L’Encéphale, 2006 ;
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542-6, cahier 2 Place des mesures psycho-éducatives dans la prise en charge des troubles bipolaires
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Son application dans différentes pathologies médicales
chroniques comme le diabète, la maladie asthmatique,
l’hypertension artérielle a prouvé son efficacité ; en rédui-
sant la fréquence et l’intensité des crises et en améliorant
la qualité de vie du sujet et de sa famille.
Le terme de psycho-éducation a été utilisé en 1980.
D’abord proposée dans la schizophrénie, la psycho-édu-
cation avait pour objet de mieux contrôler les situations
de stress par les membres de la famille du fait d’une
meilleure communication et d’élaborer des stratégies
visant à résoudre les problèmes. Depuis ces vingt derniè-
res années, l’indication s’est étendue à d’autres troubles
psychiatriques dont les troubles de l’humeur et plus par-
ticulièrement les troubles bipolaires.
Elle peut se définir comme l’éducation ou la formation
théorique et pratique axée sur la compréhension du trou-
ble et de ses différents traitements afin de favoriser une
réinsertion optimale du sujet.
Au-delà des objectifs com-
muns avec l’éducation thérapeutique ; la psycho-
éducation prend en compte les causes et les consé-
quences de la maladie, le contrôle des facteurs
déclenchants et les principaux aspects psychopatho-
logiques du trouble, la qualité de la relation médecin-
patient-famille.
Ce n’est que récemment que des recherches évaluant
l’efficacité de cette approche thérapeutique ont été ini-
tiées. Ces dernières années, plusieurs travaux de réfé-
rence ont été publiés dans des revues internationales à
comité de lecture confirmant les observations empiriques
et permettant de mieux préciser à la fois l’intérêt et les limi-
tes de la psycho-éducation.
L’abord psycho-éducatif tel qu’on le comprend vise qua-
tre objectifs principaux (ou finaux) lesquels ne pourront
être atteints que par la réalisation d’objectifs inter-
médiaires
:
Ces objectifs dépassent largement le cadre de l’éduca-
tion thérapeutique et constituent une approche spécifique
du trouble bipolaire, faisant référence non seulement à ses
déterminants mais aussi à ses conséquences et aux
pathologies associées qui constituent souvent des fac-
teurs de résistance au traitement
Différentes approches de mesures psycho-éducatives
ont été proposées ces dernières années. Néanmoins, si
les objectifs et les modalités de travail en groupe sont en
partie superposables et nettement influencés par les thé-
rapies cognitivo-comportementales, le nombre de séan-
ces, la sélection des patients, la participation ou non de
l’entourage apportent une spécificité à ces différentes
approches.
MODALITÉS PRATIQUES
Les différents protocoles se déclinent globalement
selon des modalités comparables.
Information générale sur le trouble bipolaire
et ses traitements
Cette approche est le préalable indispensable à toutes
les techniques. La nécessité d’une information ne
s’entend pas uniquement sur un plan légal, tel qu’il est
défini par la loi de mars 2002. De nombreuses pathologies
médicales et psychiatriques justifient la diffusion d’une
information auprès des patients, voire de leur entourage
proche. La diffusion de cette information a été facilitée par
le travail effectué par des associations de patients et la
publication de plusieurs ouvrages de vulgarisation
Reconnaissance précoce des symptômes
annonciateurs d’une rechute ou d’une récidive
Le patient (et sa famille si elle est incluse dans le pro-
gramme) est entraîné à identifier les premiers symptômes
qui annoncent une récidive maniaque ou dépressive, à
adopter une conduite spécifique et à prévenir son théra-
peute.
Respect des règles d’hygiène de vie,
les rythmes sociaux
Les cassures des rythmes sociaux, le surmenage, les
carences de sommeil, l’abus d’excitants, et d’alcool repré-
sentent quelques-uns des facteurs de vulnérabilité.
L’application d’un programme de règles d’hygiène de vie
contribue à limiter l’exposition à des causes déclenchan-
tes ou précipitantes.
Objectifs principaux (ou finaux) :
– Optimiser le traitement médicamenteux ;
– Prévenir les récidives et diminuer le nombre et la durée
des hospitalisations ;
– Améliorer la qualité de vie du sujet, dans toutes ses
dimensions (personnelle, familiale, professionnelle, sociale) ;
– Favoriser, entretenir et consolider l’alliance thérapeutique.
Objectifs intermédiaires :
– Favoriser l’acceptation du trouble (au sens d’une
reconnaissance et non d’une résignation) et lutter contre la
stigmatisation de la notion de maladie mentale qui s’y
rattache par l’information et le soutien du patient et de son
entourage. L’ignorance contribue à entretenir intolérance,
peur, discrimination, rejet, honte, culpabilité ;
– Améliorer la qualité de l’observance thérapeutique et
prévenir les abus de substances ;
– Faciliter l’identification des symptômes annonciateurs
d’une récidive, permettre de contrôler les situations de stress
et aider à respecter les règles d’hygiène de vie ;
– Améliorer les relations interpersonnelles et le
fonctionnement social dans les périodes intercritiques
(symptômes mineurs subsyndromiques et symptômes
résiduels).