Conseil d`État, XIV ème chambre, 23 décembre 2015, n.v. Kinepolis

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Conseil d’État, XIVème chambre, 23 décembre 2015, n.v. Kinepolis Mega, n°
233.355. Octroi d’un droit d’emphytéose et activité économique, le Conseil d’État
place fermement la propriété publique dans le champ du droit européen.
Par l’arrêt n.v. Kinepolis Mega, n° 233.355, qu’il a prononcé le 23 décembre 2015, le Conseil d’Etat a
annulé l’octroi sans mise en concurrence à une entreprise d’un droit d’emphytéose sur un terrain dont
De Lijn est propriétaire dans le port d’Anvers.
Le Conseil d’Etat ne s’y contente plus d’énoncer la règle fixée depuis son arrêt n.v. Seaport Terminals,
n° 41.878, du 2 février 1993, d’une obligation de mise en concurrence du droit d’occuper la propriété
publique ; la requérante ayant résolument placé sa critique dans le champ du droit européen, il la nourrit
par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’arrêt Steinhauser, C-197/84,
EU:C:1985:260, à l’arrêt Belgacom, C-221/12, EU:C:2013:736, en passant par l’arrêt Telaustria et
Telefonadress, C-324/98, EU:C:2000:669. Mis en perspective avec sa finalité, l’exercice d’une activité
économique, le principe d’égalité en sort alors renforcé.
Quelle que soit la structure juridique par laquelle il est octroyé puis exercé, une vente, une concession
domaniale, un droit réel, un droit exclusif, etc., le droit d’occuper le domaine public, observe le Conseil
d’État, sert autant la liberté d’établissement que la libre prestation de services, garanties par les articles
49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, pour l’exercice desquelles le principe
d’égalité est un vecteur fondamental.
Or, sans le principe de transparence qui le sert, le principe d’égalité ne serait rien. Alors, l’obligation de
mise en concurrence s’exprime clairement, et c’est un principe récurrent en droit européen que rappelle
le Conseil d’État : « L'obligation de transparence incombant à l'autorité investie du pouvoir
d’attribution, vise à ce que tous les candidats potentiellement intéressés soient informés au préalable et
à ce qu'ils puissent se porter candidats. Ils doivent avoir la possibilité réelle de montrer leur intérêt. Ce
faisant, le principe de transparence permet, d'une part, de prévenir la violation des principes d'égalité
de traitement et de non-discrimination et, d'autre part, de vérifier l'impartialité de la procédure
d'attribution suivie. Cette obligation de transparence implique que soit garanti à tout soumissionnaire
potentiel un degré de publicité adéquat » (point 44 de l’arrêt).
L’arrêt est méthodique. Après l’énoncé du principe, vient son application concrète. A l’objection que De
Lijn prétendait tirer de l’annonce dans la presse (De Standaard et Het Nieuwsblad) de son intention de
céder ses terrains, le Conseil d’Etat répond que « ces communiqués ne sauraient être considérés comme
un « appel à concurrence » préalable lancé à l’initiative de (l’organe compétent de) la partie défenderesse
relativement à une décision qu’elle a prise de céder ces terrains, aux conditions auxquelles elle souhaite
y procéder et aux critères et exigences à respecter » (point 46 de l’arrêt). Mettre en concurrence, c’est
publier en annonçant les conditions de passation du contrat.
L’arrêt Kinepolis Mega n’innove sans doute pas. Son intérêt est ailleurs, dans l’expression claire, enfin,
de l’entrée de la propriété publique dans le champ du droit européen et dans ce qu’il annonce alors, la
soumission du droit de la domanialité publique à des règles fondamentales qui, avant lui, ont déjà
fertilisé le droit des marchés publics et des concessions de services publics jusqu’aux nouvelles directives
du 26 février 2014. Le contenu concret du principe de transparence est directement issu de ces règles
fondamentales.
Cette expression vivifiée du droit d’occupation de la propriété publique devait être signalée.
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Sur cette question, voy. également Emmanuel VAN NUFFEL, « La propriété publique à finalité
économique. Quand la domanialité publique rencontre le droit de la concurrence, un régime général
défini à partir des principes fondamentaux, la transparence, l’égalité et l’ouverture à la concurrence, et
de leur application en droit européen », Jurim Pratique, 2015/3, p. 49-106.
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