A usage officiel DAF/COMP/WD(2011)72 DAF/COMP /WD(2011)72

A usage officiel DAF/COMP/WD(2011)72
Organisation de Coopération et de Développement Économiques
Organisation for Economic Co-operation and Development
10-Oct-2011
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Français - Or. Français
DIRECTION DES AFFAIRES FINANCIÈRES ET DES ENTREPRISES
COMITÉ DE LA CONCURRENCE
L'ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
-- Note de la délégation française --
Cette note est soumise par la délégation française au Comité de la Concurrence POUR DISCUSSION à sa
prochaine réunion qui se tiendra les 19 et 20 octobre 2011.
JT03308734
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DAF/COMP/WD(2011)72
A usage officiel
Français - Or. Français
Annule & remplace le me document du 04 octobre 2011
DAF/COMP/WD(2011)72
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L'ÉCONOMIE NUMÉRIQUE
-- Note de la délégation française --
Introduction
1. Les cycles d’innovation connaissent un rythme particulièrement élevé dans le secteur de
l’économie numérique. De nouvelles offres se succèdent en bouleversant l’économie du secteur et en
rebattant les positions acquises ; ce fut le cas avec le passage du portail au moteur de recherche, celui du
réseau social à la boutique d’applications.
2. Dans ce contexte, il importe que les interventions publiques soient ciblées et proportionnées, de
façon à ce qu’elles restent efficaces sans brider l’innovation qui contribue à une autorégulation du marché.
Cette préoccupation, présente dans tous les secteurs économiques, est en effet sans doute plus prégnante
encore dans celui de l’économie numérique.
3. La création de positions fortes et transitoires, liées aux effets de réseau et à un phénomène de
concentration autour des acteurs dominants (« winner takes all ») (I) doit cependant faire l’objet d’une
attention particulière ; les innovateurs d’hier ne doivent pas bloquer l’entrée sur le marché des innovateurs
de demain et réduire le choix offert aux consommateurs. La constitution et l’exploitation de bases de
données fermées peut renforcer ces effets (II). D’autres problématiques pour les autorités de concurrence
se développent avec l’apparition d’écosystèmes fermés, qui pourraient être amenés à se généraliser demain
avec la pénétration des tablettes et des téléviseurs connectés, qui n’ont pas encore été l’objet d’enquêtes
d’autorités de concurrence (III). S’ajoutent également à ces problématiques les restrictions verticales
susceptibles d’être imposées aux opérateurs de commerce en ligne (IV).
1. Le rôle des marchés bifaces et des effets de réseau
4. Dans le secteur de l’économie numérique, les acteurs dont la position est forte sur le marché y
occupent fréquemment une position quasi-hégémonique, suivant un phénomène de « winner takes all ».
Celui-ci est souvent corrélé à l’existence de marchés bifaces ou d’effets de réseau.
5. Des effets de réseau apparaissent si la valeur d’un produit croît de façon plus que proportionnelle
avec le nombre d’utilisateurs de ce même produit ou de produits compatibles. Lorsque des consommateurs
supplémentaires rejoignent le réseau de consommateurs existants, ils ont une incidence externe positive sur
les consommateurs déjà membres du réseau. On peut considérer que les effets de réseau sont significatifs
au-delà d'un certain taux de souscription, lorsqu’une masse critique est atteinte. Au-delà de ce point, le
bénéfice du service augmentant avec le nombre d'abonnés, de plus en plus de clients vont être intéressés.
En-deçà de ce point, seuls des utilisateurs précoces adhèrent au service.
6. Les effets de réseau permettent ainsi aux consommateurs de bénéficier d’une dynamique de
croissance et de mise en relation. Ils peuvent en outre favoriser le développement d'un standard qui permet
à plusieurs firmes d'interagir, faisant bénéficier l'ensemble du secteur d’externalités. Dans les cas,
cependant, où les protocoles de communication du réseau appartiennent à une seule entreprise, les effets de
réseau peuvent lui garantir une position dominante.
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7. S’ils ne poussent pas nécessairement à la domination d'une seule entreprise, le mécanisme des
effets de réseau est en effet porteur de risques anticoncurrentiels car ils peuvent faciliter la constitution
d’une position dominante et surtout limiter la contestabilité du marché, l’entreprise la plus attractive pour
les nouveaux clients étant celle qui dispose déjà du plus grand parc de clientèle.
8. L’Autorité de la concurrence a analysé ce type de marché à plusieurs occasions1, notamment lors
de son enquête sectorielle sur la publicité en ligne (A), ainsi que dans le secteur des télécommunications à
travers la notion d’ « effet club » (B).
1.1 La publicité en ligne, un exemple de marché biface sur lequel les opérateurs en position
dominante ont été invités par l’Autorité à assumer leurs responsabilités particulières
1.1.1 Le marché biface de la publicité en ligne
9. L’Autorité a achevé en décembre 2010 une enquête sectorielle sur le marché de la publicité en
ligne dans laquelle elle a abordé la question du fonctionnement de ce marché biface2. À ce titre, elle s’est
notamment intéressée aux deux acteurs principaux de la publicité en ligne en France, Google pour la
publicité liée aux recherches et la société Pages Jaunes pour la publicité sur les annuaires en ligne.
10. Sur une face du marché, Google fournit gratuitement aux internautes un moteur de recherche et,
sur l’autre, vend aux annonceurs la possibilité de juxtaposer aux résultats « naturels »3 de ces recherches
des liens commerciaux ciblés en fonction des mots-clés utilisés par l’internaute.
11. L'Autorité a estimé, sur base d’éléments convergents (part de marché, profitabilité, pouvoir de
marché et barrières à l’entrée)4, que Google disposait d’une position dominante sur le marché de la
publicité liée aux moteurs de recherche (publicité « search »). Après une instruction approfondie, appuyée
par les retours d’expérience des annonceurs, ainsi qu’un échange nourri avec Google sur la base d’études
économiques, l’Autorité a en particulier conclu que le « search » constituait un service distinct de la
publicité « display » (bannières, etc.), compte tenu des objectifs et méthodes de ciblage différents de ces
deux modes d’annonces, qui ne sont pas substituables et formait de ce fait un marché pertinent. Cette
1 Etude thématique sur Internet et le commerce électronique dans le Rapport annuel 2000 du Conseil de la
concurrence ; avis 03-A-03 du 20 mars 2003 relatif à l’opération de concentration Comareg / France
Antilles dans le secteur de la presse ; décision 06-D-18 du 28 juin 2006 relative à des pratiques mises en
œuvre dans le secteur de la publicité cinématographique ; décision 08-D-05 du 27 mars 2008 relative à des
pratiques mises en œuvre dans le secteur des commerces sous douane des aéroports parisiens ; note de
l’Autorité de la concurrence pour la Table ronde du Comité concurrence de l’OCDE de juin 2009 sur les
marchés bifaces ; paragraphe 364 des lignes directrices de l’Autorité de la concurrence en matière de
concentrations publiées le 16 décembre 2009 ; décision 10-DCC-11 du 26 janvier 2010 relative à la prise
de contrôle exclusif par le groupe TF1 des sociétés NT1 et Monte-Carlo Participations (groupe AB) ;
décision 11-D-11 du 7 juillet 2011 relative à des pratiques mises en œuvre par le Groupement des Cartes
Bancaires ; décision 11-D-12 du 20 septembre 2011 relative au respect des engagements figurant dans la
décision autorisant l’acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et Groupe Canal Plus.
2 Avis 10-A-29 du 14 décembre 2010 sur le fonctionnement concurrentiel de la publicité en ligne.
3 C’est-à-dire tels qu’issus du fonctionnement du seul algorithme.
4 Paragraphe 269 de l’avis 10-A-29: « La profitabilité de Google, sa part de marché très importante qui se
maintient depuis plusieurs années, le fait que Google puisse s’abstraire assez largement de l’insatisfaction
des annonceurs dans le cadre des relations contractuelles qu’il noue avec eux, l’existence de barrières à
l’entrée, à la fois sur le côté « internautes » et le côté « annonceurs » du marché biface de la recherche sur
Internet, sont autant d’éléments qui convergent dans le sens d’une position dominante de Google sur le
marché de la publicité liée aux recherches. »
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segmentation du marché de la publicité en ligne, distinguant la publicité en ligne liée aux recherches, avait
déjà été retenue par la Federal Trade Commission (FTC), autorité de concurrence américaine, lors de
l’analyse de la concentration Google/DoubleClick 5.
12. L’Autorité a également relevé que la position de Google sur ce marché était d’autant plus forte
que sa part de marché dans les recherches sur Internet est elle-même importante. Un annonceur sera
d’autant plus intéressé par les espaces publicitaires liés aux recherches d’un moteur que ce moteur attirera
un trafic important. Inversement, les revenus tirés par les annonceurs permettent à Google de financer
l’amélioration permanente de son algorithme et l’indexation permanente de nouveaux contenus, qui
rendent son moteur de recherche toujours plus efficace et attractif pour les internautes.
13. Il s’agit là d’une caractéristique de marché biface que possèdent toutes les plateformes mettant en
relation des consommateurs de contenus et des annonceurs. Ce sont des effets de réseau indirects : le
nombre d’usagers sur une face du marché accroît l’attractivité de l’autre face de la plateforme et
inversement.
14. Dans le cas de Pages Jaunes, l'Autorité a relevé la position dominante de cette société sur le
marché des annuaires en ligne. Elle a souligné la notoriété très forte de Pages Jaunes et sa part de marché
significative dans les annuaires en ligne. Le positionnement de Pages Jaunes est différent de celui de
Google dans la mesure où Pages Jaunes propose essentiellement des offres de référencement et d’aide à la
localisation des professionnels. Si les offres de référencement dans les annuaires ne sont pas substituables à
la publicité liée aux recherches, on retrouve toutefois le même mécanisme de marché biface : les
professionnels sont d’autant plus enclins à investir dans les offres de référencement de Pages Jaunes qu’ils
savent que la consultation de ce site constitue un réflexe pour beaucoup d’internautes.
15. Pour autant, la position de Google n’est sans doute pas immuable, pas plus que ne l’est celle de
Pages Jaunes. Le développement des « smartphones » et des réseaux sociaux, qui modifient profondément
les habitudes des internautes, pourrait rebattre les cartes à l’avenir. La création de positions fortes mais
transitoires est vraisemblablement une conséquence de la succession des cycles d’innovation sur Internet.
Dans ce cadre, le droit de la concurrence peut jouer un rôle déterminant, en empêchant les innovateurs
d’hier de bloquer l’entrée sur le marché des innovateurs de demain.
1.1.2 Les responsabilités particulières des acteurs en position dominante
16. Dans son enquête sectorielle sur la publicité en ligne, l'Autorité s’est intéressée aux
comportements susceptibles de constituer des abus de position dominante, que les opérateurs jouissant
d’une position particulière doivent s’efforcer de prévenir.
17. L’Autorité s’est ainsi notamment penchée sur les risques que des avantages sélectifs soient
consentis au profit des fonctionnalités de moteur de recherche qui seraient en concurrence avec d’autres
opérateurs, de création d’obstacles techniques dissuadant les annonceurs de faire appel à plusieurs
intermédiaires de publicité en ligne, de déréférencement de journaux qui ne souhaiteraient pas être partie à
certaines fonctionnalités de moteur de recherche telles que les alertes d’actualité, de modalités de gestion
des comptes AdWords qui ne respecteraient pas les principes d’objectivité et de non-discrimination.
L’Autorité a également appelé l’attention des opérateurs en position dominante sur les accords comportant
5 FTC Google/DoubleClick File No. 071-0170: “the evidence in this case shows that the advertising space
sold by search engines is not a substitute for space sold directly or indirectly by publishers or vice versa.
Or, to put it in terms of merger analysis, the evidence shows that the sale of search advertising does not
operate as a significant constraint on the prices or quality of other online advertising sold directly or
indirectly by publishers or vice versa.”
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des clauses d’exclusivité dont la durée et la portée excèdent les avantages économiques pour les
cocontractants, à l’instar de celui relatif à la numérisation du catalogue de la bibliothèque nationale de
Lyon.
18. Cette première analyse permettra aux entreprises concernées de mettre en conformité leur
pratique pour prévenir des contentieux ultérieurs.
19. Par ailleurs, l'Autorité a été saisie d’une plainte d’une société, Navx, commercialisant des bases
de données de points d’intérêt pour navigateurs GPS et « smartphones », ces points d’intérêt incluant les
emplacements de radars6. Cette société estimait avoir subi des pratiques discriminatoires au regard de la
rupture brutale de son contrat AdWords et des modalités de gestion de son compte AdWords alors que son
activité était légale. Les dépenses de communication de Navx se concentraient à hauteur de 85 % sur la
publicité en ligne, via AdWords, le service de vente d'espace publicitaire du moteur de recherche Google.
20. Dans son évaluation préliminaire, l’Autorité a constaté que Google avait modifié, dans un sens
plus restrictif, sa politique de contenus en matière de dispositifs de contournement des contrôles de vitesse.
Les termes du règlement d’AdWords étaient toutefois suffisamment ambigus pour qu’un doute subsiste
quant à la conformité à ce règlement de l’activité de vente de bases de données d’emplacements de radars.
L’Autorité a également relevé que la portée des interdictions contenues dans le règlement, la procédure de
notification des modifications des règles et la procédure de suspension de compte étaient insuffisamment
claires.
21. Après avoir prononcé des mesures conservatoires, l’Autorité a reçu des propositions
d’engagements de la part de Google qu’elle a acceptés, sous forme améliorée, à l’issue d’un test de
marché. Par ses engagements, rendus obligatoires pour une durée de trois ans, Google a accepté de rendre
plus transparent et prévisible pour les annonceurs le fonctionnement de son service AdWords concernant
les dispositifs de contournement des contrôles routiers en France en spécifiant les dispositifs dont la
publicité est autorisée ou interdite, en précisant le champ d'application de l'interdiction, en mettant en place
une procédure d'information et de notification ciblée des modifications de la politique de contenus
AdWords et en précisant la procédure pouvant mener à la suspension du compte de l'annonceur en cas de
violation de la politique de contenus AdWords. Au-delà de ces engagements, Google a indiqué à l'Autorité
qu'elle appliquerait en pratique à tous les contenus admis sur le service AdWords (c'est-à-dire à tous les
annonceurs utilisant le service AdWords) et dans tous les pays concernés par ce service, le principe des
améliorations et clarifications apportées en application des engagements acceptés.
1.2 Les « effets club » liés aux appels « on net » dans le secteur des télécommunications
22. L’Autorité de la concurrence s’est également penchée sur la question des effets de réseau dans le
secteur des télécommunications à propos des appels « on net ». Les opérateurs, fixes ou mobiles, pratiquent
parfois des prix différents en fonction du réseau de destination des appels de leurs abonnés. Le prix au détail
des appels peut ainsi être moins élevé en ce qui concerne les appels terminés sur son propre réseau (appels
dits « on net ») que le prix des appels terminés sur un autre réseau que le sien (appels dits « off net »).
23. L’Autorité ne considère pas que la différenciation tarifaire soit anticoncurrentielle en tant que
telle. Elle peut, par exemple, résulter de différence de coûts ou d’élasticité-prix de la demande (tarification
de type Ramsey-Boiteux) dans une situation multi-produits.
6 Décision 10-D-30 du 28 octobre 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la
publicité sur Internet.
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