Développement de l’Internet et gouvernance de l’Internet en Afrique par Towela Nyirenda-Jere & Tesfaye Biru 22 MAI 2015 Résumé analytique La croissance et la situation de l’Internet en Afrique Origines et premières années Accès et utilisation La diversité régionale est reflétée dans la pénétration et l’utilisation de l’Internet Infrastructure Connectivité internationale Connectivité nationale et transfrontière Essor des communications mobiles L’économie de l’Internet en Afrique 2 6 6 8 9 11 11 13 14 15 Gouvernance de l’Internet et approche multi-acteur de la politique publique de l’Internet en Afrique 17 L’écosystème Internet en Afrique - les institutions et processus Af* 18 FGI-Afrique et les FGI régionaux 20 Statut des FGI nationaux en Afrique 21 Autres institutions régionales et internationales 23 1 Les problèmes actuels dans le développement de l'Internet en Afrique L'interconnexion et la connectivité transfrontalière Innovation et opportunités économiques Contenu local et multilinguisme Migration au numérique et le dividende numérique Compétences et expertise La cyber-sécurité Droits de l'homme en ligne et liberté d'expression Transition vers le protocole IPv6 26 26 28 32 33 34 36 37 39 L’avenir de l’Internet et la gouvernance de l’Internet L’ICANN et le transfert du rôle de supervision sur les fonctions IANA SMSI+10 L’avenir du FGI Les objectifs de développement durable L’Agenda 2063 de l’Union africaine 41 41 43 44 45 45 Conclusion 47 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Développement de l’Internet et gouvernance de l’Internet en Afrique Résumé analytique L’Internet mondial continue de croître à un rythme exponentiel, apportant de nouveaux modes de transaction, de communication, d’apprentissage, de socialisation, et transformant ainsi presque tous les aspects de la vie quotidienne. Mais les bienfaits de l’Internet sont encore inégalement répartis. En Afrique, malgré un démarrage lent, l’utilisation de l’Internet augmente rapidement, et ses effets transformateurs sont de plus en plus accessibles. L’Internet connaît en Afrique un développement rapide. Les taux de pénétration de l’Internet sont d’environ 20 % et en hausse. Les abonnements mobiles frôlent les 70 % et l’accès mobile à large bande représente plus de 90 % des abonnements à l’Internet. Mais les indicateurs agrégés masquent de fortes disparités. Dans la fourchette supérieure, des pays tels que le Maroc profitent des taux de pénétration de l’Internet supérieurs à 50 %, tandis qu’à l’autre extrémité nous trouvons des pays avec des taux de pénétration inférieurs à 2 %. D’ailleurs, la majorité des pays ont un taux de pénétration de l’Internet de moins de 10 % (largement inférieur au seuil critique de 20 % qui permet, aux pays qui l’atteignent, de profiter des avantages économiques de l’investissement dans la large bande). Néanmoins, on a constaté ces dernières années que les efforts cumulés des technologues dévoués, des hommes d’affaires, des décideurs politiques, de la société civile et des individus portaient leurs fruits, entraînant une amélioration des résultats et préparant ainsi le terrain pour la réalisation des avantages sociaux et économiques que l’Internet peut apporter. Au cours des cinq dernières années, l’installation de nouveaux câbles sous-marins a permis de multiplier par vingt la bande passante internationale. Au cours de la même période, l’infrastructure terrestre a également doublé. Ces évolutions ont apporté des améliorations considérables dans de nombreux domaines. Mais pour tirer le meilleur parti de ces avancées, il faut investir davantage dans les réseaux nationaux et dans la connectivité transfrontière. 2 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Un travail considérable est actuellement en cours pour améliorer les conditions qui font qu’aujourd’hui l'accès à Internet pour les utilisateurs en Afrique est 30 à 40 fois plus cher comparé à ceux que paient les utilisateurs des pays développés. On peut citer comme exemple la mise en place de points d’échange Internet (IXP) au niveau local. L’Afrique compte aujourd’hui plus de 30 IXP et est bien partie pour atteindre l’objectif qui consiste à avoir au moins un IXP par pays. Les efforts visant à établir au moins un IXP régional dans chacune des cinq régions géographiques sont également en bonne voie. Les IXP peuvent stimuler l’expansion de l’infrastructure terrestre, qui à son tour rend l’accès à Internet moins cher et plus rapide. Le passage de la radiodiffusion analogique à la radiodiffusion numérique offre plus de possibilités pour accroître l’accès à Internet en libérant des spectres inutilisés. Cependant, tous les pays n’ont pas tout à fait compris l’intérêt de la migration, car en juin 2014, seuls 19 pays avaient commencé leur transition vers le numérique et en décembre 2014, seulement trois pays (Tanzanie, Rwanda et Maurice) avaient abandonné la radiodiffusion analogique. L’autre transition que l’Afrique ne réalise pas assez rapidement est la migration vers le nouveau protocole d’adressage Internet, IPv6. L’IPv6 est nécessaire pour l’expansion à long terme de l’Internet à l’heure où l’Internet des objets (IdO) devient une réalité. À ce jour, l’Afrique du Sud et l’Égypte ont enregistré 97 % des adresses Internet IPv6 en Afrique, ce qui signifie que tous les autres pays sont à la traîne quant à l’adoption de ce nouveau protocole. La plupart des politiques et stratégies nationales en matière de TIC mentionnent le renforcement des capacités comme une priorité; cependant, la majorité des pays ne les mettent pas en œuvre. Cela se traduit par des lacunes importantes en matière de capacités, notamment au niveau des spécialistes dans la construction et l’entretien d’infrastructures et de services, rendant ainsi l’Afrique extrêmement dépendante d’une expertise externe. L’Afrique a besoin d’une stratégie cohérente de renforcement des capacités à tous les niveaux. Cette stratégie doit d’abord envisager les TIC comme une matière à part entière et 3 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Quelques faits : Croissance, expansion, opportunités et défis > Une croissance rapide - En 2005, le taux de pénétration de l’Internet en Europe était de près 20 fois supérieur à celui de l’Afrique. En 2014, il était moins de 4 fois supérieure. > En seulement 5 ans (de 2009 à 2014), la bande passante internationale de l’Afrique s’est multipliée par vingt et son réseau terrestre a plus que doublé. > Aujourd’hui, on compte plus de 30 IXP dans toute l’Afrique. > Le Système de liaison terrestre d’Afrique de l’Est (EABS) reliera le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi > Les pays enclavés tels que l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi ont accès au réseau fédérateur à fibre optique sousmarin quasiment au même prix que les pays côtiers. > La part de marché des appareils Internet mobiles devrait atteindre 23 % du marché mobile africain en 2015, puis 40 % en 2017. > L’Afrique affiche la plus forte croissance du nombre d’abonnements mobiles d’année en année depuis le début du siècle. Les revenus des activités mobiles représentent environ 3,7 % du PIB, trois fois plus que dans les économies développées. > Une augmentation de 10 % de l’accès au réseau Internet à large bande correspond à une augmentation de 1,35 % de la croissance du PIB. Une augmentation de 10 % du taux de pénétration du mobile peut entraîner une augmentation de la productivité de 4 %. > L’Afrique occupe la première place au monde dans l’utilisation des téléphones mobiles pour effectuer des transferts d’argent d’autre part les envisager comme un instrument transversal pour les autres matières. L’accroissement de la connectivité et de l’accès Internet ne présente pas que des avantages, il donne lieu également à des préoccupations relatives à la cybercriminalité et aux atteintes à la vie privée. L’Union africaine a élaboré une Convention sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel qui, entre autres choses, engage les États membres à établir des cadres juridiques pour les d’effectuer des transferts d’argent directement via un appareil mobile. MPesa compte 15 millions de clients et représente 12 % du PIB du Kenya. Les transactions d’une part supplémentaire de 31 % du PIB sont effectuées par le biais de ce service. > Des Hackathons et des compétitions transactions électroniques, la protection des données et la sont des moyens populaires qui sanction des violations. Mais, la réalisation d’un encouragent les innovations et les environnement sécurisé et la protection de la vie privée applications Internet et mobiles. nécessitent la collaboration de toutes les parties prenantes de la gouvernance de l’Internet. Le printemps arabe de 2011, les révélations de Snowden de 2013 et d’autres événements qui se trouvent à la croisée des droits de l’homme et du cyberespace ont incité la > Environ 15 % des réseaux publics en Afrique utilisent le protocole IPv6, mais la plupart sont basés en Afrique du Sud et en Égypte. > L’accès à Internet en Afrique peut communauté mondiale (principalement par le biais des coûter 30 à 40 fois plus que dans les Nations Unies) à tenter de définir une conception et des pays développés. solutions communes qui garantissent le respect des droits fondamentaux des utilisateurs en ligne. En 2014, dans le cadre d’efforts visant à répondre aux préoccupations relatives aux droits de l’homme des utilisateurs en ligne, une coalition d’organisations, a lancé la Déclaration africaine sur les droits et libertés d’Internet, qui a pour objectif la promotion des droits de l’homme et de la transparence dans l’élaboration et la mise en œuvre des politiques relatives au > L’Afrique représente 15 % de la population mondiale ; mais sa part d’utilisateurs de l’Internet ne représente que 6 % des utilisateurs du monde entier. > L’insuffisance de la priorité accordée au renforcement des capacités développement d’Internet en Afrique. humaines entraîne un manque de Et l’année 2015 est marquée par plusieurs jalons importants ainsi l’Afrique excessivement pour la gouvernance et le développement de l’Internet. Tout dépendante d’une expertise externe. d’abord, cette année marque la fin des Objectifs du Millénaire pour le Développement, qui seront maintenant remplacés par les Objectifs de Développement Durable. L’Union africaine a également lancé son Agenda 2063, présentant les aspirations de développement fixées pour les 50 prochaines années. Deuxièmement, elle marque les dix ans de la Phase de Tunis du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI). Nous pouvons donc saisir cette opportunité qui permet un temps de réflexion sur les progrès accomplis, les opportunités manquées, les défis à relever et la voie à suivre. 4 > M-Pesa permet aux utilisateurs WWW.INTERNETSOCIETY.ORG spécialistes en infrastructure, rendant > L’année 2015 marque la fin des Objectifs du Millénaire pour le Développement et le début des Objectifs de Développement Durable. > L’Union africaine reconnaît l’importance du secteur des TIC pour réaliser les aspirations qu’elle a fixées dans l’Agenda 2063. Et enfin, cette année sera marquée par la décision que l’Assemblée générale des Nations Unies prendra sur la prolongation ou non du mandat du Forum sur la Gouvernance de l’Internet (FGI). Étant donné le développement de l’infrastructure de l’Internet et l’augmentation du nombre d’utilisateurs en Afrique, la coordination et la gestion de la croissance et du développement de l’Internet deviennent de plus en plus importantes. De nombreux institutions et mécanismes ont vu le jour au cours des quinze dernières années, chacun jouant un rôle actif dans le renforcement de l’écosystème de l’Internet en Afrique. L’Afrique a adopté le modèle multi-acteur de gouvernance de l’Internet qui permet aux décideurs politiques de tirer parti de l’expertise des parties prenantes pour mettre au point des méthodes durables de gestion des politiques publiques relatives à Internet qui peuvent répondre aux défis politiques posés par l’ère numérique. Par ailleurs, de nombreux forums sur la gouvernance de l’Internet voient le jour aux niveaux continental, régional et national et se sont constitués une part essentielle de l’écosystème de l’Internet en Afrique. La forte croissance dans les communications mobiles et la croissance soutenue de la pénétration de l’Internet enregistrées par l’Afrique sont, en grande partie, attribuables aux efforts déployés par les gouvernements africains, en partenariat avec d’autres parties prenantes, pour créer un environnement propice, favorisant ainsi le développement de l’infrastructure Internet. Moteur de cette évolution, les institutions de l’Internet en Afrique mettent en pratique le modèle multi-acteur de gouvernance de l’Internet. La forte croissance de l’accès à Internet et au mobile depuis 2005 peut être attribuée en partie au renforcement des institutions existantes, à l’émergence de FGI régionaux et nationaux, et à l’engagement accru des gouvernements africains en faveur du développement des TIC. Comme l’Afrique continue de développer son économie de l’Internet, le modèle multi-acteur restera un élément important qui aidera l’Afrique à atteindre une masse critique de personnes ayant accès et utilisant Internet lui permettant de réaliser un développement économique soutenu. 5 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG La croissance et la situation de l’Internet en Afrique Origines et premières années Bien que les origines de l’Internet mondial remontent au réseau ARPANET créé aux États-Unis dans les années 1960, le premier réseau en Afrique sub-saharienne a vu le jour que près de trente ans plus tard, en 1988, à l’Université de Rhodes à Grahamstown (Afrique du Sud). En 1991, le premier paquet de données transmis depuis l’Afrique sub-saharienne a été envoyé de l’Afrique du Sud vers Portland, en Oregon. Cet événement a préfiguré l’arrivée de l’Internet en Afrique. La technologie utilisée était un système commuté 1 avec le système de messagerie Fidonet comme mécanisme d’acheminement. Ensuite sont arrivés les systèmes commutés utilisant la passerelle UUCP2, qui ont été remplacés plus tard par une connexion Internet via des lignes louées à 9600 bits/s. Cela a donné lieu à l’avènement des fournisseurs de services Internet fournissant des connexions RNIS via des lignes commutées et louées moyennant paiement. Les pays pionniers ont été la Tunisie et l’Afrique du Sud (1991), l’Égypte (1993), et l’Algérie et la Zambie (1994). À la fin de 1997, 47 des 53 pays d’Afrique de l’époque avaient plus ou moins accès à Internet, soit à un service de messagerie par ligne locale commutée en mode enregistrement et retransmission avec une 34 passerelle vers l’Internet, soit à un service de lignes louées . La vitesse de la connexion Internet a augmenté progressivement, allant de 56 kbit/s pour les connexions commutées à 128 kbit/s pour les connexions RNIS. La ligne d’abonné numérique asymétrique (ADSL) à large bande a permis d’atteindre des vitesses de téléchargement de 512 kbit/s vers 2002. Ensuite, la technologie hertzienne large bande est apparue en 2004 avec la téléphonie mobile de la troisième génération offrant des vitesses allant jusqu’à 1 Mbit/s. Depuis dix ans, de nombreux services à large bande sont proposés offrant des vitesses beaucoup plus élevées. La première initiative politique pour une approche unifiée à l’égard du développement du secteur des TIC en Afrique remonte à la vingt et unième réunion de la Conférence des ministres la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) de mai 1995, à laquelle ont pris part cinquante-trois ministres africains chargés du développement et de la planification économique et sociale qui ont adoptés la résolution intitulée « Mise en place de l’autoroute de l’information en Afrique ». Cela a conduit à l’élaboration de l’Initiative société africaine à l’ère de l’information (AISI), un cadre d’action pour créer et utiliser les TIC en vue d’accélérer le développement socio-économique de l’Afrique et de ses habitants. L’AISI a stimulé les gouvernements africains à agir. Cela a abouti à l’élaboration de stratégies et de politiques nationales en 1 FidoNet est un réseau étendu point-à-point et en mode enregistrement et retransmission avec des modems fonctionnant sur une ligne téléphonique commutée pour échanger des messages et des données (sous forme d’échange de messages privés, de conférence publique, de transfert de fichiers, etc.). 2 Le protocole UUCP a été développé pour que deux ordinateurs Unix puissent échanger des fichiers via un modem fonctionnant sur une ligne commutée. Dans ces services de réseautage, les messages circulent dans les deux sens une fois la connexion téléphonique établie. 3 Mike Jensen, chargé de la connectivité Internet pour l’Afrique : L’état de l’Internet et les évolutions connexes. Disponible ici : https://www.isoc.org/oti/articles/0997/jensen.html 4 6 A consulter également : http://mybroadband.co.za/news/internet/114645-the-history-of-internet-access-in-south-africa.html WWW.INTERNETSOCIETY.ORG matière de TIC, de cadres régionaux en matière de TIC, ainsi que la mise en place de divers programmes et initiatives de TIC pour le développement (ICT4D). Parmi les pionniers de l’Internet en Afrique, on peut citer :5 > Mike Lawrie (Afrique du Sud) - Est à l’origine de la création du premier système de réseau Internet en Afrique du Sud en 1988 et de la transmission du premier paquet de données en provenance de l’Afrique subsaharienne en 1991. > Nii Narku Quaynor (Ghana) - A mis en place le premier service Internet en Afrique de l’Ouest, au Ghana en 1993 ; a reçu le Prix « Jonathan B. Postel Service Award » pour son leadership dans la promotion de la technologie de l’Internet en Afrique. > Tarek Kamel (Égypte) –Est considéré comme le père de l’Internet en Égypte. M. Kamel a également servi en tant que ministre de la Communication et de l’Information de l’Égypte, et est actuellement conseiller principal du président de l’ICANN. > Nancy Hafkin (États-Unis) - Parmi les premiers à travailler dans le domaine des communications électroniques en Afrique ; une pionnière et une innovatrice dans la mise en place de réseaux, l’information pour le développement et les communications électroniques, travaillant principalement avec la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) à Addis-Abeba. > Pierre Dandjinou (Bénin) - A organisé la première conférence africaine sur la gouvernance de l’Internet à Cotonou en 1998, a coordonné « l’Initiative Internet pour l’Afrique » du PNUD, initiative qui a permis à de nombreux pays africains d’avoir leur première passerelle Internet ; est actuellement vice-président de l’ICANN en charge de l’engagement des parties prenantes pour l’Afrique. > Pierre Ouedraogo (Burkina Faso) - A joué un rôle déterminant dans le développement d’Internet en Afrique francophone, a reçu le Prix « Jonathan B. Postel Service Award » en 2012 ; actuellement directeur de la Francophonie numérique à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). > Abdelaziz Hilali (Maroc) - Membre fondateur et président de longue date du premier chapitre agréé de l’Internet Society en Afrique. > Farouk Kamoun (Tunisie) - A contribué de manière significative à la recherche ARPANET et est pionnier dans le développement de l’Internet en Tunisie dans les années 1990. > Alan Barrett (Afrique du Sud) - Co-fondateur du premier fournisseur de service Internet commercial en Afrique ; actuellement PDG d’AfriNIC. > Mouhamet Diop (Sénégal) - PDG de Kheuwel, le premier registraire accrédité par l’ICANN en Afrique ; reconnu pour son rôle pionnier dans le développement de l’Internet au Sénégal. 5 7 Extrait de http://www.internetsociety.org/history-internet-africa-some-african-pioneers WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Accès et utilisation Depuis le début de ce millénaire, les pays africains ont connu une croissance soutenue du taux de pénétration de l’Internet passant de 0,78 % en 2000 à 20,71 % en 2014, tel qu’indiqué dans la Figure 1. Bien que l’Afrique accuse encore du retard par rapport au reste du monde en termes de pénétration de l’Internet (voir Tableau 1), elle est en train de combler très rapidement l’écart. Par exemple, en 2005, la pénétration de l’Internet en Europe était Figure 1 : Pénétration de l’Internet en Afrique (Sources : http://www.internetworldstats.com/stats1.htm ; UIT (2014), Le monde en 2014 : faits et chiffres marquants des TIC) 19,6 fois supérieure à celle de l’Afrique, mais en 2014, elle était seulement 3,9 fois plus importante. Indicateur Pénétration de l’Internet Abonnements au téléphone fixe Large bande fixe Abonnements à la téléphonie cellulaire mobile Abonnements au large bande mobile Afrique Moyenne mondiale 20 % 1,3% 0,4% 40 % 15,8% 9,8% 69% 96% 19% 32% Tableau 1 Comparaison des indicateurs des TIC et de la pénétration de l’Internet (Source : Le monde en 2014 : Faits et chiffres marquants des TIC, Base de données UIT sur les indicateurs des télécommunications/TIC dans le monde) Une décennie d’expansion rapide décisive pour combler le retard en termes de pénétration de l’Internet En 2005, le taux de pénétration de l’Internet en Europe était presque 20 fois supérieure à celui de l’Afrique. En 2014, il était moins de 4 fois supérieur. 8 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG En outre, les statistiques sur la pénétration de l’Internet dans les pays africains indiquent que tous les États membres ont connu une croissance à des rythmes différents. La Figure 2 et la Figure 3 démontrent cette tendance avec une comparaison de la pénétration de l’Internet dans les dix pays les mieux classés et dans 6 les dix pays les moins bien classés tous les trois ans entre 2001 et 2013. Figure 2 : Pourcentage d’utilisateurs de l’Internet : Les 10 pays les moins bien classés basés sur le PIB par habitant (Source : UIT - Le monde en 2014 : Faits et chiffres marquants des TIC ; Indicateurs 2014 du PIB par habitant, Banque mondiale) Figure 3 : Pourcentage d’utilisateurs de l’Internet : Les 10 pays les mieux classés basés sur le PIB par habitant (Source : UIT - Le monde en 2014 : Faits et chiffres marquants des TIC ; Indicateurs 2014 du PIB par habitant, Banque mondiale) La diversité régionale est reflétée dans la pénétration et l’utilisation de l’Internet L’Afrique est caractérisée par une diversité extraordinaire, notamment linguistique, culturelle, environnementale, économique et bien d’autres. Il n’est donc pas surprenant de constater que le 6 Sur la base de données provenant de différentes sources : UIT (2014), Le monde en 2014 : Faits et chiffres marquants des TIC ; Indicateurs de la Banque Mondiale (2014), PIB par habitant, PPA (valeur du dollar courant) ; http://www.internetworldstats.com/stats1.htm 9 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG déploiement, l’accès et l’utilisation de l’Internet en Afrique soient loin d’être monolithiques, compte tenu des différents défis et possibilités. Comme c’est souvent le cas dans les pays en développement, la technologie hertzienne large bande et l’Internet mobiles sont les principaux facteurs à l’origine de l’adoption rapide d’Internet dans le continent. Le 7 taux d’abonnement à la téléphonie mobile en Afrique est maintenant plus de 70 % et connaît une croissance rapide. Alors que les nouvelles technologies continuent de stimuler la croissance de l’Internet sur tout le continent, nous constatons encore des disparités importantes entre pays et régions. Cela reflète à la fois la taille et la diversité de l’Afrique. Par exemple, le taux d’abonnement est de seulement 30 % en Afrique de l’Ouest et inférieur à 20 % en Afrique centrale. Alors que le Nigeria, l’Afrique du Sud et la région Afrique du Nord continuent à faire la course en tête en termes d’abonnements à Internet, de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne (tels que le Kenya, le Soudan et le Zimbabwe) augmentent également leurs taux de pénétration de l’Internet. Si l’on considère le pourcentage d’utilisateurs de l’Internet, le Maroc est en tête à 56 %, suivie par l’Égypte à 8 50 %, et l’Afrique du Sud à 49 % . D’autre part, de nombreux pays d’Afrique sub-saharienne enregistrent encore un taux de pénétration de l’Internet inférieur à 2 %. Le taux de pénétration du large bande fixe a tendance à être nettement plus faible que celui de l’accès mobile en Afrique, avec les Seychelles et l’île Maurice en tête avec un peu moins de 13 %, suivis par la Tunisie, juste sous la barre des 5 %. Dans les pays où les téléphones intelligents sont présents, les tendances générales dans les comportements d’utilisation sont similaires aux tendances internationales. Parmi ceux qui ont accès à l’Internet sur leur téléphone mobile, 57 % consulte les réseaux sociaux, 39 % utilisent le courriel, 38 % écoutent de la musique ou regardent des vidéos, et 31 % suivent l’actualité. La messagerie instantanée est 9 très populaire, utilisée par 41 % des consommateurs . Facebook est l’application qui domine la majorité du trafic de communication, maintenant à 62 %. Cependant, contrairement à d’autres parties du monde où le taux de pénétration des téléphones intelligents est bien supérieur à 50 %, l’Afrique, notamment les régions Afrique de l’Ouest et Afrique centrale, a encore un grand nombre d’abonnés utilisant les téléphones riches en fonctionnalités. C’est pour cette raison, entre autres, que des activités répandues dans les marchés plus développés de l’Occident, tels que les jeux et les achats en ligne, sont moins présentes sur les marchés africains. Seulement 19 % et 10 % des propriétaires 7 Ce taux indique le nombre total d’abonnements et non le nombre d’abonnés uniques (en Afrique, les gens sont susceptibles d’avoir plusieurs abonnements). Selon le rapport sur l’économie mobile 2015 de la GSMA, le taux d’abonnés uniques en Afrique subsaharienne est de 39 %. 8 Voir : (i) les faits marquants sur l’Afrique dans le rapport 2014 « Situation du large bande », du 27 janvier 2015, ici : http://www.oafrica.com/broadband/african-highlights-from-state-of-broadband-2014-report/ et (ii) le Rapport de la Commission sur le large bande (2015), le Rapport sur la Situation du large bande : le large bande pour tous, ici : http://www.broadbandcommission.org/documents/reports/bb-annualreport2014.pdf 9 Sandvine IBN (2013). Rapport sur le phénomène Internet mondial : 2H. Disponible ici : https://www.sandvine.com/downloads/general/global-internet-phenomena/2013/2h-2013-global-internet-phenomena-report.pdf 10 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG de téléphones portables en Afrique s’en servent respectivement pour les activités de jeux et d’achats en 10 ligne . Infrastructure Dans cette section, nous mettons en évidence l’état actuel de l’infrastructure Internet en Afrique du point de vue des progrès réalisés au regard des éléments de la chaîne de valeur de l’accès à Internet comme indiqué sur la Figure 4, en mettant particulièrement l’accent sur la connectivité internationale, la connectivité transfrontière ou régionale et les réseaux fédérateurs nationaux. Connectivité internationale Réseau fédérateur national Dernier kilomètre Kilomètre intermédiaire Service Internet 11 Figure 4 : Les éléments de la chaîne de valeur de l’accès à Internet Connectivité internationale La connectivité internationale d’Internet est l’une des conditions les plus importantes pour le développement de l’Internet dans tous les pays, notamment pour les pays en développement qui accèdent à des quantités importantes de contenu en provenance de régions plus développées. Les utilisateurs des pays avec une plus grande bande passante internationale et une meilleure couverture nationale ont un meilleur accès à Internet leur permettant de bénéficier d’une large gamme de services en ligne, alors que les utilisateurs des pays ne disposant pas de bande passante internationale suffisante sont considérablement limités dans leur accès à Internet et à son utilisation. Non seulement l’absence de bande passante suffisante empêche l’accès à Internet, elle soutient également des niveaux de prix élevés et maintient la qualité des services à un niveau faible. Même dans des pays où l’accès est disponible, des prix relativement élevés pour la connectivité internationale peuvent être décourageants, entraînant ainsi un désintérêt des utilisateurs pour les services Internet. Dans ce cas, le volume de trafic Internet et les revenus connexes diminuent, rendant moins attrayant les investissements dans la bande passante internationale. Par conséquent, des problèmes d’accès, d’abordabilité et de qualité de service peuvent persister dans le pays. La bande passante, essentielle à l’accès à l’Internet et à son utilisation, est rare et donc chère en général dans les pays en développement et en particulier en Afrique. Les utilisateurs en Afrique doivent payer beaucoup plus cher l’accès à Internet comparé à leurs homologues des pays développés. Par exemple, 10 M & C Saatchi mobile (2013). Inside Mobile Africa, An in-depth look at the rise of mobile and opportunities for advertisers in Africa), ici : http://www.mcsaatchimobile.com/wp-content/uploads/2013/06/Inside-Mobile-Africa.pdf 11 Schumann R. et Kende M. Supprimer les barrières au développement d’Internet en Afrique : suggestions pour améliorer la connectivité, mai 2013, ici : http://www.Internetsociety.org/sites/default/files/Barriers%20to%20Internet%20in%20Africa%20Internet%20Society_0.pdf 11 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG certaines études montrent que les coûts d’accès à l’Internet large bande en Afrique sub-saharienne sont 30 à 40 fois supérieurs qu’aux États-Unis ; si l’on prend en considération l’écart dans les revenus, une activité qui représente 15 % du revenu national brut (RNB) par habitant des États-Unis nécessite plus de 800 % du RNB par habitant de l’Afrique sub-saharienne. Dans le continent, par exemple, l’accès à l’Internet large bande nécessite 15,7 % du PIB moyen par habitant du Kenya, comparé à 6,1 % pour l’Afrique du Sud et moins de 2% pour la plupart des pays de l’Europe. En Éthiopie, le chiffre monte à 60,4 % alors qu’il est de 31 % en Ouganda et 7,4 % au Soudan. Mais, il faut constater que la situation de la bande passante s’améliore. Au cours des dernières années, l’accroissement significatif des investissements a permis le renforcement des capacités en général, et l’installation dans de nombreux pays de stations d’atterrage. Le Tableau 2 qui suit recense les câbles sousmarins internationaux et régionaux desservant l’Afrique. La Figure 5 présente la carte correspondante illustrant les différents câbles de fibres sous-marins encerclant le continent. Tableau 2 : Les câbles sous-marins internationaux et régionaux desservant l’Afrique (Source : http://manypossibilities.net/african-undersea-cables) Coût (en millions de $ USD) Longueur (km) Capacité (Tbit/s) Date d’achèvement Seacom 650 EASSy 265 TEAMs 130 WACS 600 MainOne 240 GLO1 800 ACE 700 SAEx 500 WASACE (non disponible) BRICS (non disponible) 13 700 1,28 juillet 2009 10 000 4,72 juillet 2010 4 500 1,28 Sept. 2009 14 000 5,12 T3 2011 7 000 1,92 T2 2010 9 500 2,5 T3 2010 14 000 5,12 T2 2012 9 000 12,8 T2 2013 9 000 40 34 000 12,8 Figure 5 : Câbles sous-marins africains (Source : http://manypossibilities.net/african-undersea-cables) Ces développements ont permis une augmentation constante de la largeur de bande passante Internet internationale sur le continent. De 2009 à 2014, la largeur de bande passante Internet internationale de l’Afrique a été multipliée par vingt et dépasse maintenant 2 Tbit/s. Et dans la même période, le réseau terrestre de l’Afrique a plus que doublé. En général, la part de la bande passante Internet internationale des pays en développement est passée de 9 % en 2004 à 30 % aujourd’hui. Des chiffres similaires de croissance ont été signalés pour les réseaux terrestres : on est passé d’un total de 465 659 km en 2009, 12 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG 12 à 676 739 km en 2011, à 732 662 en 2012 et à 958 901 km en juin 2014 . En seulement 5 ans(2009-2014), la bande passante Internet internationale de l’Afrique a été multipliée par vingt et son réseau terrestre a plus que doublé. Bien que les câbles sous-marins aient réduit les coûts de connexion internationale, les prix restent nettement supérieurs à ceux des pays développés. En outre, on redoute que les pays sans littoral et ceux qui ne possèdent pas de stations d’atterrage de câbles sous-marins ne profitent pas des câbles sous-marins internationaux. Ces pays soit achètent la bande passante Internet internationale aux pays voisins, soit dépendent encore des connexions par satellite. Par conséquent, les avantages qui découlent de la connectivité élargie des dernières années devraient être utilisés comme source de motivation pour relier plus efficacement le reste du continent et réduire les contraintes de bande passante limitée. Connectivité nationale et transfrontière Même si l’on peut constater une croissance en termes de largeur de bande passante internationale et de capacité en faveur de l’Afrique, le développement de l’infrastructure sous-marin ne suffit pas à lui tout seul d’améliorer sensiblement l’accès à Internet et son utilisation. Des goulets d’étranglement demeurent :d’une part, la quantité insuffisante de câbles en service vendus à des prix concurrentiels et, de l’autre, le nombre limité de réseaux fédérateurs en fibre optique utilisés pour distribuer la capacité internationale au niveau local. La faiblesse des infrastructures nationales se traduit par des disparités dans la bande passante disponible au sein des pays. Des inquiétudes sérieuses existent concernant la concentration de la plupart de la bande passante disponible dans les zones métropolitaines et urbaines. Les collectivités rurales et éloignées en Afrique continuent à souffrir d’un grave manque de connectivité et ne profitent pas des avantages de l’accès à Internet. La tendance qui prévaut dans la plupart des pays africains est la substitution des connexions Internet fixes par des connexions mobiles (que nous abordons dans la section qui suit). Mais l’Internet mobiles n’est pas une panacée pour les goulets d’étranglement qui limitent la connectivité, car il dépend également des réseaux fédérateurs nationaux à fibre optique et des liaisons transfrontières pour relier les villes et les provinces et gérer le trafic à longue distance. De ce fait, la connectivité nationale et transfrontière constitue le socle sur lequel s’appuient les déploiements fixes et mobiles promis. 13 Malheureusement, l’examen des différents débats au sein des forums continentaux sur l’Internet indique que ce sont les infrastructures transfrontières dans la région qui sont les moins développées. Mais de nouveaux développements encourageants se font jour. Par exemple, des travaux ont commencé sur le Système de liaison terrestre d’Afrique de l’Est (EABS) qui reliera le Kenya, la Tanzanie, l’Ouganda, le Rwanda et le Burundi. En outre, les pays sans littoral de l’Afrique de l’Est (Ouganda, Rwanda et Burundi) ont 13 12 Voir http://www.africabandwidthmaps.com 13 Voir, par exemple, le Forum africain sur l’appairage et l’interconnexion, réunion inaugurale, 11 et 12 août 2010, Nairobi (Kenya). WWW.INTERNETSOCIETY.ORG déjà mis en place des réseaux fédérateurs qui leur donnent accès à la bande passante Internet internationale via des câbles sous-marins à fibre optique quasiment au même prix que les pays côtiers. En outre, l’expansion de cette infrastructure terrestre transfrontière est en cours en RDC, en Éthiopie et en Somalie, avec la création de réseaux régionaux en anneaux pour augmenter la fiabilité. La mise en place de liaisons transfrontières implique également de surmonter un certain nombre de défis. On peut citer la question de savoir qui entre les pays voisins devra poser les câbles à fibre optique dans les vastes régions inhabitées séparant ces pays. Un autre défi est le manque de points d’échange. Actuellement, la plupart du trafic entre les pays africains (et très souvent même à l’intérieur d’un même pays) passe encore sur des liaisons internationales coûteuses via l’Europe et les États-Unis, plutôt que de prendre des connexions plus directes. Heureusement, ces dernières années, des initiatives actives ont vu le jour pour créer des IXP qui offriraient des connexions directes sûres et abordables au sein et entre les pays africains, 14 notamment grâce au projet AXIS . Le développement de l’infrastructure a également été renforcé avec la création des réseaux de recherche et 15 d’éducation nationaux (NREN) dans la région . Le projet AfricaConnect de l’Alliance UbuntuNet est un bon exemple. Le projet a mis en place un réseau Internet à haute capacité pour la recherche et l’éducation en Afrique australe et en Afrique de l’Est, dotant ainsi la région d’une passerelle pour la collaboration mondiale en matière de recherche et permettant aux NREN de communiquer en tant que pair avec le réseau GEANT d’Europe. Essor des communications mobiles Comme indiqué ci-avant dans la section « Connectivité nationale et transfrontière », les pays africains, notamment les pays à faible revenu, se tournent de plus en plus vers l’Internet sans fil. Les connexions utilisant la technologie hertzienne large bande peuvent prendre plusieurs formes, y compris : > Abonnement payant avec une clé USB ou un modem fournissant un accès Internet aux ordinateurs portables et à d’autres appareils sans fil > Offres de données mobiles 3G/4G pour tablette ou téléphone intelligent > Services Wi-Fi gratuits ou payants offerts par les entreprises, les hôtels, les cafés Internet, et d’autres Cependant, de nombreux utilisateurs continuent d’utiliser des services d’accès fixe tels que les cybercafés pour visionner des vidéos ou télécharger de gros fichiers, entre autres. Ayant enregistré la plus forte croissance dans le monde, le marché mobile joue un rôle très positif sur la croissance économique de l’Afrique. Actuellement, la majorité des téléphones mobiles en usage sont des téléphones riches en fonctionnalités. Cependant, les téléphones intelligents ont également pénétré le marché. Les chiffres nous montrent le nombre croissant d’utilisateurs mobiles qui possèdent de tels appareils. On peut donner les chiffres des pays suivants : le Nigeria (25 %), l’Égypte (22 %), le Ghana (18 %), le Cameroun (17 %), le Kenya (13 %) et le Sénégal (11 %). L’industrie continuera de se développer, 14 15 14 http://www.internetsociety.org/events/workshops/axis-project-and-axis-workshops et http://pages.au.int/axis http://edutechdebate.org/research-and-education-networks/the-state-of-research-and-education-networking-in-africa/ WWW.INTERNETSOCIETY.ORG si les téléphones intelligents deviennent plus abordables pour les consommateurs. Ces appareils représentaient 15 % du marché mobile africain en 2014 et devraient passer à 23% en 2015, puis à 40 % 16 d’ici 2017 . En outre, la croissance du marché des téléphones intelligents en Afrique pousse les développeurs locaux à offrir aux consommateurs des applications plus spécifiques à la région, entraînant ainsi le développement de boutiques d’applications. Par exemple, en janvier 2013, au Nigeria, 146 développeurs ont offert 419 applications spécifiquement pour les utilisateurs de Blackberry en Afrique. 17 Au Kenya, les téléphones portables offrent aux consommateurs la possibilité de créer et gérer leurs propres comptes bancaires et y accéder via leur opérateur mobile, en utilisant un système de paiement appelé MPesa. Le service permet aux utilisateurs de transférer de l’argent directement via un appareil mobile, sans avoir besoin d’un compte bancaire fixe. Avec plus de 15 millions de clients, le service représente 12 % du PIB du Kenya, et les transactions représentant une part supplémentaire de 31 % du PIB sont effectuées par le biais de ce service. Par ailleurs, l’entreprise Intel investit dans iHub au Kenya pour développer une communauté florissante de développeurs locaux en fournissant des formations et des ressources. Elle est également en partenariat avec 10 universités kenyanes pour augmenter le nombre de développeurs locaux pour développer des applications localisées. Comme nous l’avons noté dans la section précédente, la large bande mobile est encore dépendante d’une infrastructure permanente. Néanmoins, les appareils mobiles montrent qu’ils continueront à jouer un rôle dominant dans l’expansion de l’Internet en Afrique et dans l’innovation portée par Internet. L’économie de l’Internet en Afrique L’Internet est de plus en plus un moyen de communication dominé par le secteur privé, où les entreprises et les entrepreneurs offrent de nouvelles opportunités économiques. Une économie de l’Internet, dans son acception courante, se réfère aux activités économiques directement liées à l’utilisation de l’Internet, comprenant l’accès et l’utilisation de l’Internet, les investissements dans l’infrastructure, et les dépenses 18 liées aux activités Internet dans un pays . Cela peut impliquer des entreprises qui se trouvent du côté de l’offre (celles qui donnent aux utilisateurs l’accès à Internet) et du côté de la demande (celles qui en font usage) ainsi que d’autres entreprises portées par Internet et des entreprises dépendant d’Internet. Les entreprises spécifiques qui jouent un rôle essentiel dans l’économie de l’Internet peuvent être regroupées en plusieurs groupes, y compris : > les fournisseurs de services Internet (FSI) et les cybercafés > les entreprises qui fournissent des dispositifs d’accès tels que les téléphones mobiles 16 M&C Saatchi Mobile (2013). Inside Mobile Africa, An in-depth look at the rise of mobile and opportunities for advertisers in Africa), ici : http://www.mcsaatchimobile.com/wp-content/uploads/2013/06/Inside-Mobile-Africa.pdf 17 ibid. Goldstuck, Arthur (2012). Le poids d’internet : le moteur silencieux de l’économie sud-africaine, World Wide Worx, http://www.worldwideworx.com/Internet-2-of-sa-economy/ 18 15 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG > les entreprises qui fournissent du contenu, y compris : les plates-formes telles que les moteurs de recherche Internet (par exemple, Google), les réseaux sociaux (par exemple, Facebook, Twitter et LinkedIn), les ressources partagées à contenu (par exemple, YouTube et Wikipédia) ; les groupes de presse ; les services de divertissement ; les services de vente en ligne ; les services médiatiques et publicitaires > les registraires Internet (qui vendent des noms de domaine) > les concepteurs de sites Internet et des applications Internet (y compris les concepteurs d’applications mobiles) > les centres de données Les communautés des professionnels d’Internet se développent rapidement en Afrique, mais pas avec la même ampleur que dans les marchés à revenu élevé comme l’Europe ou l’Amérique du Nord. En tant que telle, l’économie de l’Internet en Afrique par rapport au PIB reste loin derrière les pays les plus industrialisés. Comme l’indiquent certaines études, la contribution moyenne de l’économie de l’Internet au PIB des économies les plus avancées en 2010 était de 4,1 %. Elle devrait passer à 5,3 % en 2016. La moyenne pour les marchés développés était de 4,3 %, passant à 5,5 % en 2016. En ce qui concerne les marchés des économies en développement, la contribution moyenne était de 3,6 % et devrait passer à 4,9 % en 2016. Pour comparaison, la contribution moyenne de l’économie de l’Internet au PIB de l’Afrique du Sud était de 19 1,9 % en 2010, 2 % en 2011 et devrait atteindre 2,5 % en 2016 . Des investissements importants ont été réalisés ainsi que des efforts importants entrepris en Afrique pour améliorer la connectivité de base à l’Internet et les services connexes. Toutefois, pour que l’Afrique progresse vers une économie numérique et tire pleinement parti de l’Internet, elle doit passer de la connectivité de base vers l’interconnexion des réseaux (y compris les réseaux de télécommunications, les IXP, les réseaux de paiement bancaire, et encore plus) et l’interopérabilité des systèmes, et permettre le développement d’applications et de services et enfin stimuler le bien-être économique et social. 19 16 Ibid. WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Gouvernance de l’Internet et approche multi-acteur de la politique publique de l’Internet en Afrique L’Internet est passé d’un simple réseau reliant quelques ordinateurs au sein d’un pays à un réseau de réseaux qui couvre toute la planète, reliant des milliards de dispositifs et des milliards d’utilisateurs. Mais, même à ses débuts, l’Internet avait besoin d’une administration pour faire le suivi des ordinateurs connectés, de leur emplacement et des administrateurs. Au début, cela se faisait à l’aide de simples tableaux, avec un stylo et du papier. Ensuite, avec l’évolution des logiciels, on a commencé à faire le suivi à l’aide de 20 tableurs et de bases de données . Définition de la gouvernance de l’Internet (Agenda de Tunis, paragraphe 34) : ... le développement et l’application par les gouvernements, le secteur privé et la société civile, dans leurs rôles respectifs, de principes, normes, règles, procédures de prises de décisions, et de programmes partagés qui déterminent l’évolution et l’usage de l’Internet. Au fur et à mesure que l’Internet prenait de l’ampleur, le suivi des différentes connexions et des dispositifs devenait plus complexe et nécessitait plus d’efforts. En outre, il devenait nécessaire de définir des normes et des protocoles qui permettraient l’interopérabilité et l’homogénéité entre les réseaux et les dispositifs. Au fil de nombreuses années, plusieurs institutions et communautés ont été créées pour traiter les différents aspects liés à l’administration et au fonctionnement de l’Internet du point de vue commercial, technique et de la communauté des utilisateurs. Compte tenu des évolutions intervenues au sein de la communauté technique, les autres secteurs ont également subi des changements dans la façon dont ils abordent les problèmes liés à l’Internet. De nombreux gouvernements ont mis en place ou réaménagé leurs départements ou organismes de réglementation pour répondre aux besoins qui sont en constante évolution dus à l’Internet, alors que le secteur universitaire a continué à mener des travaux de recherche pour améliorer le fonctionnement de l’Internet. Ensemble, toutes ces activités liées à l’évolution, l’administration et le fonctionnement de l’Internet constituent ce qu’on appelle la gouvernance de l’Internet. En résumé, un écosystème qui est parfaitement adapté aux exigences propres à Internet a vu le jour et puise ses forces dans l’engagement d’un large éventail de parties prenantes, lesquels œuvrent via des processus ouverts, transparents et collaboratifs afin d’innover, de relever les défis communs et de construire l’Internet. Du point de vue de la politique publique, le modèle multi-acteur de gouvernance de l’Internet permet aux décideurs politiques de tirer parti de l’expertise des parties prenantes afin d’élaborer des approches durables de la politique publique de l’Internet qui peuvent relever les défis politiques posés par l’ère numérique. Des problèmes relatifs à la confidentialité en ligne, à l’accessibilité, à la cybersécurité et à la neutralité du net, entre autres, ne seront résolus ni par un seul traité, ni par un projet de loi, ni par une simple solution technique, ni par des actions d’une seule entreprise ou d’un seul secteur de l’économie. 20 17 Dans les premiers jours, une personne, Jon Postel, avait effectué cette tâche. WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Les organisations et processus qui influencent l’Internet se sont révélés être résilients et adaptables dans une grande mesure parce qu’ils reposent sur le principe que l’Internet est en constante évolution et sur l’acceptation que les meilleures solutions à de nouveaux problèmes découlent de la collaboration volontaire entre parties prenantes engagées et informées. Fondamentalement, l’Internet est un système décentralisé qui permet aux personnes de définir des politiques de fonctionnement adaptées à leurs besoins, et il permet également la résolution des problèmes au niveau le plus proche de leur origine. En Afrique, depuis les années 1990, l’écosystème Internet n’a cessé de croître naturellement avec la mise en place de nouvelles institutions et de nouveaux processus pour répondre aux besoins et aspirations du continent. Il existe des défis particuliers relatifs au développement de l’Internet qui exigent des solutions régionales ou locales. Mais le modèle multi-acteur s’applique au niveau local, régional, ainsi que mondial, et le développement d’une politique publique dans un écosystème fortement interconnecté comme Internet nécessite la collaboration de différents acteurs pour la recherche de solutions. En ce qui concerne l’avenir, l’Afrique doit continuer à développer et à renforcer son écosystème Internet pour assurer la localisation des politiques et des solutions et pour que toutes les parties prenantes aient leur mot à dire sur le développement et l’évolution de l’Internet. Cette section présente une brève description de certaines institutions et processus mondiaux et africains qui œuvrent pour le développement et la gouvernance de l’Internet. L’écosystème Internet en Afrique - les institutions et processus Af* Au sein de la communauté technique en Afrique, Af* (prononcé Af-star) fait référence aux organisations et 21. forums qui constituent l’écosystème Internet en Afrique En tant que concept, Af* remonte aux années 1990 lorsque le Africa Internet Group (AIG) a été formé pour discuter des questions relatives à Internet en Afrique. La première réunion pour laquelle il existe des documents, qui a notamment examiné la question de la gouvernance de l’Internet a eu lieu en 1998, à la suite de la formation de l’ICANN. C’était l’atelier sur le thème « Gouvernance de l’Internet en Afrique », et c’était lors de cet atelier que Dr Nii Quaynor a prôné la nécessité de mettre en place des institutions pour soutenir la croissance de l’Internet en 22 Afrique. Cette section présente une description brève des organisations et forums Af* . > Le Centre d’Information du réseau africain (AfriNIC) est le Registre Internet régional (RIR) chargé de la distribution et de la gestion des ressources de numéros sur Internet, telles que les adresses IP et les 23 numéros de systèmes autonomes pour l’Afrique . Fondé en 2005, AfriNIC est une organisation non gouvernementale, à but non lucratif, de type associatif, dont le siège social est à l’île Maurice. Les réunions de l’AfriNIC sur la politique publique ont lieu deux fois par an et fournissent aux parties prenantes l’occasion de discuter des politiques relatives à l’Internet qui affectent la région, en plus des possibilités de formation, des ateliers, des tutoriels et des échanges entre pairs. 21 L’utilisation de l’astérisque * est en référence au caractère générique utilisé en informatique qui signifie une chaîne de caractères. 22 Bien que le FGI Afrique et les FGI régionaux soient également considérés comme faisant partie des Af*, ils seront examinés séparément. 23 http://www.afrinic.net 18 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG > Le Groupe de travail de gouvernement d’AFRINIC (AfGWG) a été créé en 2010 à l’initiative d’AfriNIC pour travailler avec les gouvernements africains et les régulateurs pour traiter des questions d’ordre général liées à la gouvernance de l’Internet et relever les défis que présente la construction en Afrique d’une économie efficace de l’Internet. > Le Groupe des Opérateurs de réseau africain (AfNOG) est un forum créé en 2000, qui regroupe les opérateurs des réseaux connectés à Internet dans le but d’échanger des informations techniques et discuter de questions nécessitant une coopération pour le développement de l’infrastructure de réseau et 24 d’Internet en Afrique . > Le Réseau de la recherche et de l’enseignement en Afrique (AfREN) est un groupement de réseaux de la recherche et de l’éducation établi en 2007. AfREN organise des réunions annuelles qui permettent aux réseaux de la recherche et de l’éducation de discuter et coordonner des activités et partager les meilleures pratiques sur la mise en œuvre de réseaux dédiés à la communauté de la recherche et de l’éducation. AfREN sert de cadre qui regroupe des alliances régionales de réseaux de la recherche et de l’éducation : Alliance UbuntuNet pour l’Afrique australe et l’Afrique de l’Est, WACREN pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale et ASREN pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient. > L’Association africaine des noms de domaine de premier niveau (AfTLD) a été créée en 2002 et réunit les gestionnaires des noms de domaine de premier niveau par code pays (ccTLD) pour se coordonner et collaborer sur des questions relatives au système de noms de domaine (DNS) de l’Afrique et à la gestion des ccTLD. En 2013, l’AfTLD, l’ICANN et l’Internet Society se sont mobilisés pour lancer le Forum africain sur le DNS. L’AfTLD participe également de manière active à l’Organisation de soutien pour les noms de codes de pays (ccNSO). Le Secrétariat de l’AfTLD est basé au Kenya et 43 % des ccTLD africains y sont membres. > L’Internet Society (ISOC) par le biais de son Bureau pour l’Afrique et ses chapitres africains participe activement dans le développement de l’Internet en Afrique, et les chapitres africains de l’Internet Society sont considérés comme faisant partie de l’Af*. Actuellement, l’ISOC fédère des chapitres dans 31 pays africains. > Le Forum africain sur l’appairage et l’interconnexion (AfPIF) a été lancé en 2012 comme un forum multi-acteur annuel sur l’appairage et l’interconnexion dans le but d’améliorer l’efficacité et la rentabilité de l’infrastructure et des services Internet transfrontières en Afrique. L’AfPIF fournit un cadre pour discuter des opportunités et des défis et résoudre les problèmes réglementaires et politiques affectant l’interconnexion. L’AfPIF a été créé et est dirigé par l’Internet Society. > L’Équipe d’intervention d’urgence informatique d’Afrique (AfricaCERT) est un organisme-cadre qui regroupe les CERT ou les CSIRT (Équipe de sécurité informatique pour les interventions en cas d’urgence) d’Afrique, qui vise à promouvoir l’établissement des CERT et leur coopération et coordination pour maintenir la santé des systèmes Internet d’Afrique. Neuf pays ont établi des CERT (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Égypte, Kenya, Maurice, Maroc, Afrique du Sud, Soudan et Tunisie), tandis que deux pays (Cameroun et Ghana) travaillent actuellement à la mise en place de leurs CERT respectifs. L’AfricaCERT a été conçue en 2010 et lancée en 2012. 24 19 http://www.afnog.org WWW.INTERNETSOCIETY.ORG > La Communauté africaine de l’ICANN (AfrICANN) rassemble les parties prenantes qui participent ou s’intéressent aux processus de l’ICANN afin de discuter des questions d’intérêt Mandats pour la création de FGI nationaux et régionaux commun. Elle fournit également un cadre pour un engagement Agenda de Tunis, Paragraphe 80 plus actif avec l’ICANN dans l’élaboration et la mise en œuvre de Nous encourageons l’élaboration de mécanismes multi-acteurs aux niveaux national, régional et international pour établir un dialogue et une collaboration en vue de l’expansion et de la diffusion de l’Internet comme moyen d’appuyer les efforts de développement visant à atteindre les buts et objectifs de développement arrêtés à l’échelle internationale, notamment les Objectifs du Millénaire pour le développement. la stratégie de l’ICANN pour l’Afrique qui a été lancée en 2012. > Le Sommet Internet Afrique (AIS) a été lancé en 2012 comme l’« événement multi-acteur le plus important rassemblant dans un même espace des ateliers, des conférences et des réseaux pour l’industrie Internet ». L’AIS est organisé chaque année, regroupant tous les organisations et forums Af* pour discuter et échanger des idées et des informations sur l’Internet et le secteur des TIC en Afrique, associant les aspects techniques avec le monde des affaires et les besoins concrets des utilisateurs. > Le Forum africain sur le DNS a été lancé en 2012 comme le fruit de la collaboration entre l’Internet Society, l’AfTLD et l’ICANN visant à fournir une plate-forme pour la promotion de l’industrie du DNS en Afrique. Ce Forum annuel vise à promouvoir la Table ronde ministérielle de Dakar, 2011 (ICANN 42) Se félicitant du lancement du Forum sur la gouvernance de l’Internet en Afrique (FGI-Afrique) NOUS NOUS ENGAGEONS À : • collaboration entre les principales parties prenantes (registres, registraires, titulaires, experts en DNS, représentants de gouvernement et décideurs politiques) afin de trouver des moyens pour améliorer et soutenir les ccTLD d’Afrique et d’explorer de nouvelles opportunités dans l’industrie du DNS. > L’Association des opérateurs africains d’IXP (Af-IX) est un organisme-cadre des opérateurs d’IXP qui vise à maximiser les • Soutenir et promouvoir les forums régionaux et locaux FGI pour encourager une approche multiacteurs et participative aux problèmes de développement de l’Internet en Afrique dans l’esprit des FGI. Mettre en place des forums nationaux et régionaux sur la gouvernance de l’Internet en vue de leurs participations actives au FGIAfrique. avantages collectifs des IXP et fournit une plate-forme pour le renforcement des capacités, l’apprentissage par les pairs et l’échange des meilleures pratiques. FGI-Afrique et les FGI régionaux Le Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI) est le résultat du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) qui s’est tenu en deux phases, le premier à Genève en 2003 et le second à Tunis en 2005. En plus de l’organisation annuelle du FGI mondial, le paragraphe 80 de l’Agenda de Tunis encourage la création de FGI nationaux et régionaux, et cet appel a été réitéré dans les Déclaration de Khartoum des ministres de l’UA en charge des TIC, 2012 PAR LA PRÉSENTE, NOUS NOUS ENGAGEONS À PROMOUVOIR l’organisation de Forums sur la gouvernance de l’Internet (FGI) au niveau national afin de faciliter le dialogue entre toutes les parties prenantes sur l’utilisation des TIC pour le développement et PROMOUVOIR également la participation des pays africains aux activités du FGI-Afrique ainsi qu’à celles du FGI mondial. déclarations ministérielles aux niveaux régional et continental (voir encadré). Il existe actuellement cinq FGI régionaux, un FGI pour chacune des régions géographiques en Afrique, et un FGI continental. Les FGI régionaux seront examinés dans l’ordre chronologique de leur création. 20 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG > Le FGI-Afrique de l’Est a été lancé en 2008 dans le cadre du projet conjoint entre l’Association pour le 25 progrès des communications (APC) et le Réseau d’action TIC du Kenya (KICTANet) . Depuis sa création, tous les membres du FGI-Afrique de l’Est ont établi leurs FGI nationaux et un modèle opérationnel a été défini comprenant des consultations nationales en ligne suivies d’une réunion en personne avant la tenue du Forum régional. > Le premier événement régional de FGI-Afrique de l’Ouest a eu lieu en 2008. Le FGI-Afrique de l’Ouest a ensuite été renforcé en 2009 par un projet commun géré par l’APC et auquel ont participé différentes parties prenantes. Le projet a suivi l’approche utilisée par le FGI-Afrique de l’Est, et a permis la création de FGI nationaux dans cinq des quinze pays membres de la région. Depuis lors, des FGI nationaux ont été organisés dans 10 des 15 États membres de la CEDEAO. > Le FGI-Afrique australe a été lancé en 2012 à Johannesburg (Afrique du Sud) et a été coorganisé par l’Agence du NEPAD, l’APC et le Réseau des ONG d’Afrique australe (SANGONet). Il n’y a pas eu de réunion en 2012, mais les réunions de 2013 et de 2014 ont eu lieu en Angola et au Malawi, respectivement. Le FGI-Afrique australe n’a pas suivi l’approche du FGI-Afrique de l’Est et du FGI-Afrique de l’Ouest qui consistait à créer des FGI nationaux dès la création du FGI régional. > Le FGI-Afrique centrale a été lancé en 2012 dans la République démocratique du Congo, bien que les processus préparatoires aient été commencés dès 2007. Comme le FGI-Afrique australe, le FGI-Afrique centrale n’a pas établi des FGI nationaux dès sa création, bien que la RDC avait déjà établi son FGI national au moment du lancement du FGI-Afrique centrale. > Le FGI-Afrique du Nord a été lancé en 2012, parallèlement à la tenue de la réunion ICT4All. La Tunisie a été identifiée pour accueillir le Secrétariat et un processus a été mis en place pour établir un groupe consultatif multi-acteur pour piloter la création du FGI-Afrique du Nord. Cependant, à partir de 2013, le FGI-Afrique du Nord a été remplacé par le FGI-Monde arabe qui couvre tous les pays de langue arabe d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. > Le Forum sur la gouvernance de l’Internet en Afrique (FGI-Afrique) a été conçu en 2010, lancé lors du FGI mondial en 2011 et a tenu sa réunion constitutive au Caire (Égypte), en septembre 2012. Les deuxième et troisième sessions du FGI-Afrique ont eu lieu à Nairobi et Abuja, en septembre 2013 et août 2014, respectivement. Le Secrétariat du FGI-Afrique siège à la Commission de l’Union africaine, avec le soutien de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA). Statut des FGI nationaux en Afrique L’Union africaine regroupe les pays d’Afrique dans cinq régions géographiques (Afrique centrale, Afrique de l’Est, Afrique du Nord, Afrique australe et Afrique de l’Ouest) et aujourd’hui chacune des cinq régions a établi son propre FGI régional, principalement en association avec les Communautés économiques régionales (CER). Le Tableau 3 présente la situation des FGI nationaux au sein de leurs CER respectives. Le Tableau montre que le FGI-Afrique de l’Est et le FGI-Afrique de l’Ouest sont en avance en termes de couverture 25 Le projet s’appelait CICEWA (Communication for influence in Central, East and West Africa - Communiquer pour influer en Afrique centrale, de l’Est et de l’Ouest) et était financé par le CRDI. (http://www.apc.org/en/projects/communication-influence-central-east-andwest-afri) 21 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG nationale, avec tous les États membres de la CAE ayant établi des FGI nationaux, alors que 70 % des États membres de la CEDEAO ont établi des FGI nationaux. Tableau 3 : Situation des FGI nationaux au sein de leurs Communautés économiques régionales respectives CER CEDEAO CAE SADC CEEAC UMA (Non affecté) FGI régional Pays avec• un FGI national • déjà établi ou en cours de l’être • FGI-Afrique de l’Ouest Bénin • FGI-Afrique de l’Est Burundi • FGI-Afrique australe Congo RDC • FGI-Afrique centrale Burundi • FGI-Afrique du Nord Tunisie • Égypte Burkina • Kenya Malawi • Cameroun Faso • Rwanda • Mozambique • Congo (RDC) Côte d’Ivoire • Tanzanie • Afrique du Sud • Gambie Ouganda • Tanzanie • Ghana • Libéria • Nigeria • Sénégal • Sierra • 26 Leone • Pays sans• FGI national • Cap-Vert • (Soudan du • Angola • Angola • Algérie • Comores Guinée Sud • Botswana • République • Libye • Djibouti • Lesotho centrafricaine • Mauritanie • Érythrée Bissau • Madagascar • Tchad Maroc • Éthiopie • Mali • Ile Maurice • Congo • République • Niger • Namibie • Guinée arabe • Seychelles Équatoriale sahraouie • Swaziland • Gabon démocratique • Zambie • Sao Tomé et (RASD) • Zimbabwe • 26 Togo Guinée- • Somalie) 27 • Principe • Soudan Les pays figurant dans cette colonne appartiennent à d’autres communautés économiques régionales. 27 Le Soudan du Sud a participé à la session du FGI-Afrique de l’Est en 2009 en tant qu’observateur, alors que la Somalie a participé à la session du FGI-Afrique de l’Est en 2012, indiquant peut-être qu’ils intégreront ce FGI régional. 22 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Autres institutions régionales et internationales Les organismes suivants jouent tous un rôle important dans les activités Internet en Afrique, mais cette liste n’est pas exhaustive. Les lecteurs intéressés sont également invités à consulter W3C, IEEE, GSMA, UNESCO et d’autres organisations internationales. ICANN La Société pour l’attribution des noms de domaine et des numéros sur Internet (ICANN) a été créée en 1998 et est chargée de la gestion et de l’administration du DNS et de la coordination des registres pour les identificateurs uniques de l’Internet : les adresses IP (et les ressources connexes), les paramètres de protocole et les domaines de premier niveau. L’ICANN organise des réunions sur la politique publique trois fois par an, à tour de rôle dans différentes régions du monde. Les réunions incarnent un processus multiacteur, mené à partir de la base et fondé sur le consensus pour traiter les politiques et les processus liés au système de nommage et de numérotation de l’Internet. L’Afrique a accueilli huit des 51 réunions à ce jour et est censée accueillir ICANN 55 en 2016. Une table ronde ministérielle organisée comme événement précédant la réunion ICANN 41 à Dakar en 2011 a donné lieu à un communiqué qui a appelé, entre autres, à une plus grande présence de l’ICANN en Afrique et au soutien pour une participation accrue des Africains dans l’ICANN et l’industrie du DNS. En réponse, en 2012, l’ICANN a annoncé le lancement d’une stratégie de l’ICANN pour l’Afrique et, par la suite l’ICANN a nommé un vice-président pour l’Afrique, soutenu par deux fonctionnaires recrutés en 2014. Internet Society L’Internet Society œuvre à la promotion de l’ouverture et de la transparence dans le cadre du développement, de l’évolution et de l’utilisation de l’Internet. Elle compte plus de 70 000 membres et 100 chapitres répartis dans 80 pays, ainsi que 145 organisations membres. Les activités de l’Internet Society sont guidées par des motivations qui visent à garantir que l’Internet continue de se développer comme une plate-forme ouverte qui permet aux gens de partager des idées, de se connecter grâce à des moyens novateurs et de répondre à leurs besoins économiques, sociaux et éducatifs. Globalement, l’Internet Society travaille avec et à travers une variété de partenariats, de programmes et de processus, y compris en présentant ses points de vue dans des forums tels que le FGI et l’UIT ; en apportant son soutien aux efforts des collectivités visant à améliorer l’accès et l’utilisation de l’Internet ; en faisant la promotion des meilleures pratiques ; en élaborant des orientations politiques ; et en menant des travaux de recherche en appui à ses activités. L’Internet Society a joué un rôle déterminant dans plusieurs initiatives en Afrique, telles que : > le renforcement des capacités techniques des opérateurs de réseaux et des opérateurs de registre ccTLD > l’établissement de points d’échange Internet (IXP) par la mise en œuvre du projet de système africain d’échanges internet (AXIS) de l’Union africaine > la promotion de l’interconnexion Internet par le biais du FGI-Afrique > le soutien à l’industrie du DNS par le biais du Forum africain sur le DNS 23 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG > le soutien aux FGI nationaux et régionaux Normes Internet IETF Le IETF (Groupe de travail en ingénierie Internet) produit des normes dénommées RFC (Request for comments - Demande de commentaires) et des documents techniques qui ont été utilisés pour la conception, l’utilisation et la gestion de l’Internet depuis 1986. Ces normes sont d’une importance cruciale, puisque l’Internet ne fonctionnerait pas sans elles. L’IETF est une organisation ouverte dans laquelle des bénévoles du monde entier travaillent à titre individuel. Le prochain milliard d’utilisateurs de l’Internet proviendra des pays en développement. Par conséquent, il est essentiel que les ingénieurs en provenance des pays en développement participent aux travaux de l’IETF afin d’influencer l’avenir de l’Internet. UIT L’Union internationale des télécommunications (UIT) est la plus ancienne institution des Nations Unies, fondée en 1865 sous le nom d’Union télégraphique internationale. En 1947, elle est devenue une institution spécialisée des Nations Unies. En tant qu’organisme des Nations Unies, les principaux Les normes Internet permettent aux ordinateurs, aux équipements de réseau et aux applications de coopérer de manière transparente pour effectuer des transferts de données d’un point d’un réseau à un autre. Grâce aux normes Internet, accessibles à tous ceux sans aucun frais ou restrictions, les produits de différentes entreprises peuvent collaborer sur Internet, donnant un choix considérable aux utilisateurs. L’IETF établit des normes en ce qui concerne les protocoles de transmission (tels que TCP/IP) et les protocoles d’application (tels que le courrier électronique et HTTP). Ce Groupe de travail n’établit des normes ni pour le matériel de transmission de données informatiques (qui relève de l’UIT et de l’IEEE), ni pour les protocoles spécialisés de couche d’application, tels que HTML (qui relèvent du World-Wide Web Consortium). membres de l’UIT sont les gouvernements, et elle compte actuellement 193 membres. L’UIT compte également des membres de secteur (secteur privé et milieu universitaire), ainsi que des membres associés provenant principalement des organisations non gouvernementales et de la société civile. L’UIT attribue dans le monde entier des fréquences radioélectriques et des orbites de satellite, élabore les normes techniques qui assurent l’interconnexion harmonieuse des réseaux et des technologies et s’efforce d’améliorer l’accès aux TIC pour les communautés mal desservies. Les trois secteurs de l’UIT sont : le secteur de la radiocommunication (UIT-R), le secteur de la normalisation (UIT-T) et le secteur du développement des télécommunications (UIT-D). L’actuel directeur de l’UIT-D est M. Brahima Sanou du Burkina Faso. L’UIT a un Bureau régional à Addis Abeba et des Bureaux de zone à Dakar, à Harare et à Yaoundé. Il a aussi son Bureau de zone pour la région arabe au Caire. L’Union africaine L’Union africaine (UA) est l’union de 54 États d’Afrique. L’UA a été créée le 26 mai 2001 à Addis Abeba et a été lancée le 9 juillet 2002 en Afrique du Sud, dans le but de remplacer l’Organisation de l’unité africaine (OUA). L’Union africaine s’intéresse de plus en plus aux problèmes de gouvernance de l’Internet. Entre autres, elle encourage le développement des IXP par le biais du projet AXIS, elle a élaboré la Convention 24 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel, et elle est à la tête des efforts visant à mettre en œuvre le projet de nom de domaine de premier niveau .africa. Le Forum sur la gouvernance de l’Internet (FGI) Le FGI est le résultat du Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI), un sommet mondial organisé par les Nations unies au début du nouveau millénaire pour traiter principalement de la question de l’utilisation des capacités transformatives de l’Internet en vue de promouvoir le développement socioéconomique. L’Agenda de Tunis pour la société de l’information, qui résume les résultats de la deuxième phase du SMSI (2003-2005), a appelé à la création de FGI en tant que « mécanisme neutre, sans chevauchement et non contraignant », avec des opérations « multilatérales, multi-acteurs, transparentes et démocratiques » et sans implication dans les aspects techniques de l’Internet. En effet, le mandat de FGI est plutôt de promouvoir les débats, sensibiliser les citoyens sur les questions de politiques publiques relatives à l’Internet, faciliter la collaboration entre les parties prenantes, identifier les questions émergentes et renforcer les capacités. La durée initiale du mandat du FGI était de cinq ans, de 2005 à 2010, mais son mandat a été renouvelé pour une période supplémentaire de cinq ans. Des discussions sont en cours pour demander le renouvellement de son mandat au-delà de 2015. L’Afrique a accueilli deux FGI mondial : en 2009 à Charm el-Cheikh et en 2011 à Nairobi. Les parties prenantes africaines contribuent aux travaux du FGI mondial par le biais du Groupe consultatif multilatéral, au moyen d’ateliers et de séances organisés dans le cadre des FGI et par la création de FGI nationaux et régionaux. Comme le montre Figure 6, les Africains représentent en moyenne 10 % des participants au FGI mondial, à l’exception notable des deux réunions du FGI mondial qui se sont tenues en Afrique où la participation africaine a été beaucoup plus importante. Il est à noter que ces chiffres ne montrent pas la participation à distance des parties prenantes africaines. Figure 6 : Participation africaine au FGI mondial (2006-2014) 25 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Les problèmes actuels dans le développement de l'Internet en Afrique Jusqu'à ce jour, de grands progrès ont été réalisés dans le développement de l'Internet en Afrique. Désormais, les prochaines étapes de la construction d'une robuste économie de l'Internet en Afrique doivent apporter des réponses aux nombreux problèmes qui restent en suspens. Certains sont partagés avec d'autres régions en développement (comme l'interconnexion et la connectivité transfrontalière, les opportunités économiques, le contenu local et le multilinguisme, et le renforcement des capacités humaines), d'autres ont une dimension spécifiquement régionale (comme la migration numérique) et encore d'autres sont des sujets de préoccupations au niveau mondial (comme la cyber-sécurité, la transition vers le protocole IPv6, les droits de l'homme et la liberté d'expression). L'interconnexion et la connectivité transfrontalière De nombreux câbles sous-marins longent désormais les côtes africaines, ce qui devrait permettre d'obtenir des taux d'interconnexion compétitifs pour les principaux points d'échange mondiaux en Europe, en Asie et en Amérique du Nord. Toutefois, il semblerait que les internautes africains pour la plupart ne profitent pas encore des réductions de coûts attendues du fait de la disponibilité abondante de la bande passante internationale. Comme indiqué précédemment dans le présent rapport, cela peut être dû en partie au nombre limité d'accords d'interconnexion aux niveaux national et régional. Dans le modèle commercial de l'Internet, lorsque les FAI vendent un accès à l'Internet, ils vendent concrètement l'accès à d'autres réseaux. Par conséquent, les FAI doivent coopérer les uns avec les autres, même s'ils sont en concurrence. De ce point de vue, la situation des FAI est semblable à celle des compagnies aériennes qui ont besoin de coopérer, tout en étant en concurrence, car aucune ne peut desservir tous les aéroports du monde, ni satisfaire aux besoins de tous les passagers. En pareil contexte, un IXP devient un élément essentiel de l'infrastructure de l'Internet où les FAI coopèrent pour échanger du trafic, un peu comme les compagnies aériennes qui échangent des passagers dans les aéroports. Le projet AXIS, un projet de l'Union africaine dont les deux premières phases ont été mises en œuvre par Internet Society, vise à garantir que les fournisseurs de réseaux et de services de la région sont interconnectés à travers leurs IXP nationaux et que des interconnexions se font au niveau régional par le biais d'IXP régionaux. Figure 7 : Points d'échange Internet (IXP) en Afrique. Les marqueurs violets indiquent la présence de plus d'un IXP. (Source : http://www.af-ix.net/) 26 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG De cette façon, le trafic en provenance et à destination du même pays n'a pas besoin d'utiliser des connexions transfrontalières coûteuses. De la même manière, le trafic en provenance et à destination de l'Afrique n'a pas besoin de passer par des fournisseurs de transit internationaux, c'est le concept « garder le trafic local au niveau local ». Des progrès significatifs ont été réalisés par le projet AXIS et il existe maintenant plus de 30 IXP en Afrique, comme le montre la Figure 7. À mesure que l'économie numérique progresse, le nombre et le type de clients se connectant aux IXP croient. Le regroupement du trafic dans les IXP peut également exercer une influence positive sur les fournisseurs internationaux les incitant à se connecter aux points d'échange locaux, réduisant ainsi davantage les flux de capitaux sortants. Les pays en développement doivent prendre en compte ces tendances étant donné que les IXP ont un rôle important dans la stimulation et l'accélération de l'économie numérique locale. Même si l'installation d'un IXP nécessite au départ une subvention, en cas de succès, il va générer un volume suffisant de trafic pour qu'il soit financièrement autonome. Des études de cas au Kenya et au Nigeria ont montré des économies annuelles de plus de 1 million USD en coûts de transit 28 internationaux à la suite de la mise en place des IXP . À cet égard, il convient de noter, en particulier dans le contexte des économies en développement de l'Afrique, l'influence sur le marché de certains opérateurs historiques dominants. Il a été observé que les entreprises dominantes en vertu de leur position sont souvent opposées aux efforts de libéralisation et à la 29 création de points d'échange Internet pour l'appairage . Les organismes de règlementation et les parties prenantes concernés doivent prendre en considération cette volonté de domination dans leurs tentatives de création d'un environnement de marché libéralisé, ouvert et concurrentiel, et de développement d'un écosystème d'interconnexion robuste aux niveaux local et régional. Une nouvelle tendance dans le paysage des points d'échange Internet qui contribue à lutter contre le monopole du pouvoir et du contrôle est le partage entre plusieurs opérateurs des coûts de la construction des stations d'atterrissage et de l'installation des équipements de relais dans un centre de données de colocation indépendant. Outre l'objectif de limiter le monopole du contrôle, cette pratique peut également améliorer les aspects économiques de la gestion d'une passerelle internationale. Une entreprise récente qui mérite d'être citée à cet égard est le Centre des données de Djibouti (CDD), qui a été mis en place pour servir de passerelle et de point d'échange Internet pour les nombreux millions de clients en Afrique de l'Est. Il est prévu que le CDD soit raccordé aux huit câbles à fibre optique qui font partie de la principale route de l’Internet qui va de l’Europe à l’Asie. Ces connexions sont censées réduire la latence (le temps qu'il faut pour les données Internet de voyager de la source à la destination : plus ces deux points sont rapprochés, plus les latences sont réduites), augmenter les vitesses de connectivité et réduire les coûts pour les opérateurs de réseau et les utilisateurs de l'Internet dans la région. Il va de soi que plus le nombre de câbles accessibles augmente, plus les clients auront de choix, plus la concurrence sera forte entre les propriétaires de câbles, et plus la redondance d'accès Internet et l'équilibrage de charge seront possibles. 28 Évaluation de l'impact des points d'échange Internet (IXP) - étude empirique portant sur le Kenya et le Nigeria, Internet Society, 2012, http://www.Internetsociety.org/ixpimpact 29 27 Le mot anglais peering est souvent utilisé comme équivalent du mot appairage WWW.INTERNETSOCIETY.ORG De plus en plus, l'appairage est essentiel pour réaliser pleinement les avantages économiques en termes de vitesse et de coût. Par exemple, Paratus Telecom (un FAI namibien) a rapporté une économie mensuelle de 200 M bits/s sur la bande passante internationale en faisant de l'appairage avec NAPAfrica (un IXP d'un pays voisin, l'Afrique du Sud). Cela montre que les coûts de bande passante peuvent être réduits en faisant basculer une partie du trafic international et régional vers un point d'échange d’un pays voisin. Bien que des signes d'amélioration soient visibles en termes de basculement du trafic Internet national vers l'intérieur des frontières nationales, il reste encore beaucoup à faire pour réaliser pleinement les avantages de l'appairage en Afrique aux niveaux régional et continental. Par exemple, l'appairage avec un IXP d'un pays voisin pose le problème de l'obtention des services d'un autre opérateur de l'autre côté de la frontière, c'est-à-dire que des deux côtés de la frontière on doit obtenir ces services séparément, étant donné qu'il peut y avoir différentes règles d'usage imposées aux adhérents et différents accords d'appairage et éventuellement différentes divergences relatives aux licences. Pour que les opérateurs posent des câbles à fibre optique à travers les frontières, il faudra peut-être harmoniser les réglementations entre pays voisins, ce qui est très coûteux et soulève les défis présentés dans la section précédente intitulée « Connectivité nationale et transfrontalière ». Il convient donc d'étendre au niveau régional les pratiques nationales existantes. Cela peut se faire en apportant un soutien aux points d'échange Internet nationaux pour qu’ils croissent et deviennent des IXP régionaux (le trafic Internet entre au moins deux autres pays de la même région se fait par un appairage public ou privé).Il faut également soutenir les opérateurs régionaux d'Internet (les FAI qui couvrent plus d'un IXP dans différents pays ou un IXP qui traverse une frontière étatique). Il faut également que les organismes de règlementation examinent les points suivants : > établir des relations de travail avec les fournisseurs de services Internet afin que les organismes de réglementation aient une meilleure compréhension du marché et des relations du marché avec l'interconnexion et l'appairage ; > promouvoir la formation et la gestion d'une industrie neutre des IXP ; > établir des règlementations de résolution des différends pour traiter en temps utile des questions relatives au marché ; > établir des groupes de travail de l'industrie qui se réunissent publiquement pour informer le gouvernement et d'autres parties intéressées des conditions de marché et pour encourager le gouvernement à avoir une interaction plus cohérente et transparente avec l'industrie. Innovation et opportunités économiques En 30 ans, depuis l'enregistrement du premier nom de domaine Internet en 1985, l'Internet est devenu une industrie évaluée en billions de USD et compte aujourd'hui plus de 400 millions de noms de domaine enregistrés. La croissance de l'Internet est attribuable à son accès rapide et universel, à la croissance exponentielle de la technologie, à la baisse des prix des dispositifs électroniques et à la croissance 28 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG exponentielle du nombre d'utilisateurs, le tout soutenu par un environnement qui favorise l'innovation ouverte dans le développement d'applications, de services et de dispositifs. Avec près de 3 milliards d'utilisateurs d'Internet dans le monde, la taille de l'économie de l'Internet est estimée à environ 20,4 trillions de USD. La part africaine du marché mondial visant le consommateur final est estimée à environ 2 %. Alors que l'Afrique est leader mondial dans l'utilisation des téléphones mobiles pour les transferts d'argent (14 % des utilisateurs africains du téléphone mobile reçoivent de l'argent sur leurs téléphones mobiles, tandis que la moyenne mondiale est de 3 %, et 11 % utilisent leurs téléphones L'industrie du DNS en Afrique > 5 registraires accrédités par l'ICANN opérant en Afrique > 54 ccTLD offrent des espaces de noms pour les pays africains > Le lancement de DotAfrica (.africa) devrait stimuler l'industrie mobiles pour envoyer de l'argent contre 2 % pour la 30 moyenne mondiale ), l'utilisation des cartes de crédit et d'autres formes de paiements électroniques est la plus faible au niveau mondial. Ceci est en partie dû au faible nombre de personnes ayant un compte bancaire (2,4 %) et à la faible pénétration des cartes de crédit (3 %). Les Africains accèdent et utilisent l'Internet différemment des autres régions du monde. Environ 40 % des utilisateurs africains d'Internet accèdent à Internet avec leurs téléphones mobiles. En ce qui concerne les applications, les médias sociaux sont les applications les plus utilisées par les utilisateurs de l'Internet en Afrique, représentant environ 30 % de toutes les utilisations de l'Internet. Économiquement, Internet contribue à hauteur de 18 milliards USD (1,1 %) au PIB africain, ce qui est faible par > Une augmentation de 10 % de rapport à la moyenne mondiale qui est de 4 % . L'Institut l'accès au réseau Internet à large McKinsey mesure la contribution de l'Internet avec le taux bande correspond à une iGDP qui prend en compte l'utilisation des réseaux et des augmentation de 1,35 % de la services dans les quatre principaux domaines : la croissance du PIB. 31 consommation privée, les dépenses publiques, > Une augmentation de 10 % du taux l'investissement privé et la balance commerciale. L'iGDP de pénétration du mobile peut révèle des disparités au sein du continent : les plus entraîner une augmentation de la performants étant le Sénégal à 3,3 % et le Kenya à 2,9 %, productivité de 4 %. alors que les grandes économies telles que l'Afrique du Sud et le Nigeria enregistrent des taux respectifs de 1,4 % et de 0,8 %. Cela indique les possibilités inexploitées qui sont encore à réaliser dans la majorité des pays africains pour tirer le meilleur parti de l'Internet en vue de générer des gains économiques. 29 30 Rapport 2015 sur l'économie de l'information de la CNUCED 31 Rapport McKinsey 2013 intitulé « Les lions passent au numérique : le potentiel transformateur de l'Internet en Afrique » WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Alors qu'un rapport de la Banque mondiale largement cité suggère qu'une augmentation de 10 % de l'accès 32 à l'Internet à large bande est corrélée à une augmentation de 1,35 % de la croissance du PIB dans les pays en développement, les recherches indiquent que le coût de l'accès est un facteur majeur qui entrave la croissance de l'économie de l'Internet en Afrique. L'UIT 33 signale que le large bande fixe de base peut coûter jusqu'à 25 % des revenus moyens des pays en développement. Ainsi, même si la part de la population de l'Afrique dans la population mondiale est de 15 %, elle représente seulement 6 % des utilisateurs mondiaux d'Internet ; ce qui indique que le coût élevé de l'accès empêche l'Afrique d'atteindre la masse critique nécessaire pour réaliser des gains économiques importants avec l'Internet. Les recherches menées en Europe en 2009 34 ont indiqué la nécessité d'atteindre le taux critique de pénétration du large bande qui est de 20 % pour espérer des retombées positives des investissements dans le large bande. Bien que le taux moyen de pénétration du large bande en Afrique (avec le large bande mobile représentant 99 %) frôle le taux critique des 20 %, la réalité est que cette moyenne est soutenue par une poignée de pays (dont le Kenya, l'Égypte, l'Afrique du Sud, le Nigeria) et que la majorité des pays ont des taux de pénétration faibles. La situation est beaucoup plus prometteuse pour la téléphonie mobile. Dans l'industrie du mobile, l'Afrique affiche la plus forte croissance du nombre d'abonnements à la téléphonie mobile d'année en année depuis le début du siècle. Les revenus des activités mobiles représentent environ 3,7 % du PIB, trois fois plus que dans les économies développées. Les recherches de la GSMA indiquent qu'une augmentation de 10 % du taux de pénétration du mobile dans les pays en développement peut entraîner une augmentation de la productivité de 4 % et elles montrent de fortes corrélations entre la pénétration du large bande mobile et le PIB par habitant. D'autres recherches suggèrent que doubler l'utilisation de données à large bande mobile se traduit par une augmentation de 0,5 % du taux de croissance par habitant du PIB. Bien que les abonnements à la téléphonie mobile soient élevés et la pénétration du mobile soit actuellement supérieure à 70 % en Afrique, les abonnements au large bande mobile sont à 17 %. Un des plus grands défis de l'Afrique en matière de large bande mobile est le coût de l'accès : en 2013 le coût d'un plan de couverture large bande mobile de base dans les pays en développement représentait entre 8 et 11 % du revenu national brut (RNB) mensuel par habitant contre moins de 2 % pour les pays développés (d'après les données de l'UIT). Ceci est corroboré par le Rapport mondial sur les technologies de l'information 2015, qui montre que 11 à 27 % des revenus est consacré à la communication dans les ménages à faible revenu. Le paradoxe est que les recherches indiquent que l'accès à l'Internet dans les ménages à faible revenu augmente leurs revenus 35 de façon significative , mais compte tenu du coût d'accès élevé, l'impact économique n'est pas aussi important qu'il pourrait l'être. Avec l'essor fulgurant de la téléphonie mobile, la plupart des utilisateurs africains accèdent à Internet au moyen de leurs téléphones mobiles. Ils ont aussi tendance à utiliser leurs téléphones mobiles pour se 32 Qiang, C. Z. W. Banque mondiale. "IC4D : extension de la couverture et augmentation de l'impact, " impacts économiques du large bande, 2009. Chapitre 3 33 Rapport 2014 de l'UIT : « Mesurer la société de l'information », http://www.itu.int/en/ITUD/Statistics/Documents/publications/mis2014/MIS2014_without_Annex_4.pdf 34 Koutroumpis P., L'impact économique du large bande sur la croissance : une approche simultanée. Politique des télécommunications, 2009, vol. 33, numéro 9, pages 471-485 35 Les TIC comme moyens de réduction de la pauvreté - Les preuves empiriques de l'Afrique de l'Est et de l'Afrique australe. CRDI (2014) http://www.idrc.ca/EN/Resources/Publications/openebooks/539-7/index.html et Les TIC et le développement : l'expérience du CRDI. CRDI (2013) http://idl-bnc.idrc.ca/dspace/bitstream/10625/52228/1/IDL-52228.pdf 30 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG connecter aux médias et réseaux sociaux. Il y a là une opportunité pour l'innovation et l'entreprenariat au niveau local. Les développeurs peuvent créer des applications destinées aux marchés locaux et gagner de l'argent à partir des interactions sur les médias sociaux. Les entreprises peuvent utiliser les médias sociaux pour faire de la publicité ou de la vente au détail. Les hackathons et les compétitions sont devenus des moyens populaires pour stimuler le développement d'applications Internet et mobile et l'innovation. On peut citer quelques exemples, dont le Fonds pour la 36 recherche et l'éducation sur l'Internet (FIRE ) mis en œuvre par AfriNIC, qui accorde des subventions et des bourses pour soutenir et reconnaître les innovateurs locaux et leurs innovations ; le concours « L'Afrique connectée 37 » de Google en 2013/2014 qui présente les succès obtenus par des Africains qui utilisent Internet de différentes manières ; le hackathon « Les TIC pour l'agriculture » (ICT4Ag) 38 lancé en 2013, destiné aux jeunes innovateurs, qui a donné naissance à un certain nombre d'applications développées localement. Les pôles d'innovation servent comme des espaces utiles pour mettre en relation les jeunes développeurs avec des entrepreneurs, leur permettant ainsi d'innover et de développer librement des produits et services locaux. Actuellement, on compte plus de 90 centres de TIC/technologie en Afrique, avec comme exemples remarquables le iHub au Kenya et le Bongohive en Zambie. Alors que certains centres d'incubation ont enregistré des succès dans l'éclosion de start-ups, les jeunes entrepreneurs rencontrent encore des difficultés dans la présentation de leurs innovations et dans l'obtention de fonds pour lancer leurs produits sur le marché. La plupart des interventions des gouvernements et de leurs partenaires de développement dans les innovations locales sont axées sur les applications orientées vers les utilisateurs et conçues pour les communications mobiles. Cela peut être attribué à la croissance rapide du secteur mobile en Afrique. Hormis le succès phénoménal de l'argent mobile et des paiements mobiles, la plupart des programmes pilotes ne sont pas mis en œuvre à grande échelle et, d'après une étude de Dahlberg & Associates en 2012, c'est seulement dans le secteur agricole que certaines initiatives ont réussi à être mises en œuvre sur une plus grande échelle. Le succès des communications mobiles en Afrique est dû en partie à des modèles commerciaux innovants visant à rendre les services plus accessibles aux personnes à faible revenu. On peut citer comme exemple d'innovation les services prépayés de 1 USD ou moins, les services de rappel et le partage du téléphone. Malgré l'augmentation du taux de pénétration des communications mobiles et de l'accès à l'Internet, l'Afrique n'a toujours pas atteint le seuil critique nécessaire pour que l'impact économique de l'Internet soit significatif. 31 36 http://www.fireafrica.org/ 37 http://www.africaconnected.com/ 38 http://hackathon.ict4ag.org/ WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Contenu local et multilinguisme Le développement de contenus locaux est une partie intégrante de l'économie numérique d'un pays qui permet aux utilisateurs d’accéder aux contenus et à l'information dans la langue et le contexte qui leur conviennent le mieux. Pour la plupart des gens, le contenu le plus pertinent est le contenu local. Dans la vie hors ligne, nous sommes plutôt intéressés par la météo ou les actualités locales que par la météo ou les actualités d'un pays qui se trouve à l'autre bout du monde. Ainsi, pour beaucoup de gens, l'Internet devient pertinent que si son contenu est local. Le contenu local a également une grande importance dans l'interconnexion Internet. Alors que les IXP contribuent à faciliter la circulation rapide et à moindre coût des flux d'informations, le trafic de contenus est l'élément vital qui assure la pérennité des IXP aux niveaux national et régional. Sans contenu local, les IXP risquent de ne pas atteindre l'envergure nécessaire pour être viables. Il est donc nécessaire de promouvoir le développement de contenus locaux et renforcer aussi bien la capacité technique que la capacité des utilisateurs à gérer, développer et consommer ces contenus. En outre, de nombreuses personnes dans le monde ne peuvent pas utiliser l'Internet aujourd'hui même si elles peuvent y accéder physiquement parce que tout simplement les contenus et les applications ne sont pas facilement disponibles dans leurs langues maternelles. Si davantage d'efforts concertés sont déployés pour résoudre les problèmes techniques encore en suspens et si la disponibilité et l'utilisation des médias sociaux étaient accrues, la situation pourrait s'améliorer, car les utilisateurs ne seront plus que des receveurs de tels contenus, ils pourront également devenir des producteurs de contenus locaux. Il est en outre reconnu que le multilinguisme sur Internet est tout aussi important que le multilinguisme dans la vie réelle. L'Internet multilingue, par sa nature, encourage divers contenus culturels et linguistiques sur Internet. En conséquence, les contenus en ligne qui sont créés dans la langue maternelle des utilisateurs et qui reflètent leurs cultures et patrimoines locaux constituent un élément essentiel de l'économie numérique d'un pays. L'introduction des noms de domaine internationalisés (IDN) qui permettent des noms de domaines dans des 39 scripts autre que l'alphabet latin réduit , la possibilité d'utiliser les moteurs de recherche en plusieurs langues, et le développement d'appareils capables d'accepter et afficher des scripts non latins ont tous contribué à la promotion du multilinguisme sur l'Internet. Cependant, en ce qui concerne la présence des langues et des cultures des pays africains sur Internet, il a été constaté que les progrès étaient modestes ou insuffisants. Par exemple, en 2009, alors que certaines langues telles que le chinois et l'espagnol renforcent leur présence sur Internet à un rythme encourageant, la situation des langues africaines est alarmante : en Afrique subsaharienne, seulement 2,75 % des pages Web ciblant la population africaine utilisent des langues africaines ; le reste est presque exclusivement en anglais ou en français, des langues qui sont parlées par moins de 10 % de la population, même dans les pays où elles ont été adoptées comme langues 40 officielles . 39 Que l'on désigne sous le nom de jeu de caractères ASCII (American Standard Code for Information Interchange) Bekele, Dawit (2009) Construire un Internet multilingue : enjeux, défis et catalyseurs, une présentation faite lors du Forum international de Bamako sur le multilinguisme 40 32 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Migration au numérique et le dividende numérique En 2006, les États d'Europe, du Moyen-Orient et d'Afrique membres de l'UIT ont convenu de faire le passage à la radiodiffusion numérique, avec comme dates limites de réalisation des objectifs juin 2015 pour la majorité des pays et juin 2020 pour les autres. Cette migration numérique vise à une meilleure utilisation du spectre de transmission, ce qui permettrait de libérer des fréquences pour d'autres usages, c'est ce que l'on appelle le « dividende numérique ». Les signaux de télévision analogiques occupent la bande de fréquence de 174 MHz à 850 MHz alors que les signaux de télévision numériques devraient occuper la bande de 470 MHz à 790 MHz. Le dividende numérique se situe donc dans la bande de fréquence de 790 MHz à 850 MHz. Selon une étude de Balancing Act, 43 % des pays africains ont seulement 1 ou 2 chaînes de télévision et se caractérisent par l'utilisation des basses fréquences. Par conséquent, 60 % de ces pays vont diminuer la bande de fréquence qu'ils utilisent une fois le passage vers la radiodiffusion numérique réalisé, comme le montre la Figure 8. En juin 2014, seuls 19 pays avaient commencé la transition numérique, et en décembre 2014 seulement trois pays (Tanzanie, Rwanda, Maurice) avaient abandonné la radiodiffusion analogique. En janvier 2015, la majorité des pays d'Afrique (près de 80 %) ne respectera pas l'échéance de 2015 de l'UIT. Certains des problèmes qui entravent le passage au numérique sont : > le coût de la construction de nouveaux réseaux de transmission numérique terrestre et le coût de la modernisation des infrastructures et des équipements de studio existants > le coût des téléviseurs numériques > le coût des décodeurs et des terminaux Figure 8 : Utilisation du spectre en Afrique : Rouge - élevée, jaune - moyenne, vert - faible (Source : Balancing Act www.balancingact.com) ) qui permettent aux utilisateurs de télévision analogique de recevoir les transmissions numériques > un manque de consensus sur les normes régionales pour les terminaux > les retards dans la coordination transfrontalière et l'harmonisation de l'attribution des fréquences > des cadres de règlementation faibles 33 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Quelque 100 millions de foyers en Afrique sont actuellement propriétaires d'une télévision, mais seulement 5 % ont accès à la télévision numérique terrestre (TNT). De ce fait, la migration au numérique présente des opportunités, dont notamment : > l’ouverture de l'industrie de la télévision comme cela a été le cas avec les télécommunications, conduisant à plus de production locale de contenus ; > le développement industriel et la création d'emplois dans la fabrication d'appareils et l'entretien des infrastructures ; > la promotion de l'accès universel pour offrir aux zones mal desservies les services de télévision, de voix et de données ; les signaux numériques peuvent atteindre les zones reculées actuellement non desservies par la transmission analogique et les fréquences excédentaires peuvent être attribuées à faible coût pour les communications de voix et de données ; > la réduction des coûts de transmission, ce qui se traduit par davantage de services à moindre coût pour les consommateurs. Les retards dans le passage à la radiodiffusion numérique sont coûteux, car les sociétés de radiodiffusion doivent assurer une double transmission des services en numérique et en analogique (simulcast) jusqu'à ce que plus de 90 % des consommateurs passent à la télévision numérique. C'est pourquoi les initiatives visant à mettre les téléviseurs numériques et les terminaux à disposition à des prix réduits (subventionnés) sont des stratégies importantes. En outre, il faudra beaucoup investir pour sensibiliser les consommateurs et renforcer les capacités de radiodiffusion numérique et de production de contenus. L'échéance du 17 juin 2015 arrive à grands pas, et les pays qui n'ont pas achevé leur migration à la radiodiffusion numérique ne seront pas protégés contre le brouillage électromagnétique transfrontalier. Compétences et expertise Tous les indicateurs de développement des TIC et de préparation au monde numérique intègrent l’évaluation des compétences et des capacités qui sont prises en compte soit par le biais du niveau d'enseignement de base ou du niveau d'enseignement supérieur et de la formation professionnelle. En effet, en plus de la question de l'abordabilité, le niveau d'enseignement, les compétences et l'expertise sont des facteurs contribuant à l'adoption des TIC. L'éventail des besoins en matière de capacités pour l'adoption des TIC va des connaissances de base des TIC à des compétences spécialisées, comme le montre la Figure 9. 34 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG . • Télécommunications et mise en réseau • Politique et réglementation • Recherche • Programmation et développement d'applications Spécialiste • Employabilité • Spécifiques à l'industrie • Sectorielles • Services répressifs Opérationnel Connaissances de base des TIC • Écoles primaires • Consommateurs • Formation continue et formation des adultes Figure 9 : Niveaux de développement des capacités Le graphique montre également que la base de la pyramide est beaucoup plus large et que cette base est également la clé de la réussite pour obtenir un impact significatif dans l'adoption des TIC. De nombreuses interventions sont menées en Afrique pour répondre aux besoins en matière de capacités présentés dans le graphique ci-dessus. Certaines de ces interventions sont illustrées dans la Figure 10. Opérateurs de réseau et fournisseurs de services • Formation d'AFNOG • Renforcement des capacités de l'Internet Society pour les opérateurs de réseaux et les IXP • Formation des opérateurs de registres d'AfTLD Décideurs politiques • Leadership africain dans les TIC (LATIC) • Internet Society, le programme Next Generation Leaders (Leaders de la prochaine génération) Écoles et communautés • Écoles en ligne du NEPAD • Initiative mondiale en faveur de l'informatique dans les écoles et dans les communautés (GeSCI) • Rescol • Initiatives financées par l'industrie : Microsoft, Intel Teach Formation professionnelle • Académie de gestion des réseaux de Cisco • Google Barcamp Initiatives multipartites • Forum africain sur l'appairage et l'interconnexion • École africaine sur la gouvernance de l'Internet • Forum africain sur le DNS Figure 10 : Exemples d'initiatives de renforcement des capacités La plupart des politiques et stratégies nationales en matière de TIC mentionnent le renforcement des capacités comme une priorité. Cependant, la majorité des pays ne les mettent pas en œuvre. Cela se traduit par des lacunes importantes en matière de capacités, notamment au niveau des spécialistes dans la construction et l'entretien d'infrastructures et de services, rendant ainsi l'Afrique extrêmement dépendante d'une expertise externe. Si des investissements adéquats ne sont pas consentis dans le renforcement des capacités locales pour contrer cette dépendance, alors le cercle vicieux de la dépendance s'installera 35 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG définitivement. L'Afrique a besoin d'une stratégie cohérente de renforcement des capacités à tous les niveaux. Cette stratégie doit d'abord envisager les TIC comme une matière à part entière et d'autre part les envisager comme un instrument transversal pour les autres matières. Ainsi, les activités de renforcement des capacités devraient produire des spécialistes des TIC et des spécialistes pluridisciplinaires appelées "tribrids" 41 en anglais par certains et " professionnels tri-disciplinaires » par d'autres. La cyber-sécurité L'Internet et l'économie numérique ne présentent pas que des avantages économiques, ils apportent également des problèmes de cybercriminalité et d'infractions en matière de cybersécurité. A mesure qu'augmente le nombre d'utilisateurs de l'Internet, le nombre d'incidents de sécurité ciblant les intérêts des entreprises, des gouvernements nationaux et des consommateurs augmente. Étant donné que l'Internet touche tous les aspects de la vie quotidienne, la protection du cyberespace contre les violations de sécurité devient un problème non seulement d'ordre socio-économique, mais également un problème de sécurité nationale. Les cyber-menaces peuvent entraîner des pertes financières directes, et des pertes indirectes en termes de propriété intellectuelle, de productivité, de menaces à la sécurité nationale en cas d'infractions d'infrastructures ou de services clés. Ils peuvent également entraîner la réduction des opportunités économiques en raison d'un manque de confiance des consommateurs. Selon des estimations, l'impact économique de la cybercriminalité au niveau mondial représente entre 15 à 20 % de la valeur nette des services et produits dérivés de l'Internet. En termes monétaires, cela se traduit par des coûts ou pertes estimés entre 300 et 600 milliards USD chaque année. L'Afrique n'est pas à l'abri de la cybercriminalité et des cybermenaces. A mesure que le nombre d'utilisateurs de l'Internet en Afrique augmente, les problèmes ne feront qu'augmenter. Au cours des dernières années, un nombre croissant d'entreprises, d'individus et de gouvernements ont commencé à prendre des mesures pour lutter contre les cybermenaces. Les entreprises et les utilisateurs individuels dépensent de plus en plus d'argent pour installer des solutions qui protègent leurs systèmes contre les menaces provenant de l'Internet. En outre, les gouvernements continuent d'adopter des lois pour protéger leur pays contre les cyberattaques croissantes. Au niveau continental, en 2010, l'Union africaine avait lancé un processus de définition d'un cadre pour la cybersécurité, qui a abouti à l'adoption au Sommet de l'UA de juin 2014 de la Convention de l'Union africaine sur la cybersécurité et la protection des données à caractère personnel. L'objectif général de la Convention est d'harmoniser la législation relative aux transactions numériques, à la protection des données à caractère personnel et à la lutte contre la cybercriminalité. La Convention engage les États membres à établir des cadres juridiques pour protéger les données, punir les violations et établir une autorité indépendante pour superviser ce processus. Elle entrera en vigueur une fois ratifiée par au moins quinze États membres. 41 Richard Heeks (2009), The ICT4D 2.0 Manifesto: WhereNext for ICTs and International Development? http://www.sed.manchester.ac.uk/idpm/research/publications/wp/di/documents/di_wp42.pdf 36 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Certains des processus permettant la mise en application effective de la Convention comprennent l'élaboration d'une législation nationale sur la cybersécurité, l'établissement de CERT ou de CSIRT nationales et la sensibilisation générale des consommateurs sur la vie privée et la cybersécurité. Actuellement, seuls quatorze pays ont adopté ou envisagent d'adopter des cadres de protection de la vie privée et moins de dix pays ont des politiques ou des stratégies nationales de cybersécurité. Cependant, la cybercriminalité ne peut pas être défaite au moyen d'une loi ou d'une convention seulement. En fait, il est devenu de plus en plus clair que la collaboration de toutes les parties prenantes à la gouvernance et au fonctionnement de l'Internet est nécessaire pour préserver la sécurité et la vie privée des utilisateurs de l'Internet. Droits de l'homme en ligne et liberté d'expression A mesure que le nombre d'Africains qui ont accès à l'Internet augmente, les limites de la liberté d'expression sont testées et des questions nouvelles apparaissent telles que : Quels sont les droits que peuvent avoir les utilisateurs de l'Internet ? et Comment ces droits peuvent-ils être protégés ? Le Printemps arabe, qui a commencé en Tunisie et qui s'est propagé dans plusieurs pays d'Afrique du Nord (notamment l'Algérie, l'Égypte, la Libye et le Maroc) et du Moyen-Orient, a démontré la puissance de l'Internet dans le renforcement de l'activisme social. Les activistes ont utilisé les médias sociaux pour communiquer tant à l'intérieur du pays qu'avec le monde extérieur. Le Printemps arabe a également témoigné des tentatives de certains gouvernements pour contrôler l'Internet de la même manière qu'ils contrôlent les médias publics : la censure de l'Internet a permis de restreindre l'accès à l'Internet, fermer certains sites Web et contrôler les contenus diffusés en ligne. Par exemple, le gouvernement de l'ancien président égyptien Hosni Moubarak est allé jusqu'à couper totalement l'accès à Internet pendant quelques jours. Le Printemps arabe de 2011, les révélations de Snowden de 2013 et d'autres événements qui se trouvent à la croisée des droits de l'homme et du cyberespace ont incité la communauté mondiale à tenter de définir une conception et des solutions communes pour garantir le respect des droits fondamentaux des utilisateurs en ligne. L'Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution en décembre 2013 sur le droit à la vie privée à l'ère numérique, qui a affirmé que les droits de l'homme s'appliquaient aussi bien en ligne que 42 hors ligne, y compris le droit à la vie privée . Au milieu de 2014, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les droits de l'homme a publié un rapport sur la protection et la promotion du droit à la vie privée à l'ère numérique, qui a appelé à une plus grande transparence concernant les lois et les politiques de surveillance. Ce rapport a également recommandé aux États membres de veiller à ce que les lois nationales de surveillance respectent les lois internationales des droits de l'homme. Il a en outre recommandé d'utiliser les engagements multi-acteurs pour aborder les questions concernant le respect de la vie privée et les droits de l'homme. Une étude publiée par Freedom House a constaté qu'il y avait une dégradation générale de la liberté d'expression sur l'Internet au niveau mondial. L'étude a évalué seize pays africains dont deux ont été 42 37 http://www.ohchr.org/EN/HRBodies/HRC/RegularSessions/Session27/Documents/A.HRC.27.37_en.pdf WWW.INTERNETSOCIETY.ORG 43 classés comme libres, 11 comme partiellement libres, et les trois autres comme non libres . Les principaux problèmes cités en ce qui concerne les libertés sur l'Internet et les droits de l'homme en Afrique comprennent : > les lois répressives ; > la surveillance financée par l'État ; > les règlementations visant à contrôler les médias en ligne ; et > les détentions et les arrestations de blogueurs, et d'activistes et d'utilisateurs de médias sociaux. En mai 2014, un groupe d' organisations de la société civile mondiale a publié la version finale des Principes internationaux sur l'application des droits de l'homme à la surveillance des communications qui visent à assurer que les gouvernements respectent les lois internationales des droits de l'homme dans toutes leurs 44 politiques, législation et activités en matière de surveillance . Lors du FGI mondial en 2014, une coalition d'organisations a lancé la Déclaration africaine sur les droits et 45 libertés d'Internet qui a pour objectif la promotion des droits de l'homme et de la transparence dans l'élaboration et la mise en œuvre des politiques relatives au développement d'Internet en Afrique. La Déclaration est divisée en trois parties : la première décrit les principes clés, la deuxième identifie les conditions nécessaires à la réalisation effective des principes, et la troisième est un appel à l'action et présente des recommandations spécifiques ciblant différents groupes de parties prenantes. Les Principes internationaux et la Déclaration africaine sont ouverts à la signature de tout individu ou institution intéressé. 43 De la liberté sur l'Internet 2014 - L'étau se resserre : Les gouvernements renforcent le contrôle de l'Internet. Freedom House, https://freedomhouse.org/sites/default/files/FOTN_2014_Full_Report_compressedv2_0.pdf 44 45 38 https://en.necessaryandproportionate.org http://africanInternetrights.org/declaration-container/declaration/ WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Transition vers le protocole IPv6 Les adresses IP sont utilisées pour identifier de manière unique chaque point de terminaison, chaque dispositif et chaque destination sur Internet. L'adresse IP est une série de nombres qui contient des informations permettant de localiser un dispositif (PC, serveur, tablette ou tout objet connecté à Internet). Les noms de domaine et les adresses URL telles que www.xyz.com sont des traductions des adresses IP adaptés aux machines par des adresses que les hommes peuvent retenir facilement. Au tout début du développement du protocole Internet (IP), l'adresse IP était un nombre binaire de 32 chiffres (bits) disposés en quatre groupes de huit chiffres (chaque groupe de huit chiffres constituant un octet). Ce protocole était communément appelé IPv4 et le nombre total d'adresses disponibles était supérieur à 4 milliards. A mesure que le nombre de connexions réseau augmentaient, et que de plus en plus de dispositifs, de gadgets et d'objets se connectent à l’Internet augmentaient, il est devenu évident qu'il n'y avait pas suffisamment d'adresses pour identifier tous les objets qui doivent se connecter. C'est ce qui a conduit à l'élaboration d'un nouveau protocole IP utilisant 128 bits ou 16 octets capables d'identifier de manière unique 340 undecillions (qui équivaut à 340 milliards de milliards de milliards) d'adresses. Ce nouveau protocole est appelé IPv6. En s'assurant qu'il y ait assez d'adresses IP pour répondre aux besoins d'expansion actuels et futurs de l'Internet, le protocole IPv6 permet le développement de l'Internet des objets (IdO) ou de l'Internet de Tout (IdT) qui renvoie à tout objet qui a la capacité de se connecter à Internet et qui est capable d'avoir une 46 adresse IP. Selon les estimations de Gartner , d'ici 2020, il y aura 25 milliards d'objets connectés à Internet, 47 tandis que Cisco prévoit 50 milliards d'objets connectés . Le nombre d'adresses disponibles en IPv6 permet de soutenir une croissance plusieurs fois supérieure à ces estimations. La Figure 11 montre l'attribution des adresses IPv6 en Afrique (Noter que l'allocation des adresses ne signifie pas que ces adresses sont actuellement utilisées). En Afrique, près de 15 % des réseaux publics utilisent le protocole IPv6, ce qui est une amélioration par rapport au taux de 6,2 % de 2011. Cependant, ce taux pourrait être trompeur car les statistiques actuelles indiquent également que 97 % des adresses IP Figure 11: Allocation IPv6 en Afrique (Source : AfriNIC http://6spots.afrinic.net/) d'Afrique qui sont passées vers le 39 46 http://www.gartner.com/newsroom/id/2905717 47 http://www.cisco.com/web/solutions/trends/iot/portfolio.html WWW.INTERNETSOCIETY.ORG protocole IPv6 sont enregistrées en Afrique du Sud ou en Égypte, ce qui signifie que tous les autres pays sont à la traîne dans la transition vers l'IPv6. Contrairement à d'autres régions du monde, le réservoir d'adresses IPv4 allouées à l'Afrique n'est pas encore épuisé, mais cela ne réduit en rien la nécessité impérative d'opérer la transition vers le protocole IPv6 pour les raisons suivantes : > L'Internet fonctionne sur l'appairage point-à-point et les opérateurs de réseaux annoncent leurs réseaux (adresses IP) pour que leurs clients soient accessibles. A mesure que les réseaux opèrent leur transition vers le protocole IPv6, la qualité du service fournie par IPv4 peut se dégrader et disparaître un jour. > Les dispositifs et les équipements de réseau qui sont fabriqués aujourd'hui sont compatibles avec IPv6. Les mesures de transition comprennent les dispositifs de prise en charge des protocoles IPv4 et IPv6 (équipés de double pile). > La mise à niveau de l'infrastructure réseau doit être accompagnée par la mise à niveau des compétences et de l'expertise nécessaires pour gérer le réseau. Ainsi, les gouvernements et les entreprises en Afrique doivent commencer à investir dans le développement des compétences en prévision de la transition vers le protocole IPv6. 40 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG L’avenir de l’Internet et la gouvernance de l’Internet Au cours des quinze dernières années en particulier, la gouvernance de l’Internet a gagné en complexité et en importance, reflétant l’importance croissante de l’Internet. Dans le même temps, de nombreux Africains sont devenus de plus en plus actifs dans tous les aspects du développement, de l’administration et du fonctionnement de l’Internet contribuant ainsi à façonner l’avenir de l’Internet. La section suivante examine les problèmes de gouvernance de l’Internet qui, prochainement, figureront en tête des priorités du programme international et le rôle attendu de l’Afrique. L’ICANN et le transfert du rôle de supervision sur les fonctions IANA En mars 2014, le gouvernement des États-Unis, via la NTIA (National Telecommunications and Information Administration - Administration nationale des télécommunications et de l’information), a annoncé qu’elle avait l’intention de transférer son rôle de supervision sur les fonctions IANA à la communauté internationale multi-acteur et a demandé à l’ICANN de « convoquer les parties prenantes mondiales pour élaborer une proposition de transition du rôle actuel joué par la NTIA dans la coordination du système de noms de 48 domaine de l’Internet ». L’élaboration de la proposition doit répondre aux conditions et directives suivantes : > soutenir et renforcer le modèle multi-acteur et être largement soutenue par la communauté ; > maintenir la sécurité, la stabilité et la résilience du DNS de l’Internet ; > répondre aux besoins et aux attentes des clients et des partenaires des services IANA au niveau mondial ; et > maintenir l’ouverture de l’Internet. En outre, le gouvernement américain a précisé que « ... une proposition de transition qui remplace le rôle du NTIA avec une solution intergouvernementale dirigée par des gouvernements » ne sera pas acceptée. 49 Il est important de souligner que ce n’est pas le transfert des fonctions IANA qui est à l’étude, mais plutôt le rôle de supervision qui est actuellement assumé par un seul gouvernement, les États-Unis d’Amérique. Actuellement, les « communautés affectées » examinent la meilleure manière d’organiser un tel modèle de supervision. La Commission de l’Union africaine a publié une déclaration saluant la décision du gouvernement américain de transférer son rôle de supervision sur les fonctions IANA. La Commission de l’UA a, par ailleurs, souligné la nécessité de « travailler ensemble avec les États-Unis et d’autres parties prenantes afin de s’assurer que 48 http://www.ntia.doc.gov/press-release/2014/ntia-announces-intent-transition-key-internet-domain-name-functions 49 NTIA : Allocution de M. Strickling, Secrétaire adjoint à l’Institut sur la politique et la réglementation des télécommunications de PLI/FCBA. http://www.ntia.doc.gov/speechtestimony/2014/remarks-assistant-secretary-strickling-plifcba-telecommunications-policyregula Le 4 décembre 2014. Consulté le 10/12/14 41 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG les fonctions IANA soient bien gouvernées et gérées de manière efficace dans l’intérêt de tous les citoyens du monde. » 50 La réunion mondiale multi-acteur sur l’avenir de la gouvernance de l’Internet (NETmundial), tenue en avril 2014, nous a laissé espérer que la transition de la supervision sur les fonctions IANA se produirait« de manière réfléchie avec une attention particulière à la sécurité et à la stabilité de l’Internet, incarnant le principe de la participation égale de tous les groupes de parties prenantes et visant à réaliser une transition 51 complète d’ici septembre 2015. » Un Groupe de coordination de la transition du rôle de supervision des fonctions IANA (ICG) a été formé au milieu de 2014 pour faciliter ce processus en vue de soumettre une proposition consolidée à la NTIA. Le Groupe ICG est composé de 30 personnes provenant de 13 communautés qui ont été choisies par les parties prenantes dans leurs communautés respectives. 52 Trois groupes ont également été formés pour faciliter les discussions et les consultations sur la base des trois fonctions de base IANA et représentant les différentes communautés et parties prenantes, à savoir : > L’IETF (Le Groupe de travail en ingénierie Internet) pour la communauté des paramètres de protocole ; > L’Équipe responsable de la proposition consolidée des RIR pour la transition du rôle de supervision des fonctions IANA (équipe CRISP) pour la communauté des numéros ; > Le Groupe de travail intercommunautaire (CCWG) pour la communauté du nommage. Les communautés de parties prenantes africaines sont représentées dans les trois fonctions de base, voir Tableau 4. Et les parties prenantes africaines ont examiné la transition IANA dans différents forums tels que les FGI régionaux, le FGI-Afrique et les réunions de politique publique d’AfriNIC. 50 Dr Elham M. Ibrahim, Commissaire de l’Union africaine chargé des infrastructures et de l’énergie avec le portefeuille des TIC. Communiqué de presse. https://www.icann.org/en/system/files/files/globalization-endorsements-1015-15apr14-en.pdf. Consulté le 03/02/2015 51 Déclaration des parties prenantes multi-acteur s lors de la NETmundial. http://netmundial.br/wpcontent/uploads/2014/04/NETmundial-Multistakeholder-Document.pdf. 24 avril 2014. Consulté le 16/02/2015 52 Les 13 communautés qui assument des fonctions spécifiques dans le secteur de l’Internet sont : ALAC, ASO, ccNSO, GAC, GNSO, Registres gTLD, ICC/BASIS, IAB, IEFT, Internet Society, NRO, RSSAC et SSAC. https://www.icann.org/resources/pages/coordinationgroup-2014-06-17-en. 42 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Tableau 4 : Représentation africaine dans les discussions sur la transition du rôle de supervision des fonctions IANA ICG Mohamed El Bashir (ALAC) CRISP CWG Alan Barrett (PDG d’AfriNIC) Mary Uduma (ccNSO) Manal Ismail (GAC) 53 Seun Ojedeji (représentant d’AFRALO - Organisation régionale africaine des utilisateurs d’Internet) Vika Mpisane (représentant Afrique de ccNSO) Alan Barrett (NRO) Mary Uduma (membre du ICG) Enfin, étant donné que la responsabilité est un élément fondamental dans les fonctions IANA, un processus parallèle a été mis en place pour régler les problèmes liés à l’exercice de la responsabilité dans la période qui suit la transition. Le Groupe de travail intercommunautaire (CCWG) de l’ICANN sur la responsabilité a été créé et travaille actuellement sur l’élaboration de recommandations sur la responsabilité qui permettront de créer un système robuste et transparent lorsque la mission de supervision de la NTIA aura pris fin. Le modèle sur lequel le CCWG travaille actuellement vise à compléter les mécanismes de responsabilité existants qui ont été identifiés dans le cadre des communautés de l’IETF et des RIR. Les représentants de la région Afrique dans le CCWG sont les suivants : > Eberhard Lisse (ccNSO) > Tijani Ben Jemaa (ALAC) > Fiona Asonga (ASO) > Alice Munyua (GAC) SMSI+10 Le Sommet mondial sur la société de l’information (SMSI) 54 s’est tenu en deux phases, la phase de Genève en 2003 qui a produit la Déclaration de principes de Genève, et le Plan d’action de Genève, et la phase de Tunis en 2005 qui a abouti à l’Engagement de Tunis et à l’Agenda de Tunis pour la société de l’information. 55 L’Agenda de Tunis a énoncé des domaines thématiques (lignes d’action ) avec des objectifs spécifiques à réaliser à l’horizon 2015 et les agences des Nations Unies ont été désignées comme les principaux points focaux pour la mise en œuvre en partenariat avec d’autres parties prenantes. Le processus d’examen du SMSI+10 a été lancé en 2011 pour dresser le bilan des progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Agenda de Tunis, identifier les nouveaux défis et les nouvelles opportunités, et proposer 53 Adiel A. Akplogan en sa qualité d’ancien PDG d’AfriNIC a également siégé au ICG et au CRISP en tant que représentant de la communauté NRO de juin 2014 à janvier 2015 avant d’être remplacé par Alan Barrett 43 54 http://www.internetsociety.org/wsis/ 55 http://www.itu.int/wsis/docs2/tunis/off/6rev1.html WWW.INTERNETSOCIETY.ORG des mesures à entreprendre. Les États membres ont été invités à présenter des rapports décennaux documentant les progrès réalisés dans la mise en œuvre de l’Agenda de Tunis pour la société de l’information. Les informations publiées sur le site de l’UIT indiquent que seuls 15 rapports ont été reçus, 56 dont quatre d’Afrique. Au début de 2015, plus de 75 organisations et individus se sont rassemblés pour demander à l’Assemblée générale des Nations Unies d’ouvrir le processus d’examen du SMSI+10 aux entités non-gouvernementales. 57 Parmi les 75 signataires enregistrés au 19 mai 2015, quinze étaient originaires d’Afrique. Le Forum du SMSI prévu pour fin mai 2015 donnera lieu à des recommandations sur le SMSI qui seront présentées pour examen par l’Assemblée générale des Nations Unies. 58 L’avenir du FGI Le mandat actuel du FGI prend fin en 2015 et son avenir sera décidé par l’Assemblée générale des Nations unies lors de sa réunion de décembre dans le cadre de l’examen du SMSI (étant donné que le FGI est le résultat direct du SMSI). Un message de soutien au FGI et un appel pour le renouvellement de son mandat ont été lancés par de nombreuses parties prenantes, notamment les suivantes : > les participants du NETMundial dans le document final de 2014 59 60 > l’Internet Society dans sa déclaration de position de novembre 2014 > l’ICANN au FGI en 2014 > des individus et des organisations qui se sont exprimés en 2014 sur le site Internet défendant la poursuite des activités du Forum sur la gouvernance d’Internet 61 > le gouvernement américain dans ses déclarations à l’Assemblée générale des Nations Unies en octobre 2014 > les conclusions du Conseil de l’Union européenne sur la gouvernance de l’Internet en novembre 2014 62 > le Parlement européen qui a adopté une résolution en février 2015 appelant à l’Assemblée générale des Nations unies « de renouveler le mandat du FGI, à lui allouer plus de ressources et à préserver le modèle de gouvernance multi-acteur de l’Internet » 63 > Les participants de la Conférence mondiale 2015 sur le cyberespace 44 64 56 http://www.itu.int/wsis/review/reports/ 57 http://www.openwsis2015.org/signatories/ 58 https://www.itu.int/net4/wsis/forum/2015/About/ 59 http://netmundial.br/wp-content/uploads/2014/04/NETmundial-Multistakeholder-Document.pdf 60 http://www.Internetsociety.org/doc/Internet-society-positions-renewal-igf-mandate-and-wsis-2015-review 61 http://igfcontinuation.org 62 http://italia2014.eu/media/3769/council-conclusions-on-Internet-governance.pdf 63 http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+MOTION+B8-2015-0099+0+DOC+XML+V0//FR WWW.INTERNETSOCIETY.ORG 65,66 Certains partisans demandent à ce qu’on accorde au FGI un mandat d’une plus longue durée 67 mandat ouvert ou un pour remplacer le mandat quinquennal actuel. Et d’autres proposent de fixer des objectifs plus spécifiques à atteindre dans le cadre du mandat du FGI. Il est à noter que quelques propositions relatives au renouvellement du mandat du FGI qui ont été soumises par l’Afrique étaient absentes de l’édition 2014 des FGI nationaux et régionaux. Il faut espérer que ces propositions seront présentées en 2015 lors des forums préparant la réunion de l’Assemblée générale des Nations Unies de décembre. Les objectifs de développement durable Les Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) avaient été élaborés en 2000 avec pour échéance l’horizon 2015. En 2012, des discussions avaient commencé sur un programme de développement post2015 qui s’appuierait sur les progrès accomplis vers la réalisation des OMD pour déterminer un programme mondial qui les succèderait. Les objectifs de développement durable (ODD) sont le résultat de ce processus. Les ODD définissent les objectifs jusqu’à l’horizon 2030 et le Secrétaire général des Nations Unies a souligné que la mise en œuvre des ODD s’appuie sur la transformation, une orientation axée sur la jeunesse et la participation effective de tous. 17 ODD ont été proposés sur la base de la Conférence des Nations Unies sur le développement durable, Rio + 20, et sur certains éléments tirés des OMD. Bien que les ODD n’incluent pas d’objectifs spécifiques liés aux TIC, il est reconnu que les TIC sont transversales et que les initiatives de mise en place de grandes bases de données ouvertes sont essentielles pour assurer l’accès aux données et à l’information nécessaires à la mise en œuvre et au suivi des 169 objectifs et 304 indicateurs des ODD. Les Nations Unies organisent une réunion plénière de haut niveau de son Assemblée générale du 25 au 27 septembre 2015 pour adopter les ODD. L’Agenda 2063 de l’Union africaine En 2013, l’Union africaine a célébré son cinquantième anniversaire, et dans la Déclaration solennelle du 25 mai 2013, les dirigeants africains ont présenté leurs aspirations pour les 50 prochaines années. Depuis 2013, la Commission de l’UA a consulté et dialogué avec les parties prenantes de l’ensemble du 64 https://www.gccs2015.com/ 65 Déclaration de base de l’ICC sur les améliorations à apporter au FGI (2014) http://www.iccwbo.org/Data/Documents/Basis/Archives/Statement-of-ICC-BASIS-on-Improvements-to-the-Internet-Governance-Forum(IGF),-August-2014/ 66 Au-delà de NETmundial : La Feuille de route pour les améliorations institutionnelles à apporter à la gouvernance mondiale de l’Internet (2014), http://www.global.asc.upenn.edu/app/uploads/2014/08/BeyondNETmundial_FINAL.pdf 67 45 http://igfcontinuation.org WWW.INTERNETSOCIETY.ORG continent pour formuler ces aspirations sous forme de l’Agenda 2063 68 qui se veut être « une stratégie globale pour optimiser l’utilisation des ressources de l’Afrique pour le bénéfice de tous les Africains ». L’Agenda 2063 a été adopté par le Sommet de l’UA en janvier 2015. Les sept aspirations de l’Agenda 2063 sont : > Une Afrique prospère fondée sur une croissance inclusive et un développement durable ; > Un continent intégré, politiquement uni, basé sur les idéaux du panafricanisme et sur la vision de la renaissance de l’Afrique ; > Une Afrique où règnent la bonne gouvernance, la démocratie, le respect des droits de l’homme, la justice et l’état de droit ; > Une Afrique pacifique et sécurisée ; > Une Afrique dotée d’une identité, d’un patrimoine commun, de valeurs partagées et d’une éthique culturelle forte ; > Une Afrique où le développement est axé sur les populations, et s’appuie notamment sur le potentiel des femmes et des jeunes ; > Une Afrique, en tant qu’acteur et partenaire fort, uni et influent sur la scène mondiale. L’Union africaine en consultation avec ses institutions et agences spécialisées, les communautés économiques régionales et les parties prenantes concernées, élaborera, pour chacune de ces aspirations, des objectifs, des indicateurs et des stratégies de mise en œuvre. Le secteur des TIC a été reconnu comme un secteur important qui peut contribuer à la réalisation de ces aspirations. Le programme relatif au secteur des TIC est coordonné par la Division de la société de l’information de la Commission de l’UA. 68 46 http://agenda2063.au.int WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Conclusion L’Internet a le potentiel de transformer les sociétés, avec des incidences positives sur l’éducation, la santé, l’agriculture, le transport, la gouvernance, la culture, les affaires, l’économie. En fait, les bénéfices de l’Internet peuvent toucher tous les aspects de la société humaine moderne. Mais un certain seuil de développement de l’Internet, y compris la pénétration, l’accès, la sensibilisation et les capacités humaines, est nécessaire pour que les pays et les régions tirent pleinement parti du potentiel de transformation de l’Internet. Après un démarrage lent, l’Internet en Afrique connaît maintenant une croissance et un développement rapide. De grands progrès ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire. Les défis en matière d’investissement, d’infrastructures, de réglementation, de renforcement des capacités et de gouvernance sont indissociablement liés, ce qui nécessite l’engagement et la coopération des parties prenantes de tous les secteurs, de tous les pays et de toutes les régions. Mais l’Afrique a une communauté Internet solide et dynamique qui a clairement les capacités à poursuivre et à accélérer les progrès accomplis à ce jour, en partenariat avec la communauté internationale. Au cours de la dernière décennie, l’Afrique a connu une forte croissance dans les communications mobiles et une croissance soutenue du taux de pénétration de l’Internet. Cela peut, en grande partie, être attribué aux efforts déployés par les gouvernements africains qui travaillent en partenariat avec d’autres parties prenantes afin de créer un environnement propice qui favorise l’innovation. En outre, d’importantes institutions ont vu le jour dans l’écosystème Internet africain qui sont le moteur de cette évolution et qui mettent en pratique le modèle multi-acteur de gouvernance de l’Internet. La forte croissance de l’accès à Internet et au mobile depuis 2005 reflète le renforcement des institutions Af* existantes, l’émergence de FGI régionaux et nationaux et l’engagement accru des gouvernements africains en faveur du développement des TIC. Tout comme nous devons nous réjouir des réussites, nous devons également reconnaître les lacunes. Les moyennes, même celles qui se caractérisent par une forte progression, peuvent cacher des disparités dans la répartition des bénéfices entre et au sein des pays. Certes, des efforts supplémentaires s’imposent pour que les gens de toutes les régions du continent (urbaines et rurales, côtières et enclavées) tirent parti du développement de l’Internet. Deux pays seulement déploient massivement le protocole IPv6. Cela pose un problème de plus en plus alarmant compte tenu du fait que les ressources d’IPv4 diminuent rapidement. Et l’échec à venir de la plupart des pays à se conformer aux délais fixés pour le passage à la radiodiffusion numérique représente un rappel brutal de la nécessité de saisir les opportunités qui se présentent. Comme l’Afrique continue de développer son économie de l’Internet, le modèle multi-acteur restera un élément essentiel pour sa réussite, ce qui aidera aux pays africains d’atteindre la masse critique de personnes ayant accès et utilisant Internet lui permettant ainsi de réaliser un développement économique et social soutenu. 47 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG 48 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG Internet Society Galerie Jean-Malbuisson, 15 CH-1204 Genève Suisse Tél. : +41 22 807 1444 Fax : +41 22 807 144 www.internetsociety.org 1775 Wiehle Ave. Suite 201 Reston, VA 20 190 États-Unis Tél. : +1 703 439 2120 Fax : +1 703 326 9881 Courriel : [email protected] Rapport-Developpementdel’InternetenAfrique-20150522-francais 49 WWW.INTERNETSOCIETY.ORG