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LE CONCOURS MÉDICAL
TOME 137
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N° 9
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NOVEMBRE 2015
Leucémies aiguës de l’enfant et de l’adolescent
PARCOURS DE SOINS
bien justifie en pratique la réalisation d’un bilan
sanguin qui, le plus souvent, va orienter vers une
hémopathie dans la majorité des situations. Les
cas les plus difficiles à diagnostiquer sont ceux
pour lesquels la première numération formule
sanguine (NFS) est normale ou ne montre que
des anomalies mineures.
L’infiltration leucémique de différents organes
et tissus peut parfois se manifester de façon plus
trompeuse.
Sans vouloir être exhaustif, on peut citer :
– tableau de fièvre au long cours ou de syndrome
inflammatoire isolé avec altération de l’état général
(parfois associé à un syndrome d’activation macro-
phagique) ;
– atteintes ostéoarticulaires avec des douleurs
osseuses liées à l’infiltration des os à partir de la
moelle ou des fractures pathologiques (dont des
tassements vertébraux), des tableaux d’ostéopo-
rose sévère mais aussi de véritables arthrites
d’aspect inflammatoire (avec présence de blastes
dans le liquide synovial). Les aspects radiologiques
sont variés (encadré 1, p. 702), les plus typiques
étant les bandes claires métaphysaires (figure 1).
Typiquement, il s’agit de tableaux plutôt inflam-
matoires et d’aggravation progressive, mais les
douleurs peuvent être initialement plus trom-
peuses (variables, migratrices, fluctuantes…). Les
« douleurs de croissance », encore citées aux
parents, ne sont pas un diagnostic à retenir. Les
petits enfants ont par ailleurs du mal à exprimer
leurs douleurs, et celles-ci ne sont pas toujours
bien perçues par l’entourage. Des signes d’hyper-
calcémie maligne peuvent s’associer aux formes
osseuses ;
– dyspnée, voire détresse respiratoire, liées à une
infiltration du thymus (dyspnée inspiratoire avec
orthopnée et syndrome cave supérieur) et avec, à la
radiographie de thorax, un aspect d’élargissement du
médiastin (encadré 1, p. 702), un épanchement pleu-
ral, un syndrome de leucostase (tableau 2, p. 704) ;
– infiltration cutanée et muqueuse : leucémides
et, chez le petit enfant, syndrome du « blueberry
muffin baby » (localisations leucémiques nodu-
laires de couleur violette) ou hypertrophie gingi-
vale (ces atteintes sont typiquement associées à
certains sous-types de LAM : M4 et M5) ;
– atteintes neurologiques ou ophtalmologiques :
atteinte des nerfs crâniens (paralysie faciale, par
exemple) ou présentations plus sévères
(tableau 2, p. 704) ;
Garçon de 4 ans présentant depuis un mois une asthénie avec
pâleur et douleurs fluctuantes des membres inférieurs. Il avait
consulté son médecin traitant qui, devant le syndrome anémique,
avait prescrit un traitement par fer. L’apparition secondaire d’une
fièvre avait conduit à une deuxième consultation ; le médecin
avait prescrit un bilan sanguin, qui n’avait été fait que
secondairement. La NFS a alors objectivé une pancytopénie
justifiant une consultation aux urgences de l’hôpital local, puis
un transfert en hématologie. À l’examen : enfant algique,
altération de l’état général, adénopathies cervicales d’allure
banale, hépatomégalie et splénomégalie modérées (débord
costal de 2 à 3 cm), absence de signes hémorragiques.
NFS à l’arrivée : hémoglobine : 57 g/L, réticulocytes : 12.109/L, GB :
2,79.109/L avec PNN : 0,39, PNE : 0, PNB : 0, L : 2.12, Mo : 0,03, blastes : 0,25,
plaquettes : 40.109/L. Le frottis révèle la présence de blastes d’allure lymphoïde.
Le myélogramme conrmera le diagnostic de leucémie aiguë lymphoblastique
avec, au bilan moléculaire, identication d’un transcrit TEL-AML1.
Commentaires : présentation assez classique d’une LAL de l’enfant avec
aggravation progressive des signes cliniques conduisant nalement à la réalisa-
tion d’une NFS (faite ici un mois après la première consultation). À noter, la pro-
fondeur de l’anémie qui, chez l’enfant, du fait de sa constitution très progressive,
reste longtemps bien tolérée, et l’absence de signes hémorragiques malgré une
thrombopénie majeure (mais non associée à des troubles de l’hémostase).
Garçon de 8 ans présentant depuis une dizaine de jours des
douleurs de la hanche droite responsables d’une boiterie d’esquive
puis d’une impotence fonctionnelle (refus de la marche). Rythme
en partie inflammatoire. Échographie de hanche faite en ville :
normale. Persistance des douleurs conduisant l’enfant à consulter
aux urgences de l’hôpital local. Diagnostic retenu : rhume de
hanche ; prescription d’un bilan à faire en ville. NFS effectuée
48 heures après : constatation d’une bicytopénie justifiant une
consultation aux urgences de l’hôpital Robert-Debré.
NFS à l’arrivée : hémoglobine : 89 g/L, réticulocytes : 12,170.109/L, GB :
4,44.109/L avec PNN : 0,36, PNE : 0,04, PNB : 0, L : 3,37, Mo : 0,04, blastes : 0,62,
plaquettes : 6.109/L. Le frottis révèle la présence de blastes d’allure lymphoïde.
Le myélogramme conrmera le diagnostic de leucémie aiguë lymphoblastique.
Commentaires : la persistance et l’aggravation des douleurs de hanche chez
un enfant sans antécédent justi-
aient un bilan sanguin (NFS, bilan
inammatoire) ; le rhume de hanche
était peu probable à cet âge (d’au-
tant plus que l’échographie de
hanche était normale). En dehors de
la hanche et d’un pôle de rate, l’exa-
men physique était normal. La
radiographie de bassin montre des
bandes claires au niveau des
fémurs (image).
cas cliniques
Courtoisie du Dr Tiléa Bogdana
Courtoisie du Dr Tiléa Bogdana
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