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By:
Dr. Namalguebzanga Christian KAFANDO
Title of the Article:
Le Développement du Secteur Agricole affecte-
t-il le Secteur Manufacturier ?
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Introduction
Au milieu du XXème siècle, la plupart de pays africains proclamait leur indépendance tout tant
décidant sur le plan économique d’effectuer un mouvement en avant, en allant des activités
primaires à faible valeur ajoutée à celle de fabrication à plus forte valeur ajoutée. Ce processus
appelé « industrialisation » a été considéré comme le principal moyen de passage de pays en
développement à pays développés ou industrialisés. Ce processus a également fait l’objet de
consensus en 1986 au niveau de l’Organisation de l'unité Africaine (OUA) dans le Programme
Prioritaire de Redressement Economique de l'Afrique sur la période 1986-90. Dans les premières
années de leur indépendance, les pays Africains ont tenté de mettre en place une économie dont le
secteur leader serait l’industrie. Malheureusement cette stratégie a surtout échoué en raison d’une
très forte ingérence des Etats dans les affaires économiques et d’un contexte international difficile
(Hughes, 1984 ; Hawkins, 1986 ; Griffin and Emmerij, 1989).
Ceci explique pourquoi le seul continent qui n'a pas bénéficié de cette expansion du modèle
industriel mais aussi le plus marginalisé dans le domaine de la production manufacturière et du
commerce mondial est l'Afrique (UNCTAD, 2011). Toutefois, très récemment, la Commission
Economique des Nations-Unies pour l’Afrique et l’Union Africaine semblent mettre l’accent pour
un renouveau de la politique industrielle en Afrique. En effet, « compte tenu du fait que la plupart
des pays africains détiennent actuellement un avantage comparatif pour ce qui est des produits de
base, l’industrialisation fondée sur l’exploitation des ressources naturelles est un moyen de
développer des chaînes de valeur régionales sur le continent, et les pays africains devraient saisir
l’occasion offerte » (ECA and AUC, 2013, UNCTAD, 2013).
Notre recherche actuelle s’inscrit dans ce cadre pour les raisons que nous avons énoncées ci-dessus
et met l’accent sur les contributions du secteur agricole. Ce secteur a d’ailleurs déjà fait l’objet
d’un consensus au niveau africain, à travers le consensus de Maputo (Mozambique) en 2003. Cet
accord matérialisé par l’adoption du Programme Détaillé de Développement de l’Agriculture
Africaine (PDDAA) a pour objet d’améliorer la contribution du secteur agricole afin de favoriser
la croissance économique des pays africains. Cet objectif est d’autant plus louable que ce secteur
est d’une importance capitale pour le développement industriel.
L'objectif principal de notre étude est de comprendre la contribution des activités agricoles au
processus de développement du secteur manufacturier dans les pays africains, mais aussi de savoir
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si un tel processus de développement industriel peut être utilisé par tous ces pays et par quels
moyens ils peuvent y arriver. Cette étude se décline en quatre parties. La première partie consiste
à présenter une revue de la littérature sur le sujet qui nous intéresse et d’en extraire des variables
utiles à notre étude. Par la suite, nous présenterons notre cadre d’analyse et une description
statistique des relations entre les deux secteurs d’intérêts que sont le secteur agricole et le secteur
manufacturier au niveau africain et en prenant soin de différencier les régions. Cette distinction est
faite, parce que le secteur industriel est un ensemble de plusieurs secteurs, à savoir l’industrie
manufacturière, les industries extractives, et le pétrole (Lewis, 1954). Nous privilégions l'étude de
l’industrie manufacturière car il s’agit du seul secteur industriel qui puisse être affecté par le
secteur agricole. La troisième partie vise à faire usage de l’économétrie dans le but d'analyser la
contribution des activités agricoles au veloppement du secteur manufacturier dans les économies
africaines. En d'autres termes, nous étudions la relation entre les niveaux de la valeur ajoutée de
l'agriculture et celle du secteur manufacturier dans les pays africains, en tenant compte des facteurs
de croissance (le capital physique, le capital humain et l'ouverture économique) et de la qualité de
gouvernance. Les régressions que nous y ferons seront basées sur des modèles à effets fixes, des
modèles à double effets fixes et l’estimateur des moindres carrés généralisés. La dernière partie
visera à présenter et interpréter les résultats afin d’en tirer des implications en termes de politiques
économiques.
I) Revue de la littérature
Concernant les perspectives de développement qui s’offrent aux pays africains, nous avons vu que
certains travaux considèrent que les pays africains devraient se spécialiser uniquement dans la
production de ressources naturelles car ils y possèdent un avantage comparatif (Wood et Mayer,
2001; Parc, Lee, 2006 ; Mayer et Fajarnes, 2008). Par contre d’autres auteurs ont soutenu que
l’industrialisation est nécessaire car il s’agit de l’élément central du processus de rattrapage
économique (Cornwall, 1977; Tregenna 2007 ; Szirmai et Verspagen, 2011). En effet, seule,
l’agriculture ne peut pas conduire à un chemin de croissance élevé parce que, comme les théories
économiques classiques l’admettent, dans le secteur agricole la valeur ajoutée de la production par
te est inférieure à celle générée dans les secteurs industriels mais reste déterminant pour le
développement industriel (Lewis, 1954).
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Le niveau du secteur de l’agriculture peut être considéré comme un moyen d’action permettant de
développer le secteur industriel. Cette caractéristique de l’activité agricole, recèle aussi de
nombreux avantages. « La faiblesse des liens entre agriculture et industrie est l’une des
caractéristiques les plus marquantes des pays en développement. C’est pourquoi l’agriculture ne
peut expérimenter de nouveaux inputs en fertilisants et machines » (Abdelmalki, Mundler, 1995).
Ayant étudié l'importance de la part de l'agriculture pour le développement des activités
manufacturières dans l'économie sur un échantillon mondial et tenant compte de certaines régions
par le biais de muettes, Shifa (2011) a constaté que cet impact est positif et proportionnel à la part
de l'agriculture dans l'économie. Pour Mellor (1966), l’augmentation de la taille du secteur agricole
permet une transformation naturelle qui permet à l’économie de passer d’une situation dans
laquelle elle est dominée par un secteur agricole à croissance lente à une économie dominée par
un secteur non-agricole à croissance rapide.
Bon nombre d’autres auteurs ont évoqué dans leurs travaux l’importance du secteur agricole pour
le take-off du développement industriel (Bairoch, 1971 ; Kuznets, 1966 ; Fei, Ranis, 1969). Mellor
(1966) explique que le changement qui s’opère dans la structure économique est lié à la taille du
secteur agricole et non à son taux de croissance qui est lent. De son point de vue, le développement
du secteur agricole se fait grâce à l’amélioration du capital humain et à la diffusion du savoir, qui
sont dues à l’accumulation du capital et à sa répartition entre les secteurs, au choix de spécialisation
des économies et à l’ouverture économique. Balassa (1979) soutient que les différences en
capitaux physiques et humains expliquent les différences de performances des économies sur le
plan manufacturier. Pour lui, derrière la notion de croissance de la population, qui est souvent
perçue comme un poids pour le développement, se cachent la conjugaison de l’ingéniosité humaine
et de l’accumulation de la connaissance scientifique qui permettent d’améliorer la technologie.
L’usage de cette technologie dans le système de production a pour conséquence, la hausse de la
productivité dans le secteur agricole. Cette productivité est ensuite améliorée par les avantages liés
à la spécialisation dans une production donnée. Les avantages de la spécialisation sont de deux
ordres car non seulement, elle permet de réduire les coûts de transactions mais aussi d’augmenter
le volume des échanges.
En réalité, la plupart des explications avancées pour expliquer l’effet de la taille du secteur agricole
sur le secteur industriel repose sur le concept du surplus. Quelques auteurs (Lewis, 1954 ; Fei,
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Ranis, 1969 ; Abdelmalki and Mundler, 1995) ont essayé d’expliquer aussi ce changement sur la
base d’un concept de surplus qui se dégage de l’agriculture et qui est transféré au secteur
manufacturier. Ce surplus agricole peut prendre la forme de main-d’œuvre, de quantité
supplémentaire de production ou de revenus supplémentaires.
La conception du surplus agricole (Lewis, 1954) peut varier selon que l’on se place dans le
domaine de la production et de la demande, sur le marché de l’emploi, sur la question de
l’autofinancement de l’économie ou que l’on s’intéresse aux questions d’échanges internationaux
(Abdelmalki, Mundler, 1995). Quatre définitions du surplus peuvent donc être présentées.
Au niveau de la production et de la demande de bien agricoles, une hausse de la production permet
de répondre aux besoins de la population agricole et aux besoins du reste de la population. Le
surplus créé permet également de rendre disponible une partie de la production agricole qui pourra
être utilisée ou transformée par l’industrie. L’augmentation de l’offre de biens agricoles conduit à
une baisse des prix des biens agricoles qui influencent également à la baisse les coûts salariaux
dans l’ensemble des secteurs de l’économie.
Au niveau du marché de l’offre et de la demande de travail, la hausse de la productivité du secteur
agricole libèrera un surplus de main-d’œuvre qui sera donc disponible pour d’autres secteurs
économiques.
Les progrès dans l’agriculture permettent de dégager une épargne « forcée » ou « volontaire » qui
pourra conduire à l’autofinancement de l’économie (Abdelmalki, Mundler, 1995). Cette épargne
est dite forcée lorsqu’elle est extraite sous forme d’impôts ou de taxes sur les recettes issues de la
vente de produits agricoles. L’Etat y joue donc un rôle fondamental, il mobilise de manière
obligatoire une forme de ressources financières qui sera réinjectée dans l’économie dans le but de
la financer. L’épargne est volontaire, lorsqu’elle émane des agriculteurs eux-mêmes. Dans le sens
où, le surplus de gain est utilisé pour être réinvesti à travers l’acquisition de moyens d’amélioration
de la production ou de la productivité ou tout simplement comme moyen de consommation future.
Pour Abdelmalki et Mundler (1995), dans les deux cas d’utilisation de leur épargne, les actions
des agriculteurs permettent de stimuler la demande.
A travers les exportations de produits d’origine agricole, les acteurs économiques locaux
acquièrent des devises qui sont utilisées à des fins de financement pour l’industrie (Mellor, 1966 ;
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