PRÉSENTATION DE FRANCOIS LAMOUREUX COLLOQUE IREC – 31 MAI 2013 Depuis 2002, l'industrie manufacturière est en régression au Québec comme partout ailleurs en Occident. Des emplois ont été perdus par dizaine de milliers dans les secteurs des textiles, du meuble, des produits électroniques, du papier et de la forêt, que ce soit par délocalisations ou par l'effondrement des marchés traditionnels. Pour nous, il n’est pas question devant ces difficultés de baisser les bras. Une société moderne ne peut prospérer sans un robuste secteur manufacturier sur son propre territoire. 1 C'est une industrie qui a des effets d'entraînements structuraux pour toute notre économie et qui permet le plus d'apports de richesses provenant de l'extérieur de nos frontières. C'est en grande partie grâce à la valeur ajoutée aux matières premières par la transformation opérée par les travailleuses et travailleurs des manufactures que le Québec a autant prospéré depuis les débuts de la Révolution tranquille. Ces richesses ont été plus équitablement partagées ici même grâce au mouvement syndical. Mais sans un secteur manufacturier prospère, il y a moins de richesses à partager et c’est cette classe moyenne si durement construite qui s’érode peu à peu. 2 C'est là que l'État doit jouer un rôle primordial. Il l'a plutôt bien fait au tournant de la Révolution tranquille et aussi par la suite en intervenant dans notre économie pour attirer ici des industries qui ont depuis prospéré au point de devenir les fers de lance de notre économie. Mais nous sommes maintenant à l'aube de nouveaux défis pour le Québec et c’est présentement qu’il faut saisir les occasions et bâtir une nouvelle politique manufacturière. Les économies qui ont le mieux résisté à la crise sont celles qui se sont organisées pour maintenir un secteur manufacturier solide, producteur de richesses et d'exportations. 3 Il faut que l’État interpelle les employeurs qui cherchent des avenues de rentabilité par l'exportation de leur savoir-faire dans les pays à bas coûts de maind'œuvre. Ce sont là des économies à courte vue. Inlassablement, nous devons dénoncer celles et ceux qui profitent du travail de misère. Exporter notre savoir-faire peut signifier de le perdre, comme cela se produit aux États-Unis. Exporter nos produits a toujours été une marque de commerce de notre économie, non pas exporter nos emplois. Quand le secteur manufacturier est délocalisé, l’économie du savoir recule parce que les services aux entreprises perdent une part importante de leur marché. 4 L’État peut jouer un rôle important pour permettre aux entreprises québécoises de trouver de nouveaux débouchés pour nos produits dans les économies émergentes comme la Chine ou le Brésil. Si nous ne pouvons rivaliser avec la Chine dans la production de masse de téléviseurs, nous pouvons quand même concurrencer avec cette grande civilisation pour vendre de l'aluminium transformé à partir d'une énergie hydroélectrique produite en limitant le plus possible les impacts environnementaux. Il faut retrouver cette fierté du manufacturier. Il faut le dire haut et fort, le Québec sait fabriquer des produits de qualité qui trouvent preneur dans notre marché local comme dans les marchés internationaux. 5 L'économie du Québec ne peut pas tout faire, mais elle possède des atouts indéniables qui lui permettent de développer mieux qu'ailleurs des secteurs manufacturiers qui tirent leur épingle du jeu dans l'économie mondiale. Il faut se rappeler que c'est l'intervention de notre État québécois qui nous a permis de développer un puissant réseau de distribution d'énergie parmi les plus propres. C’est aussi grâce à l’intervention de l’État que Bombardier aéronautique compte parmi les fleurons de notre économie. Les défis du secteur manufacturier québécois sont également liés à la planification de sa main-d’œuvre. En cela, l'État québécois a un rôle majeur à jouer en créant les conditions pour amener les entreprises à investir davantage dans la formation des travailleuses et des travailleurs. 6 Seul l'État peut et doit organiser la prise en charge des victimes des restructurations de l'économie. Celles et ceux qui perdent leur emploi ne peuvent pas, aussi rapidement qu'un transfert de chiffres, se recycler dans les emplois nouvellement en demande. On ne peut les forcer à se déraciner et, en ce sens, l'État doit appuyer davantage le développement local et régional et garantir l’occupation de notre territoire. On ne peut se permettre de remplacer des emplois industriels bien rémunérés et créateurs de richesses par de seuls emplois dans des magasins qui ne vendent que des importations et qui, bien souvent, fournissent à leurs employés des conditions de travail inférieures.Le modèle Wal-Mart fait dangereusement reculer la classe moyenne. 7 Pour assurer l'avenir de nos entreprises manufacturières, nous avons, comme syndicats, un rôle très important à jouer. Il faut pousser nos employeurs à investir davantage dans la vraie productivité. Lorsqu'une usine devient désuète, que sa machinerie ou ses équipements sont dépassés, cette usine est condamnée et c’est la société québécoise qui en paie le prix à travers les pertes d’emplois. Ce processus est encore plus rapide aujourd'hui à cause de la mondialisation. Les employeurs ont actuellement l'opportunité d'investir avec un dollar plus fort pour moderniser leurs équipements et leurs technologies, lesquels sont souvent produits à l'étranger (Japon, Allemagne, États-Unis). 8 C'est notre rôle et celui de l’État de les exhorter à le faire pour assurer la durabilité de nos emplois ici même au Québec. Certaines entreprises québécoises tirent bien leur épingle du jeu à travers la mondialisation. Elles ont investi dans la formation des travailleurs, dans la recherche et le développement de nouveaux produits. C’est la direction que nous devons prendre. Mais à une époque où la financiarisation de l'économie se mondialise, la recherche de hauts rendements financiers à court terme constitue un obstacle de taille à un redéploiement de l'industrie manufacturière. 9 Cette course à la richesse rapide, sans aucune vision, en faveur d’une entreprise durable, est en train d’affaiblir l'industrie manufacturière en Occident. Cette recherche de gains rapides a forcé les délocalisations dans les pays à bas salaires et à « basse » démocratie. Pour nous, le secteur financier doit servir l'économie réelle et non l'inverse. Encore une fois, l'État a un rôle à jouer pour décourager le capital spéculatif et encourager le capital patient, seul véritable créateur d'emplois et de richesses. De la même façon, le syndicalisme a un rôle puissant à jouer en exigeant que l'État utilise tous les moyens à sa disposition pour juguler la spéculation destructrice. 10 La situation économique, n’est pas tout à fait rose, loin de là et le modèle industriel traditionnel est encore bien présent dans notre environnement politique. Cela ne doit pas empêcher le Québec d’orienter son économie manufacturière vers une production plus verte, durable l’électrification et des socialement transports utile collectifs comme et la production d’autres énergies vertes. Il en va de notre prospérité et de l’avenir de la planète. Le Québec doit mettre en place des politiques qui tiennent compte de l’aménagement du territoire et qui stimuleront les effets multiplicateurs dans les industries de toutes les régions du Québec. 11 En ce sens, le potentiel des économies de proximité et la valorisation de produits durables et écologiques identifient des pistes qui pourraient avoir de nombreux effets d'entraînement. Elles s'appuient sur le rôle de l'État et elles tirent profit de nos forces actuelles pour immédiatement commencer à construire le Québec de demain. À la CSN, nous sommes convaincus qu’une politique industrielle doit avoir comme objectif premier le bien commun pour la société québécoise. Elle doit être un rempart pour la classe moyenne tout en étant un apport non négligeable pour financer notre filet collectif de protection sociale. 12 Le choix stratégique d’élaborer une politique industrielle concerne toute la société : enjeux économiques et sociétaux, acceptabilité sociale, culture industrielle et attractivité des métiers et des emplois et progrès social. Chacun d’entre nous est concerné par cette politique, et ce, à la fois comme consommateur, producteur ainsi que citoyen. Des opportunités se dessinent pour une industrie du XXIe siècle porteuse de progrès économique et social qui ancre son futur dans un nouveau mode de développement durable. 13 Il nous faut une politique industrielle offensive qui pourra, tout à la fois, soutenir les industries traditionnelles avec des modes de production plus économes en ressources naturelles, réussir la transition énergétique et écologique, développer une économie de qualité, répondre aux besoins de la société et favoriser l’émergence de nouveaux emplois de qualité et de proximité par l’innovation et les technologies. Le gouvernement du Québec doit saisir l’occasion de développer un projet commun qui nous rassemble et qui nous porte vers un avenir meilleur pour notre secteur manufacturier et industriel québécois. Le temps est venu de passer de la parole aux actes. Merci 14