Agir ensemble pour un tourisme durable Comité 21 - 4 -
Résumé
L’industrie touristique représente une formidable raison d’être heureux. Et ce n’est pas près de
s’arrêter ! Les prévisions de l’Organisation mondiale du tourisme pour les années à venir semblent en
effet confirmer que ce secteur reste la plus importante activité économique que le monde ait connue.
En 2006, la filière touristique représente environ 11% du PIB mondial, 8% de l’emploi mondial et se
caractérise par une croissance soutenue estimée à plus de 4% par an pour les dix prochaines
années. Les 898 millions de voyageurs dans le monde en 2007 feront bien pâle figure face au
1,5 milliard de touristes qui sillonneront les routes à l’horizon 2020 … C’est dans cette
extraordinaire croissance que réside pourtant toute la fragilité du secteur : son développement
est directement corrélé à celui des émissions de CO
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. Qui dit plus de touristes, dit plus de
déplacements et donc plus de gaz à effet de serre (GES).
Réunis à Davos en septembre 2007 et face à cet enjeu, les leaders de l’industrie ont notamment
proposé de promouvoir des destinations neutres en CO
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, ainsi que développer des outils Internet
facilitant l’identification de produits et de services plus responsables. Le risque climatique est
aujourd’hui la clef de lecture du secteur face aux enjeux environnementaux, sociaux,
sociétaux, culturels et économiques. Au regard des préoccupations grandissantes et des premières
actions collectives et individuelles mises en place, il demeure toutefois difficile de concilier, dans la
durée, tourisme de masse et enjeux environnementaux. Il n’est pas anodin de voir que l’attention se
concentre, pour l’instant, sur les émissions de GES du secteur aérien. D’ailleurs, si ce secteur
représente en 2007 entre 2 et 5% des émissions mondiales de GES selon les estimations, il compte
pour 40% des émissions du seul secteur touristique. La hausse du cours du baril du pétrole, tout
comme l’inclusion des compagnies aériennes au sein du mécanisme d’échanges de quotas
d’émissions de CO
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(système ETS
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, issu du Protocole de Kyoto) interroge sur la capacité du secteur
aérien à rester un acteur majeur de la production de séjour low cost tout-inclus, toujours plus loin,
toujours plus court. Selon l’Association internationale du transport aérien (IATA), la facture de
kérosène des compagnies aériennes est passée de 21 milliards de dollars en 2002 à 139 milliards de
dollars en 2007. Le 31 décembre 2007, la bourse de New York clôturait le cours du baril à
96,10 dollars. En juillet 2008, après avoir dépassé les 140 dollars, le cours se consolidait autour des
130 dollars. Jusqu’au prochain épisode.
Le tourisme de masse, fruit du progrès, est aujourd’hui remis en cause par son empreinte
écologique. Les destinations et les entreprises du secteur ont donc un rôle majeur à jouer. Pendant
plus de trente ans, l’environnement a été présenté comme un obstacle à la croissance et au
développement. Face aux menaces qui se précisent pour la planète et nos industries, le présent nous
montre combien nous avons eu tort de nous enfermer dans cette opposition. C’est une chance que de
s’en rendre compte, ça en est une autre que de passer à l’action. L’industrie touristique vit
actuellement un de ses plus profonds bouleversements. Sera-t-elle capable de se réinventer ?
Entreprendre une mutation des loisirs et des vacances, c’est remettre en cause des désirs et des
plaisirs tels que nous les concevons actuellement. D’autant que face au projet de développement
durable, le tourisme n’est pas exempt des réalités touchant les autres secteurs d’activité.
Pour y parvenir, l’obstacle n’est pas technologique, ni même organisationnel. Il est culturel.
Comme le calcule Jean Viard
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, au fil du XX
ème
siècle, la durée moyenne de vie est passée en France
de 500 000 à 700 000 heures, tandis que la durée légale du travail a été réduite de presque deux tiers
pour atteindre 67 000 heures. L’ensemble des temps libres, hors sommeil, en a été le grand
bénéficiaire : 400 000 heures. Il nous faut donc trouver et mettre en place les ingrédients qui
permettront les changements profonds de nos modes de vie.
Réaliser le tourisme durable nécessite une action conjointe des acteurs publics et privés de la
filière touristique. Les gouvernements, les autorités locales, les entreprises, les consommateurs,
tous doivent interagir pour inventer les modalités d’un tourisme « soutenable ». C’est dans ce sens
que ce guide vous est proposé. Dans sa première partie, vous trouverez l’expression d’un diagnostic
partagé issu des groupes de travail organisés par le Comité 21. La deuxième partie présentera
plusieurs retours d’expériences significatifs. Si la solution parfaite n’existe pas, nul doute que chacune
de ces expériences montre que tous les acteurs peuvent agir, quels que soient leur taille ou leurs
moyens. Enfin, nous vous présenterons une méthodologie et des recommandations à mettre en
œuvre pour construire une stratégie de tourisme durable.
1
Emissions Trading Scheme
2
Jean Viard, Eloge de la mobilité, Essai sur le capital temps libre et la valeur travail, Essai, éditions de l’Aube, 2006