
Nous sommes en 1808. Beethoven n'avait 
pas encore tout à fait terminé la Symphonie 
Pastorale qu'il travaillait déjà aux esquisses 
des deux Trios op. 70, dont le n°1, surnommé
« Geistertrio » (Trio des esprits) à cause de 
l'atmosphére « hantée » de son mouvement 
lent, est le plus connu. Le compositeur, qui 
avait l'habitude de déménager très souvent, 
était à l'époque invité chez une représentante
de la noblesse, une Hongroise, dont la géné-
rosité n'avait d'égal que son amour pour la
musique: la Comtesse Marie von Erdödy. 
Dans une lettre, le compositeur Johann 
Friedrich Reichhardt décrit une visite chez 
cette noble dame:
« Beethoven avait eu la gentillesse de m'in-
viter pour un dîner agréable chez la Com-
tesse Erdödy. Ma joie fut presque gâchée 
par une abondance d'émotions. Imaginez une
très belle femme de 25 ans, mariée à 15 
ans, et qui depuis son enfance souffrait 
d'une maladie incurable. Elle ne vit en de-
hors de son lit que deux à trois mois par 
année. Malgré tout, elle a donné naissance à 
trois charmants enfants en bonne santé... 
Elle arrive même à bien jouer les œuvres de 
Beethoven, allant en boitant d'un piano à 
l'autre, les pieds enflés. Et avec cela, tou-
jours de bonne humeur, aimable et bonne... »
Quelque temps plus tard, à cause d'une 
dispute avec un serviteur de la Comtesse, le 
compositeur quitta sa maison, mais, heureu-
sement, il se réconcilia bientôt avec sa pro-
tectrice.
Le poète, peintre, musicien et critique Ernst 
Theodor Amadeus Hoffmann (1776-1822) 
était plein d'enthousiasme pour « Les Es-
prits », parlant du génie « sérieux et solen-
nel » de Beethoven. Le trio commence par 
une sorte d'explosion à l'unisson et en octa-
ves, suivit immédiatement par un thème 
lyrique – en matière de contraste, on ne fait 
pas mieux! Dans le mouvement lent, les 
parties « fantomatiques » alternent avec des 
moments plus dramatiques. L'œuvre se 
termine de façon plus légère, avec un presto 
enjoué. 
Dvořák a joué un rôle de première impor-
tance dans la renaissance de la musique 
tchèque. Mais son intérêt allait plus loin: ce 
sont toutes les musiques slaves qui lui te-
naient à cœur. Ainsi, la Duma (diminutif 
Dumka) est une forme de complainte ou de 
ballade historique, qui trouve son origine 
dans les cultures ukrainiennes et cosaques. 
Son caractère mélancolique se trouve par 
exemple dans la Deuxième Danse Slave 
op.46 du compositeur tchèque.
Le Trio « Dumky » (pluriel de Dumka) est 
une étonnante démonstration de diversité. 
En effet, avec six mouvements  - tous des 
Dumky - l’auditeur parcourt un large éventail 
de tempi et d'émotions, et même à l'intérieur 
de chaque mouvement, complaintes et dan-
ses se côtoient. Notons en particulier le dé-
but du 1er mouvement en canon, la magnifi-
que cantilène du violoncelle du 2ème, la séré-
nité du 4ème et la profonde mélancolie du 
Finale.
Le Trio fut écrit en 1891, année phare dans 
la biographie du compositeur, avec l'obten-
tion de deux titres de Doctor Honoris Causa, 
aux universités de Prague et de Cambridge. 
On fêta aussi son 50ème anniversaire à Prague,
mais il préféra rester chez lui, plutôt que 
d'assister aux cérémonies!
C'est en cette même année qu'il fut invité à 
devenir directeur du Conservatoire de 
Musique à New York. Mais avant de se ren-
dre dans le Nouveau Monde en 1892, il en-
treprit une tournée d'adieu, avec au pro-