Résumé de la communication
À travers le « regard » biomédical se trace le portrait du malade, à l’issue d’un diagnostic psychiatrique,
l’homme ordinaire deviendra un patient, « usager » des services de santé mentale. C’est donc au sein du
« regard » de l’autre que le vécu s’objective; les comportements et les paroles des patients sont dorénavant
abordés en tant que signes et symptômes d’une pathologie particulière. De ce fait, le discours du patient sur
son expérience, vidé de son contenu affectif, est interprété par l’ « expert » comme l’expression même de sa
maladie. Le savoir de l’usager sur lui-même – sensible et expérientiel - se trouve alors positionné à l’extérieur
du pouvoir et de la raison, exclu en grande partie du traitement auquel il doit se soumettre. L’organisation des
soins en santé mentale au Québec ne fait guère exception et n’offre qu’un espace restreint au discours de
l’usager. Cependant, le sens fondamental de l’expérience vécue ne peut être réduit aux symptômes; l’individu
entretient un rapport intime et nuancé à sa maladie, à son parcours d’infortune. Le vécu ne peut être traduit
par une série de données mesurables, il ne s’insère donc pas nécessairement dans les impératifs de
fonctionnalité désirés d’un système, d’une structure. Ainsi, trop souvent, le rôle de la subjectivité de l’usager
devient secondaire. Son savoir émique est tenu à l’écart de sa prise en charge, lui soustrayant de ce fait une
partie de son pouvoir, de ses droits fondamentaux. Cette communication présentera les résultats d’une
recherche doctorale portant sur l’expérience subjective des usagers de services en santé mentale alors qu’ils
les « utilisent ». Notre objectif est avant tout de valoriser et développer diverses formes de savoirs. Les
pratiques institutionnelles et systémiques seront interrogées à travers l’expérience de l’usager.
Que nous apprend l’exploration du processus d’adaptation
des personnes vivant avec la schizophrénie?
« Tout le monde est quelqu’un »
Par Marie-Claude Jacques, professeure, École des sciences infirmières, Faculté de médecine
et des sciences de la santé, Université de Sherbrooke
et membre de l’axe « Le développement des capacités des adultes », CAU, CSSS-IUGS
Biographie
Marie-Claude Jacques est professeure à l’École des sciences infirmières de l’université de Sherbrooke et
chercheuse régulière au CAU du CSSS-IUGS. Elle a cumulé plusieurs années d'expérience comme infirmière
en soins communautaires en suivi des personnes sans-abri et atteintes d’un trouble mental grave. À présent,
elle enseigne les soins infirmiers en santé mentale et en psychiatrie au baccalauréat et à la maîtrise en sciences
infirmières. Ses intérêts de recherche portent sur l’adaptation des personnes souffrant de troubles mentaux
graves et vivants dans la précarité, ainsi que sur les meilleures pratiques visant cette clientèle.
Résumé de la communication
La schizophrénie est un trouble mental grave qui touche 1 % de la population. Bien que les traitements
pharmacologiques et psychothérapeutiques ne cessent d'évoluer, la chronicité est fréquente et de nombreuses
difficultés de santé mentale et psychosociales empêchent ces personnes d'avoir une vie satisfaisante. L'isolement
social, à la fois symptôme et conséquence de la schizophrénie, vient compliquer la situation en contribuant à
l'aggravation de la maladie, notamment en raison des rechutes non reconnues. Comment s'adapter à vivre avec la
schizophrénie dans ces conditions ? Bien que les composantes de l'adaptation au stress chez ces personnes aient été
abondamment étudiées, l'adaptation à cette situation de vie dans son ensemble, en particulier dans ce contexte,
reste mal connue. Cette communication présente une recherche qualitative utilisant la théorisation ancrée qui a
pour but de décrire le processus d'adaptation de personnes atteintes de schizophrénie et dont le soutien social est
insuffisant. La théorisation ancrée selon l'approche constructiviste de Charmaz (2006, 2014) est une méthode qui
favorise une meilleure compréhension des structures sociales, relations et situations qui influencent les
comportements, les interactions et les interprétations des individus. Ainsi, le savoir expérientiel est recherché,
reconnu et valorisé, car cette méthode porte une attention particulière à la co-construction du savoir entre le
chercheur et les participants. Un recrutement à stratégies multiples a aussi permis de rejoindre des personnes
souvent négligées par la recherche, car difficiles à rejoindre et catégorisées comme vulnérables. Les résultats visent
à mieux comprendre l'adaptation de ces personnes, à partir de leur point de vue, à l’aide d’une perspective nouvelle
du contexte et des conditions dans lesquels ce phénomène survient. Cette recherche se veut une première étape
vers l'élaboration d'un programme de recherche visant l'amélioration des soins et services actuellement offerts à
cette population, qui restent pour le moment nettement plus prescriptifs, voire coercitifs, que réellement
personnalisés.