagnie de Jésus depuis la Nouvelle-France jusqu'à la Chine150.
Décidé, le procureur prit en 1930 la décision risquée d'acquérir une maison
au 653 chemin Ste-Foy, à Québec, afin de travailler sans incommoder les activités de la
maison Loyola. Pour se faire, il emprunta à intérêts. La propriété était mal située, elle
demandait paiements pour réparations, salaires de domestiques, taxes sur l'eau, frais
d'éclairage et de chauffage, mais elle permit d'initier la publicité pour le projet de Xuzhou.
Le 653 chemin Ste-Foy avait pignon sur rue grâce à la construction d'une arche colorée en
forme de pagode bouddhiste à l'entrée du chemin de la propriété151.
Inspiré par les présentations sur les Amérindiens des Grands Lacs et de l'Alaska
précédemment organisées par la Compagnie de Jésus, le P. Lavoie décida de représenter la
mission de Xuzhou à l'exposition missionnaire de Montréal en 1930. Le retour au Canada
d'un de ses collègues jésuites du Xuzhou permit, dès l'année suivante, d'importer des objets
chinois dignes de décorer un kiosque intéressant. Autrement, la Procure de Chine possédait
quelques biens susceptibles de captiver la curiosité des bienfaiteurs. L'institution recevait
régulièrement des photographies qui stimulaient le zèle apostolique et constituaient une
petite collection que les passants pouvaient admirer à loisir. Le P. Lavoie demandait au
P. Cornélius Pineau, le cartographe de l'Académie, de dessiner des paroisses du Xuzhou,
comme Howkiachwang, Fenghsien, Taitaolow et Sankwanmiao. Des cartes en trois
couleurs étaient reproduites pour représenter le défi missionnaire des Jésuites du Québec
dans son étendue géographique chinois. Les négatifs et les dessins permettaient de réaliser
des plaques de projection152.
150 J.-Louis Lavoie, Corr. à Lionel Vanier, sup. de la Résidence de la rue Dauphine, AJC, M-0007, Cl. 7, Finances +
Corr. Süchowku 1933-1943, no. 157 (1936), pp. 1-2.
151 Les postes budgétaires des états financiers annuels de la Procure de Chine compilent des dépenses associées à la
résidence du 653 chemin Ste-Foy. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28,
chemise 1 (1932-1943). L'arche élevée au 653 chemin Ste-Foy reçut la bénédiction du supérieur provincial
Bellavance en 1931. J.-Louis Lavoie, « Échos et Nouvelles », Le Brigand, no. 11 (oct., 1931), p. 7.
152 Mgr. Marin approuva la décision de participer à l'exposition missionnaire de 1930. Georges Marin, Corr. à J.-Louis
Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des missionnaires, Marin Georges I (14 mars, 1930),
p. 1. À propos des expositions de la Compagnie de Jésus au Canada, voir France Lord, op cit., pp. 205-261. Le P.
Lavoie reçu de Mgr. Marin des photos autographiées par Mgr. Zanin, le délégué apostolique de Chine (1933-1946).
63
Alerté par le fait que l'Église anglicane de Montréal préparait une exposition
missionnaire protestante pour février et mars 1933, le P. Lavoie réagit en exposant
au 653 chemin Ste-Foy la collection chinoise de la Procure de Chine. Puisqu'il souhaitait
répéter l'initiative, le supérieur provincial Dugré, en visite au Xuzhou, suggéra l'importation
de plusieurs autres objets chinois153. Le F. Aza Souligny, qui était malade, fait le voyage
Shanghai-Québec en 1935 et assura la transportation de neuf caisses dont le contenu
enrichit la collection chinoise de la Procure de Chine. La même année, le départ de six
Jésuites pour le Xuzhou fut retardé par le supérieur provincial afin de permettre leur
présence à l'exposition missionnaire de Trois-Rivières et de récolter des dons. L'initiative
connut un franc succès auprès du public laïc. L'exposition missionnaire fut publicisée par
un volume souvenir présentant la mission de Xuzhou154.
Motivé par l'idée d'enrichir la collection chinoise de la Procure de Chine, le
P. Lavoie insista par télégraphe en 1936 pour que son ami Rosario Renaud, qui était
récemment aux études à Anking, en Chine, se rende à Shanghai pour acheter de nouveaux
objets. Ce dernier reçu la permission hésitante de Mgr. Côté d'expédier de nouveaux
produits et accessoires chinois qui furent exposés à Sherbrooke en 1941, à Montréal
en 1942 et à Gravelbourg en 1944. Lorsque les expositions étaient terminées, des objets,
des photographies et des cartes étaient donnés en cadeaux aux divers collèges et cercles
missionnaires entretenus et animés par les Jésuites à travers le Canada. Des cadres avec les
portraits des missionnaires du Xuzhou, exposés dans plusieurs institutions d'enseignement,
affichaient des espaces vacants pour inciter la jeunesse à se faire missionnaire. Ces objets,
ces images et ces montages témoignaient à travers tout le pays de l'effort missionnaire des
Jésuites du Québec en Chine155.
Georges Marin, Corr. à Paul-Émile Gauthier, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges III (25 déc., 1934), p. 2. Les
Jésuites du Québec possédaient 250 plaques de projection au Canada pour faire découvrir la Chine et faire la
promotion de la mission de Xuzhou. Georges Marin, Corr. à Rosario Renaud, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin
Georges III (14 oct., 1934), p. 2.
153 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 65 (15 mai, 1933), p. 2.
154 Idem, Cl. 6, no. 65 (4 juin, 1935), pp. 1-2.
155 Georges Marin, Corr. au sup. provincial Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges VI (13 avril, 1936), p. 1.
Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des missionnaires,
Marin Georges VII (18 fév., 1941), p. 1.
64
Les plus beaux objets étaient conservés au 653 chemin Ste-Foy à partir de 1931.
Suivant l'exemple du musée missionnaire du Latran qui avait été créé à Rome par le SaintSiège en 1925, le P. Lavoie fonda un musée d'art chinois afin de combattre les préjugés
négatifs que la plupart des Canadiens entretenaient sur la Chine à la lumière des récits
missionnaires du XIXe siècle et de leurs expériences avec des immigrants chinois qui
travaillaient souvent dans des blanchisseries et dans des restaurants 156. Le Devoir cite le
procureur en 1933: « Il ne faudrait pas juger la Chine par ce qu'on en voit en demeurant
chez soi, c'est-à-dire croire que ses habitants sont bons tout au plus à laver les cols de ces
messieurs, mais il faut l'aller voir chez elle - et elle est chez elle au Musée Chinois - où l'on
apprendra qu'il y a des Chinois magnifiquement doués des talents artistiques les plus
divers [...] »157. Le P. Lavoie valorisait la grandeur et la richesse de la civilisation chinoise
pour attirer la sympathie des bienfaiteurs pour la mission de Xuzhou.
Des bibelots en quantités, des peintures traditionnelles chinoises et d'inspiration
catholique, des spécimens de la vie rurale du Xuzhou, des objets agricoles, des broderies,
des sculptures, des meubles, un bouddha, ainsi qu'une lampe en forme de dragon et un lit
que les Jésuites disaient avoir appartenu à l'impératrice Cixi étaient exposés à l'année au
musée. Les objets étaient pour la plupart acquis à Shanghai ou à Xuzhou. Ils étaient parfois
achetés à des particuliers, mais beaucoup étaient confectionnés par des orphelins chinois
éduqués par le clergé catholique de Chine158. Acquis à prix modique et à taux de change
favorable dans les années 1930, les objets furent pourtant évalués par la Banque de
Montréal en 1937 au montant considérable de 22 000$ canadiens. La collection avait
déménagé au 183 rue Grande-Allée, à Québec, en 1934. Elle était mieux située et elle
accueillait de plus en plus de visiteurs. Le P. Lavoie se réjouissait même d'accueillir des
touristes américains durant les vacances d'été. Un scolastique chinois y passa avant
d'entreprendre ses études de théologie à l'Académie. La famille impériale d'Autriche y mit
156 France Lord, op. cit. pp. 206-209.
157 Flavie-Luce, « Les travaux féminins, Chine », Le Devoir, 3 nov. 1933, p. 5.
158 Serge Granger explique que le lit qui aurait appartenu à l'impératrice Cixi (1835-1908) avait été exposé au musée
d'ethnologie de l'Université Laval avant d'être ajouté à la collection du musée d'art chinois de la Procure de Chine.
Serge Granger, op. cit., p. 21. Une photographie du lit en question se trouve dans La Compagnie de Jésus au
Canada, 1842-1942: l'œuvre d'un siècle, op cit., p. 133. Des photographies du musée d'art chinois furent aussi
reproduites dans J.-Louis Lavoie, « Sous le ciel embaumé », Le Brigand, no. 43 (juin, 1936), p. 7.
65
les pieds, ainsi que plusieurs Monseigneurs et membres de l'élite canadienne-française.
L'endroit attirait surtout des fidèles sensibilisés à la cause missionnaire159.
L'entrée au musée n'était pourtant pas gratuite. Qui plus est, les visiteurs étaient
invités à acheter des souvenirs et à être charitables au profit de la mission de Xuzhou. Un
magasin situé à la fin du parcours du musée mettait en vente des cartes postales arborant
des photos de la Chine. Les scènes chinoises montrant les missionnaires à l'œuvre étaient
les plus appréciées du grand public. Le magasin du musée était garni d'une bibliothèque de
livres missionnaires regroupant les publications des Jésuites du Québec sur le Xuzhou. De
nombreux ouvrages provenant de collections missionnaires européennes y étaient aussi
accessibles. Des éventails, des échantillons de soies et des babioles chinoises figuraient
parmi les souvenirs de l'expérience culturelle vécue au musée. Lorsque les objets n'étaient
pas écoulés sur place, ils étaient attribués comme prix de tirages dont les recettes étaient
acheminées à la Procure de Chine160.
Le musée d'art chinois demeurait très actif jusqu'à ce que, en vertu de l'entente
de 1939, il devienne un bien de la province jésuite du Bas-Canada. Le supérieur provincial
en faisait régulièrement la visite, mais la collection n'était plus enrichie de nouveaux objets.
Le musée demeurait au 183 rue Grande-Allée jusqu'en 1947. Toutefois, après le départ du
P. Lavoie, le P. Bouchard y accordait peu d'intérêt. Dissous lors du déménagement de la
Procure de Chine à Montréal, les divers objets qui l'avaient constitué pendant plus d'une
quinzaine d'années étaient déplacés dans plusieurs des institutions de la Compagnie de
Jésus. La collection n'était plus disponible au grand public. Attirer les gens par de belles
chinoiseries était une stratégie publicitaire considérée coûteuse par les autorités de la
province jésuite du Bas-Canada qui préféraient favoriser une méthode plus moderne
captivant les bienfaiteurs directement dans leur foyer161.
159 Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (31 juil., 1932), pp. 7-8. Philippe Côté, Corr. à
J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (24 mai, 1937), p. 1. Une photo de la famille impériale
d'Autrice visitant le musée d'art chinois se trouve en J.-Louis Lavoie, « Quand il y avait des Impératrices », Le
Brigand: quatre cents ans de missions de la Compagnie de Jésus, ordre missionnaire, Québec, Procure des Missions
de Chine, no. spécial (1940), p. 5.
160 Rosaire Renaud, Corr. à Antoine Tabone, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 65 (11 avril, 1933), p. 1. J.-Louis Lavoie, Corr. au
sup. provincial Émile Papillon, AJC, M-0007, Cl. 3, Lavoie Joseph-Louis III (17 avril, 1939), p. 1.
161 Philippe Côte, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 2, Côte Philippe II (28 janv., 1937), p. 1. Une partie des
66
2.2.2 Publicité missionnaire écrite et brigandage littéraire
Les Papes Pie XI et Pie XII considéraient la presse écrite comme un outil
publicitaire très efficace pour convaincre une opinion publique de plus en plus alphabétisée
de la nécessité d'observer les instructions pontificales162. Les Jésuites du Québec, qui
répondaient aux directives du Saint-Siège, publiaient surtout dans la langue de Molière.
Non seulement les catholiques du Québec étaient majoritairement francophones, mais, à
l'exception de Mgr. Marin et de Mgr. Côté qui ont exceptionnellement rédigé quelques
lettres en anglais, les Jésuites attitrés à la mission de Xuzhou ne présentaient pas les
compétences requises pour alimenter une publicité anglophone. L'Église canadiennefrançais était le destinataire principal de la publicité pour la mission chinoise163.
Les journaux canadiens-français étaient singulièrement sollicités par les Jésuites du
Québec pour faire la promotion du projet de Xuzhou. L'Action catholique et Le Soleil
acceptaient à l'occasion de publier des articles rédigés par des prêtres. À partir de 1931, le
journal La Presse, dont le contenu atteignait environ 200 000 abonnés, accordait
hebdomadairement un tiers de page à la Chine. Selon Rosario Renaud, des photos de
presque tous les missionnaires du Xuzhou défilaient les unes après les autres sur sa page
religieuse du samedi. Le journal Le Devoir doublait cet effort à partir de 1933 en diffusant
une série d'articles rédigés pour sensibiliser la jeunesse et les professeurs universitaires au
financement de la mission. Le sacre de Mgr. Côté comme premier évêque de Xuzhou y fut,
par exemple, annoncé en première page. Cette visibilité avait l'avantage de décupler les
efforts publicitaires entamés via les revues de la Compagnie de Jésus164.
objets qui composaient autrefois le musée d'art chinois est maintenant conservée à Québec au Musée de la
Civilisation.
162 Pie XI, « Allocution au 1er Congrès international de l'Union missionnaire du clergé (juin, 1922) », dans Le Siège
apostolique et les missions, op. cit., pp. 59-61. Pie XII, « Encyclique Summi pontificatus (oct., 1939) », dans
Le Siège apostolique et les missions, op. cit, pp. 150-151. En réponse aux directives pontificales, le clergé catholique
imposait des valeurs catholicisantes à la production littéraire québécoise. Caroline Barrett et Michel René,
« Littérature de masse au Québec », The French Review, vol. LIII, no. 6 (mai, 1980), p. 874.
163 Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des missionnaires,
Marin Georges V (28 avril, 1935), p. 2. À propos de la prédominance de l'origine canadienne-française chez les
recrues jésuites envoyées au Xuzhou, voir Jacques Langlais, op. cit., pp. 7-34.
164 Rosario Renaud, qui était le responsable de la publicité à l'Académie, envoyait régulièrement des articles aux
journaux canadiens-français. Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 64 (16 oct., 1931),
p. 1. Rosario Renaud, Corr. à Édouard Goulet, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 65 (13 fév., 1933), p. 3. Jean d'Auteuil
Richard, « Notre neuvième évêque missionnaire », Le Devoir, 24 sept. 1935, pp. 1-3.
67
La conscience missionnaire était captée pour Xuzhou, mais la caisse de la Procure
de Chine demeurait presque vide. Les journaux indépendants acceptaient gratuitement
d'offrir des espaces publicitaires aux causes missionnaires, mais les revenus issus de cette
publicité étaient insignifiants. Le P. Lavoie était d'avis qu'une publicité plus spécifique
pouvait canaliser le zèle de l'Église canadienne-française. Inspiré par le violent brigandage
qui l'avait convaincu de revenir au Canada, il choisissait « Le Brigand » comme thématique
du premier numéro du bulletin missionnaire qu'on lui avait conseillé de produire pour
nourrir la cause de Xuzhou. Le titre audacieux fut momentanément critiqué par le bureau de
la censure du Saint-Siège. Un tel nom pouvait, semble-t-il, laisser une mauvaise impression
sur les intentions de la revue. Mais, approuvé suivant sa première parution
du 25 mars 1930, Le Brigand était apprécié des bienfaiteurs et des amis qui recevaient
auparavant la « Lettre aux bienfaiteurs » de l'Académie. Le tirage de la revue élargissait
rapidement le réseau des donneurs de la mission de Xuzhou; il passait, par exemple,
d'environ 1400 exemplaires en 1930 à environ 5000 exemplaires en 1934165.
Le style de rédaction provocateur du P. Lavoie captait l'intérêt de plusieurs âmes
généreuses qui lisaient Le Brigand. Un ton humoristique introduisait les prières et les récits
fictifs qui réchauffaient la flamme apostolique du lecteur pour le préparer à entamer le cœur
du sujet: la culture chinoise. Contes de Chine et histoires inspirées de faits vécus
cherchaient à déconstruire les uns après les autres les préjugés que la majorité des
Canadiens partageaient contre les Chinois. Le lâche, le malpropre et le fumeur d'opium de
l'imaginaire canadien étaient habilement remplacés dans Le Brigand par le converti
pratiquant fondamentalement bon et aidant à qui il fallait laisser sa chance166. Le P. Lavoie
s'évertuait à faire comprendre que la condition de vie chinoise était rude à l'apostolat et que
les catholiques du Canada pouvaient observer leurs devoirs chrétiens en permettant aux
165 J.-Louis Lavoie, « Premier numéro », Le Brigand, no 1 (25 mars, 1930), pp. 1-2. J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges
Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no 59 (4 janv., 1934), p. 1.
166 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no 59 (4 janv., 1934), p. 1. Le P. Lavoie rédigeait aussi
des topos sur les pratiques d'hygiène en Chine et sur la bravoure des soldats chinois. J.-Louis Lavoie, « Croquis de
Chine », Le Brigand, no. 8 (mai, 1931), pp. 3-5. J.-Louis Lavoie, « Pourquoi je les aime », Le Brigand, no. 61
(fév., 1939), pp. 3-4. Le P. Lavoie ajoute: « Depuis quinze ans, à toute force, j'ai voulu exorciser l'un après l'autre un
tas de préjugés que les fins-fins de par ici entretiennent contre la Chine ». Joseph-Louis Lavoie, Quand j'étais
Chinois, op. cit., p. 109.
68
habitants du Xuzhou d'atteindre le paradis. Voici, par exemple, ce que le P. Lavoie écrit
en 1937 pour adoucir des idées préconçues et convaincre son lectorat d'agir religieusement:
Non, jamais un blanc ne se résoudra à admettre qu'en Chine l'on peut être beau et
distingué. […] Dites au premier venu que vous arrivez de Chine. Il vous coupe la
parole. Ah! On connaît ça, la Chine: des brigands, des femmes aux petits pieds, des
hommes aux longues tresses, des fillettes qu'on abandonne, du riz qu'on fume et de
l'opium qu'on mange, le ma-jong, des fers à repasser... Ne pourrait-on avec autant de
justesse et d'ampleur peindre notre Canada, en le représentant sous la figure d'un
castor occupé à bâtir des écluses dans du sirop d'érable? Sans doute, la Chine n'est pas
parfaite. Mais les traits que notre ignorance se plaît à ramasser dans les bouges pour
lui bâtir un visage ne pourront jamais constituer autre chose qu'un masque grossier et
bouffon. Et je ne vois rien de spirituel à vouloir ajuster ce travestissement à un front
respectable, incapable de prendre des allures de Mardis gras 167.
Bien sûr, les leçons moralisatrices ne plaisaient pas à tous les lecteurs, mais la popularité du
bulletin se maintenait puisque le procureur savait « prendre le pouls » des commentaires
reçus et changer son fusil d'épaule pour attirer les sympathies et les dons avec le matériel à
sa disposition168.
Les lettres reçues de Xuzhou étaient des incontournables pour nourrir le contenu de
la revue missionnaire. Le P. Lavoie en faisait régulièrement la demande. Mgr. Marin
insistait sur l'importance de sensibiliser les candidats formés à l'Académie à développer une
plume intéressante. Lui-même écrivait abondamment. Le Brigand était le vecteur des
nouvelles de Chine pour les bienfaiteurs et les amis inquiets. Les récits véridiques des
Jésuites étaient autant de témoignages de la situation socio-politique chinoise qui, bien
souvent, rapportaient les seules informations précises que les Canadiens français recevaient
sur la vie en Chine. Inondations, sécheresses, famines, épidémies et bombardements
ponctuaient les reportages des missionnaires sur les misères et les destructions qui
retardaient leur travail d'évangélisation. Ces derniers faisaient connaître les difficultés
rencontrées par l'Église du Xuzhou et les besoins qu'ils identifiaient pour assister les
Chinois dans leur cheminement de fidèles catholiques ou dans leur formation en religion169.
167 J.-Louis Lavoie, « Inconnue », Le Brigand, no. 47 (fév., 1937), p. 2.
168 Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (30 janv., 1932), p. 5.
169 Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des missionnaires,
Marin Georges III (1 sept., 1933), pp. 1-2.
69
Les Jésuites du Québec choisissaient leurs meilleures lettres de Chine. Au besoin, le
P. Lavoie améliorait ou censurait les témoignages. Par exemple, le récit du brigandage subi
à Matsing par le P. Henri Plamondon le 2 août en 1932 fut rédigé en deux parties pour
divertir les âmes charitables. Mgr. Marin écrit:
N'en parlez pas dans votre Brigand sauf quand il vous enverra ce second récit. Il veut
d'abord apitoyer les gens sur son sort pour attirer quelques aumônes très légitimes,
n'est-ce pas? Vous aurez ainsi de la matière pour deux numéros du Brigand. Il vous
permet bien d'enjoliver son récit pourvu que vous respectiez absolument les faits qu'il
donne, car il envoie un récit semblable à des amis et parents et il ne faudrait pas que les
récits se contredisent170.
Le P. Lavoie répond:
J'ai reçu et publié le premier récit du brigandage du P. Plamondon. J'ai reçu le second
aussi et je le publierai au prochain numéro, en le remaniant, car je ne voudrais pas
donner aux gens l'impression que les Chinois sont des imbéciles que les missionnaires
passent leur temps à rouler. Dites donc à ce Père de penser à cela dans sa
correspondance171.
Les besoins financiers inquiétants de la mission justifiaient que des lettres soient
reproduites dans Le Brigand pour provoquer la sympathie des lecteurs envers les Chinois172.
Le procureur effectuait de nombreuses comparaisons entre les efforts apostoliques
des saints martyrs canadiens de la Nouvelle-France et ceux des Jésuites du Québec de la
Chine. Très évidentes dans Le Brigand publié en l'honneur du Quatrième centenaire de la
Compagnie de Jésus, celles-ci témoignaient vigoureusement de la capacité de la
communauté religieuse à mener à terme le projet apostolique au Xuzhou. « 1649 n'est peutêtre pas si loin qu'on pense de 1941 » écrit-il après avoir cité le récit de vie du P. Charles
Garnier, un martyr de la Nouvelle-France. Le P. Lavoie appuyait ses démonstrations par des
statistiques compilant les chapelles, les écoles et les catholiques de l'Église du Xuzhou173.
170 Ibid., p. 1.
171 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 58 (3 déc., 1933), p. 1.
172 Les deux parties du récit du brigandage de Matsing se trouvent dans Henri Plamondon, « Une histoire de brigands »,
Le Brigand, no. 25 (nov., 1933), pp. 10-14. et dans J.-Louis Lavoie, « Échos et variétés », Le Brigand, no. 25
(déc., 1933), p. 9.
173 J.-Louis Lavoie, « Martyr, Page arrachée aux vieilles relations des Jésuites, Relation par le P. Paul Ragueneau »,
70
Le P. Lavoie supervisait la conception et la publication de six à sept numéros du
bulletin Le Brigand chaque année. Aidé jusqu'en 1945 par deux auxiliaires laïcs salariés, le
procureur répondait à tous les bienfaiteurs acheminant des dons à la Procure de Chine. Le
P. Roy mettait occasionnellement la main à la pâte alors qu'il était supérieur de la maison
Loyola entre 1931 et 1936. Trois semaines étaient considérées comme un record pour faire
sortir un numéro. Deux, puis trois couleurs et des reliefs donnaient un aspect unique au
bulletin missionnaire. Des dessins, des gravures et des illustrations sur la Chine étaient
élaborés à l'Académie et à la Procure de Chine expressément selon les thématiques
abordées. Des photographies touchantes étaient agencées à la revue à partir de 1936: des
Chinois mendiants, des soldats de l'armée d'occupation japonaise, des scènes de
destruction, etc174.
Le P. Lavoie demeurait sans gêne lorsqu'il sollicitait des dons pour ses collègues
travaillant en Chine. Suite à une épidémie de grippe qui frappa le Québec en 1933, il alla
même jusqu'à présenter humoristiquement le don comme un remède aux malades 175. Il
masquait à peine son objectif de récolter des aumônes pour la mission. Brigander par l'écrit
était tellement un talent qui le particularisait que, rédacteur anonyme, il gagna rapidement
le sobriquet de sa signature « Le Brigand ». Certains bienfaiteurs, qui ne l'avaient jamais
rencontré, l'imaginaient, semble-t-il, tel un grand gaillard armé176.
La revue missionnaire atteignait un large lectorat au Québec au moment où le
P. Bouchard succéda au P. Lavoie à la tête de la Procure de Chine en 1945. Elle fut rajeunie
d'une nouvelle couverture, d'une table des matières et de nouveaux styles. Les PP. Roger
Le Brigand, no. 79 (25 mars, 1941), pp. 9-10. Une chronologie complète des efforts des Jésuites de la NouvelleFrance à la Chine fut publiée dans Le Brigand: quatre cents ans de missions de la Compagnie de Jésus, ordre
missionnaire, Québec, Procure des Missions de Chine, no. 72 (1940), pp. 2-18.
174 La première photographie qui apparaît dans la revue missionnaire en mai 1936 représente un jardin chinois. J.-Louis
Lavoie, « Croquis », Le Brigand, no. 42 (mai, 1936), p. 6.
175 J.-Louis Lavoie, « Au vol », Le Brigand, no. 20 (fév., 1933), p. 12. L'épidémie de grippe de 1933 aurait atteint 30%
de la population de la ville de Québec selon Rosario Renaud, Corr. à Édouard Goulet, AJC, M-0007, Cl.7, no.65
(13 fév., 1933), pp. 2-3.
176 Mgr. Marin précisait qu'il parlait « […] du Brigand, du journal, pas de la personne, car ce mot [était] devenu
équivoque ». Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des
missionnaires, Marin Georges II (8 déc., 1931), p. 1.
71
Fortin, Guy Painchaud, Léo-Paul Bourassa, puis Gustave Gauvreau, Louis Beaulieu et
Alphonse Boileau prirent la charge de sa conception. Comme le P. Lavoie, les nouveaux
rédacteurs cherchaient à capter la conscience missionnaire de l'Église canadienne-française
pour l'Église du Xuzhou177.
2.2.3 Mobiliser la ferveur canadienne-française pour l'Église du Xuzhou
L'engagement pour la mission de Xuzhou, que le P. Lavoie et ses successeurs
publicisaient grâce au musée d'art chinois et à la revue Le Brigand, était contagieux. Le
procureur la justifiait: « Car ils sont bien à nous ces Chinois et ils ne sont que pour être
menés à Dieu par nous »178. Convaincus, les scolastiques, les philosophes et les théologiens
de l'Académie personnalisaient aisément leur rôle dans la réussite du projet canadienfrançais qu'était la consolidation de l'Église du Xuzhou jusqu'à son autonomie.
Les recteurs de l'Académie étaient plutôt aimables à l'idée d'encourager l'entreprise
lointaine. Ils accordaient facilement des permissions extraordinaires aux membres de la
communauté religieuse désirant faire la visite des maisons pour solliciter des dons en
faveur de la mission chinoise. Par exemple, le P. Brossard allait à l'occasion convaincre des
travailleurs dans les bureaux de la rue St-Jacques, à Montréal. Des scolastiques secondaient
le P. Lavoie dans sa responsabilité d'assister les candidats choisis pour la Chine à récolter
des dons pour payer leurs frais de voyage jusqu'à Xuzhou. Mgr. Marin les incita à présenter
le projet canadien-français à la semaine missiologique de 1936. Puisque chaque sou était
compté, le P. D'Aragon récoltait, évaluait et vendait des vieux timbres dont le profit était
versé à la Procure de Chine179.
177 La revue missionnaire fut garnie d'une table des matières en 1947. Le Brigand, no. 100 (janv., 1947), p. 1. Louis
Bouchard, « Sur notre Œuvre », AJC, M-0007, Cl. 7, no. 124 (1947), pp. 1-3.
178 Wi Tei-fou (J.-Louis Lavoie), « Méditations géographiques », Le Brigand, no. 11 (oct., 1931), p. 3.
179 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no 59 (4 janv., 1934), p. 2. Georges Marin, Corr. à
Rosario Renaud, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges III (14 oct., 1934), p. 2. À l'occasion de la semaine
missiologique de 1936, le supérieur provincial Dugré publia un article mentionnant la mission de Xuzhou présentant
des encouragements à Mgr. Côté. Adélard Dugré, « Stratégie apostolique: la conversion par les chefs et les élites »,
dans Semaines d'études missionnaires du Canada, La conversion des infidèles: chronique, rapports, conférences et
communications, Québec, Secrétariat général de l'Union missionnaire du clergé, 1936, pp. 221-233. Les timbresposte valaient environ 0,50 cents l'unité au début des années 1930. Le service postal canadien mettait pareillement
en circulation des timbres de collection dont la valeur atteignait un apogée en 1936. Voir le graphique de la valeur
des timbres entre 1930 et 1940 dans Benoît Carrier, « Le service postal canadien », Thèse de Maîtrise, Université
Laval, 1953, p. 27.
72
Les enseignants jésuites ne tardèrent pas à faire connaître le projet de Xuzhou à
travers les collèges canadiens de la Compagnie de Jésus. Ils organisaient stratégiquement la
publicité pour recruter des élèves à la vie religieuse et démontrer la pratique d'acheter son
Salut en sauvant celui des Chinois. Des prêtres vendaient des cartes postales, des billets de
tirage et des numéros du bulletin Le Brigand lors des récréations. Le système de parrainage
popularisé par l'Œuvre de la Sainte-Enfance pour convaincre les jeunes Canadiens français
d'aider les enfants des missions fut reproduit par les Jésuites du Québec et introduit dans
leurs écoles en 1930. Chaque dollar donné permit l'« adoption » d'un « bébex »: un « petit
Chinois » dont le portrait photographié au Xuzhou était envoyé au parrain ou à la marraine
par le personnel de la Procure de Chine180. Convaincus par leurs professeurs de l'importance
de la mission de Xuzhou, des élèves canadiens-français du Collège Saint-Charles Garnier
ont livré une séance théâtrale chinoise intitulée « Trois sagesses du vieux Wang » devant le
cardinal J.-M. Rodrigue Villeneuve (1931-1947) et 1500 spectateurs en 1933181. L'appareil
cinématographique acheté par le P. Renaud permit aux missionnaires du Xuzhou de projeter
des films dans les écoles et les couvents du Canada182.
La Procure de Chine centralisait à Québec, puis à Montréal, les initiatives
publicitaires entamées et enrichies par les membres de l'Académie et les collèges de l'Ordre
au Canada. Des fidèles regroupés à la maison Loyola innovaient en organisant des encans,
180 Le terme « bébex » était popularisé par le P. Lavoie. Comme l'Œuvre de la Sainte-Enfance, les Jésuites du Québec
utilisaient des images apitoyantes pour promouvoir le parrainage des « bébex ». Henrietta Harrison, « "A Penny for
the Little Chinese": The French Holy Childhood Association in China, 1843-1951 », The American Historical
Review, vol. 113, no. 1 (fév., 2008), pp. 79-80. L'« adoption » d'un Chinois demeurait à 1$ jusque dans les
années 1940. Le terme « bébex » apparut pour la première fois dans Le Brigand, no. 15 (avril, 1932), p. 8. Le
P. Lavoie utilisait ce mot humoristique pour vanter la « qualité » des enfants du Xuzhou afin d'encourager les dons.
181 Le Palais Montcalm accueillit la pièce de théâtre à Québec. Anonyme, « Succès des élèves des Jésuites », L'Action
Catholique, 4 déc. 1933, p. 4. Le Collège Saint-Charles Garnier impliqua également ses élèves dans l'organisation
d'un grand bazar dont les fonds devaient être acheminés à la Procure de Chine en 1936. Georges Marin, Corr. au
sup. provincial Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges VI (29 juil., 1936), p. 3.
182 Plusieurs communautés religieuses québécoises modernisaient leur publicité missionnaire par le cinéma. Le film
Premiers missionnaires canadiens en Mandchourie (1929) des Missions-Étrangères de Québec et le film sur les
martyrs japonais (1933) des Franciscains du Japon auraient rempli les salles du Québec. M. Serge Granger aurait
trouvé le film de 1929, mais il serait actuellement trop endommagé pour être projeté. Serge Granger, « Le cinéma
québécois et la Chine, 1930-1980 » dans Shenwen Li et al., Chine/Europe/Amérique, op. cit., p. 152. Pour davantage
de précisions sur l'histoire de la publicité missionnaire québécoise, voir Dimitri Vezyroglou, « Les catholiques, le
cinéma et la conquête des masses: le tournant de la fin des années 1920 », Revue d'histoire moderne et
contemporaine (1954-), T. 51e, no. 4 (oct.-déc., 2004), pp. 115-134.
73
des tombolas et des compétitions de jeux de cartes 183. Le Dimanche des missions était le
moment idéal pour regrouper les fidèles et récolter des aumônes en faveur du projet de
Xuzhou. Remarquant que les Canadiens français favorisaient les dons aux œuvres
pontificales dans les églises du clergé séculier, le procureur organisait des cérémonies
particulières mettant en vedette saint François-Xavier à la chapelle de la maison Loyola. La
béatifiée Sainte-Thérèse de Lisieux, qui faisait la réussite des collectes des Jésuites
américains, l'inspira également en 1933. De nombreuses célébrations religieuses étaient
données en l'honneur de cette dernière. Une statue lui fut érigée et une Pieuse union des
disciples de Sainte-Thérèse fut formée à Québec dans le but de diriger la grâce divine vers
l'Église du Xuzhou. Dans un même ordre d'idée, le P. Lavoie priait le jeune Gérard
Raymond, un jeune héros à qui les Canadiens français multipliaient les dévotions, et il le
nomma symboliquement procureur de la Procure de Chine pour encourager les dons184.
Un public encore plus vaste était gagné en faveur de la Chine au moyen de la
radiodiffusion. « Je parle de la Chine, rien que de la Chine, toujours de la Chine. Les gens
écoutent de plus en plus nombreux et je crois que j'ai là une occasion merveilleuse de nous
multiplier les amis »185, exprime le P. Lavoie. De cette manière, des membres des Voyageurs
du commerce et de l'Association catholique des cheminots, deux regroupements dirigés par
les Jésuites du Québec, se sont ajoutés à la liste des bienfaiteurs significatifs de la mission.
Les autorités des universités Laval et de Montréal déboursèrent pour la construction d'un
hôpital chinois au Xuzhou. Les Enfants de Marie de Québec et de Montréal, d'autres
regroupements des Jésuites du Québec, étaient mis à contribution pour la confection des
vêtements des candidats partant pour la Chine186.
183 Une certaine Mme Lépine organisait des compétitions de bridge (jeu de cartes) sur la rue Turnbull, à Québec, pour
financer le projet de Xuzhou. J.-Louis Lavoie, « Brigeandage », Le Brigand, no. 20 (fév., 1933), p. 2. Des bénévoles
s'inspiraient des activités de financement longtemps initiées dans les paroisses québécoises. Louis Painchaud expose
une analyse intéressante sur les racines de ces pratiques dans Louis Painchaud, Jeu, argent et religion: les bingos
paroissiaux, Thèse de maîtrise, Université Laval, 1975, pp. 47-67 et 86-93.
184 Les Jésuites de Boston avaient récolté environ 17 000$ américains en l'honneur de Sainte-Thérèse. Les Jésuites du
Québec espéraient un effet semblable pour la mission de Xuzhou. Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC,
M-0007, Cl. 4, Marin Georges III (12 mars, 1933), p. 2. Lucia Ferretti mentionne Gérard Raymond comme un
exemple des jeunes héros nés du fort sentiment religieux au Québec. Il est décédé de la tuberculose alors qu'il
aspirait à la vie religieuse. Lucia Ferretti, Brève histoire de l'Église catholique du Québec, Montréal, Boréal, 1999,
p. 139.
185 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 58 (3 déc., 1933), p. 5.
186 Georges Marin, Corr. à Paul-Émile Gauthier, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges III (25 déc.,1934), p. 2.
74
Les familles canadiennes-françaises étaient, semble-t-il, particulièrement réceptives
à l'appel des fondations créées par la Procure de Chine pour seconder l'éducation
d'apprentis chinois du Xuzhou à la vie religieuse. Plusieurs finançaient la formation du
clergé indigène: il coûtait 50$ par année pour loger et nourrir un séminariste ou une
religieuse. Le F. Aza Souligny raconta, par exemple, l'histoire d'un aspirant de la paroisse
de Howkiachwang, le jeune Jean Pong, pour que des bienfaiteurs l'aident à devenir prêtre:
« Je vous en parle, parce que de ce temps-ci tout le monde parle de la grande affaire du
clergé indigène. Petit-Jean n'est pas le clergé indigène, mais il voudrait bien en être » 187. Le
P. Lavoie constata que les gens étaient plus enclins à donner pour l'entretien d'un
séminariste que pour la construction de bâtiments. Ce dernier remerciait régulièrement les
donneurs et, content de les savoir partager le même objectif spirituel que le sien, il leur
envoyait des photos des recrues chinoises. La mission de Xuzhou était présentée comme
une entreprise collective et, du point de vue du procureur, l'Église canadienne-française
devait faire preuve de sacrifices pour permettre l'épanouissement de l'Église du Xuzhou188.
L'éventail des astuces concrétisées par le P. Lavoie, par ses collègues et par ses
successeurs, témoigne de la grande capacité d'adaptation des Jésuites du Québec pour
capter la conscience missionnaire canadienne-française à l'aide de stratégies inspirées des
autorités des œuvres pontificales et des divisions ecclésiastiques françaises et nordaméricaines. Il démontre aussi l'originalité des moyens que les missionnaires du Xuzhou
ont employés pour faire connaître leur projet et attirer les aumônes. Prouver la grandeur de
la civilisation chinoise, censurer les propos diffamatoires et propager une image
sympathisante du Chinois dans sa conversion et dans sa misère permettaient de multiplier
les dons en provenance, surtout, du public francophone du Québec.
2.3 Fluctuations, rentabilité et pont Québec-Xuzhou
La sympathie du clergé, le dévouement de la jeunesse et la participation de
nombreux bénévoles étant gagnés, plusieurs dons étaient attendus pour la mission de
Xuzhou. La Procure de Chine est, en revanche, née au creux d'un cycle économique
187 Aza Souligny, « P'eng Tcheou-tchong ou Petit-Jean », Le Brigand, no. 5 (nov., 1930), p. 11.
188 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 65 (15 mai, 1933), p. 2.
75
mondial défavorable. Le Krach boursier d'octobre 1929 avait déréglé le marché financier
américain, puis la bourse de Toronto s'était ébranlée en emportant l'économie canadienne
dans l'une des plus graves récessions de son histoire. L'inflation incommodait les
préparatifs de l'installation de la Procure de Chine à Québec, puis minait l'efficacité de sa
publicité pour Xuzhou. De plus, le P. Lavoie, qui organisait l'institution sans dépôt de
départ significatif, travaillait pour des missionnaires dont la survie et le travail dépendaient
presque exclusivement de la générosité des fidèles canadiens-français189.
2.3.1 Grande récession mondiale, grand défi missionnaire
La crise économique affectait le ravitaillement international pour l'Église du
Xuzhou. Le P. Lavoie empruntait à plusieurs reprises afin de répondre aux besoins des
Jésuites du Québec œuvrant en Chine. Le premier emprunt à intérêts d'une valeur de 4000$
fut octroyé en 1930 par les Pères Blancs, une autre communauté missionnaire, et permit
l'année suivante de loger le musée d'art chinois au 653 chemin Ste-Foy. La Procure de
Chine en payait des intérêts jusqu'en 1933. D'autres emprunts à intérêts de 4500$, 9500$
et 3850$ furent contractés lors des trois années suivantes. La pratique comblait d'autres
manques durant les années administratives 1939-1940 (8000$), 1942-1943 (2569,5$)
et 1945-1946 (3000$), après quoi elle n'était plus nécessaire190.
Le P. Lavoie sollicitait d'autres formes d'emprunts en créant des rentes viagères. Les
bienfaiteurs intéressés obtenaient des intérêts jusqu'à leur décès sur des gros montants qu'ils
offraient à la cause de Xuzhou sans demande de remboursement. Les montants perçus par
ce type d'entente permettaient au procureur de récolter rapidement du capital en liquidité
pour répondre aux demandes financières de Mgr. Marin, puis de Mgr. Côté. L'avantage
immédiat des rentes viagères justifiait le procédé, mais l'accumulation des intérêts à donner
sur plusieurs dons de ce genre occupa rapidement un poste budgétaire important. Les
montants à débourser annuellement pour ce dernier s'élevaient en effet à un total moyen
de 2000$ par année jusqu'en 1943. Le recours à d'autres emprunts sous forme de rentes
189 Édouard Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (18 mai, 1932), p.1.
190 J.-Louis Lavoie, « Échos et Nouvelles », Le Brigand, no. 11 (oct., 1931), p. 7. Rapport financier de la Procure des
Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947, 1948-1950).
76
viagères pour remplacer les fonds épuisés des ententes précédentes forçait la Procure de
Chine à accorder jusqu'à un maximum 5104$ de ses recettes annuelles pour en payer les
intérêts. Mgr. Côté, qui considérait cette stratégie de financement comme un fardeau pour la
mission, en fit le sujet de négociations et la province jésuite du Bas-Canada accepta de
donner à la Procure de Chine des montants équivalents aux dettes et aux intérêts en rentes
viagères à partir de l'entente de 1939191.
En fait, les montants empruntés par la Procure de Chine ne représentaient pas
toujours des dettes immédiates puisque ceux-ci étaient parfois placés à taux d'intérêt plus
élevé pour tirer un profit. Cependant, presque toutes les opérations financières ainsi
effectuées devaient être contrôlées selon les règles administratives de la Compagnie de
Jésus. Le supérieur provincial Dugré rappela que, selon les indications concernant
l'administration temporelle des institutions des provinces jésuites, la procure de la province
jésuite du Bas-Canada située sur la rue Bleury à Montréal devait être avertie de tous les
dons, legs, placements, prêts et dépôts de plus de 400$ effectués par chaque institution du
territoire bas-canadien. Les locations et les ventes de biens de culte, de biens mobiliers et
de biens immobiliers étaient soumises à des règles canoniques encore plus strictes basées
sur la valeur transigée192.
La Procure de Chine possédait des actions en bourse même si cette pratique était
découragée par les autorités de la province jésuite du Bas-Canada et par le Saint-Siège.
L'institution payait un intermédiaire laïc pour effectuer les transactions et administrer
avantageusement l'épargne avant son envoi vers la Chine 193. Les achats à bas prix d'actions
en bourse constituaient des revenus sur des montants qui étaient épargnés avant le prochain
191 Émile Papillon, Philippe Côté et Wlodimir Ledochowski, « Entente », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (30 juin, 1939),
pp. 1-4. Mgr. Côté négocia le transfert de la responsabilité des rentes viagères à la province jésuite du Bas-Canada
en 1936. Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Dugré, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe VII (30 oct., 1936), p. 1.
Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947,1948-1950).
192 Adélard Dugré, « Praep. Prov. Canad. Inf. », AJC, M-0007, Cl. 8, Lettres des Provinciaux, 1933-1968 aux officiers
supérieurs, no. 9 (21 août, 1933), pp. 1-4.
193 Le Saint-Siège permettait au clergé de posséder des actions aux conditions d'éviter de spéculer et de prendre part à
l'administration. Émile Jombart, Manuel de droit canon: conforme au Code de 1917 et aux plus récentes décisions
du Saint-Siège, Paris, Beauchesne, 1958, p. 84. La Procure de Chine payait jusqu'à 750$ en frais administratifs à un
intermédiaire laïc en 1945-1946. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28,
chemise 1 (1945-1946).
77
transfert vers le Xuzhou. La vente à profit de parts de la compagnie Bell Téléphone prouve
que la pratique était parfois concluante. Effectivement, ces dernières furent réinvesties à 6%
en 1934 pour payer des intérêts sur des rentes viagères. La faillite de la compagnie
Baillargeon illustre, en revanche, assez bien les risques d'investir en bourse durant la
Grande Dépression194. Effectivement, en tant qu'actionnaire, la Procure de Chine dut payer
une partie de ses déficits. Tout compte fait, les placements en bourse de la Procure de Chine
ne devinrent avantageux qu'à partir de 1939. Alors que l'industrie militaire canadienne
favorisait la croissance et la stabilité de l'économie canadienne, la Procure de Chine
attribuait à l'achat d'actions des montants fluctuant entre 12 000$ et 30 000$ par année,
avec un investissement exceptionnel de 91 080$ en 1944-1945195.
La Procure de Chine achetait aussi des obligations sous la forme de bons du Trésor
qui étaient vendus par le gouvernement canadien pour prévenir une déflation d'aprèsguerre. Des montants considérables de 16 380$ en 1940-1941, 100 569$ en 1945-1946,
40 332$ en 1948-1949 et 112 794$ en 1949-1950 constituaient des placements sûrs sous
forme d'obligations. La Banque de Montréal conservait soigneusement les rentes
accumulées jusqu'à leur envoi en Chine196.
Les ventes de biens mobiliers et immobiliers constituaient d'autres transactions
considérables de la Procure de Chine, spécialement lors des déménagements de l'institution.
La vente de la propriété, qui hébergeait le musée sur Grande-Allée, rapporta, par exemple,
une somme de 100 000$ en 1946. Le montant fut presque entièrement encaissé puisque le
musée fut dissous197.
194 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6., no. 59 (4 janv., 1934), p. 2. Le P. Lavoie fut aussi cité
dans Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Dugré, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe VII (30 oct., 1936), p. 1.
195 Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947,1948-1950).
J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6., no. 59 (4 janv., 1934), p. 2.
196 La vente des bons du Trésor débuta au Canada en mai 1940. J. F. Parkinson, Canadian War Economics, Toronto,
The University of Toronto Press, 1941, p. 12. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007,
boîte 28, chemise 1 (1942-1947, 1948-1950).
197 Les autres déménagements de la Procure de Chine ne rapportèrent que des profits minimes puisque les prix des
achats des nouveaux locaux étaient au moins équivalents aux recettes des ventes des anciens locaux. Par exemple,
un montant de 50 800$ fut encaissé par la Procure de Chine suite à la vente de la résidence du Chemin Ste-Foy
en 1943, mais le nouveau bâtiment dans Sillery, près de Québec, coûta 72 196,15$ de frais d'achat et 12 273,41$ de
frais de réparations. Idem.
78
L'annexe C illustre que les emprunts, les opérations financières et les ventes de
biens mobiliers et immobiliers ont été des revenus importants de la Procure de Chine
entre 1932 et 1950. Cependant, les montants annuellement transigés de ces manières ne
constituaient pas des profits réguliers puisque leur valeur totale était en grande majorité
convertie en placements. Les rentes viagères s'accompagnaient de responsabilités à
perpétuité et la plupart des investissements en bourse comportaient des risques financiers.
D'ailleurs, l'Église du Xuzhou ne bénéficiait que d'une portion de ces types de recettes, car
les profits qui en étaient issus étaient rarement envoyés en totalité en Chine. Force est
surtout de constater que les opérations financières étaient accomplies à partir des dons
épargnés. Ceci dit, tout compte fait, les contributions des bienfaiteurs étaient le revenu le
plus significatif de la Procure de Chine198.
2.3.2 Limite et succès de la publicité pour Xuzhou
Les dons recueillis pour l'Église du Xuzhou étaient offerts par des fidèles qui, par
initiative personnelle ou par conformisme social, désiraient répondre aux instructions
pontificales, s'acquitter de leurs devoirs chrétiens ou encourager des Canadiens français
participant au mouvement missionnaire mondial. Le passage de Mgr. Marin au Canada
en 1933 donna le coup d'envoi à un élan de générosité canadienne-française sans précédent
en faveur de la conversion des Chinois du Xuzhou. Les 63 conférences que l'administrateur
apostolique donnait en 70 jours étaient la source directe de 5500$ et de près de 1000 livres
de linge d'autel et de matériel scolaire199. Le décès à la ville de Fenghsien, au Xuzhou, du
prêtre jésuite Arthur Tremblay en 1934 provoqua également un grand vent de sympathie
pour la mission chinoise. Des articles ont paru dans les journaux canadiens-français et dans
Le Brigand pour convaincre les bienfaiteurs de donner pour le progrès de la cause à
laquelle le P. Tremblay avait consacré sa vie200.
198 Voir en annexe C les montants annuels en emprunts, opérations financières et ventes de biens mobiliers et
immobiliers d'août 1932 à août 1947 et d'août 1948 à août 1950.
199 En vertu d'une règle canonique, Mgr. Marin ne pouvait pas voyager plus de trois mois hors du territoire
ecclésiastique de Xuzhou puisqu'il en était l'administrateur apostolique. Le P. Philippe Côté supervisa la préfecture
en son absence. Rosario Renaud, Corr. à Édouard Goulet, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 65 (13 fév., 1933), p. 2. Voir
également Émile Jombart, op. cit., p. 85.
200 Le décès du P. Arthur Tremblay fut annoncé dans un article portant sur l'assassinat d'un missionnaire canadienfrançais de la mission de Mandchourie, le P. Émile Charest. Clovis Rondeau, « Le R. P. Émile Charest a été tué par
79
La publicité de la Procure de Chine incitait à la générosité de nombreux Canadiens
français. La présence des Jésuites de la mission de Xuzhou aux expositions missionnaires
figure parmi les premiers investissements que le P. Lavoie accordait pour attirer les
aumônes. Quelque 125$ furent dépensés pour ouvrir le kiosque chinois de l'exposition
missionnaire de Trois-Rivières en 1935 et les bienfaiteurs intéressés par la mission
contribuèrent en retour pour 349$. Encouragé par ce succès, le P. Lavoie débloquait
respectivement des montants de 3284$, 157$ et 1456$ pour les expositions missionnaires
de Sherbrooke (1941), de Montréal (1942) et de Gravelbourg (1944), mais les dépenses en
objets chinois pour ces trois kiosques n'étaient pas totalement couvertes par les recettes. Le
musée d'art chinois fut fondé pour rentabiliser les achats tout en faisant une publicité à
l'année imprégnant progressivement l'intérêt pour la Chine au Canada201.
Le P. Lavoie manifestait d'une grande passion pour les objets qu'il exposait au
musée d'art chinois. Il désirait à plusieurs reprises agrandir la collection de la Procure de
Chine afin d'attirer davantage de visiteurs. Il déboursait 3372$ pour des œuvres d'art
chinois entre août 1932 et août 1938. Un montant supplémentaire de 2000$ était versé pour
la même période aux commandes de souvenirs chinois, de cartes postales et de livres
missionnaires mis en vente au magasin du musée. La Procure de Chine enregistrait
conséquemment des revenus annuels dont la courbe montait de 1367$ en 1932-1933
à 4266$ en 1934-1935, puis descendait à 3446$ en 1937-1938. La proportion des
investissements alloués par le P. Lavoie était toutefois critiquée par ses collègues. Sachant
que la presque totalité des recettes du musée provenait de son magasin, des Jésuites du
Québec questionnaient les montants attribués à l'achat d'œuvres d'art dont ils ne
reconnaissaient pas la rentabilité. Une enquête sur les états financiers de l'institution fut
commandée par le supérieur provincial Dugré qui commenta le travail du P. Lavoie comme
suit: « En tout cas, il m'envoie des états de compte qui ne me paraissent pas toujours lucides
des bandits chinois en Mandchourie », Le Devoir, 24 fév., 1934, p. 6. Georges Marin, « Le Père Arthur
Tremblay, S.J., missionnaire à Fenghsien, vient de mourir d'une pneumonie. R.I.P. », Le Brigand, no. 27 (fév., 1934),
p. 10. Le P. Tremblay avait administré des placements qui furent donnés à la Procure de Chine. Georges Marin, Corr.
à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 59 (19 fév., 1934), p. 2.
201 Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1934-1945).
80
et facilement défendables »202. Est-ce pour cette raison que seuls les achats de livres
missionnaires étaient autorisés pour le musée d'art chinois après 1939? Le musée, dont les
objets avaient été évalués à 22 000$ canadiens deux ans plus tôt, était soumis à un contrôle
plus étroit des autorités de la province jésuite du Bas-Canada203.
La revue Le Brigand requérait des investissements moins dispendieux pour des
revenus plus substantiels. L'équipement pour en améliorer la production coûtait
seulement 1881$ entre août 1932 et août 1938. Il rapportait, en contrepartie, entre 1500$
et 5300$ par année seulement en abonnements pour la même période (1$ par membre de la
revue). Il fallait bien débourser pour le papier, l'encre et les timbres pour l'envoi des
exemplaires à travers le Canada et ailleurs. Néanmoins, chaque dollar dépensé pour la
production d'un numéro du bulletin contribuait à récolter de quatre à quinze fois plus de
dollars en aumônes. Le P. Lavoie affirma déjà en 1931 que chaque publication rapportait en
moyenne 1000$. La récession des années 1930 affecta les recettes du numéro 10 qui ne
couvrit pas ses dépenses, mais les numéros 19, 20 et 21 élevèrent la moyenne des revenus à
plus de 2000$ par exemplaire. Les annonces, les ventes de « bébex » et les invitations
nombreuses à la générosité agencées dans Le Brigand résultaient en des recettes annuelles
moyennes d'environ 16 700$ jusqu'à ce que la Procure de Chine devienne une propriété de
la province jésuite du Bas-Canada par l'entente de 1939. Seulement 1260$ étaient investis
en équipement pour en améliorer la production entre 1939 et 1949, mais la revue
missionnaire brigandait déjà plus des trois quarts des dons reçus à la Procure de Chine204.
202 Adélard Dugré, Corr. à Édouard Goulet, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (12 août, 1936), p. 1.
203 Georges Marin, Corr. au sup. provincial Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges VI (29 juil., 1936), pp. 1-3. Le
P. Joseph Courchesne identifia le transfert du musée à la province jésuite du Bas-Canada comme une erreur
financière pour le vicariat de Xuzhou. Mgr. Côté commenta ce propos: « Ils [les missionnaires] ont raison en disant
que le Musée a couté cher à la mission ». Philippe Côté, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté
Philippe II (24 mai, 1937), p. 1. Le P. Lavoie était en désaccord avec les décisions que la province jésuite du BasCanada prenait pour réduire les dépenses du musée. J.-Louis Lavoie, Corr. au sup. provincial Émile Papillon, AJC,
M-0007, Cl. 3, Lavoie Joseph-Louis III (17 avril, 1939), p. 2. Mgr. Côté renonça au musée d'art chinois pendant les
négociations qui menèrent à l'entente de 1939. Philippe Côté, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté
Philippe II (24 mai, 1937), p. 1.
204 La récolte de l'année 1943-1944 battit exceptionnellement un record avec 49 252$ d'aumônes pour 1995$ de frais de
production (papier, encre, timbres): c'est-à-dire vingt-cinq fois plus de recettes que de coûts de production . J.-Louis
Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 65 (15 mai, 1933), p. 1. Rapport financier de la Procure
des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947 et 1948-1950).
81
Le musée d'art chinois et Le Brigand faisaient la promotion de plusieurs types de
dons. Les honoraires de messes constituaient une partie des collectes annuelles de la
Procure de Chine. Étonnamment, alors que la crise économique frappait et que les curés du
Québec ne recevaient presque plus de commandes de célébrations dans leur paroisse, le
P. Lavoie encaissait assez d'honoraires pour en distribuer dans les églises et les chapelles du
Québec. De Chicoutimi à Rimouski, en passant par l'Académie, à Montréal, des prêtres
séculiers et réguliers disaient des messes dont les 0,50$, 1$, 5$ ou 10$ étaient envoyés au
Xuzhou. Le P. Lavoie explique: « À propos des honoraires de messe […] je suis
franchement le seul dans la province à en recevoir. Cela me permet de faire dire les messes
ici [ au Québec ]; les gens aiment mieux cela, sachant que l'argent s'en va en Chine et que
les messes sont dites plus tôt »205. La somme de ces dons était en moyenne d'environ 7700$
par année entre août 1932 et août 1939: c'est-à-dire 16% des recettes annuelles de la
Procure de Chine pour la même période. Le total des honoraires de messe dépassa le
plateau du 12 000$ annuel durant la Seconde Guerre mondiale et atteignit des sommets
de 28 878$ en 1946-1947 et de 34 251$ en 1949-1950. Les commandes de messes étaient
offertes à des missionnaires décédés (ex: le P. Tremblay), commémoraient des bienfaiteurs
ou étaient dédiées à des dévotions comme Sainte-Thérèse de Lisieux ou Gérard
Raymond206.
Quelques bienfaiteurs choisissaient plutôt d'offrir leur soutien à des missionnaires
qu'ils connaissaient personnellement ou qu'ils savaient en besoin d'assistance. Les
attributions personnelles, qui ne dépassaient que rarement un total de 2000$ par an,
constituaient des contributions supplémentaires encourageantes pour les missionnaires. Ces
montants étaient transmis à Mgr. Marin, puis à Mgr. Côté, qui les distribuait aux
missionnaires désignés par les bienfaiteurs207.
205 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 58 (31 oct., 1933), p. 3.
206 Le P. Lavoie expliqua que la crise économique affectait la valeur des honoraires de messe donnés à la Procure de
Chine. La plupart était, en effet, de 0,5$ et de 1$ entre 1931 et 1935. J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC,
M-0007, Cl. 6, no. 65 (4 juin,1935), pp. 1-2. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007,
boîte 28, chemise 1 (1932-1947 et 1948-1950).
207 Idem.
82
Grâce à sa publicité, la Procure de Chine récoltait de nombreux autres dons en
aumônes. Rosario Renaud calcula qu'un total approximatif de 16 000$ en aumônes était
récolté par l'institution de 1929 à 1932208. L'équivalent de ce montant, qui avait été amassé
pendant plus de deux ans, fut encaissé en une seule année en 1932-1933. La quantité des
aumônes reçues augmentait constamment jusqu'en 1949. La mission de Xuzhou attirait plus
de 20 000$ d'aumônes en 1934-1935, puis plus de 30 000$ d'aumônes annuellement à partir
de 1937. La générosité des bienfaiteurs de la Procure de Chine était à l'occasion moins
grande. Durant la crise économique persistante, plusieurs donneurs privilégiaient les
œuvres pontificales, reportaient leurs actes charitables ou réduisaient la valeur de leurs
contributions. L'élévation du territoire ecclésiastique de Xuzhou au rang de vicariat
apostolique le 18 juin 1935 commanda cependant la multiplication des églises, des écoles et
des dispensaires de la mission. En conséquence, les besoins en ressources de l'Église du
Xuzhou grandissaient plus rapidement que les profits en aumônes canadiennes-françaises
de la Procure de Chine209.
L'entente de 1939 fut convenue entre le vicariat apostolique de Xuzhou et la
province jésuite du Bas-Canada alors que l'économie canadienne était relancée par
l'industrie de guerre qui alimentait une partie des troupes de l'Allié. La Procure de Chine
était une institution dont les rouages avaient été perfectionnés et la coopération de la
province jésuite du Bas-Canada élevait la crédibilité du projet de Xuzhou auprès des
bienfaiteurs210. La répartition des aumônes reçues en trois postes budgétaires (le territoire
ecclésiastique de Xuzhou, les institutions de la province jésuite du Bas-Canada en Chine et
Mgr. Côté) multipliait les arguments de la publicité pour la mission211. Les aumônes reçues
à la Procure de Chine doublaient entre 1939 et 1947 avec une moyenne annuelle de 45 863$
et un sommet de 76 013,57$. Les proportions des aumônes par destinataire pour cette
période révèlent que le territoire ecclésiastique était désigné à 51,3% par les bienfaiteurs.
208 Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (31 juil., 1932), p. 7.
209 Philippe Côté, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (3 nov., 1936), p.1. Rapport financier
de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1939).
210 Idem.
211 Au sujet de la division des aumônes en trois catégories, voir les modalités de l'entente de 1939 dans la partie 2.1.3
du chapitre 2.
83
Les institutions chinoises de la province jésuite du Bas-Canada recevaient 45,7% des
aumônes. Le 3% restant était un budget discrétionnaire réservé à Mgr. Côté212.
L'entente de 1947 réorganisa le partage des aumônes reçues à la Procure de Chine
selon de nouvelles catégories de destinataires. D'août 1948 à août 1950, Mgr. Côté ne
recevait plus d'attributions particulières, mais le Collège Saint-Louis-de-Gonzague, qui était
une propriété de la province jésuite du Bas-Canada en Chine depuis l'entente de 1939,
accueillait désormais 14,1% des aumônes. À cette première portion, 31,7% de plus était
assigné aux institutions de la province jésuite du Bas-Canada au Xuzhou pour un total
de 45,8% des aumônes. Le diocèse de Xuzhou était le destinataire désigné pour 54,2% des
aumônes, mais la proportion des aumônes par destinataire fluctuait d'une année à l'autre.
Effectivement, alors que, selon les chiffres de l'année administrative 1948-1949, le partage
des aumônes entre les deux collaborateurs était de 58 418$ contre 70 099$, celui de l'année
suivante était de 82 724$ contre 63 311$213.
Les dons en honoraires de messe, en attributions personnelles et en aumônes
encouragés par la publicité de la Procure de Chine étaient, tout compte fait, les revenus
principaux de l'institution. L'institution recueillait un total final approximatif d'au
moins 1,4 million de dollars canadiens entre 1929 et août 1950214. Grâce à la générosité des
bienfaiteurs de la mission, le procureur évitait les emprunts, investissait dans des
212 Émile Papillon, Philippe Côté et Wlodimir Ledochowski, « Entente », AJC, M-0007, Cl.8, no.2 (30 juin, 1939),
pp. 1-4. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1939-1947).
213 August Gagnon et Philippe Côté, « Projet d'accord financier entre S. E. Mgr. L'Évêque de Suchow et le Supérieur
Régulier représentant la Province du Bas-Canada de la Compagnie de Jésus pour l'administration financière de la
mission de Xuzhou », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (1947), p. 3. Rapport financier de la Procure des Missions de
Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1948-1950).
214 Rosario Renaud rapporte 16 000$ en dons récoltés par la Procure de Chine de 1929 à 1932. Les états financiers de la
Procure de Chine (1932-1947 et 1948-1950) compilent un sous-total de 1 205 986,66$. Selon le P. Bouchard, la
Procure de Chine récoltait 220 542,60$ canadiens lors de l'année administrative 1947-1948. La Procure de Chine
récoltait donc un total final approximatif en dons de 1 428 129,26$ canadiens de 1929 à août 1950. Cependant, un
peu plus de 50% de cette somme était récolté par la Procure de Chine après 1946. Rosario Renaud, Corr. à Georges
Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (31 juil., 1932), p. 7. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine,
AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947 et 1948-1950). Louis Bouchard, « Mémoire sur les activités et la
situation de la Procure des Missions de Chine », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (15 sept., 1948), pp. 1-2. Voir en
annexe C les dons reçus en réponse à la publicité de la Procure de Chine d'août 1932 à août 1950. À titre comparatif,
alors que la Procure de Chine recevait un total de 162 364$ entre août 1932 et août 1945, les œuvres de la
Propagation de la Foi, de la Sainte-Enfance et de Saint-Pierre-Apôtre récoltaient un total de 4 115 863$ dans les
diocèses du Québec entre 1932 et 1945. Bulletin de l'Union missionnaire du clergé, VIII, 7 (sept., 1946), op. cit.,
p. 169.
84
placements, misait en bourse et achetait de l'équipement. Alors que le musée d'art chinois
rentabilisait les achats des expositions missionnaires, Le Brigand était le « gagne-pain » de
l'Église du Xuzhou215. Les ententes signées entre le territoire ecclésiastique de Xuzhou et la
province jésuite du Bas-Canada en 1939 et en 1947 invitaient la province jésuite du BasCanada à s'impliquer massivement dans le financement destiné à la consolidation de
l'Église du Xuzhou. La partition des aumônes entre les deux collaborateurs facilitait les
cueillettes pour la mission. Les montants récoltés couvraient d'abord les frais de
l'administration de la Procure de Chine. Une partie était épargnée placements ou investie en
bourse. Le reste était envoyé au Xuzhou, en Chine.
2.3.3 La transfusion Québec-Xuzhou et ses interruptions
Ravitailler les institutions de l'Église du Xuzhou était la raison d'être principale de la
Procure de Chine. Approximativement 10 273 kilomètres et 12 fuseaux horaires séparent
les villes de Québec et de Xuzhou. Durant les années 1930 et 1940, la correspondance entre
le Canada et la Chine était discontinue et les lettres étaient parfois perdues. Ces dernières
étaient généralement acheminées par train vers New York avant d'atteindre l'Asie par bateau
ou par avion. Envoyées du Québec, elles parvenaient habituellement aux missionnaires du
Xuzhou en un à trois mois. La communication entre les Jésuites du Québec était entretenue
grâce à un échange mensuel de nouvelles216.
La Procure de Chine supervisait la livraison de nombreux dons matériels provenant
des divers milieux de bienfaiteurs de la mission. Les Jésuites du Québec faisant le voyage
Québec-Xuzhou accompagnaient annuellement les boîtes et les mallettes qui contenaient
des denrées québécoises, des vêtements canadiens, des objets religieux et du matériel
scolaire (catéchismes, dictionnaires, etc.). Ils prenaient le chemin de fer transcontinental
vers Vancouver, puis parvenaient jusqu'à Honolulu sur un bateau de l'Empire britannique,
faisaient une escale normale au Japon et arrivaient à destination en Chine, à la concession
215 Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (30 janv., 1932), p. 6.
216 Édouard Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (17 nov., 1932), p. 1. L'organisation du courrier
entre les missionnaires, la province jésuite du Bas-Canada et le Saint-Siège était essentielle. Le Pape Alexandre VII
prononça l'essentiel des règles à ce sujet. Voir Instructions à l'usage des vicaires apostoliques en partance pour les
royaumes chinois de Tonkin et de Cochinchine (1659), dans Marcel Gérin, « Le gouvernement des missions », Thèse
de doctorat, Université Laval, 1944, pp. 67-68.
85
française, à Zikawei. Quelques pertes étaient parfois constatées après le long voyage, mais
l'organisation des envois s'améliorait à chaque tentative pour éviter les frais de franchise en
douane et de surcharge217. Les quelques missionnaires qui prenaient des vacances au
Canada accompagnaient des colis, comme ceux du musée d'art chinois, dans la direction
inverse. Toutefois, il n'y avait ordinairement qu'un seul voyage international par année vers
septembre ou octobre et cette fréquence était peu commode pour ravitailler l'effort
apostolique des Jésuites du Québec au Xuzhou218.
Une communication régulière orchestrait les activités missionnaires entre le Canada
et la Chine. Alors que le dispendieux service télégraphique transmettait les appels d'urgence
et les annonces de décès, le service postal, plus abordable, mais plus lent, était le moyen de
correspondance commun. Dès lors que l'adresse des missionnaires du Xuzhou était l'Église
St-Joseph au 550 Frelupt Route, à Shanghai, la collaboration des Jésuites français, dont le
territoire ecclésiastique de Nankin couvrait la grande ville chinoise, était nécessaire. Le
F. Maussier, l'un d'entre eux, supervisait la réception des chèques, des mandats-poste et des
colis envoyés par le service postal au nom de la préfecture apostolique de Xuzhou. Il
rapportait les pertes à Mgr. Marin et organisait, avec lui, l'acheminement au Xuzhou des
fonds de la Procure de Chine. Un Jésuite du Québec voyageait régulièrement à Shanghai
afin de récolter le courrier, retirer des montants reçus de l'international et escorter les
nouvelles recrues jusqu'au cœur de la mission canadienne-française. Les voyages par le
Grand Canal, par les trains chinois et par les routes boueuses étaient parfois dangereux,
mais les dons transférés par la Procure de Chine parvenaient normalement en totalité
jusqu'à la ville de Xuzhou d'où ils étaient distribués vers les paroisses219.
217 Le dernier incident relaté par la correspondance est celui de colis envoyés au début de 1933, perdus pendant près
d'un an et retrouvés dans une cave d'une compagnie de transport qui demandait un remboursement pour des frais
d'entreposage. Mgr. Marin rédigeait ensuite des recommandations pour améliorer l'efficacité de l'acheminement des
dons en nature. Andrien Sansoucy, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 61 (6 juin, 1934), p. 1.
218 Les Jésuites souhaitaient établir un accord avec le gouvernement chinois de Nanjing pour ne pas payer de frais de
douane, mais ils échouèrent par leur manque de relations officielles avec les membres de l'administration.
M. Céteau, Corr. à Rosario Renaud, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 64 (22 juin, 1931), pp. 1-2.
219 Georges Marin, Corr. aux PP. Pineau et Renaud, AJC, M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des
missionnaires, Marin Georges III (17 fév., 1933), pp. 1-2.
86
L'élévation du Xuzhou au titre de vicariat apostolique le 18 juin 1935 invita les
Jésuites du Québec à affirmer l'indépendance de leurs activités face à celles des Jésuites
français. Mgr. Côté souhaitait centraliser la communication entre le Québec et le Xuzhou
afin que les autorités ecclésiastiques de Nankin ne soient plus au courant de l'état des
finances de la mission canadienne-française. L'adresse de correspondance des Jésuites du
Québec fut modifiée pour « Catholic Mission, Süchow, Ku., Chine » et le P. Adrien
Sansoucy, qui étudiait la finance chinoise depuis deux ans, fut chargé d'organiser une
seconde procure en Chine dont il devenait le procureur. Installée au 35 rue Bourgeat, à
Shanghai, la procure de Shanghai ouvrit un compte à la banque chinoise Yang King Pang.
Le P. Sansoucy se chargeait d'assurer la sécurité des fonds parvenus en Asie en déposant les
chèques reçus de la Procure de Chine et en effectuant, si possible, des placements sûrs
jusqu'à l'acheminement des montants au Xuzhou. La Procure de Chine et la procure de
Shanghai étaient en relation continuelle. Les annonces des envois de l'une étaient suivies
par les avis de réception de l'autre220.
Les montants transférés par la Procure de Chine étaient en devise canadienne. Si les
banques chinoises pouvaient accepter de manipuler des billets américains, les billets
chinois, qui avaient été uniformisés sous le yuan en 1928, animaient la vie économique au
Xuzhou. Le taux de change entre le dollar canadien et le yuan chinois était ordinairement
très avantageux pour les missionnaires; selon Mgr. Marin, un dollar équivalait au minimum
à 3 yuans ou 4 yuans. Comme le coût de la vie était moins élevé en Chine qu'au Canada
dans les années 1930, la valeur des montants transférés par la Procure de Chine était plus
grande en Chine qu'au Canada. Par contre, elle n'était pourtant pas toujours proportionnelle
au taux de change qui fluctuait entre la date du transfert et celle de l'échange des devises.
Les réceptions à la hausse par rapport aux estimations étaient toujours appréciées, mais les
pertes par rapport aux taux habituels étaient assez fréquentes. Mgr. Marin et le P. Lavoie
cherchaient à faire affaire avec une banque ayant des succursales à Québec et à Shanghai
pour créer une entente permettant des transactions immédiates au taux de change indiqué,
220 La procure de Shanghai apparaît dans Le Canada ecclésiastique: Catholic Directory of Canada, Montréal, Librairie
Beauchemin, 1936, p. 714. Georges Marin, Corr. à Louis Bouchard, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges X
(21 oct., 1946), p.1.
87
mais cette institution financière n'existait pas encore. En conséquence, le dollar canadien
était parfois échangé en devise américaine avant de l'être à nouveau en yuan. La Banque de
Montréal confirmait les transactions et le procureur espérait qu'un taux de change
avantageux serait appliqué sur le montant lors de sa réception à Shanghai221.
Une première transaction internationale de la Procure de Chine fut conclue vers
Shanghai suite à la création de la préfecture apostolique de Xuzhou le 23 juin 1931. Quatre
transferts par année administrative lors des 15 novembre, 15 septembre, 15 février
et 15 mai étaient convenus entre le P. Lavoie et Mgr. Marin. L'attaque du Japon sur
Shanghai en 1932 empêcha momentanément le respect de la convention. Les montants pour
l'Église du Xuzhou furent retenus puisque la Banque de Montréal refusa de prendre la
responsabilité sur les fonds à destination de la Chine. Des grèves des débardeurs à New
York retardèrent aussi la réception des chèques au Xuzhou en 1946222.
Bien qu'il était possible pour les bienfaiteurs canadiens-français d'envoyer euxmêmes leurs dons au Xuzhou par le courrier postal, la Procure de Chine administrait
presque la totalité des montants destinés à la mission chinoise. Plus de 9 970$ canadiens
auraient été envoyés par l'institution au Xuzhou avant août 1932 223. L'annexe D démontre
que les montants transférés variaient ensuite considérablement. La moyenne annuellement
transigée entre août 1932 et août 1939 s'élève à 19 672$, ce qui représente 40,7% des
revenus de la Procure de Chine pour la même période. Une sévère diminution des valeurs
des envois (8921$) liée aux frais de déménagement du musée d'art chinois sur GrandeAllée (23 920$ de dépenses) figure en 1934-1935. La presque totalité de l'avoir de la
Procure de Chine (33 360$) fut envoyée au Xuzhou suivant les annonces de l'avancée de
221 La monnaie en lingots fut supprimée par le gouvernement de Nanjing en 1928. La devise monétaire chinoise, le
yuan, fut unifiée. La centralisation monétaire fut complétée au niveau du crédit. La Banque centrale de Chine et la
Banque agricole de Chine furent créées pour faire face à la crise économique. Des billets étaient émis de Nanjing.
Marie-Claire Bergère, L'âge d'or de la bourgeoisie chinoise, 1911-1937, Paris, Flammarion, 1986, p. 291. Georges
Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges III (12 mai, 1933), p. 1. Mgr. Marin exprima,
par exemple, sa déception lors d'un change moins avantageux en 1933: « Par traite sur Banque de Montréal, 15 mai:
[yuans] 7187.70. i.e. $1891.5 canad. Je ne comprends pas. Le F. Maussier me dit que vous avez envoyé un chèque
pour $1891.50 canad. qui a donné [yuans] 6439,15. Je suppose que le 15 mai j'aurais pu avoir au-delà de
[yuans] 7000. En réalité je n'ai eu que [yuans] 6400. » Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4,
Marin Georges III (12 juin, 1933), p. 1. J. F. Parkinson, Canadian War Economics, op. cit., p. 5-6.
222 Georges Marin, Corr. à Louis Bouchard, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges X (21 oct., 1946), p.1.
223 Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1929-1932) [Partiel].
88
l'armée japonaise en sol chinois en 1937. Les Jésuites du Québec cherchèrent ainsi à éviter
une pénurie résultant d'une coupure des communications comme celle qui avait été
provoquée en 1932 suite à l'attaque japonaise sur Shanghai224.
Suite au 7 juillet 1937, date du déclenchement de la guerre sino-japonaise, la région
du Xuzhou fut isolée pendant quelques mois puisque les chèques et les lettres acheminés
entre le Québec et le Xuzhou étaient contrôlés aux douanes. La situation s'aggrava durant
l'été 1941 alors que l'armée japonaise qui occupait le Xuzhou bloqua les transferts des
banques américaines, canadiennes et européennes des Alliés. Reconnaissant que l'envoi de
gros montants vers la Chine continentale était peu sécuritaire, le P. Lavoie minimisait le
risque de perte en épargnant dans des placements et en investissant dans des projets
immobiliers et en bourse. Jamais autant de dons n'avaient encore été destinés à ces postes
budgétaires. Alors que 107 138$ était dépensé pour couvrir les frais d'achats de bâtiments,
de déménagements et de réparations entre août 1938 et août 1945, 241 277$ était placé en
actions, en prêts et en obligations en prévision de la fin de la guerre. Une timide somme
cumulée de 66 036$ était transférée par la Procure de Chine à l'Église du Xuzhou pendant
les sept années de la guerre sino-japonaise. Or, une grande partie de ce montant était versée
durant les premières années du conflit. En conséquence, le financement canadien-français
de la mission était dérisoire entre 1941 et 1945225.
Dès l'annonce de la reprise des communications entre le Canada et la Chine suite à
la capitulation de l'Empire du Japon le 15 août 1945, le procureur procéda à la vente de la
plupart des actions et obligations de la Procure de Chine et retira de nombreux placements.
Une partie des profits servit à payer des dettes de guerre alors que l'autre fut envoyée à la
procure de Shanghai. Puisque l'institution recevait aussi de nombreux dons, ainsi que des
contributions financières de plus en plus grandes de la part de la province jésuite du BasCanada qui répondait à l'entente de 1939, les montants transférés au Xuzhou gonflaient
224 Philippe Côté, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (24 mai, 1937), p. 1. Rapport financier
de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1937).
225 J.-Louis Lavoie, Corr. au sup. provincial Émile Papillon, AJC, M-0007, Cl. 3, Lavoie Joseph-Louis III
(17 avril, 1939), p. 1. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1
(1937-1945).
89
considérablement. Les états financiers annuels de l'institution rapportent des envois
inhabituels au Xuzhou de 227 392$ en 1945-1946 et de 259 816$ en 1946-1947. Des
montants substantiels de 170 982,25$ et de 163 739$ étaient également acheminés en Asie
entre août 1947 et août 1949, puis la progression des troupes communistes en Chine motiva
à nouveau une diminution de la valeur transigée vers le Xuzhou226.
Finalement, la Procure de Chine contribuait pour plus de 1,1 million de dollars
canadiens à la consolidation de l'Église du Xuzhou de juin 1931 à août 1950. Par
contre, 82,6% de cette somme était envoyé après 1945. Des frais de franchise en douane et
de surcharge, ainsi que de nombreux transferts sur des taux de change désavantageux
causaient des pertes sur une partie des montants acheminés pendant la crise économique. La
guerre sino-japonaise retardait, par la suite, les transactions des grosses sommes. Plusieurs
étaient réinvesties au Canada ou conservées à la Banque de Montréal avant d'être envoyées
en masse au Xuzhou entre 1945 et 1949. L'armée nipponne s'était retirée de la région
chinoise. Cependant, la guerre civile qui opposait le gouvernement de Nanjing et le Parti
communiste chinois désorganisaient le réseau de transport et de communication de Chine.
Des montants canadiens-français, qui étaient considérés comme du financement pour la
Ligue de Marie, étaient aussi interceptés227.
***
Financer la mission chinoise des Jésuites du Québec était la vocation principale de
la Procure des Missions Étrangères de Chine. Les recettes de l'institution variaient au gré de
226 Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1945-1947
et 1948-1950). Louis Bouchard, « Mémoire sur les activités et la situation de la Procure des Missions de Chine »,
AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (15 sept., 1948), pp. 1-2. Voir en annexe D les sommes transférées vers le Xuzhou par la
Procure de Chine d'août 1932 à août 1950.
227 Les états financiers partiels de la Procure de Chine (1929-1932) notent une somme transigée vers la Chine d'au
moins 9 970$. Les états financiers annuels de la Procure de Chine (1932-1947 et 1948-1950) compilent des
montants d'une valeur totale de 979 126,55$. Selon le P. Bouchard, un montant de 170 982,25$ aurait été transféré
au Xuzhou par l'institution lors de l'année administrative 1947-1948. La Procure de Chine aurait donc transféré un
total final d'approximativement 1 150 108,8$ canadiens entre 1929 et août 1950. De cette somme, 950 411,75$
aurait était envoyé par la Procure de Chine à la procure de Shanghai entre août 1945 et août 1950. Rapport financier
de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1929-1932) [Partiel]. Rapport financier de
la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947 et 1948-1950). Louis Bouchard,
« Mémoire sur les activités et la situation de la Procure des Missions de Chine », AJC, M -0007, Cl. 8, no. 1
(15 sept., 1948), pp. 1-2.
90
la générosité des bienfaiteurs canadiens-français dont les moyens étaient ébranlés par la
crise économique. Le P. Lavoie, qui était assisté par un large réseau de collègues jésuites,
d'amis et de bienfaiteurs, réussissait à capter la conscience missionnaire canadiennefrançaise et à la rediriger vers le projet collectif qu'était la mission de Xuzhou. La
conversion de la région chinoise était publicisée au Canada via les projets de la Compagnie
de Jésus. La Chine était dévoilée dans ses plus beaux récits lors de conférences privées et
d'événements à grands impacts populaires, puis elle était étalée dans ses plus belles formes
lors d'expositions missionnaires temporaires qui devenaient permanentes dans un musée
d'art chinois pour lequel le P. Lavoie investissait largement. Les mœurs des Chinois étaient
finement expliquées dans la revue missionnaire Le Brigand qui atteignait un lectorat
toujours plus large. Alors que plusieurs bénévoles s'impliquaient pour sauver les âmes de
leurs confrères catholiques asiatiques, le projet de Xuzhou était connu jusqu'aux derniers
coins de la province du Québec via les messes qui étaient dites au nom de la Chine. La
publicité de la Procure de Chine permettait de récolter de nombreux dons dont la majorité
était transigée à l'Église du Xuzhou via la procure de Shanghai.
De l'entente de 1939 à celle de 1947, la province jésuite du Bas-Canada s'impliquait
de plus en plus dans le financement de la mission de Xuzhou. Au Canada, elle prit
légalement possession de la Procure de Chine, de son musée et de sa revue Le Brigand. En
Chine, elle accepta la charge de financer une, puis deux institutions d'enseignement. La
coopération du territoire ecclésiastique de Xuzhou et de la province jésuite du Bas-Canada
justifiait la réorganisation administrative des dons reçus à la Procure de Chine. Une seconde
caisse gérée au Xuzhou par un supérieur régulier recevait près de la moitié du financement
transféré par l'institution. Les pourcentages des assignations des dons aux deux
collaborateurs confirment la vocation enseignante de la Compagnie de Jésus, mais ils
répondaient peu aux directives du Concile de Shanghai. Alors que la province jésuite du
Bas-Canada s'impliquait dans seulement deux collèges avec près de la moitié du
financement de la mission, le territoire ecclésiastique devait payer les frais des nombreuses
autres œuvres de la mission avec un montant d'une valeur presque équivalente.
91
La collaboration grandissante de la province jésuite du Bas-Canada dans le
financement canadien-français des activités des Jésuites du Québec en Chine permit peutêtre la survie de l'Église du Xuzhou face à la crise économique et à la guerre, mais elle
retarda l'observation des instructions pontificales qui privilégiaient le transfert des
responsabilités de la mission chinoise à un clergé chinois formé au Xuzhou. La stratégie
orchestrée par les Jésuites du Québec pour échapper à une fiscalité inconfortable menait à
une plus grande dépendance financière de l'Église du Xuzhou face à l'Église canadiennefrançaise qui priait, œuvrait et donnait pour la mission de Chine. Puisque le Saint-Siège
considérait qu'un clergé chinois était plus apte à guider une Église chinoise vers son
autonomie, quel contexte au Xuzhou pouvait justifier un appel à une plus grande
participation d'une Église étrangère plutôt qu'à celle d'un clergé chinois?
92
CHAPITRE 3
LES JÉSUITES DU QUÉBEC ET LA COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE
ROMAINE DU XUZHOU: UNE ÉGLISE DÉPENDANTE
Au moment de la création de la Procure des Missions Étrangères de Chine en 1928,
les Jésuites du Québec évaluaient que l'Église du Xuzhou n'avait pas la capacité de s'autofinancer par la collecte des dons en Chine. Sachant que les dépenses onéreuses des œuvres
d'évangélisation de la région seraient sous leur responsabilité à partir de 1931, ils espéraient
que les bienfaiteurs canadiens-français répondraient aux directives de Maximum Illud,
rempliraient leurs devoirs de catholiques et, surtout, qu'ils seraient généreux.
Les fidèles du territoire ecclésiastique du Xuzhou, qui occupaient une partie du
Nord de la province civile chinoise du Jiangsu, avaient été délaissés avant que des Jésuites
du Québec comme Édouard Goulet, Auguste Gagnon, Georges Marin, Joseph-Louis Lavoie
et Édouard Lafortune y œuvrent228. Dans le vaste territoire que la Sacrée Congrégation de la
Propagation de la Foi avait confié aux Jésuites français en 1856, Xuzhou était l'un des
centres les plus éloignés. De trois à quatorze missionnaires y étaient affectés par le
supérieur du vicariat de Nankin, Mgr. Prosper Paris (1900-1931)229.
Parmi les prêtres chinois qui œuvraient au Xuzhou de 1856 à 1931, pas plus de trois
étaient originaires de la région. Une lettre de Mgr. Marin explique que ce n'était pas
suffisant, car il était inconcevable, dans ces conditions, de répondre avec succès aux
directives du Concile de Shanghai (1923) concernant la formation d'un clergé chinois
complet230. Puisque les Jésuites français avaient administré de nombreux baptêmes, la
communauté catholique du Xuzhou était passée d'environ 32 161 membres lors de la chute
de la dynastie Qing en 1911 à environ 55 526 membres en 1931. Toutefois, le problème
228 Georges Marin, « Lettre aux bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 143 (déc., 1933), pp. 1-3.
229 Rosario Renaud, Süchow: diocèse de Chine, Montréal, Bellarmin, 1955, p. 473.
230 Rosario Renaud rapporte que trois prêtres chinois auraient été formés au Xuzhou entre 1856 et 1931. Rosario
Renaud, Le diocèse de Süchow, Chine: champ apostolique des jésuites canadiens de 1918 à 1954, Montréal,
Éditions Bellarmin, 1982, p. 10. Par contre, Mgr. Marin ne compta que deux prêtres chinois originaires du Xuzhou.
Georges Marin, Corr. à Mario Zanin, AJC, M-0007, Cl. 6, no 55 (19 déc., 1932), p. 2. Le P. Léonard Lévesque
dénombra également seulement deux prêtres chinois formés au Xuzhou avant 1931. Léonard Lévesque, « Suchow »,
Ballarmino, no.9 (déc., 1940), p. 5.
93
n'était « […] non pas strictement de sauver des âmes, mais [d']établir l'Église en vue de la
Gloire de Dieu et du Salut des âmes »231. Cette raison justifia l'accord de Mgr. Celso
Costantini (1922-1933), le délégué apostolique de Chine, concernant la création de la
préfecture apostolique de Xuzhou le 23 juin 1931232. L'Église du Xuzhou avait besoin d'un
clergé chinois capable d'administrer et de financer les institutions catholiques:
« [...] séminaires, hôpitaux, asiles, écoles, universités, œuvres de presse, etc »233.
3.1 Gagner le « vil métal » pour rapprocher des âmes chinoises
Mgr. Marin reconnaissait que « L'activité apostolique dépend[ait] beaucoup du "vil
métal". Coupez les munitions et vous mettrez fin à une guerre, [écrit-il]. Diminuez les
ressources des missions et vous diminuez la puissance des forces qui luttent contre satan et
le paganisme »234. Les transferts monétaires vers Xuzhou ne constituaient pas le but final
de l'entreprise, mais ils étaient indispensables pour augmenter l'influence du missionnaire,
attirer la jeunesse vers la parole divine et favoriser la sympathie des autres 235. L'appui de
Mgr. Augustin Haouisée (1931-1936), qui fut intronisé évêque de Nankin suivant le décès
de Mgr. Paris en 1931, et les conseils du P. Édouard Goulet, qui travaillait au Saint-Siège au
Secrétariat général des missions des Jésuites, aidaient les Jésuites du Québec à prendre la
responsabilité financière de la consolidation de l'Église du Xuzhou.
3.1.1 La dot de Nankin: des réparations et des placements
La dotation aux Jésuites du Québec par le vicariat français de Nankin de biens
mobiliers et immobiliers situés au Xuzhou était conditionnelle à la séparation
du 23 juin 1931. Quelques bâtiments, érigés sur des terrains acquis grâce aux privilèges des
traités des guerres de l'Opium, occupaient la majorité des 18 paroisses de la région comme
autant de points de repère géographiques du rayonnement du catholicisme. Plusieurs des
231 A.M.D.G., « Notes sur le Vicariat de Nankin et la Mission du Siu-tcheou-fou », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 77
(oct., 1929), p. 2.
232 Le P. Goulet rappelait les raisons de l'appui de Mgr. Costantini pour la création de la mission de Xuzhou. Édouard
Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 57 (30 juil., 1933), p.1
233 Georges Marin, La Chine à Dieu: une mission canadienne, le Siu-Tchou-Fou, Montréal, Procure de la Mission de
Chine, 1925, p. 33.
234 Georges Marin, Corr. à Zikawei, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges I (26 juil., 1930), p. 2.
235 Le P. Dragon explique: « On peut vivre, pauvrement, à la chinoise: pas d'école, pas de personnel, pas de catéchistes,
rien. Mais, alors, on ne produit rien. La question financière est secondaire, mais elle est partie constituante du tout ».
Antonio Dragon, En mission parmi les Rouges, Montréal, Messager canadien, 1946, p. 87.
94
lieux de culte étaient, par contre, lourdement endommagés. Le prêtre n'avait parfois pas de
résidence fixe où demeurer. Il visitait les fidèles, administrait les sacrements et se reposait à
l'improviste là où des catholiques chinois l'accueillaient avec bonté. Le territoire
ecclésiastique de Xuzhou entretenait 174 églises et chapelles en 1932, mais la plupart
devaient être réparées aux frais des Jésuites du Québec236.
Comme les préfectures apostoliques d'Anking, de Pengpu, de Wuhu et de Haimen
qui avaient précédemment été définies à partir du territoire chinois des Jésuites français,
celle de Xuzhou devait recevoir du vicariat de Nankin une dot de 300 000 yuans
(environ 100 000$ canadiens en 1931)237. Après être entré en fonction comme
administrateur apostolique en janvier 1932, Mgr. Marin prévoyait visiter Mgr. Haouisée à
Zikawei pour en négocier le versement. L'attaque du Japon sur Shanghai (1932) retarda le
voyage pendant près d'un an. La préfecture apostolique de Xuzhou était officiellement
reconnue par la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi, mais les propositions et
les contre-propositions sur ses biens étaient échangées entre Mgr. Marin et Mgr. Haouisée
jusqu'en 1934. La mission de Xuzhou était séparée depuis quatre ans lorsqu'un premier
contrat fut signé238.
Mgr. Haouissé souhaitait promouvoir la mission de Xuzhou, mais il prévoyait aussi
négocier avec d'autres congrégations religieuses pour morceler à nouveau le territoire de
Nankin et il anticipait devoir également transférer des biens (ex. la mission de Shanghai
en 1933). Incapable de verser immédiatement la dot de Xuzhou, il convint qu'elle soit
transmise en six tranches de 50 000 yuans avant 1944. Des transferts équivalents à 10% en
236 Georges Marin, « Lettres aux Bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges (juil., 1932), p. 1. Voir en
annexe B comment les Jésuites du Québec percevaient géographiquement le rayonnement du christianisme au
Xuzhou grâce aux lieux des églises et des chapelles qu'ils entretenaient.
237 Le P. Goulet cite des documents du Vatican lorsqu'il décrit les revenus des missions voisines de celle de Xuzhou.
Édouard Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 58 (30 nov., 1933), p. 1. Philippe Côté, Corr. au
sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (3 juil., 1936), p. 2.
238 Le décret de la séparation du Xuzhou fut officialisé par le supérieur général Ledochowski le 3 décembre 1931.
Wlodimirus Ledochowski, « Decretum: Praepositus Generalis Societatis Iesu », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 76
(3 déc., 1931), p. 1. La nomination du P. Marin comme administrateur apostolique était préalable à cette signature.
Georges Marin, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des
missionnaires, Marin Georges IV (13 janv., 1932), p. 1. Mgr. Marin confirme que de « […] 1931 à 1935, il n'y avait
aucune division claire au sujet des biens». Georges Marin, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007,
Cl. 4, Marin Georges VI (5 juil., 1936), p. 2.
95
intérêts versés annuellement sur le capital en argent furent promis jusqu'à ce que
les 300 000 yuans soient rendus à l'Église du Xuzhou. Les intérêts, cumulant
quelque 30 000 yuans par année (des montants variant entre 7500$ et 10 000$ canadiens),
étaient encaissés à la procure de Shanghai par le P. Adrien Sansoucy. Il arrivait que les
Jésuites du Québec demandent des contributions supplémentaires à Mgr. Haouisée pour des
frais de réparations qu'ils jugeaient relatifs aux négligences qui précédaient la séparation du
territoire239.
Autrement, bien qu'ils avaient jugé juste de recevoir des contributions du vicariat de
Nankin, les Jésuites du Québec ne témoignaient pas du besoin immédiat d'encaisser la dot
pour financer les institutions du Xuzhou. En fait, les tranches de remboursement attendues
de Nankin étaient placées à intérêts par le P. Sansoucy. Le premier versement de 50 000
yuans, qui fut reçu en 1934, fut prêté à 7% d'intérêts à une autre communauté religieuse
œuvrant en Chine, celle des Lazaristes 240. Lorsque la mission de Nankin, qui composait
avec de graves problèmes financiers, était incapable de verser la deuxième tranche
de 50 000 yuans du capital, le vicariat de Xuzhou accepta d'en retarder le versement s'il
était enregistré comme un placement à 7% d'intérêts d'une durée illimitée. Il fut convenu
que les autres tranches de la dot que Xuzhou recevrait de Nankin constitueraient un fonds
de sécurité qui fructifierait, mais qui ne pourrait pas être retiré au besoin sans respecter les
conditions de chaque placement. Une grande partie de la valeur de ce fonds de sécurité
comblait des frais de réparations dispendieux. L'autre partie permettait aux Jésuites du
Québec de devancer des investissements assurés par les transactions de la Procure de
Chine241.
239 Un secours extraordinaire de 30 000 yuans fut reçu de Nankin pour l'année administrative 1932-1933. Georges
Marin, Corr. à Augustin Haouisée, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 56 (18 avril, 1933), p. 1. Ce montant fut englouti dans
des réparations qui ne pouvaient pas attendre. Georges Marin, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC,
M-0007, Cl. 4, Marin Georges IV (3 mai, 1932), pp. 5 et 8. Georges Marin, Corr. à Édouard Goulet, AJC, M-0007,
Cl. 6, no. 57 (5 juin, 1933), p. 2.
240 Les Jésuites de Nankin souhaitaient retenir le montant que les Jésuites du Québec ont finalement prêté aux
Lazaristes, mais ils n'offraient que 5% d'intérêts. Adrien Sansoucy, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6,
no. 61 (6 juin, 1934), p. 2.
241 Puisque les Jésuites du Québec considéraient que les banques sécuritaires étaient rares en Chine, ils préféraient faire
affaire avec d'autres missionnaires. Adrien Sansoucy, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 65
(6 mai, 1935), p. 2. Georges Marin, Corr. à Adrien Sancoucy, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 65 (8 juin, 1935), p. 1.
Philippe Côté, Corr. sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (3 juil., 1936), p. 1.
96
Mgr. Marin évalua que la préfecture apostolique de Xuzhou avait besoin d'un
minimum de 10 000$ en aumônes canadiens-français et de nombreux honoraires de messe
pour atteindre ses objectifs annuels entre 1931 et 1935 242. La promotion du territoire
ecclésiastique au rang de vicariat, et la multiplication des œuvres d'évangélisation que
celle-ci commanda, força Mgr. Côté à hausser ces attentes à 20 000$ plus les honoraires de
messe. Alors que les transferts de la Procure de Chine vers Xuzhou répondaient avec succès
aux besoins minimaux de la mission jusqu'en 1937, les contributions de la mission de
Nankin procuraient une sécurité financière aux projets de l'Église du Xuzhou243.
3.1.2 L'aide extraordinaire du Saint-Siège
Selon le droit canon, la préfecture apostolique de Xuzhou était, dès 1931, en
position de recevoir une assistance financière substantielle tirée des fonds des œuvres de la
Propagation de la Foi, de Saint-Pierre-Apôtre et de la Sainte-Enfance. Toutefois, le Grand
Krach boursier et la récession mondiale entraînèrent la dévaluation de la monnaie
romaine (la lire) et la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi élisait, par
conséquent, des conseils pontificaux sévères pour diviser les aumônes reçues à l'État du
Vatican parmi les quelque 200 nouvelles circonscriptions ecclésiastiques qui présentaient
des besoins de financement pressants. Le Saint-Siège avait bientôt très peu à offrir et il ne
reconnaissait pas le Xuzhou comme une des régions prioritaires sur la mappemonde
catholique244.
Mgr. Marin était réceptif aux avis du P. Goulet pour convaincre les conseils
pontificaux de considérer le projet missionnaire canadien-français comme une préférence
dans leurs choix financiers. L'administrateur apostolique de Xuzhou remplit une première
demande d'assistance pontificale en vue de l'année administrative 1932-1933, mais il fut
242 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (12 mars, 1932), p. 2. Georges Marin, Corr. au
cardinal Fumasoni-Biondi, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 57 (24 sept., 1933), p. 4.
243 Seuls les transferts de la Procure de Chine de l'année 1934-1935 n'ont pas répondu aux attentes de Mgr. Marin.
Georges Marin, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges VI (29 juil., 1936),
p. 3. Voir en annexe D les sommes transférées vers le Xuzhou par la Procure de Chine d'août 1932 à août 1950.
244 Le conseil pontifical de l'Œuvre de la Propagation de la Foi se réunissait chaque année le deuxième dimanche après
Pâques. Il analysait alors les rapports des supérieurs de mission reçus au Saint-Siège deux mois plus tôt. Édouard
Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 56 (6 janv., 1933), p. 2. Les aumônes reçues par les œuvres
pontificales diminuaient de 40% en 1931 et 1932. Édouard Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6,
no. 58 (30 nov., 1933), p. 4.
97
confronté à un premier refus qui le laissa perplexe. Il n'obtint que quelques subsides
extraordinaires de 9456 yuans (environ 2300$) qu'il jugea décevants par rapport aux
besoins pressants des 56 928 catholiques du Xuzhou. D'ailleurs, les missions voisines de
Anking, de Pengpu, de Wuhu et de Haimen, qui supervisaient moins de fidèles, reçurent au
moins cinq fois plus de subsides de l'Œuvre de la Propagation de la Foi en 1932. Secoué
par d'autres refus de subsides ordinaires, Mgr. Marin chercha les recommandations de
cardinaux et de Mgr. Costantini qui travaillait récemment à la Sacrée Congrégation de la
Propagation de la Foi245. Il appliqua des demandes à l'Œuvre de Saint-Pierre-Apôtre et à
l'Œuvre de la Sainte-Enfance jusque dans leurs divisions françaises, canadiennes et
américaines, mais il n'en récolta que quelques aumônes 246. Puisque la division des biens
n'était pas encore officiellement conclue, selon les conseils pontificaux, les Jésuites du
Québec devaient plutôt solliciter l'appui du vicariat de Nankin. Il y avait impasse247.
Les œuvres pontificales jugeaient l'Église du Xuzhou digne de recevoir une aide
financière renouvelable qu'à partir de 1934. Un premier subside de 70 000 lires
(environ 15 750 yuans) fut promis par l'Œuvre de la Propagation de la Foi. L'Œuvre de
Saint-Pierre-Apôtre ajouta pour la première fois son cachet en 1934 avec un versement
de 100 000 lires (environ 22 500 yuans)248. L'Œuvre de la Sainte-Enfance, qui avait
exceptionnellement versé 12 500 yuans en 1932, contribua pour 9774 yuans en 1935.
Cependant, l'aide financière du Saint-Siège, d'une valeur totale d'environ 12 000$
canadiens, fut temporairement gelée en Allemagne et en Italie par la crise financière.
245 Mgr. Costantini passa le flambeau de délégué apostolique de Chine à Mgr. Mario Zanin en 1933. Georges Marin,
Corr. à l'Œuvre de la Propagation de la Foi, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (7 avril, 1932), p. 2. Édouard Goulet, Corr. à
Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 56 (6 janv., 1933), p. 1. Georges Marin, Corr. à Mgr. Carlo Salotti de
l'Œuvre de la Propagation de la Foi, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 56 (1 er fév., 1933), p. 1. Georges Marin, Corr. à
Mgr. Costantini, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 57 (24 sept., 1933), pp. 1-2. Georges Marin, Corr. au cardinal
Mgr. Fumasoni-Biondi, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 59 (16 janv., 1934), pp. 1-2.
246 Georges Marin, Corr. à Mgr. l'abbé Jeannotte, directeur de l'Œuvre de Saint-Pierre-Apôtre à Montréal, AJC,
M-0007, Cl. 6, no. 54 (8 avril, 1932), pp. 1-2. Georges Marin, Corr. à Mgr. Mario Zanin à l'Œuvre de Saint-PierreApôtre, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (19 déc., 1932), pp. 2-3. Georges Marin, Corr. au bureau de l'Œuvre de la
Sainte-Enfance à Paris, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 57 (25 sept., 1933), pp. 1-2. Georges Marin, Corr. à J. Cushing de
l'Œuvre de la Propagation de la Foi à Boston, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 59 (21 janv., 1934), pp. 1-2.
247 Georges Marin, Corr. à l'Œuvre de la Sainte-Enfance, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (7 avril, 1932), p. 1. Adrien
Sansoucy, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 65 (6 mai, 1935), p. 1.
248 En théorie, l'inscription de la mission de Xuzhou sur la liste des subsides pontificaux ordinaires en 1934 aurait
assuré à la mission chinoise des Jésuites du Québec de recevoir des subventions à chaque an. Édouard Goulet, Corr.
à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 58 (30 nov., 1933), p. 1. Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC,
M-0007, Cl. 6, no. 61 (1er août, 1934), p. 2.
98
Quelques mois plus tard, le transfert pontifical combla effectivement les besoins auxquels
ne répondit pas la Procure de Chine en 1934-1935 (l'institution jésuite ne versa
exceptionnellement que 8920,5$)249.
Même si le territoire ecclésiastique de Xuzhou était maintenant sur la liste des
subsides pontificaux ordinaires, la valeur des montants débloqués chaque année n'était
pourtant pas constante. En effet, le Saint-Siège déposa une plainte contre le clergé du
Canada dont les évêques avaient retenu au Canada des aumônes canadiennes destinées aux
œuvres pontificales afin de financier les diocèses déficitaires de Régina et de Gravelbourg.
Les conseils des œuvres pontificales décidèrent, par péréquation, de diminuer leur aide
financière aux missions canadiennes. Mgrs. Marin et Côté cherchaient, délicatement, par
connaissances interposées, à informer les autorités ecclésiastiques du Canada de l'impact
néfaste que leur attitude exceptionnelle envers les aumônes pontificales avait sur le
financement de la mission de Xuzhou. Mgr. Marin explique en 1936: « Comme recette il ne
reste que ce qui nous vient du Canada. Pratiquement tout cela passe par la Procure [de
Chine] »250.
Les œuvres de la Propagation de la Foi et de Saint-Pierre-Apôtre allouèrent à
nouveau respectivement 12 401 lires et 98 000 lires (un total d'environ 5630$) à Xuzhou
en 1938. Cependant, encore une fois, l'aide accordée par la Sacrée Congrégation de la
Propagation de la Foi ne parvint pas à chaque année aux missionnaires. Le blocus, que
l'armée japonaise imposa aux fonds américains, canadiens et européens des Alliés à partir
de l'attaque nipponne sur Pearl Harbor en 1941, retint en Italie la plupart des allocations
pontificales pour l'Asie. Dès lors, pour des raisons de sécurité, la Procure de Chine
transférait aussi moins de ressources vers la région chinoise, le vicariat apostolique de
Xuzhou était dans l'obligation de s'endetter pour entretenir ses œuvres d'évangélisation251.
249 Édouard Goulet, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (31 juil., 1936), p. 1. Adélard
Dugré, Corr. à Édouard Goulet, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (12 août, 1936), p. 1.
250 Georges Marin, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges IV (5 juil., 1936), p. 2.
Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (3 juil., 1936), p. 2. À propos de la
situation financière du clergé séculier de l'Église canadienne-française, voir la partie 1.2.3 du chapitre 1.
251 Honorius Prevost, Corr. à Jean-Charles Falardeau, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 120 (25 mars, 1940), p. 1. J.-Louis
Lavoie, Corr. à Mgr. Jeannotte, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 120 (30 mars, 1943), p. 1.
99
3.1.3 La marche forcée et avortée de l'Église du Xuzhou vers son autonomie
Au cours des sept années de la guerre sino-japonaise, les Jésuites du Québec
pratiquaient des réductions budgétaires de plus en plus drastiques au Xuzhou. Ils ne
parvenaient plus à acheter les matériaux de construction et la nourriture dont ils
exprimaient la nécessité. Le P. Émile Muller témoigne: « Il y a la crise d'argent: nous ne
pouvons plus, faute de ressources, faire marcher les œuvres de la Mission; dans les districts,
nos Pères s'usent dans la misère. Il y a la crise de la nourriture, difficile à trouver ou
impossible à acheter, parce qu'on est trop pauvre »252.
Privée de financement international, la mission était compromise sans la
contribution des catholiques chinois qui bénéficiaient des services de l'Église du Xuzhou.
Les Jésuites du Québec espéraient mobiliser leurs ouailles lorsqu'ils instaurèrent
officiellement la dîme au Xuzhou en 1941. Mgr. Côté diffusa l'année suivante une lettre
pastorale dans laquelle il expliqua que le seul moyen de continuer à évangéliser les
périphéries était de demander paiements pour les bienfaits offerts 253. Le P. Dragon décrit la
réaction des fidèles de l'Église du Xuzhou face à la détresse des missionnaires: « Les
chrétiens commencent un peu à soutenir leur église; ils font marcher leur école et
nourrissent à leurs frais trois professeurs. La crise financière aura peut-être eu ça de bon:
elle va aider à démolir la vieille coutume ancrée dans les mœurs des chrétiens, qui
s'imaginaient que le soutien de l'Église, c'était l'affaire des Pères » 254. Si dans certaines
paroisses les dons des fidèles chinois permettaient de sauver des institutions, dans d'autres
leurs contributions n'évitaient quand même pas les fermetures. Par contre, le catholicisme
tenait bon au Xuzhou255.
Les missionnaires, déjà très occupés par leur travail, devaient financer leurs activités
en Chine. Quelques Chinois bien nantis, qui n'avaient pas pris la route du Sud lors de
252 Émile Muller, cité dans Antonio Dragon, En mission parmi les Rouges, op. cit., p. 113.
253 A.M.D.G., « Consulte de la section de Tangshan à Tangshan », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 151 (7-8 sept., 1941),
pp. 1-2. Anonyme, « Süchow: quelques aperçus sur l'année apostolique », Nouvelles, no. spécial, 4e année
(sept., 1942), p. 12.
254 Antonio Dragon, En mission parmi les Rouges, op. cit., p. 64.
255 Le nombre de catholiques de l'Église du Xuzhou augmentait jusqu'en 1945, malgré les difficultés financières. Il ne
recula momentanément qu'au début de la guerre sino-japonaise en 1937-1938. Voir en annexe E le nombre de
chrétiens sous la supervision des Jésuites du Québec dans les statistiques de l'Église du Xuzhou.
100
l'avancée de l'armée nipponne, donnaient sporadiquement à l'Église du Xuzhou. Le
P. Alphonse Dubé regroupa des commerçants qui contribuèrent suffisamment pour sauver
les œuvres de la paroisse de Fenghsien en 1942. Il organisa un banquet pour les remercier
et il répéta la stratégie le 9 mars 1943 dans l'espoir de recueillir les 1000$ canadiens qui lui
manquaient pour une prochaine année. Or, ce jour avait été dédié par l'Empire du Japon à
une fête pour commémorer la déclaration de guerre du Japon aux Alliés et le P. Dubé, ainsi
que les PP. Prosper Bernard et Almand Lalonde, qui avaient été invités au goûter, furent
accusés par le régime d'occupation japonaise d'avoir organisé une réunion anti-japonaise.
L'activité de financement tournait malencontreusement à l'emprisonnement des trois
missionnaires, puis à leur exécution256.
L'événement tragique ébranla les 35 Jésuites du Québec qui furent contraints par
l'armée japonaise de quitter la mission de Xuzhou pour un internement à Shanghai d'une
durée de plus de 21 mois entre novembre 1943 et août 1945. Des prêtres italiens, puis
allemands, les remplacèrent. Ces derniers avancèrent aux Jésuites du Québec des sommes
pour nourrir les paroisses, mais l'Église du Xuzhou fut rationnée. Puisque la Procure de
Chine ne ravitaillait pas suffisamment la mission, le gouvernement suisse accepta aussi de
prêter au territoire ecclésiastique une partie de la somme demandée par les missionnaires
pendant le conflit mondial. Autrement dit, la dette de la mission gonflait257.
Lorsque la guerre mondiale fut officiellement terminée, les factures des prêtres
italiens et allemands, ainsi que celles de la Suisse, furent présentées au gouvernement
canadien qui en demanda le remboursement à la Procure de Chine. En 1946, la dette du
vicariat de Xuzhou s'élevait à 165 000$ canadiens. Le P. Auguste Gagnon, récemment
promu au titre de supérieur régulier, écrivit au Ministre des Affaires Extérieures du Canada,
M. Louis St-Laurent, afin de négocier le remboursement d'une partie de la somme. Un
256 Les trois Jésuites, ainsi que le F. Gauvin qui trouva la mort au Xuzhou en 1939, furent héroïsés comme des martyrs
canadiens de Chine. J.-Louis Lavoie, « La visiteuse », Le Brigand, no. 85 (juil.,1943), pp. 8-9. Le récit complet de
leur assassinat fut rapporté au Canada par Philippe Côté, « Relation annuelle 1942-1943 », AJC, M-0007, Cl. 6,
no. 153 (1943), pp. 9-14. Ce récit fut connu en détail par le public canadien suite à sa publication dans Antonio
Dragon, Le Père Bernard, Montréal, Messager canadien, 1948, pp. 217-218.
257 Des cargaisons de ravitaillement de la Croix-Rouge étaient acheminées pour le Xuzhou via New York. Certaines
furent préparées par la Procure de Chine. J.T.E. Gagnon, Corr. à Vincent Curmi, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 7: CroixRouge, 1947 aux PP. V. Curmi et L. Bouchard (17 janv., 1947), p. 1.
101
capital d'environ 200 000$ avait été accumulé à la Banque de Montréal par la Procure de
Chine pendant la guerre, mais cet avoir, bien que très significatif, combla tout juste les
dettes de guerre et les frais des réparations au Xuzhou. Cependant, la transfusion QuébecXuzhou de la Procure de Chine reprit avec une vigueur nouvelle animée par la générosité
de nombreux bienfaiteurs canadiens-français et par la coopération financière renforcée avec
la province jésuite du Bas-Canada258.
À leur retour au Xuzhou, les Jésuites du Québec, qui avaient constaté les
dommages qui avaient été faits aux biens de l'Église, accueillirent la nouvelle de la
nomination du vicariat au rang de diocèse. Représentés par une consulte que Mgr. Côté
convoqua à l'occasion de la prise de décisions pour l'avenir du territoire ecclésiastique, ils
conclurent que la mission n'avait plus les moyens financiers de prendre en charge la partie
occidentale de la région du Xuzhou259. La responsabilité de la section de Yaowan, qui
comprenait six paroisses et 25 647 chrétiens en 1946, fut donc transférée aux Franciscains
californiens de Santa Barbara. Cette décision permit aux Jésuites du Québec de s'occuper
d'urgence des paroisses délaissées, de regrouper au mieux les catholiques dispersés et de
conserver les montants transférés par la Procure de Chine pour la fondation et l'entretien
d'institutions qu'ils jugeaient essentielles pour l'avenir de l'Église du Xuzhou260.
La guerre sino-japonaise et l'internement des Jésuites du Québec à Shanghai
démontraient l'incapacité de l'Église du Xuzhou à subvenir elle-même à ses besoins. L'aide
de la mission de Nankin était engloutie dans des réparations avant 1944 et les œuvres
pontificales apportaient un secours discontinu à la mission. Si les bienfaiteurs chinois se
multipliaient durant la guerre sino-japonaise, l'endettement était inévitable pour entretenir
258 La dette totale de la mission de Xuzhou de 165 000$ fut relevée en date de la signature de l'armistice signée entre le
Japon et les États-Unis le 15 août 1945. Antonio Dragon, Corr. au sup. général Janssens, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 3
(22 avril, 1946), p. 1. Auguste Gagnon, Corr. au Très Hon. M. Louis Saint-Laurent, Ministère des Affaires
Extérieures, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 4 (7 sept., 1946), pp. 1-2.
259 Mgr. Côté conclut la division du diocèse de Xuzhou avec l'approbation du supérieur provincial Dragon et l'accord du
supérieur général Ledochowski. Antonio Dragon, Corr. au sup. général Ledochowski, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 3,
Projet d'accord financier, Süchow, 1945-1959 (22 avril, 1946), p. 7. Rosario Renaud, « Status territorii, cum
statistica », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 158 (1945-1948), p. 12.
260 Les Franciscains ouvrirent une procure pour financer leurs activités dans les six paroisses de Yaowan. Emmanuel
Muessiggang, « Relation annuelle 1947-1948 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 158 (1948), p. 1. Œuvre de la Mission de
Suchow d'après la Division Ecclésiastique, AJC, M-0007, Cl. 6, No.158 (1945-1946). Les chiffres retenus dans le
résumé des statistiques de l'Église du Xuzhou en annexe E tiennent compte de ce changement administratif majeur.
102
les institutions catholiques fondamentales du Xuzhou. Les dons des bienfaiteurs canadiensfrançais et les contributions de la province jésuite du Bas-Canada transmis par la Procure de
Chine donnaient un dernier souffle aux institutions de la mission chinoise après août 1945,
mais ce n'était que pour quelques années avant l'expulsion des missionnaires de la Chine.
3.2 Les frais des œuvres de l'Église du Xuzhou. La formation d'une relève chinoise?
Le sermon à l'église, le catéchisme au catéchuménat et la leçon à l'école étaient
trois méthodes principales que les Jésuites du Québec appliquaient pour dialoguer avec la
population du Xuzhou et recruter des aspirants à la vie religieuse. Le nombre de candidats
chinois désirant entrer en vocation et s'impliquer auprès des missionnaires justifiait le grand
optimisme que Mgr. Marin exprimait quant à la capacité du Xuzhou de fournir des prêtres
chinois et des religieuses chinoises à l'Église catholique de Chine. En revanche, les
institutions que les Jésuites français avaient léguées aux Jésuites du Québec nécessitaient
plusieurs investissements261.
3.2.1 Guider l'âme vers la conversion
Lorsque les Jésuites du Québec prirent la responsabilité de la préfecture apostolique
de Xuzhou le 23 juin 1931, les paroisses furent dotées de chapelles de diverse qualité. Si
certaines furent organisées dans de vieux locaux, d'autres furent construites à 500$
canadiens l'unité grâce à des bienfaiteurs canadiens-français comme la famille Drolet qui
donna 1000$ pour la construction de deux chapelles au Xuzhou. Une population de 1300
fidèles justifia la construction d'une église dans la paroisse de Yangchwangtsi, mais les
projets d'envergure étaient soumis au délai du financement international. En effet, les
Jésuites du Québec attendaient qu'un montant de 4000$ soit transféré par la Procure de
Chine avant d'ériger, en 1935, une église encadrant les 2600 fidèles de Fenghsien262.
261 A.M.D.G., « Notes sur le Vicariat de Nankin et la Mission du Siu-tcheou-fou », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 77
(oct., 1929), p. 1.
262 Georges Marin, Corr. à Carlo Salotti, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 56 (1 er fév., 1933), p. 4. Georges Marin, Corr. à
J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 59 (6 mars, 1934), p. 1. Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC,
M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des missionnaires, Marin Georges V (28 avril, 1935), p. 2.
103
L'élévation du territoire ecclésiastique de Xuzhou au rang de vicariat le 18 juin 1935
commanda également des investissements. À cette occasion, la Procure de Chine transféra
un cadeau de consécration de 1000$ canadiens à Mgr. Côté et l'église principale de Xuzhou
fut améliorée aux frais de 1500$ pour en faire une pro-cathédrale perçue comme l'une des
plus belles par rapport à celles des missions voisines. Alors que les pierres achetées par les
Jésuites du Québec étaient extraites des collines du Xuzhou, le bois était en grande partie
dispendieusement importé de la Mandchourie et du Canada263.
À partir de leurs chapelles et de leurs églises, les Jésuites du Québec prospectaient
dans les campagnes. Ils faisaient la promotion des catéchuménats. Ces institutions
temporaires étaient organisées aux frais du territoire ecclésiastique avant ou après la
période des récoltes pour préparer des candidats à entrer par le baptême dans la
communauté de catholiques en inculquant des pratiques chrétiennes comme le signe de la
croix, l'assistance à la messe et la communion. Les Œuvres de la Mission de Suchow
d'après la Division Ecclésiastique rapportent qu'environ 20 000 catéchumènes étaient
nourris chaque année dans les catéchuménats du Xuzhou entre 1931 et 1937264.
Les Jésuites du Québec engageaient un personnel nombreux pour seconder leurs
efforts auprès des fidèles de l'Église du Xuzhou. Des domestiques occupaient les
résidences et entretenaient les bâtiments du territoire ecclésiastique pendant que des
cuisiniers et des chauffeurs de charrette assistaient les curés durant leurs visites. Des
catéchistes chinois, jusqu'à une trentaine par paroisse, demeuraient dans les villages en
l'absence des prêtres et supervisaient les chrétiens. Certains accomplissaient un excellent
travail d'auxiliaire laïc qui justifiait leur rémunération annuelle de 50$ canadiens265.
263 Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges V (6 mai, 1935), p. 2. Georges Marin,
Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des missionnaires,
Marin Georges III (26 mai, 1935), p. 2. Georges Marin, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4,
Marin Georges VI (13 avril, 1936), p. 3.
264 Georges Marin, Corr. à Mgr. Carlo Salotti, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 56 (1 er fév., 1933), pp. 1-2. Voir en annexe E le
nombre de catéchumènes de l'Église du Xuzhou de 1931 à 1937.
265 Émile Muller, « Relation Annuelle 1935-1936 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 146 (1936), p. 2.
104
Durant les trois premières années de la guerre sino-japonaise, les dépenses liées aux
catéchuménats augmentaient considérablement. La peur des échanges militaires motivait le
rapprochement des habitants du Xuzhou autour de l'Église catholique. Le nombre de
catéchumènes accueillis par les Jésuites du Québec dépassa 38 500 individus en 1938 et
en 1939266. Les missionnaires se réjouissaient de la grande ouverture de la population
chinoise à l'Église catholique, mais ils ne possédaient pas les ressources pour entretenir
assez de catéchuménats et payer assez de catéchistes afin de satisfaire la demande.
Mgr. Côté, qui recevait moins de financement international, dut réduire au minimum les
dépenses des curés, ce qui obligea ces derniers à réévaluer leurs priorités. « On n'a pas
grand'ressources pour vivre! Le P. Beaulieu, à qui les années de brousse et la barbe blanche
confèrent une certaine infaillibilité, est d'avis qu'il faut garder de quoi manger, le P. Bégin
prétend qu'il faut d'abord faire vivre les œuvres et les âmes »267. Les Jésuites du Québec
demandaient une faible contribution équivalente à un dollar canadien pour une entrée au
catéchuménat, mais, en réalité, les paiements variaient selon la capacité financière des
candidats268.
Mgr. Côte convoqua à nouveau les missionnaires en consulte en 1941 pour adapter
les méthodes d'apostolat au manque de ressources. Les Jésuites du Québec décidèrent alors
d'organiser les catéchuménats dans les villages plutôt qu'à proximité des résidences des
curés. Les candidats pouvaient ainsi retourner à leur maison après leur journée de prière et
cuisiner leur propre nourriture. Cette décision parut économe, mais l'évêque remarqua
ensuite le besoin de former et de payer davantage de catéchistes pour accompagner
spirituellement les fidèles dans chaque village269.
266 Voir les statistiques en annexe E.
267 Antonio Dragon, En mission parmi les Rouges, op. cit., pp. 62-63.
268 Les Jésuites du Québec avaient décidé en consulte en 1932 que si les catéchumènes étaient pauvres, ils pouvaient
être exemptés du dollar canadien exigé. Également, des candidats ne payaient rien à leur deuxième entrée au
catéchuménat s'ils n'avaient rien oublié des leçons précédentes. A.M.D.G., « Décisions prises lors de la consulte
du 5 avril 1932 », AJC, M-0009, Cl. 6, no. 54 (5 avril, 1932), p. 1.
269 A.M.D.G., « Consulte de la section de Tangshan à Tangshan », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 151 (7 - 8 sept., 1941),
pp. 3-7. Rosario Renaud, « Status territorii, cum statistica », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 158 (1945-1948), pp. 5-6.
105
L'endettement du vicariat de Xuzhou était si important à la fin de la guerre sinojaponaise que les curés peinaient à payer correctement les catéchistes qui travaillaient pour
eux en nombre qu'ils jugeaient insuffisant. Le P. Dragon constate: « Autrefois, avec ses
honoraires de messe, le missionnaire vivait à l'aise, et, grâce aux subventions de l'évêque, il
pouvait entretenir une trentaine de catéchistes. Aujourd'hui, c'est à peine s'il peut en payer
un ou deux »270. Mgr. Côté attribuait dorénavant en moyenne seulement un domestique et
un catéchiste à chaque paroisse et il donnait environ 500 yuans à chaque missionnaire, ce
qui était tout juste un quart des ressources qu'il pouvait allouer avant l'internement des
Jésuites du Québec à Shanghai. Convaincre les employés de rester au poste contre des
paiements futurs était audacieux puisque ceux-ci avaient peu d'économies. Or, les
catéchistes étaient essentiels pour réunir les chrétiens des campagnes et réorganiser l'Église
du Xuzhou271.
Les catéchuménats introduisaient quelques aspirants à la vie religieuse, mais ces
institutions temporaires n'entretenaient pas une ambiance religieuse propice aux études
jusqu'à la prêtrise. Il fallait d'ailleurs des écoles pour former des catéchistes capables de leur
enseigner. Les Jésuites du Québec misaient sur l'éducation des masses pour étendre
l'influence de l'Église du Xuzhou.
3.2.2 Éduquer l'esprit à l'apostolat
Les écoles des Jésuites du Québec rapprochaient plus facilement les missionnaires
des jeunes Chinois que les catéchuménats272. Des convertis demandaient généralement une
école dans leur région. Dans certains villages, si le chef du lieu acquiesçait à fournir un
local, le curé acceptait d'envoyer et de payer un catéchiste qui devenait l'enseignant pour
faire la leçon. Dans d'autres villages qui préféraient débourser pour la nourriture du
professeur, le curé payait l'école. Or, les ententes n'étaient pas auto-suffisantes. Le
270 Antonio Dragon, En mission parmi les Rouges, op. cit., pp. 51-52.
271 Donat Gariépy, « Lettre annuelles de Suchow pour l'année 1946-1947», AJC, M-0007, Cl. 6, no. 157 (juil., 1947),
p. 12.
272 « Les petits païens nous arrivent pour apprendre à lire, et tout en atteignant leur but, ils apprennent à connaître Notre
Seigneur et toutes les vérités de notre sainte religion », s'exprime Mgr. Marin. Georges Marin, Corr. à l'Œuvre de la
Sainte-Enfance, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 57 (25 sept., 1933), p. 2. Shenwen Li publiera bientôt un article qui
explique le contexte de la création des écoles catholiques administrées par les Jésuites du Québec au Xuzhou.
Shenwen Li, « Les jésuites canadiens-français et leurs écoles catholiques en Chine (1919-1949) », à venir, 16 p.
106
P. Édouard Lafortune raconte qu'il ne savait pas comment financer les écoles à
Sankwanmiao avant que le « […] courrier [lui] apporte une lettre du Canada, et dans cette
lettre l'annonce d'une aumône de cent dollars [canadiens] » qui lui permirent d'ouvrir huit
classes dans sept villages chinois pendant près de six mois 273. D'ailleurs, certaines écoles
étaient très rudimentaires: « On construit une école pour 60 ou 70 piastres [canadiennes],
école de terre et de paille naturellement, et qui sert de maison au professeur et de chapelle
au Père », exprime le P. Muller274. D'autres furent plus dispendieuses. Mgr. Marin
demanda 1500$ aux bienfaiteurs canadiens-français pour bâtir une école à deux étages
en 1932. Un montant de 3000$ fut envoyé par la Procure de Chine pour une autre
institution scolaire l'année suivante. Au total, les Jésuites du Québec finançaient jusqu'à 553
écoles primaires élémentaires, primaires supérieures, secondaires élémentaires et
secondaires supérieures avant 1940275.
Pour répondre à l'intérêt pour l'éducation moderne que les parents du Xuzhou
manifestaient, les Jésuites du Québec entretenaient également deux collèges. Le Collège
Saint-Louis-de-Gonzague, qui avait été organisé par les Jésuites français en 1897 et qui
avait été déménagé à la ville de Xuzhou en 1913, accueillait plusieurs étudiants
depuis 1931. Mgr. Côté commanda l'agrandissement de la résidence principale de Xuzhou
pour en faire un édifice à trois étages de 122 pieds de long par 55 pieds pouvant l'accueillir
pour 1936 et il comptait sur les bienfaiteurs canadiens-français pour lui rembourser les frais
de construction qu'il avança. L'évêque planifia aussi l'érection du Collège Saint-Augustin
qui ouvrit ses portes à la ville de Tangshan trois ans plus tard276.
Les institutions d'enseignement du territoire ecclésiastique de Xuzhou étaient
adaptées pour loger et nourrir plusieurs pensionnaires. Les Jésuites du Québec appréciaient
les contributions des élèves lorsqu'ils en donnaient, mais les écoles catholiques du Xuzhou
rivalisaient avec les écoles du gouvernement nationaliste de Nanjing qui offraient
273 Édouard Lafortune, Canadiens en Chine: croquis du Siutchoufou, op. cit., pp. 160-166.
274 Émile Muller, « Relation Annuelle 1936-1937 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 147 (1937), p. 1.
275 George Marin, Corr. au sup. provincial F.-X. Bellavance, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges IV (3 mai, 1932), p. 3.
Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges II (10 avril, 1933), p. 1. Voir le nombre
des écoles dans le résumé des statistiques de l'Église du Xuzhou en annexe E.
276 Antonio Dragon, En mission parmi les Rouges, op. cit., pp. 38-43.
107
gratuitement leurs cours, et parfois leurs repas, depuis 1928. Les missionnaires devaient
débourser presque la totalité des frais de leurs écoles puisqu'ils désiraient convaincre les
parents - dont plusieurs étaient pauvres - d'envoyer leurs enfants à l'école catholique.
« Financièrement parlant, une école nous coûte en moyenne 90$ à 100$ par an » en salaires,
frais scolaires et nourriture, rapporte le P. Émile Muller277. Le territoire ecclésiastique de
Xuzhou prenait ainsi en charge une moyenne annuelle de près de 8000 étudiants entre 1931
et 1937 et accepta plus de 14 500 admissions lors de l'année administrative 1939-1940278.
Alors que le territoire ecclésiastique de Xuzhou avait engagé entre 250 et 400
enseignants chaque année de 1931 à 1937, il en comptait 663 pour assurer des services
d'éducation compétitifs en 1939-1940. Chaque catéchiste-professeur pouvait coûter
annuellement à la mission de 60$ à 70$ canadiens, auxquels pouvaient s'ajouter
environ 60$ pour la nourriture, là où les catholiques ne collaboraient pas financièrement279.
Les services d'éducation, et parfois le blé acheté pour nourrir les élèves, étaient des
dépenses substantielles pour les paroisses du Xuzhou. Un rapport financier de l'année
administrative 1933-1934 démontre, d'ailleurs, que les curés des paroisses chinoises de
Howkiachwang, de Pihsien et de Matsing débloquaient respectivement 52.4%, 53.8%,
et 67.1% de leur budget paroissial annuel à ce secteur d'activité 280. Le P. Goulet, qui avait
comparé ces dépenses avec celles d'autres territoires ecclésiastiques chinois, commente:
« En fait, je suis persuadé que la moyenne des missions ne dépense pas autant que nous
pour leurs chrétientés et surtout pour leurs écoles »281. Il considérait que le Xuzhou était
l'une des missions chinoises qui accordaient le plus de ressources aux écoles, aux salaires
des professeurs, à la nourriture des élèves et au matériel scolaire.
277 Émile Muller, « Relation Annuelle 1935-1936 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 146 (1936), p. 2.
278 Voir en annexe E le nombre d'étudiants de l'Église du Xuzhou entre août 1931 et août 1940.
279 Émile Muller, « Sectio Tangchan: Relatio annua 1936-1937 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 147 (1937), p. 1. À titre
comparatif, un missionnaire coûtait 20$ à nourrir par mois. J.-Louis Lavoie, Corr. à Rosario Renaud, AJC, M-0007,
Cl. 7, no. 65 (28 avril, 1933), p. 1. Émile Muller, « Sectio Centralis: Relatio annua 1935-1936 », AJC, M-0007,
Cl. 6, no. 146 (1936), p. 2.
280 Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges III (20 déc., 1934), p. 4.
281 Édouard Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 58 (30 nov., 1933), pp. 1-2.
108
L'apostolat par l'éducation, pour lequel les Jésuites du Québec investissaient
largement, fut forcé à plusieurs arrêts durant la guerre sino-japonaise. Le blocus, la
diminution de la valeur des transactions internationales et les contraintes imposées par le
gouvernement d'occupation, comme l'internement à Shanghai, obligèrent le renvoi
d'enseignants et la fermeture de plusieurs écoles. « De sorte que des 321 écoles primaires
du début de septembre 1941, cent ou cent vingt-cinq seulement ont pu finir l'année » 282. Le
manque de ressources empêcha encore un tiers des écoles du territoire ecclésiastique
d'ouvrir leurs classes en 1944283.
Les écoles catholiques qui fonctionnaient au Xuzhou pendant la guerre sinojaponaise étaient, pour la plupart, entretenues par des bienfaiteurs chinois qui payaient et
nourrissaient les professeurs. Cependant, les parents qui déboursaient pour l'éducation de
leurs enfants s'intéressaient peu à l'enseignement de la doctrine catholique et les
missionnaires, qui ne finançaient plus les institutions, perdaient leur autorité sur le
programme de certaines écoles qui se laïcisaient284.
Le financement du Collège Saint-Louis-de-Gonzague était, quant à lui, assuré en
vertu de l'entente signée en 1939 entre Mgr. Côté et le supérieur provincial Émile Papillon.
Par contre, le partage des profits de la Procure de Chine convenu entre les deux
collaborateurs reflétait disproportionnellement les besoins du territoire ecclésiastique.
Puisque les montants attribués aux institutions de la province jésuite du Bas-Canada en
Chine constituaient près de la moitié du financement destiné à la mission de Xuzhou, le
Collège Saint-Louis-de-Gonzague avait les moyens d'engager un corps professoral
compétent que les autres écoles catholiques ne pouvaient pas payer. Le P. Maurice Bégin
constata un grand écart dans la répartition des ressources au Xuzhou en 1942:
282 Anonyme, « Süchow: quelques aperçus sur l'année apostolique », Nouvelles, no. spécial, 4e année
(sept., 1942), p. 17.
283 Maurice Bégin, « Relatio annua du district de Tangshan », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 152 (juin, 1942), p. 1.
284 Les salaires peu élevés n'encourageaient pas la loyauté des professeurs aux programmes des écoles missionnaires.
Maurice Bégin, Ibid, pp. 1-3. Les écoles catholiques du Xuzhou ont « [...] subi une transformation radicale et ne se
distinguent maintenant des écoles païennes que par des signes extérieurs », explique Mgr. Côté. Philippe Côté,
« Relation annuelle 1942-1943 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 153 (1943), p. 24.
109
Quand on voit les professeurs du collège recevoir leur plein salaire de 40$ à 80$ par
mois et jouer à l'argent ou aller se vanter comme le préfet de recevoir 80$ devant le
Ch'i qui lui est supérieur et plus dévoué et ne recevant cependant que 20$. Quand
on voit les banquets payés par le collège et les dizaines de piastres dépensées en
cigarettes par mois, cela crée des situations anormales pas faciles à expliquer. Dans
le même t'ang-li on a de l'argent pour le superflu de certains et pas assez d'argent
pour le nécessaire d'autres285.
L'inégalité des salaires dans les écoles catholiques du territoire ecclésiastique provoquait la
jalousie de quelques enseignants qui préféraient répondre aux commandes des quelques
bienfaiteurs chinois plutôt qu'aux directives des missionnaires. D'autres cherchaient un
travail plus rémunérateur286.
Selon le supérieur provincial Dragon, les collèges du Xuzhou assuraient quand
même l'avenir de la mission puisque les Jésuites du Québec y gagnaient la sympathie d'une
élite chinoise qui avait les moyens de payer une partie des frais scolaires. C'est pourquoi,
les transferts de la Procure de Chine étaient largement investis dans les années 1940 pour en
faire les institutions d'enseignement les plus modernes de la région. En effet, le Collège
Saint-Louis-de-Gonzague reçut 100 000$ des bienfaiteurs canadiens-français pour un
second agrandissement en 1946, puis un pourcentage des aumônes récoltées à la Procure de
Chine pendant les trois années suivantes y était spécifiquement alloué287. Le Collège SaintAugustin, qui devint une propriété de la province jésuite du Bas-Canada en 1947, accusa
aussi réception de contributions considérables de la caisse administrée par le P. Auguste
Gagnon, le supérieur régulier du Xuzhou. Les collèges accueillaient de nombreux élèves.
Certains devenaient catéchistes; d'autres enseignants. Quelques-uns se destinaient à la vie
religieuse, mais les locaux bondés des institutions d'enseignement du Xuzhou ne
permettaient pas la formation complète des vocations288.
285 Maurice Bégin, « Relatio annua du district de Tangshan », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 152 (juin, 1942), p. 2.
286 Anonyme, « Sectio Yaowan: Relatio annua 1947-1948 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 158, p. 1. Veuillez constater en
annexe E de la chute drastique de la quantité des écoles et des enseignants lors de l'année 1942-1943.
287 À propos des modalités de l'entente signée en 1947, voir la partie 2.1.3 du chapitre 2.
288 Anonyme, « Süchow: quelques aperçus sur l'année apostolique », Nouvelles, no. spécial, 4e année (sept., 1942),
p. 13. Antonio Dragon, Corr. au sup. général Janssens, AJC, M-0007, Cl.8, no. 3 (22 avril, 1946), p. 1. Antonio
Dragon, En mission parmi les Rouges, op. cit., pp. 42-43, 51-52 et 115.
110
3.2.3 Consolider les vocations
L'importance de former un clergé chinois complet pour la Chine était rappelée à
plusieurs reprises par le Saint-Siège289. La préparation de prêtres et de religieuses d'origine
chinoise posait toutefois quelques défis aux Jésuites du Québec. Les catéchuménats et les
écoles du Xuzhou permettaient aux missionnaires de repérer de jeunes aspirants à la vie
religieuse, mais le territoire ecclésiastique n'était pas doté d'institutions spécialisées pour les
encourager convenablement290.
Le projet de fonder un séminaire était envisagé dès le mandat du P. Édouard
Lafortune comme supérieur de la région. Mgr. Costantini recommanda la création de
classes de latin pour évaluer la facilité de recruter des vocations au Xuzhou. Un groupe
expérimental de 27 latinistes fut formé en 1930 et fut envoyé à Zikawei pour poursuivre ses
études religieuses291. Le Père Lafortune évalua le dilemme financier:
Sur quinze ou vingt qui en ont fait l'essai, deux seulement ont pu persévérer
[avant 1931]. Faut-il donc recommencer l'essai, et envoyer de nouveaux candidats à
Chang-hai [Shanghai]? Si c'était l'unique moyen d'obtenir quelques résultats, il
faudrait consentir à faire les dépenses considérables que l'essai entraînerait. Mais
alors, ce ne serait plus notre séminaire du Siu-tcheou fou [Xuzhou] 292.
Le projet de construire un séminaire pour former des vocations chinoises au Xuzhou fut
planifié pour 1935. Deux collèges jésuites canadiens offrirent un total de 1460$ canadiens
en 1932 pour permettre sa réalisation, mais le capital en argent fut utilisé pour financer des
catéchuménats et des écoles293. Mgr. Marin chercha à emprunter pour se faire rembourser
plus tard, mais il rencontra plusieurs problèmes; il fallait acheter un terrain et importer des
289 La construction de séminaires offrant des cours de qualité était le moyen privilégié par la papauté pour former des
prêtres fidèles au Saint-Siège. À propos des instructions pontificales de Alexandre VI à Pie XII, voir la partie 1.1.1
du chapitre 1.
290 Le problème du séminaire au Xuzhou était connu et adressé avant même la prise en charge de la mission par les
Jésuites du Québec. Édouard Lafortune en fit le sujet d'un chapitre entier intitulé « Aurons-nous un séminaire au
Siu-tcheou fou? ». Édouard Lafortune, Canadiens en Chine: croquis du Siu-tcheoufou, Missions des Jésuites du
Canada. Montréal, L'Action Paroissiale, 1930, pp. 223-330.
291 Mgr. Marin rappela cet historique dans une demande de subventions aux conseils pontificaux. Georges Marin, Corr.
à Mario Zanin à l'Œuvre de Saint-Pierre-Apôtre, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (19 déc., 1932), p. 2.
292 Édouard Lafortune, op. cit, p. 228.
293 Alors que le Collège Sainte-Marie donna 1260$, le Collège St-Ignace contribua pour 200$. Rosario Renaud, Corr. à
Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (31 juil., 1932), pp. 2-3. Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC,
M-0007, Cl. 6, no. 57 (6 août, 1933), pp. 1-2.
111
matériaux. « Cette affaire de petit-séminaire commence à me tourmenter. Je ne sais pas si je
pourrai aboutir dans un proche avenir. Enfin il y a la sale question d'argent. Pourrai-je
construire? », écrit-il294. Il semble que ni Nankin ni le Saint-Siège ni la Procure de Chine
n'avaient les 15 000$ canadiens que l'administrateur apostolique jugeait nécessaires pour
entreprendre cette construction295.
Entre temps, les candidats à la prêtrise commençaient leurs études dans l'une des
trois classes organisées par les Jésuites du Québec dans les écoles des villes de Xuzhou, de
Yaowan et de Tangshan. Des bourses d'études de 50$ par séminariste étaient comblées par
des bienfaiteurs canadiens-français pour permettre à des candidats de continuer leurs
formations dans les séminaires des missions voisines. Le séminariste Jean Pong, qui fit le
sujet d'un article dans la revue missionnaire Le Brigand, fut ainsi encouragé à poursuivre
son cheminement dans le vicariat voisin de Wuhu296. Plus de quarante séminaristes partaient
aussi pour Sienhsien, Tientsin, Nankwo et Zikawei entre 1931 et 1935. Or, la majorité
abandonnait l'épreuve à cause de la distance avec leur famille, du climat et de la nourriture
qu'ils ne toléraient pas297.
L'équivalent de 560$ de l'Œuvre de Saint-Pierre-Apôtre (1934), de 500$ du
supérieur général Ledochowski (1935) et de 3156$ de la Procure de Chine (1936) furent
destinés à la construction du séminaire du Xuzhou298. Toutefois, ces montants contribuèrent
plutôt au projet d'agrandissement de la résidence principale de Xuzhou qui accueillit le
Collège Saint-Louis-de-Gonzague en 1936. Mgr. Côté informa le supérieur provincial
294 Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 57 (6 août, 1933), p. 1.
295 Georges Marin, Corr. à l'abbé Jeannotte, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (8 avril, 1932), pp. 1-2. Georges Marin, Corr.
au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges IV (11 juin, 1933),p. 1.
296 Aza Souligny, « P'eng Tcheou-tchong ou Petit-Jean », Le Brigand, no. 5 (nov., 1930), p. 11. Georges Marin, Corr. à
J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 53 (12 nov., 1931), pp. 2 et 4. Des 32 séminaristes qui sont restés au
Xuzhou en 1933, 16 étudiaient à la ville de Xuzhou, 10 à Yaowan et 6 à Tangshan. Georges Marin, Corr. au
secrétaire de l'Œuvre de Saint-Pierre-Apôtre, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 58 (22 déc., 1933), p. 1.
297 Mgrs. Marin et Côté considéraient dispendieux les montants déboursés pour la formation des séminaristes du
Xuzhou dans les missions voisines. Cette rhétorique avait du moins l'effet d'encourager la fondation de bourses
d'études pour les aspirants à la vie religieuse. Georges Marin, « Lettre aux bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 4, Marin
Georges II (juil., 1932), p. 4. Philippe Côté, « Lettre aux bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 2, Côte Philippe II
(28 oct., 1936), p. 3.
298 Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 61 (1 er août, 1934), p. 2. Adrien Sansoucy, Corr. à
Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 65 (6 mai, 1935), p. 1. Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Émile
Papillon, AJC, M-0007, Cl. 8, no 2 (27 avril, 1936), p. 1.
112
Dugré de la manœuvre: « [...] je me sers de l'argent du petit-séminaire pour faire cette
construction, environ 16 000 [yuans] »299. En contrepartie, l'évêque lança la formule du
« collège-séminaire » et organisa l'ouverture de classes regroupant les séminaristes dans les
locaux du Collège qui devint une propriété de la province jésuite du Bas-Canada en 1939300.
Un séminaire fut finalement financé et ouvert à la ville de Xuzhou le 2 février 1938
au moment où l'état de guerre décourageait les candidats en religion. Le P. Joseph Caron,
qui fut nommé directeur de l'œuvre, parvint à regrouper quelque 25 séminaristes chinois.
Huit de ces derniers entrèrent dans la Compagnie de Jésus. Six poursuivirent leurs études
jusqu'à la théologie. Et, alors que le séminariste André Tcheou partit pour Pékin afin
d'achever son cheminement, le séminariste Thomas T'sien fut officiellement ordonné prêtre
en 1945301.
Les religieuses chinoises du Xuzhou, les présentandines, suivaient un parcours
similaire à celui des séminaristes du Xuzhou depuis 1931. Le recrutement des aspirantes à
la vie religieuse était difficile, car les familles des jeunes filles planifiaient leur mariage
selon les coutumes chinoises. Des bourses de 50$ pour chaque candidate étaient également
offertes par des bienfaiteurs canadiens-français pour les inciter à poursuivre leur
cheminement dans les missions voisines de Pengpu et de Shanghai. Leur formation étant
moins longue que celles des prêtres, 21 recrues accomplissaient le parcours spirituel jusqu'à
devenir des présentandines dans les années 1930. Une partie du Collège Saint-Augustin
leur fut confiée en 1939 pour former d'autres religieuses du Xuzhou. Optimiste, Mgr. Côté
écrit: « On peut espérer que les présentandines du Suchow recevront bientôt leur autonomie
et se recruteront désormais exclusivement parmi les filles du pays »302.
299 Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe VII (30 oct., 1936), p. 1.
300 La formule du « collège-séminaire » de Mgr. Côté fut à l'affiche de la publicité pour le Xuzhou dans Jean d'Auteuil
Richard, « Notre neuvième évêque missionnaire », Le Devoir, 24 sept., 1935, p. 3.
301 Veuillez ne pas confondre Thomas T'sien du Xuzhou et Thomas T'ien qui fut nommé cardinal de Chine l'année
suivante. Antonio Dragon, En mission parmi les Rouges, op. cit., p. 108. Donat Gariépy, « Lettre annuelle de
Suchow pour l'année 1946-1947», AJC, M-0007, Cl. 6, no. 157 (juil., 1947), p. 10. Rosario Renaud
dénombre 61 prêtres séculiers chinois qui auraient œuvré dans la région du Xuzhou entre 1931 et 1956, mais très
peu d'entre eux furent ordonnés au Xuzhou avant 1944. De ce total, au moins les trois quarts étaient attribués par le
vicariat français de Nankin ou provenaient d'autres missions voisines. Une douzaine arrivèrent au Xuzhou
après 1949 pour remplacer les Jésuites du Québec. Rosario Renaud, Süchow: diocèse de Chine, op. cit., pp. 454-456.
302 Philippe Côté, Corr. au P. Allaire, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (5 mars, 1937), p. 1. Léonard Lévesque,
« Suchow », Ballarmino, no. 9 (déc., 1940), p. 124. Philippe Côté, « Relation annuelle 1942-1943 », AJC, M-0007,
113
Les prêtres chinois, et surtout les présentandines, qui avaient été formés sous la
supervision des Jésuites du Québec, aidaient à réorganiser l'Église du Xuzhou durant
l'après-guerre alors que les catéchistes manquaient faute de ressources pour les payer. Les
dons des bienfaiteurs canadiens-français et les contributions de la province jésuite du BasCanada, qui avaient été acheminés par la Procure de Chine, avaient financé la fondation et
l'entretien de plusieurs institutions. Toutefois, les catholiques du Xuzhou avaient été
dispersés par l'occupation japonaise et la guerre civile, le nombre des catéchumènes était
plus bas qu'en 1931 et le territoire ecclésiastique, endetté, n'engageait pas suffisamment
d'enseignants pour superviser ses écoles. Le financement des collèges du Xuzhou avait été
priorisé sur la construction de bâtiments spécifiquement dédiés à la formation d'un clergé
chinois. De nombreuses anicroches ralentissaient la consolidation de l'Église du Xuzhou.
3.3 Traité de missiologie: les obstacles à l'évangélisation du Xuzhou
Les Jésuites du Québec reconnaissaient l'importance d'adapter leurs approches
apostoliques en fonction des besoins de la population du Xuzhou. Ils modifiaient leurs
méthodes pour répondre à leur mandat, mais plusieurs complications dispendieuses
enrayaient leurs efforts. Le financement venait toujours à manquer puisque l'Église du
Xuzhou grandissait dans une région sujette aux imprévus climatiques, politiques et sociaux.
Les missionnaires partageaient le quotidien tourmenté des catholiques de la Grande Plaine
chinoise.
3.3.1 Des séries de calamités naturelles
Les Jésuites du Québec constataient que la précarité de la condition de vie des
fidèles du Xuzhou les rendait incapables de contribuer à l'Église et à ses institutions. Une
population très dense de six millions pour un territoire qui « […] ne comblerait pas l'espace
qui sépare Montréal et Québec » aggravait la pauvreté au Xuzhou303. L'agriculture était
l'occupation principale des habitants de la région et chaque famille paysanne, qui avait en
moyenne trois acres de terre, récoltait tout juste le nécessaire pour se nourrir. La quête de
Cl. 6, no. 153 (1943), p. 34.
303 Georges Marin, « Lettre aux bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 143 (déc., 1933), p. 2.
114
subsistance encourageait le développement d'améliorations techniques, mais les systèmes
d'irrigation étaient presque absents au Xuzhou304.
Les Jésuites du Québec témoignaient de l'endettement que la majorité des paysans
accumulait lors des années de mauvaises récoltes pour acheter du grain dont le prix
fluctuait selon la spéculation des grands investisseurs305. Mgr. Côté expliquait aux
bienfaiteurs: « Lorsque les récoltes sont bonnes la population y vit mais ne s'enrichit
pas »306. Les chemins de fer qui se croisaient à la ville de Xuzhou, ainsi que le Grand Canal,
favorisaient la commercialisation des produits agricoles sur les marchés urbains. La
migration des denrées vers les centres en développement limitait la quantité des réserves
alimentaires conservées sur place pour les périodes de mauvaises récoltes. L'absence de
provision de secours devenait mortelle aux moments d'imprévus climatiques307.
Une inondation majeure ravagea le Xuzhou en 1931. L'observatoire météorologique
des Jésuites français à Zikawei avertit les Jésuites du Québec de pluies torrentielles
amenées par des typhons venus du Sud. Le fleuve Yangzi brisa les digues mal entretenues
du Grand Canal, déborda, puis passa au travers du Xuzhou. Presque toutes les récoltes
furent perdues sur le territoire ecclésiastique. Les bâtiments des paroisses de Fenghsien,
Howkiachwang, Peihsien, Pihsien, Taitaolow, Tangshan, Tasukia, Wutwan et Yushan furent
les plus endommagés. Quelques chapelles, églises et écoles furent emportées par les eaux.
Mgr. Marin évalua à entre 3000$ et 4000$ canadiens les pertes de l'Église308.
304 Georges Marin, Corr. à Eugène Mério, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (29 nov., 1932), p. 1. Rosario Renaud, Süchow:
diocèse de Chine, Montréal, Bellarmin, 1955, pp. 27-34. Selon Smil, la diète chinoise dépendait à 90% sur des
céréales ou sur le riz. La moyenne de la consommation quotidienne d'un paysan des années 1930 était
de 2.000 à 2.100 calories, ce qui était tout juste le nécessaire pour vivre. Vaclav Smil, « China's Food: Availability,
Requirements, Composition, Prospects », Food Policy, Vol. 6, no. 2 (1981), p. 69. La région du Xuzhou était
également occupée de quelques industries. Shenwen Li, « Les jésuites canadiens-français et leur mission en
Chine, 1918-1945 », op cit., p. 331.
305 Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 2, Corr. III et dossiers personnels des
missionnaires, Côté Philippe VIII (27 mai, 1936), p. 1. Au sujet de la situation économique dans les villes du Nord
de la Chine, voir Ramon H. Myers, « North China Villages During the Republican Period: Socioeconomic
Relationships », Modern China, vol. 6, no. 3 (juil., 1980), pp. 256-258.
306 Philippe Côté, « Lettre aux bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (28 oct., 1936), p. 3.
307 Georges Marin, « Lettre aux bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (26 mars, 1932), pp. 3-5. Selon Wright, plus
la région était proche des chemins de fer et des centres de liquidation des produits, moins le grain était stocké. Tim
Wright, « Distant Thunder: The Regional Economies of Southwest China and the Impact of the Great Depression »,
Modern Asian Studies, vol. 34, no. 3 (juil., 2000), p. 700.
308 Georges Marin, « Journal de la mission de Suchow », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 53 (5 oct., 1931), pp. 3-4. Georges
115
Une situation semblable accueillit la consécration de Mgr. Côté en 1935: « Peihsien
a trois ou quatre de ses chapelles de chrétientés dans l'eau; tous les murs en terre sont
tombés. [...] des villages entiers où nous n'avons pas de chapelles sont complètement
détruits. Il y a un pied d'eau dans l'enclos de la résidence à Tasukia » 309. Les Jésuites du
Québec allèrent en barques aider des victimes qui s'étaient réfugiées dans des arbres et sur
les toits des chaumières. Les paysans durent attendre la fuite complète des eaux avant
d'espérer une prochaine récolte plusieurs mois plus tard. Les pauvres furent condamnés à la
disette, puis à la famine. Des épidémies de choléra, de malaria et de peste décimèrent un
grand nombre d'entre eux. L'évêque lança un appel aux bienfaiteurs canadiens-français pour
aider les victimes du désastre310.
Les transferts de la Procure de Chine s'élevèrent à 26 848,87$ et 33 353,49$
en 1935-1936 et en 1936-1937. Mgr. Haouisée lança une souscription aux missions
chinoises voisines pour aider les habitants du Xuzhou. Le Saint-Siège donna 3000 yuans
pour les inondés de la région. Les Jésuites du Québec utilisèrent la majeure partie de ces
ressources pour venir en aide aux réfugiés. Mgr. Côte présidait le Suchow International
Relief Committee et plusieurs missionnaires secondaient la Croix-Rouge. Le P. Oscar
Doyon fut assigné à temps plein aux relations extérieures. Les curés multipliaient les
aumônes pour répondre à la mendicité. Ils distribuaient aussi de la nourriture et des
vêtements. Ces initiatives favorisaient la stabilité dans les campagnes chinoises du Xuzhou,
mais elles étaient coûteuses311.
Marin, Corr. au sup. provincial F.-X. Bellavance, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges IV (3 mai, 1932), p. 5.
Mgr. Marin compara le fleuve St-Laurent et le Grand Canal pour expliquer la raison des inondations au Xuzhou:
« En Canada, l'on doit sans cesse creuser le St-Laurent. En Chine, on ne se préoccupe jamais des alluvions qui
comblent peu à peu les canaux, l'on se contente de surélever continuellement des remparts sur chaque rive, au point
qu'en certains endroits, le fond même du canal domine les contrées avoisinantes ». Georges Marin, « Lettre aux
bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 143 (déc., 1933), p. 4. Les paroisses affectées par l'inondation de 1931
étaient celles du Nord de la mission. Voir la carte du Xuzhou en annexe B.
309 Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (avril, 1936), p. 1.
310 Ibid., pp. 1-2. Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II
(37 mai, 1936), p. 1.
311 Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 53 (5 oct., 1931), p. 2. Mgr. Côté identifia trois
moyens principaux pour aider les victimes de l'inondation: construire des habitations, donner du grain pour la
prochaine semence et distribuer de la nourriture. Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Adélard Dugr é, AJC,
M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (avril, 1936), p. 2. Les Jésuites du Québec étaient également impliqués dans le
United Nations Relief Rehabilitation Association, le China Nation Relief Rehabilitation et le China Catholic Welfare
Committee. Donat Gariépy, « Lettres annuelles de Suchow pour l'année 1946-1947 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 157
116
Plusieurs paroissiens demeuraient dans la misère durant la guerre sino-japonaise. Le
coût de la vie augmenta en Chine et les papiers-monnaies de trois gouvernements différents
étaient en circulation au Xuzhou. Une forte dévaluation de la monnaie d'argent força un
retour temporaire à la pratique du troc. Le blé, qui avait une valeur plus stable, servit de
moyen d'échange et de salaire. Des fidèles souffraient de privations s'ils contribuaient aux
catéchuménats et aux écoles catholiques. La plupart du temps, c'était plutôt les Jésuites du
Québec qui donnaient les aumônes. Mgr. Côté témoigne: « Ils aiment le missionnaire. C'est
à lui qu'ils viennent dans toutes leurs difficultés. Mais comme ils sont presque toujours aux
prises avec la misère ils deviennent, inconsciemment, à charge » 312. Les habitants du
Xuzhou se tournaient vers les Jésuites du Québec lorsqu'ils avaient besoin d'assistance.
Alors que les gouvernements échangeaient leurs tirs en sol chinois, la jeune Église du
Xuzhou était une institution rassurante.
3.3.2 Des conflits militaires et des régimes instables
Les Jésuites du Québec négociaient avec trois administrations différentes pour
poursuivre leurs activités apostoliques en Chine entre 1931 et 1949. Ils rencontrèrent pour
la première fois les hommes du Généralissime Jiang Jieshi lorsque, en 1927, l'Armée
nationale révolutionnaire occupa les locaux de l'Église du Xuzhou pour se reposer avant de
baser un gouvernement à Nanjing de 1928 à 1937. Le régime nationaliste local était peu
collaborateur aux objectifs des Jésuites du Québec313.
La reconnaissance par Nanjing des terrains dotés à la préfecture apostolique de
Xuzhou en 1931 constitua une difficulté majeure. Puisque la plupart des permis, qui avaient
été acquis par les Jésuites français grâce aux traités des guerres de l'Opium, furent révisés
par le nouveau gouvernement, les achats et les constructions qui furent complétés suite à
l'adoption d'un nouveau règlement sur les cadastrations, le Règlement de 1928, durent être
soumis à des normes strictes, qui dictaient l'obligation d'inscrire les terrains comme des
(1947), p. 5.
312 Philippe Côté, « Lettre aux bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (28 oct., 1936), p. 2. Antonio
Dragon, En mission parmi les Rouges, op. cit., pp. 31-32.
313 Mgr. Marin évoque le souvenir des razzias et du passage des troupes nationalistes au Xuzhou en 1927. Georges
Marin, « Lettre aux bienfaiteurs », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 52 (5 janv., 1931), pp. 1-3.
117
locations plutôt que comme des acquisitions officielles. Pour cette raison, certains biens de
l'héritage des Jésuites français demeuraient en litiges. Confronté à plusieurs impasses,
Mgr. Marin insistait sur le fait que les versements de la Procure de Chine étaient
conditionnels aux achats de nouveaux terrains314.
L'affaire de la reconnaissance d'un terrain de la paroisse de Fenghsien était un
problème pesant315. L'emplacement, qui avait été acheté autour de 1913, abritait une école
catholique emmurée. Le chef du gouvernement local, M. Tong Yu-Kio, était catégorique
dans son refus d'allouer le terrain à des œuvres religieuses même si cet usage respectait
l'acte no°5 du Règlement de 1928. Occupée par des soldats du district, endommagée par les
hommes du gouverneur de la ville, puis utilisée avec la permission du Bureau de
l'Éducation local comme un espace de jeux par les élèves de l'école gouvernementale
voisine, l'institution d'enseignement catholique qui y logeait fonctionnait dans l'insécurité.
Le P. Augustin Gagnon, qui était alors le curé de Fenghsien, annulait à l'occasion ses
vacances d'été pour éviter de perdre la propriété. Mgr. Marin, qui prenait la menace très au
sérieux, contacta l'auditeur de la Délégation apostolique de Chine pour l'informer que si les
responsables du gouvernement local « [...] gagnent leur point, ce sera[it] un précédent
dangereux, non seulement pour nous, mais pour toutes les missions en Chine » 316. Des actes
intimidants étaient dirigés contre l'Église catholique à Fenghsien jusqu'en 1937317.
Un procès pour un terrain de trois acres acheté près de la gare de train du Nord de la
ville de Xuzhou, à Patzekiai, était encore plus décourageant. Mgr. Marin, qui souhaitait y
bâtir le séminaire, perdit beaucoup de temps et d'argent pour le faire enregistrer. Le sous314 Augustin Haouisée, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 76 (4 juil., 1931), p. 2. Georges
Marin, « Lettres annuelles de la mission de Suchow 1931-1932 », AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges II
(oct., 1932), p. 2. Georges Marin, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges IV
(30 août, 1933), p. 2. Idem, (26 mai, 1935), p. 2.
315 Mgr. Marin nomma Sainte-Thérèse de Lisieux patronne de la paroisse de Fenghsien dans l'espoir que le dossier se
règle plus rapidement. Wi Tei-fou (J.-Louis Lavoie), « Extraits d'une communication du R. P. Geo. Marin, S.J.,
Supérieur », Le Brigand, no. 11 (oct., 1931), pp. 10-11.
316 Georges Marin, Corr. à Mgr. Antoniutti, l'auditeur de la Délégation Apostolique, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 57
(13 août, 1933), p. 1.
317 Georges Marin, Corr. au P. Verdier, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 59 (17 mars, 1934), p. 1. Philippe Côté, Corr. au
sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 2, Corr. III et dossiers personnels des missionnaires, Côté
Philippe VIII (27 mai, 1936), p. 1. Émile Muller, « Sectio Tangchan: Relatio annua 1936-1937 », AJC, M-0007,
Cl. 6, no. 147 (1937), p. 1.
118
préfet, M. Tchao Koang-tao, résistait à toutes les tentatives de faire reconnaître les papiers
officiels qui avaient été signés par son prédécesseur, M. Wang Kong-Yu. Le mur érigé
autour de la propriété fut démoli par les hommes du district. Puisque l'affaire faisait l'objet
d'articles anti-catholiques calomnieux dans les journaux locaux, l'idée de bâtir fut
abandonnée jusqu'à la conquête du territoire par l'armée nipponne en 1937 318. En définitive,
Mgr. Côté prit la décision d'ériger le séminaire sur un autre terrain de la ville de Xuzhou
en 1938.
L'occupation militaire japonaise annula les tensions sur la reconnaissance des
terrains, mais l'avancée de l'armée nipponne exposa les biens de l'Église du Xuzhou à des
dommages dont les réparations étaient très onéreuses. Le P. Aurélien Demers rapporte que
« […] quelques villages chrétiens étaient complètement pillés par les soldats » 319.
Rançonnés, les habitants du Xuzhou préféraient se cacher plutôt que de fréquenter les
catéchuménats, les écoles ou le séminaire. Des locaux furent occupés, des montants
d'argent furent réquisitionnés et des bâtiments du territoire ecclésiastique furent lourdement
endommagés lors des affrontements armés. Le P. Gagnon insista, par exemple, en 1939,
pour faire connaître aux bienfaiteurs canadiens-français « les besoins immédiats de la
mission 1) 5000$ pour réparer la pro-cathédrale, bien endommagée par les bombes
2) 5000$ pour la résidence et le Collège [Saint-Louis-de-Gonzague] qui ont pas mal
soufferts par la même cause 3) 10 000$ pour les chapelles des divers districts du vicariat
détruites par l'incendie ou les bombes »320. Or, un total de seulement 66 036$ était transféré
par la Procure de Chine pour payer les dégâts pour toute la durée de la guerre sinojaponaise. Les Jésuites du Québec observaient les directives pontificales en restant quand
même en Chine. Ils épuisaient leurs ressources à abriter et à encadrer de nombreux réfugiés
jusqu'à ce qu'ils soient forcés par les autorités nipponnes à respecter un périmètre de quinze
318 Georges Marin, Corr. au sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Corr. III et dossiers personnels des
missionnaires, Marin Georges III (26 mai, 1935), pp. 1-2. Georges Marin, Corr. à Adrien Sansoucy, AJC, M-0007,
Cl. 6, no. 65 (8 juin, 1935), p. 1.
319 Aurélien Demers, « Section Fonghsien: Relatio annua 1941-1942 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 152 (1942), p. 2.
320 Auguste Gagnon, « Sectio Tangshan: Relatio annua 1938-1939 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 149 (1939), p. 2. Par
exemple, des soldats nippons saisirent 675 yuans à la mission. Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Émile
Papillon, AJC, M-0007, Cl. 8, Côté Philippe II (24 sept., 1939), p. 2. L'armée japonaise démolit une église-école de
la mission pour en réquisitionner les briques. Anonyme, « Sectio Tangshan: Relatio annua 1945-1946 », AJC,
M-0007, Cl. 6, no. 156 (juin, 1946), p. 3.
119
à vingt kilomètres autour de leurs résidences paroissiales, puis à être internés de
novembre 1943 à août 1945321. Pendant ce temps, la mission de Xuzhou s'endettait
de 165 000$ canadiens.
Somme toute, les dons des bienfaiteurs canadiens-français que la Procure de Chine
transférait en Chine servaient davantage à réparer des dommages qu'à accélérer la
consolidation du catholicisme. L'impossibilité de ravitailler correctement la mission
pendant la guerre sino-japonaise aggrava la situation financière de l'Église du Xuzhou.
Plusieurs catéchistes et de nombreux enseignants quittèrent les catéchuménats et les écoles
lors de l'internement des Jésuites du Québec entre 1943 et 1945. Certains furent même
engagés par l'armée japonaise qui offrait des salaires compétitifs pour organiser son régime
d'occupation militaire. Les officiers nippons encourageaient notamment les regroupements
de bandits qu'ils recrutaient comme mercenaires pour conserver leur autorité sur les
campagnes du Xuzhou et l'Église en souffrait322.
3.3.3 Des brigands et des « Rouges »
La précarité de la condition de vie et l'instabilité du gouvernement motivaient le
mécontentement et l'émergence de manifestations sociales de plus en plus violentes qui
entraînèrent la militarisation de la paysannerie chinoise. La région du Xuzhou était réputée
pour ses brigands. Ces derniers ciblaient principalement les riches propriétés, les caravanes
marchandes, les cargaisons de ravitaillement et les bâtiments des missionnaires. Des
rançonnages aux Jésuites du Québec évoquaient à l'occasion le souvenir de l'assaut subi par
le P. Lavoie à Howkiachwang en 1926323.
321 Les Jésuites du Québec participèrent à l'organisation de zones de sécurité pour les réfugiés au Xuzhou afin de limiter
les massacres de civils comme celui qui avait eu lieu à la ville de Nanjing en 1937. Aurélien Demers, « Sectio
Fonghsien: Relatio annua 1941-1942 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 152 (1942), p. 1. Georges Marin, Corr. au
sup. provincial Antonio Dragon, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges VII (8 sept., 1943), p. 1. Le P. Maurice
Belhumeur fut envoyé comme bénévole pour aider des victimes à Shanghai. Voir John David Meehan, « Un îlot de
refuge: la "Zone Jacquinot" et la guerre de Shanghai, 1937 », dans Shenwen Li et al., op. cit., p. 387.
322 Philippe Côté, « Relation annuelle 1942-1943 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 153 (1943), p. 20. Anonyme, « Sectio
Tangshan, Relatio annua », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 156 (juin, 1946), p. 3.
323 Les activités des brigands étaient endémiques dans les provinces chinoises du Zhili, du Shandong, du Henan et du
Jiangsu. Bilingsley identifie cinq causes du banditisme sur la Grande Plaine chinoise: la géographie, la tradition
militaire, la condition politique, la paupérisation de la société et la surpopulation. Phil Billingsley, Bandits in
Republic China, Stanford, Stanford University Press, 1988, pp. 5, 16, 20, 41 et 281. Selon Rosario Renaud, le
banditisme était un phénomène endémique incontournable au Xuzhou. Rosario Renaud, Süchow. Diocèse de Chine,
Montréal, Éditions Bellarmin, 1955, pp. 385-412.
120
Le P. Henri Plamondon exprima la peur qu'il ressentit le 2 août 1932 lors d'une
attaque sur Matsing qui lui coûta 500$ canadiens. Le Brigand lui accorda deux numéros
pour récolter des aumônes auprès des bienfaiteurs canadiens-français afin de remplir sa
cagnotte vidée324. Un autre brigandage avait lieu à Taitaolow où un catholique chinois fut
amené en justice pour avoir battu une présentandine et volé les effets personnels du curé
d'une valeur de 50$ canadiens. Le suspect fut relâché par les autorités locales qui, peu
intéressées par la cause, ne retinrent aucun motif pour le garder en prison. Des vols à main
armée et des incendies criminels furent enregistrés à Tushan. Au début des années 1940,
Mgr. Côté ajoute: « [les habitants] du village de Wangko notamment sont revenus à leurs
instincts de pillards et ont à plusieurs reprises dans l'année dévalisé le Père »325. La
résidence paroissiale de Ta-miao fut complètement vidée en 1946. Attirés par la valeur du
matériel de l'Église, les bandits s'attaquaient également à des catholiques démunis pour
agrandir leurs rangs et élargir leur influence326.
La crainte que les brigands faisaient régner au Xuzhou motiva la renaissance de
sociétés secrètes comme celle du « Grand Couteau » qui gagnaient la faveur de certains
catholiques de la mission et nuisaient aux activités des Jésuites du Québec327. Des fidèles de
l'Église du Xuzhou, qui ne donnaient pas la dîme, financèrent, par contre, la construction
d'une nouvelle pagode bouddhiste associée à la société secrète à Sutsien. Puisque des
périphéries de la mission, comme Wangko, étaient sans service religieux catholique
de 1938 à 1945, plusieurs catholiques, croyant au départ définitif des missionnaires,
délaissèrent les pratiques chrétiennes qu'ils avaient apprises dans les catéchuménats. À leur
324 À ce sujet, voir la partie 2.2.2 du chapitre 2. Henri Plamondon, « Une histoire de brigands », Le Brigand, no. 24
(nov., 1933), p. 10. J.-Louis Lavoie, « Échos et variétés », Le Brigand, no. 25 (déc., 1933), p. 9.
325 Philippe Côté, « Relation annuelle 1942-1943 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 153 (1943), p. 19.
326 Plusieurs récits de brigandages sont relatés par la correspondance des Jésuites du Québec. Georges Marin,
« Événements de janvier 1932 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (1932), p. 2. Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie,
AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges II (10 avril, 1933), p. 2. Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007,
Cl. 6, no. 59 (29 mars, 1934), pp. 1-2. Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Émile Papillon, AJC, M-0007, Cl. 2,
Côté Philippe VIII (16 oct., 1938), p. 1. Donat Gariépy, « Lettre annuelle de Suchow pour l'année 1946-1947 »,
AJC, M-0007, Cl. 6, no. 157 (juil., 1947), p. 11.
327 Rosario Renaud explique que la société du Grand Couteau était hostile à l'Église. Ses membres se ralliaient au
slogan « Mort aux étrangers et aux chrétiens! ». Rosario Renaud, Süchow: diocèse de Chine, op. cit., pp. 171-191.
Pour davantage de réflexions sur les relations entre les bandits et les sociétés secrètes, veuillez consulter R.G.
Tiedemann, « The Persistence of Banditry: Incidents in Border Districts of the North China Plain », Modern China,
vol. 8, no. 4 (oct., 1982), p. 414.
121
retour au Xuzhou après leur internement à Shanghai, les Jésuites du Québec constatèrent
avec regret que d'autres avaient aussi complètement renié l'Église catholique pour
embrasser le marxisme-léninisme328.
Le communisme fit son entrée au Jiangsu à la faveur de l'alliance anti-japonaise
conclue en 1936 entre l'Armée nationale révolutionnaire et l'Armée rouge. Le Parti
communiste chinois gagna rapidement la collaboration des paysans au Xuzhou. Il supervisa
d'abord des regroupements dans quelques villages du territoire ecclésiastique, puis, lorsque
la guerre sino-japonaise tirait à sa fin, il commanda l'occupation graduelle de la région.
L'Armée nationale révolutionnaire et l'Armée rouge s'affrontèrent au Xuzhou dès 1946 et y
endommagèrent des biens de la mission canadienne-française. L'Armée nationale
révolutionnaire résista à partir des villes de Tangshan et de Xuzhou329.
À mesure que les communistes progressaient au Xuzhou, les Jésuites du Québec
racontent les nombreuses démolitions qui étaient organisées pour supprimer la propriété
privée et la religion. Plusieurs furent dirigées contre l'Église. Les murailles des terrains du
territoire ecclésiastique furent systématiquement démolies. La paroisse de Yentow fut
complètement rasée. Les paroisses de Fenghsien, de Howkiachwang et de Wangko furent
pillées. D'autres chapelles et écoles furent détruites330.
Les institutions de l'Église du Xuzhou, qui furent sauvées par les interventions des
fidèles, des prêtres chinois, des présentandines et des missionnaires, opéraient dans
l'incertitude. Des propagandistes bruyants interrompaient des cérémonies religieuses.
L'église de P'ihsien fut convertie en poste de télécommunication coordonnateur des attaques
de l'Armée rouge sur la ville de Xuzhou. Le désarroi était total chez les Jésuites du Québec
lorsqu'ils apprirent qu'un catéchiste utilisait les locaux du diocèse pour offrir des leçons
328 Philippe Côté, « Relation annuelle 1942-1943 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 153 (1943), p. 8. Plusieurs noms de
Chinois catholiques figuraient sur la liste des bienfaiteurs du temple bouddhiste érigé à Sutsien. Charles Freuler,
« Sectio Yaowan: Relatio annua 1947-1948 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 158 (1948), p. 1.
329 Des paroisses comme celle de Tushan étaient politiquement et économiquement gouvernées par les communistes
depuis 1941. À propos des batailles majeures au Xuzhou, voir Jacques Langlais, op. cit., pp. 72-78.
330 Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Antonio Dragon, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe VIII (20 nov., 1945),
pp. 1-7.
122
gratuites de marxisme-léninisme. Plusieurs jeunes catholiques, qui avaient été baptisés,
n'avaient pas été informés de leur appartenance à l'Église du Xuzhou. Selon Mgr. Côté,
leurs parents, souvent affamés, avaient rejoint les communistes pour recevoir de la
nourriture. Plusieurs catholiques envoyaient leurs enfants aux écoles des « Rouges » parce
qu'ils étaient déjà taxés pour ce service. Selon les missionnaires, plusieurs fidèles avaient
adhéré aux préceptes marxistes-léninistes par conformisme social. Certains étaient même
encouragés à faire du tort au clergé du Xuzhou331.
Des menaces dirigées contre l'Église catholique effrayaient les candidats à la vie
religieuse au Xuzhou. La capture, puis la torture, d'un prêtre chinois attitré au vicariat de
Nankin, le P. Joseph-Paul Siu, inquiéta les Jésuites du Québec en 1943. L'assassinat de
deux Franciscains de la nouvelle mission de Yaowan leur annonça le pire. Ébranlés, les
missionnaires accompagnèrent des catéchumènes, des étudiants et des aspirants à la vie
religieuse vers des lieux qu'ils jugeaient plus sûrs: les villes de Tangshan et de Xuzhou332.
La paroisse de Tangshan tomba aux mains de l'Armée rouge en novembre 1947 et
elle fut aussitôt bombardée par l'Armée nationale révolutionnaire qui souhaitait récupérer
son bastion. L'institution chargée de la formation des présentandines, le Collège SaintAugustin, succomba aux tirs de nombreux obus avant de s'écraser, déchirée, complètement
détruite par le feu. Le P. Eugène Audet relate dans Le Brigand: « Un long gémissement
nous arrive du Suchow... Le "dragon rouge" vient de cracher son venin de feu sur toute la
partie ouest de notre mission »333. La ville de Xuzhou fut, ensuite, rapidement conquise par
l'Armée rouge et toutes les institutions de l'Église du Xuzhou furent paralysées.
331 Le gouvernement communiste recrutait des catéchistes et des professeurs qui avaient été formés par les Jésuites du
Québec. Plusieurs reniaient leur foi catholique pour obtenir un emploi. Philippe Côté, « Relation
annuelle 1942-1943 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 153 (1943), pp. 13-15. Philippe Côté, Corr. au sup. provincial
Antonio Dragon, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe VIII (20 nov., 1945), pp. 1-7. La prédication dans les
campagnes était difficile et les routes étaient dangereuses. L'ouverture d'écoles communistes dans les locaux des
écoles missionnaires entravait l'enseignement de la doctrine catholique. Hubert Mounier, « Sectio Yaowan: Relatio
annua 1945-1946 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 156 (1er juin, 1946), pp. 3-4.
332 Le P. Holzun Augustin et son catéchiste chinois avaient été capturés en 1945. Hubert Mounier, « Sectio Yaowan:
Relatio annua 1945-1946 », AJC, M-0007, Cl. 6, no. 156 (1 juin, 1946), p. 1. L'année suivante, il fut tué avec le
F. Benoit Jansens. Maurice Lamarche, Corr. à Philippe Côté, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (1946), p. 3.
333 Un numéro complet de la revue missionnaire des Jésuites du Québec fut dédié au récit de la prise de la paroisse de
Tangshan. Des photographies témoignant de la destruction complète des bâtiments ont été reproduites dans Eugène
Audet, « La prise de Tangshan », Le Brigand, no. 109 (janv., 1948), pp. 4-18.
123
La perte du Collège Saint-Augustin fut évaluée à 100 000$ américains. En excluant
les dettes et les frais de réparations datant de l'occupation japonaise qui avaient déjà coûté
énormément à la Procure de Chine, les dégâts que Mgr. Côté attribuait aux brigands et à la
progression des communistes au Xuzhou équivalaient à environ 250 000$ américains. La
grande générosité des bienfaiteurs canadiens-français et la coopération de la province
jésuite du Bas-Canada permettaient à la Procure de Chine de transférer des montants
impressionnants de 1945 à 1949. Par contre, les pertes que les Jésuites du Québec ont
calculées ont dû être comblées par une grande partie des 821 929$ canadiens envoyés par la
Procure de Chine pour la même période. Autrement dit, l'Église du Xuzhou demeurait
financièrement dépendante de ses bienfaiteurs canadiens-français pour rebâtir sur les ruines
de ses institutions. De plus, son clergé chinois était peu nombreux334.
***
Les transactions de la Procure de Chine étaient la source principale du financement
des activités missionnaires des Jésuites du Québec pour la consolidation de l'Église du
Xuzhou entre 1931 et 1949. La dot du territoire ecclésiastique de Nankin était
exceptionnellement donnée en tranches englouties dans les réparations des bâtiments de la
mission entre 1934 et 1944. La Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi ne
contribuait que tardivement à la mission de Xuzhou et les subventions octroyées par les
conseils pontificaux étaient affectées par la crise économique et par une plainte retenue
contre le clergé canadien. Puisque les transactions internationales étaient contrôlées par
l'armée nipponne durant la guerre sino-japonaise, le vicariat de Xuzhou était contraint à
l'endettement.
L'épisode de l'internement des Jésuites du Québec à Shanghai pendant près de deux
ans démontre que l'Église du Xuzhou n'était pas prêtre à l'autonomie. La majorité des
fidèles menait une vie précaire facilement ébranlée par les imprévus climatiques et
334 Philippe Côté, Corr. à Thomas Clayton Davis, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (6 janv., 1948), p. 1. Rapport
financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1945-1947 et 1948-1950).
124
l'instabilité politique. Quelques-uns adoptaient le banditisme comme mode de vie pour
subsister. D'autres rejoignaient les sociétés secrètes ou les communistes.
Les Jésuites du Québec investissaient une grande partie de leur budget dans les
institutions d'enseignement supérieur du territoire ecclésiastique. Ils espéraient doubler les
résultats des catéchuménats, attirer les jeunes du Xuzhou vers la religion et contrer
l'influence du marxisme-léninisme. Ils administraient un système scolaire important. Alors
que quelques écoles trouvaient des bienfaiteurs chinois peu intéressés par la religion pour
payer les frais de scolarité des enfants, les collèges du Xuzhou furent modernisés grâce à la
collaboration de la province jésuite du Bas-Canada. La formation continue des candidats en
religion retardait jusqu'à la fin des années 1930 puisqu'il était difficile d'enregistrer les
terrains de l'Église du Xuzhou et de dédier un poste budgétaire pour un séminaire. Avant
d'être regroupés dans des classes du Collège Saint-Louis-de-Gonzague, les aspirants et les
aspirantes à la vie religieuse étaient formés dans les missions voisines grâce à des bourses
comblées par des bienfaiteurs canadiens-français. Le Collège Saint-Augustin, qui fut dédié
à la formation des présentandines en 1939, fut brulé en 1947. Le séminaire de Xuzhou, qui
ouvrit en 1938, ne forma que quelques prêtres avant d'être conquis par l'Armée rouge.
Quatorze Jésuites du Québec, incluant Georges Marin, Rosario Renaud et Émile
Muller, furent forcés à quitter la région du Xuzhou en 1949. Trente autres partirent de la
Chine alors que Mgr. Côté était emprisonné à deux reprises. Le P. Joseph Courchesne
évacua les quatre derniers Jésuites du Québec du Xuzhou en 1955.
125
CONCLUSION
Le financement pour la mission de Xuzhou provenait de la somme des interactions
entre les directives pontificales, la ferveur de l'Église canadienne-française et les activités
des Jésuites du Québec en Chine.
Membres d'une communauté religieuse impliquée auprès du Saint-Siège, les
Jésuites du Québec répondaient au mouvement missionnaire alimenté par les discours
pontificaux. Ils répondaient aux instructions de répandre le catholicisme en s'impliquant
avec dévouement dans une mission en Chine. Ils favorisaient les démonstrations de la
conscience missionnaire en rappelant régulièrement aux fidèles canadiens-français leurs
devoirs chrétiens de prier, de se faire missionnaire et de donner l'aumône. Ils formaient de
nombreuses recrues canadiennes-françaises et ils reconnaissaient la nécessité de former un
clergé indigène pour assurer l'avenir d'une jeune Église comme celle du Xuzhou.
La Procure des Missions Étrangères de Chine fut fondée pour ravitailler la mission
de Xuzhou dont les Jésuites du Québec acceptèrent la responsabilité en 1931. L'institution
était le centre administratif qui recueillait les dons que de nombreux bienfaiteurs canadiensfrançais imprégnés de la conscience missionnaire catholique destinaient à l'Église du
Xuzhou. Un musée d'art chinois et la revue missionnaire Le Brigand étaient les deux
principales sources de recettes de la Procure de Chine. La publicité que ces derniers
moyens permettaient favorisait la sympathie pour les Chinois, faisait connaître leur culture
et informait les donneurs sur les activités apostoliques des Jésuites du Québec au Xuzhou.
Ainsi, elle encourageait la récolte totale de plus de 1,4 million de dollars canadiens malgré
les conditions défavorables de la crise économique mondiale des années 1930. Une partie
de la somme couvrait les frais administratifs de la Procure de Chine. L'autre était investie.
Avec la coopération de la province jésuite du Bas-Canada, plus de 1,1 million de dollars
canadiens étaient transférés au Xuzhou par l'institution canadienne-française.
127
Les œuvres d'évangélisation des Jésuites du Québec, qui encadraient l'Église du
Xuzhou, dépendaient en grande partie du financement transféré par la Procure de Chine.
Les versements de la dot du vicariat français de Nankin étaient atypiques, les subventions
de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi étaient exceptionnelles et les
bienfaiteurs chinois étaient peu nombreux. Le blocus japonais sur les transactions
internationales, les pillages et les destructions forçaient les Jésuites du Québec à
l'endettement pour éviter les fermetures de catéchuménats et d'écoles. La collaboration
entre le territoire ecclésiastique de Xuzhou et la province jésuite du Bas-Canada, ainsi que
la partition de la section de Yaowan donnée aux Franciscains américains de la Californie,
permettait aux Jésuites du Québec de concentrer les ressources de l'Église du Xuzhou dans
ses collèges. La formation du clergé chinois du Xuzhou était retardée par l'impossibilité de
bâtir des institutions décernées spécifiquement aux vocations religieuses. Comme ailleurs
en Chine, les Jésuites du Québec formaient donc davantage de religieuses chinoises que de
prêtres chinois.
Au moment où les Jésuites du Québec commençaient à quitter leur mission en 1949,
l'Église du Xuzhou (y compris la mission de Yaowan) comptait 93 500 fidèles sur les
quelque 3 400 000 catholiques de l'Église de Chine335. Durant les six années suivantes, le
Pape Pie XII nommait plus de 35 nouveaux supérieurs de mission d'origine chinoise pour
combler les postes de direction abandonnés par des missionnaires expulsés. Mgr. Philippe
Côté, qui était emprisonné à deux reprises du 23 avril au 1er juin 1949 et
du 5 décembre 1951 au 30 juillet 1953 sous le chef d'accusation d'avoir espionné pour l'État
du Vatican, demeurait l'évêque de Xuzhou reconnu par le Saint-Siège jusqu'à son décès
en 1970.
Le Parti communiste chinois imposa aux Églises chinoises le concept nationaliste de
la « triple autonomie ». Il souhaitait que l'Église catholique de Chine devienne une Église
nationale en ce sens qu'elle abandonne sa liaison avec l'État du Vatican en termes
335 Marie-Ina Bergeron, Le christianisme en Chine: approches et stratégies, Lyon, Chalet, 1977, p. 137. Œuvre de la
Mission de Suchow d'après la Division Ecclésiastique, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 162 (1949-1950).
128
d'enseignement de la foi, de financement et d'administration 336. En conséquence, le Parti
choisissait son propre clergé chinois qu'il recrutait en partie parmi les prêtres qui avaient été
nommés par le Saint-Siège. De cette manière, le P. Thomas T'sien, qui avait été formé aux
frais des Jésuites du Québec et ordonné prêtre en 1945, fut nommé évêque de Xuzhou par
le Parti communiste chinois. Alors qu'une Église, dite souterraine, conservait son
allégeance au Pape et à Mgr. Côté, une autre, dite officielle, continuait l'apostolat sous la
supervision de Mgr T'sien en suivant les règles du Parti communiste chinois337.
Les biens de l'Église du Xuzhou, qui n'avaient pas été détruits, furent confisqués par
le nouveau gouvernement chinois de Beijing. Plusieurs églises furent démolies et une
grande partie des écoles catholiques furent réaménagées à la fin de la guerre civile chinoise
sur le continent. Le Collège Saint-Louis-de-Gonzague fut récupéré pour ouvrir l'École
secondaire supérieure IV de la ville de Xuzhou en 1951. Les institutions de l'Église du
Xuzhou encore actives ne pouvaient plus recourir au financement international. La procure
de Shanghai fut fermée suite au décès du P. Adrien Sansoucy en 1951. Le P. Louis
Bouchard, le procureur de la Procure de Chine de Montréal, effectuait des transferts
monétaires jusqu'en 1955 pour aider les prêtres chinois clandestinement actifs au Xuzhou,
mais les fonds ne passaient pas au-delà de Hong Kong ou de Macao puisque la police
communiste les interceptait comme du ravitaillement pour la Ligue de Marie. Les
transactions entre le Québec et le Xuzhou furent finalement complètement interrompues
l'année suivante. L'entente qui avait été signée entre le territoire ecclésiastique de Xuzhou
et la province jésuite du Bas-Canada en 1947 fut annulée la même année par le supérieur
provincial Gérard Goulet338.
336 Selon William T. Liu, le mouvement de la « triple autonomie » était dirigé par le Parti communiste chinois
spécifiquement contre l'Église catholique de Chine puisque la légitimité du corps ecclésiastique catholique réside
dans sa reconnaissance par le Saint-Siège et que de déclarer une Église locale indépendante de l'Église universelle
dirigée par le Vatican équivaut à la pousser à rejeter la foi catholique. William T. Liu et Beatrice Leung,
« Organizational Revivalism: Explaining Metamorphosis of China's Catholic Church », Journal of the Scientific
Study of Religion, vol. 41, no.1 (mars, 2002), p. 124.
337 Le clergé catholique chinois était fortement divisé à propos du mouvement de la « triple autonomie » puisque la
défiance à l'obéissance au Saint-Siège mène à l'excommunication. Pie XII rappela en 1954 que l'autorité pontificale
devait indiscutablement être respectée puisque la hiérarchie catholique romaine était établie en ligne directe avec
Dieu depuis Saint Pierre. Il ajoutait que l'Église de Chine devait, comme les autres Églises locales, obéir aux
directives pontificales afin d'assurer l'application uniforme de la doctrine catholique romaine dans le monde.
Pie XII, « Encyclique Ad Sinarum Gentem: aux catholiques chinois. Exhortations dans la persécution (oct. , 1954) »,
Le Siège apostolique et les missions, op. cit., pp. 249-257.
338 Philippe Côté, Corr. à Louis Bouchard, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 3 (25 oct., 1956), p. 1. Louis Bouchard, Corr. à
129
La dispersion des missionnaires du Xuzhou après 1949 se suit à leurs nouvelles
adresses de correspondance avec la Procure de Chine. Quelques-uns se sont installés à
Hong Kong, ville que les Britanniques conservaient jusqu'en 1997. Plusieurs autres, dont
Mgr. Côté, ont demeuré sur l'île de Formose (Taiwan) et y ont préparé un plan de retour au
Xuzhou. Les derniers ont fondé des écoles aux Philippines, puis au Vietnam. Les Jésuites
du Québec ont étendu leurs activités missionnaires au Brésil, en Éthiopie, en Haïti, en Inde
et au Japon. Ils travaillent encore actuellement dans plusieurs de ces missions qui font le
sujet des parutions de la revue missionnaire Le Brigand. Il y a fort à parier que les stratégies
de financement que les Jésuites du Québec ont affinées lorsqu'ils secondaient la
consolidation de l'Église du Xuzhou aient contribué aux succès de leurs autres mandats.
Philippe Côté, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 3 (2 nov., 1956), pp 1-2. Louis Bouchard, Corr. au sup. provincial Gérard
Goulet, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 3 (3 nov., 1956), pp. 1-2.
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ANNEXE B: Le vicariat apostolique de Xuzhou en 1943
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143
ANNEXE C: Les revenus de la Procure de Chine de 1932 à 1950
Sources: Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947 et 1948-1950). La
somme pour l'année 1947-1948 pourrait inclure une contribution de la province jésuite du Bas-Canada. Louis Bouchard, « Mémoire sur
les activités et la situation de la Procure des Missions de Chine », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (15 sept., 1948), pp. 1-2.
145
ANNEXE D: Les montants administrés par la Procure de Chine de 1932 à 1950
Sources: Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947 et 1948-1950). La
somme transférée à la procure de Shanghai lors de l'année 1947-1948 provient de Louis Bouchard, « Mémoire sur les activités et la
situation de la Procure des Missions de Chine », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (15 sept., 1948), pp. 1-2.
147
Années
Administratives
Paroisses
Chrétiens sous
la supervison
des Jésuites
du Québec
Catéchumènes
Écoles
Élèves
Enseignants
ANNEXE E: Résumé des statistiques de l'Église du Xuzhou de 1931 à 1950
1931-1932
1932-1933
1933-1934
1934-1935
1935-1936
1936-1937
1937-1938
1938-1939
1939-1940
1940-1941
1941-1942
1942-1943
1943-1944
1944-1945
1945-1946
1946-1947
1947-1948
1948-1949
1949-1950
18
18
18
18
18
18
18
18
18
21
21
21
21
21
*20
*20
*20
**…
*23
55526
56928
57966
59838
62124
64664
63181
73932
81829
83949
85331
86047
87398
88072
61433
62560
63825
…
68478
19622
17896
19319
20445
22234
23580
31704
39437
38889
24306
24525
20116
15044
12458
14599
14469
17599
…
13722
164
176
487
248
284
297
365
423
553
397
326
190
163
98
80
92
140
…
29
7955
6817
6518
7202
8719
8355
10052
12146
14508
9764
4548
5843
5837
4632
5794
6666
10494
…
3980
288
274
304
341
383
394
444
481
663
531
436
266
226
192
186
183
299
…
161
* Les Franciscains américains de la Californie prirent la responsabilité de 6 paroisses
encadrant 25 647 chrétiens et 13 écoles en 1946.
** Il semble que le rapport de l'année administrative 1948-1949 n'ait pas été conservé aux
Archives des Jésuites au Canada (AJC).
Sources: Œuvre de la Mission de Suchow d'après la Division Ecclésiastique,
AJC, M-0007, Cl. 6, no. 142 à 162 (1931-1948 et 1949 -1950).
149
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