Terra Nova – Note - 2/13
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NE PERTE DE POUVOIR D
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ACHAT POUR LES MENAGES MODESTES
Les hypothèses de dévaluation consécutive à une réintroduction de la monnaie nationale varient
entre 15%, pour les économistes qui raisonnent sur les « fondamentaux », et 40%, pour ceux qui
s’attachent davantage à la dynamique des flux de capitaux. Prenons pour hypothèse optimiste
qu’une sortie de la monnaie unique se traduirait assez rapidement par une dévaluation de 15 à 20%
de la nouvelle monnaie nationale
1
(très probablement un nouveau « franc », appelons-le le « franc Le
Pen », dont le Front national ne précise pas s’il serait entièrement flottant ou si l’on tenterait de
l’enserrer dans une parité ajustable avec les monnaies voisines)
2
. Quels en seraient les effets à court
et moyen terme ?
D'abord
un renchérissement du prix des biens importés
, phénomène qui concernerait l'ensemble
des ménages, notamment ceux dont le pouvoir d'achat est déjà fragilisé. Aujourd'hui, la
consommation des quelque 30 millions de ménages français s'élève à environ 1 200 milliards d'euros
par an. Le contenu en importations de la consommation des ménages se situe a minima autour de
15% et plus probablement trois à quatre points au-dessus
3
. Une dévaluation de 18% du franc par
rapport à l’euro, par exemple, conduirait à un renchérissement de 22% de la valeur de ces biens
importés
4
, à quoi il faut ajouter la taxe de 3% sur les importations que le Front national souhaite
mettre en place. Cela entraînerait au total
une hausse des prix d’environ 3,75% à 4,5% sur
l'ensemble de la consommation des ménages
(selon que l’on retient un contenu en importations
de 15% ou de 18%), soit une addition de 45 à 54 milliards d'euros si le niveau de ces importations
restaient stables. Répartie sur 30 millions de ménages,
la facture pourrait donc se situer entre 1
500 et 1 800 euros par ménage et par an
.
1
L'Institut Montaigne anticipe une dévaluation de 15%. Certains acteurs tablent plutôt sur 24 à 28% (voir par
exemple Eric Chaney, « Sortie de l'euro : faillites en chaîne et confiscation de l'épargne », Telos, 14 mars 2017).
D’autres encore évoquent une dépréciation de 43% (Voir Mathilde Lemoine, « Retour au franc : une perte de
souveraineté », Agefi, 9 mars 2017).
2
Nous faisons pour le moment l'hypothèse que l'euro se maintiendrait chez les autres membres de la zone euro, ce
qui est peu vraisemblable en réalité. Mais l'évaluation des impacts d'un éclatement de la zone euro du fait de la
sortie de la France est quasiment impossible : le franc se déprécierait vis-à-vis de certaines monnaies (le Mark par
exemple), mais s'apprécierait par rapport à d'autres, entraînant toutes sortes d'effets de bilan et d'impacts sur la
compétitivité relative de l'économie française par rapport à ses voisines. Quant aux effets sur les taux d'intérêt, ils
seraient tout aussi imprévisibles.
3
Le calcul du contenu en importations de la consommation des ménages repose sur des méthodes et des
hypothèses complexes. Le chiffre avancé par le Front national (15%) est assez proche de celui que donne le rapport
Angels (rapport au Sénat de Bernard Angels, « La Relation entre consommation des ménages et importations »,
2009). En se fondant sur les données du Tableau entrées-sorties (TES) de la comptabilité nationale et en suivant
une autre méthode, la DGTPE était arrivée au chiffre de 18,5% en 2006 (Trésor-Eco, n° 6, décembre 2006) ; dans
les séries qu’elle présentait alors, jamais le contenu en importations de la consommation des ménages n’était
descendu en-dessous de 16,5% depuis 1978. Compte tenu de l’évolution du taux d’ouverture de l’économie
française, de sa compétitivité et de sa balance commerciale, il n’y a pas beaucoup de raisons de penser que le
contenu en importations de la consommation des ménages ait pu diminuer très sensiblement ces dix dernières
années.
4
Si le franc est dévalué de 18%, 1 franc = 0,82 euro, donc 1 euro = 1,22 franc, soit un renchérissement de 22% des
biens importés.