Trajectoires alternatives du développement Marseille, 23 avril 2010 Objectif de la présentation Trajectoires développementales en psychopathologie : apprentissages et construction de soi chez l!enfant et l!adolescent - Présenter un modèle de la complexité du développement et de la psychopathologie : les trajectoires développementales - Réfléchir à l’impact des troubles cognitifs dans le développement psychologique de l’enfant et de l’adolescent M. Speranza MD PhD, Service de Psychiatrie de l!Enfant et de l!Adolescent Université de Versailles Paris – Ile de France - Ouest Rodhe, 1886 Trajectoires développementales en psychopathologie : apprentissages et construction de soi chez l!enfant et l!adolescent La notion de “trajectoires développementales” a un long parcours dans l!histoire des idées. Dans son essai !Sur l!éducation” Erasme (1529) écrivait : “on ne pourra jamais mettre suffisamment l!accent sur l!importance des premières années sur le parcours qu!un enfant suivra durant toute sa vie”. En 1886 dans un texte adressé à des enseignants d!enfants BC Rodhe illustrait de manière très visuelle ce principe des trajectoires et des contraintes qui s!installent au fur et à mesure du développement en fonction des événements de vie de l!individu. Il dessinait une première trajectoire qui de l!école, continuait dans les études, puis dans une carrière de succès pour se terminer avec un grand âge honorable, par rapport à une deuxième trajectoire qui de la rue, menait à l!alcoolisme à une vie de vices et de misères, pour se terminer dans le dédain et la mendicité. Depuis quelques années, les psychopathologues du développement ont essayé de décrire ces trajectoires développementales et d!étudier les différents facteurs qui interviennent dans leur modulation. C!est ce type de trajectoires développementales que je souhaite évoquer avec vous dans mon intervention. Dr. Mario Speranza " Je souhaite remercier M. Habib et les organisateurs de ce colloque de m!avoir invité à participer à cette rencontre qui s!annonce très riche et stimulante. J!espère que nous aurons le temps de discuter ensemble des questionnements qui vont sans doute émerger de nos présentations. L!intitulé qui a été choisi pour le colloque, Le développement cognitif et ses troubles, de la petite enfance à l!adolescence, place le sujet d!emblée dans une perspective diachronique, perspective qui est implicite dans le concept même du développement. L!idée d!un déploiement dans le temps, avec des émergences, des changements, des imbrications complexes entre dimensions multiples en interaction. Il m!a donc semblé intéressant, pour cette intervention, de réfléchir à une notion centrale dans nos réflexions actuelles qui est la notion des trajectoires développementales en psychopathologie. 1 Mon objectif est de proposer un modèle de la complexité du développement et de la psychopathologie et de réfléchir, en particulier, à l!impact des troubles cognitifs sur le développement psychologique et affectif de l!enfant." 2 3 Le paradigme de la psychopathologie du développement Schéma de la présentation - Le paradigme de la psychopathologie du développement Le paradigme de la psychopathologie du développement - Un modèle du développement de soi Psychopathologie Développement Temps - Apprentissages et psychopathologie - Dyslexie et estime de soi - Troubles des coordinations et relations sociales - Déficit de l’attention et psychopathologie Intervention - Conclusions Le paradigme théorique de la psychopathologie du développement a été développé par Sir Michael Rutter et ses collègues (2000) pour donner un cadre épistémologique aux études sur la psychopathologie de l!enfant et de l!adolescent. Il s!agit d!un paradigme théorique qui se propose d!étudier les influences réciproques entre développement et psychopathologie afin de définir, secondairement, des cibles spécifiques des interventions préventives et curatives. Selon ce paradigme, d!un côté, le développement influence l!expression clinique de la psychopathologie (par la maturation biologique, le niveau cognitif ou les compétences sociales). De l!autre côté, les manifestations psychopathologiques interfèrent avec le développement par des mécanismes en cascade fonction des phases du développement (par exemple, un trouble du développement du langage orale qui interfère avec l!acquisition des compétences sociales ou avec l!acquisition du langage écrit). Je vais d!abord évoquer les principaux éléments du paradigme théorique de la psychopathologie du développement et les notions qui règlent les trajectoires développementales. Je vais ensuite décrire un modèle de la complexité des facteurs en jeu dans le développement de la personnalité de l!enfant en particulier en ce qui concerne l!estime de soi et son rôle sur la motivation à l!apprentissage. Enfin, je vais essayer, en m!appuyant sur des exemples, de voir comment ces modèles nous aident à réfléchir l!intrication entre troubles cognitifs et psychopathologie chez l!enfant et l!adolescent. Les exemples sur lesquels je vais m!appuyer viendront de la clinique quotidienne : les liens entre dyslexie et estime de soi, les difficultés relationnelles des troubles des coordinations et le devenir psychopathologique des troubles de l!attention. Je terminerai avec quelques considérations sur comment ces notions nous aident à revisiter notre clinique avec les enfants qui présentent des troubles du développement cognitif. 4 5 6 Modèle transactionnel du développement Les principes de la psychopathologie du développement Psychopathologie du développement Facteurs socio-culturels Facteurs biologiques (environnement favorable) Relations précoces - La psychopathologie émerge de l’interaction complexe entre caractéristiques de l’enfant et spécificités de l’environnement Seuil de la psychopathologie (disponibilité du caregiver) - Il existe une évolution/réorganisation des paramètres dans le temps (Principe des discontinuités du développement) Réciprocité dans les relations interpersonnelles Systèmes de régulation Attachement sécure - L’enfant s’ajuste et s’organise aux conditions d’environnement (Principe de l’adaptation) Stratégies adaptatives ou non adaptatives - Il est nécessaire d’intégrer les paramètres de l’âge et les facteurs temporaux dans la compréhension de la psychopathologie Systèmes de régulation Identité positive Sentiment de compétence Développement de l’autonomie et de l’identité Développement de l’autonomie et de l’identité Développement émotionnel Développement émotionnel Enfance - Le contexte primaire joue un rôle majeur dans le développement de la psychopathologie à court /moyen terme Développement cognitif et social Développement cognitif et social Temps Adolescence / Puberté Age adulte Enfance Selon ce modèle, le développement procède par des allers-retours permanents entre facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux qui s!intègrent, à partir des relations précoces, dans des systèmes interactifs de régulation des cognitions, des émotions et des comportements. Le modèle de l!attachement est un exemple de ce type de systèmes internes de régulation qui organisent, par des schémas cognitifs et affectifs, la façon dont l!enfant appréhende son environnement et construit de manière active son développement, par exemple le long des deux axes fondamentaux de la personnalité : la capacité à établir des rapports interpersonnels stables et caractérisés par la réciprocité et l!accomplissement d!une identité différenciée et essentiellement positive. Temps Adolescence / Puberté - Le contexte définie les limites de la psychopathologie (Principe de la fragilité des distinctions catégorielles) Age adulte Mais revenons de manière plus spécifique sur les principes qui règlent l!approche de la psychopathologie du développement et qui sous-tendent notre vision actuelle de la santé mentale de l!enfant (Sroufe & Rutter, 1984; Cicchetti & Cohen, 1995; Jensen, 1998). 1) D!abord, nous l!avons déjà dit, la psychopathologie chez l!enfant émerge de l!interaction complexe, sur plusieurs niveaux, entre les caractéristiques spécifiques de l!enfant (qui incluent les facteurs biologiques, psychologiques et génétiques), celles de son environnement (qui inclut les parents, la fratrie, les relations familiales, les pairs, les facteurs d!environnement, l!école, les facteurs de la communauté et le contexte socioculturel élargi) et la manière spécifique avec laquelle ces facteurs interagissent et se façonnent l!un l!autre durant le développement. Donc, la compréhension de l!histoire et les expériences particulières d!un enfant (qui incluent les évènements biologiques qui affectent le cerveau en développement) est essentielle pour arriver à comprendre les raisons d!un comportement particulier d!un enfant, que ce soit un comportement normal comme déviant. 2) Si ce principe assume des continuités développementales, dans la mesure où les expériences précoces s!inscrivent dans le comportement présent, il est également important de considérer les discontinuités développementales, là où des changements qualitatifs se produisent dans les capacités biologiques, psychologiques et sociales de l!enfant. Ces discontinuités ne peuvent pas être facilement identifiées à l!avance car elles peuvent être le reflet de l!émergence de nouvelles capacités (ou incapacités) au fur et à mesure que le soi, le cerveau et l!environnement social de l!enfant sont soumis à des réorganisations significatives. Ces systèmes de régulation développementaux fixent également les limites d!expression de la psychopathologie et contribuent à dessiner les trajectoires développementales de l!individu car ils influencent les modalités adaptatives ou maladaptatives adoptées par le sujet au cours du temps et, de conséquence, le prédisposent ou le protègent de la psychopathologie. L!enjeu est de mettre en relation des manifestations cliniques avec des évolutions psychopathologiques particulières pour aborder d!une manière intégrée et pluridimensionnelle la question du devenir clinique de la psychopathologie. 7 Les principes de la psychopathologie du développement 8 Les principes de la psychopathologie du développement - La psychopathologie émerge de l’interaction complexe entre caractéristiques de l’enfant et spécificités de l’environnement - La psychopathologie émerge de l’interaction complexe entre caractéristiques de l’enfant et spécificités de l’environnement - Il existe une évolution/réorganisation des paramètres dans le temps (Principe des discontinuités du développement) - Il existe une évolution/réorganisation des paramètres dans le temps (Principe des discontinuités du développement) - L’enfant s’ajuste et s’organise aux conditions d’environnement (Principe de l’adaptation) - L’enfant s’ajuste et s’organise aux conditions d’environnement (Principe de l’adaptation) - Il est nécessaire d’intégrer les paramètres de l’âge et les facteurs temporaux dans la compréhension de la psychopathologie - Il est nécessaire d’intégrer les paramètres de l’âge et les facteurs temporaux dans la compréhension de la psychopathologie - Le contexte primaire joue un rôle majeur dans le développement de la psychopathologie à court /moyen terme - Le contexte primaire joue un rôle majeur dans le développement de la psychopathologie à court /moyen terme - Le contexte définie les limites de la psychopathologie (Principe de la fragilité des distinctions catégorielles) - Le contexte définie les limites de la psychopathologie (Principe de la fragilité des distinctions catégorielles) 3) Par ailleurs, l!enfant possède une tendance innée à s!adapter à son environnement. Il s!agit d!un principe d!adaptation qui intègre et reconnaît les tendances à l!auto-ajustement et à l!auto-organisation de l!enfant; en particulier, un enfant à l!intérieur d!un contexte donné s!adapte de manière naturelle (dans la mesure du possible) à une niche écologique particulière, ou si nécessaire, modifie cette niche pour faire en sorte de satisfaire ces besoins. Dans des environnements très perturbés ou pathologiques, les adaptations de l!enfant peuvent aussi être pathologiques, en particulier quand on les compare aux comportements des enfants à l!intérieur de situations plus saines. Ce principe souligne que certains (non tous) syndromes comportementaux pathologiques puissent être mieux caractérisés comme des réponses adaptatives de l!enfant ou de l!adolescent à la rencontre avec des circonstances difficiles ou adverses. Il est à noter, que cette capacité à s!adapter se reflète à des niveaux multiples, qui incluent le cerveau et les structures du système nerveux (le principe de la neuroplasticité) 4) Ces considérations doivent tenir compte de l!importance de l!âge et des facteurs temporaux. Par exemple, un comportement qui peut apparaître normal à un âge (par exemple, le stress d!un petit enfant au moment de la séparation avec sa figure d!attachement) peut devenir un symptôme ou un indicateur important d!un trouble psychopathologique à un autre âge. De la même manière, les stress ou les facteurs de risque peuvent ne pas avoir d!impact, avoir un impact limité ou un impact majeur, en fonction de l!âge à laquelle ils se vérifient et en fonction du fait qu!ils apparaissent de manière unique ou cumulés avec d!autres facteurs de risque. Conséquences de ces principes - Ils offrent une recherche plus informée sur les facteurs associés à l’apparition, au maintien et à la disparition de formes déviantes de comportement chez l’enfant. - Ils nous aident à conceptualiser des tableaux diagnostiques non statiques qui intègrent la complexité des comportements et des émotions d’un enfant en développement - Ils proposent une nouvelle perspective pour développer des cibles potentielles d’intervention, centrées sur l’enfant, sur l’environnement ou sur des facteurs contextuels. - Ils soulignent la question de la temporalité des interventions : il existe des fenêtres d’opportunité au cours du développement durant lesquelles des interventions préventives ou curatives peuvent avoir une efficacité particulière. 5) Bien évidemment, le contexte de l!enfant joue un rôle majeur et sans doute le contexte le plus important pour le développement de l!enfant est l!environnement d!attachement. Les recherches dans le domaine humain comme chez les animaux ont démontré que des ruptures majeures dans ce paramètre critique ont des conséquences immédiates et à long terme, non seulement sur le développement socio-émotionnelle ultérieur du petit enfant, mais également sur le plan de la santé physique, de la morbidité et de la mortalité à long terme, sur les modalités ultérieurs de la parentalité et même sur le plan du devenir comportemental de la progéniture. De plus, le contexte peut jouer un rôle dans la définition de ce qui constitue à un moment donné la santé ou la psychopathologie. Le même comportement dans un contexte ou dans une culture donnés peut être acceptable ou même «"normal"», alors qu!il peut être considéré come pathologique dans un autre. L!application de ces principes impliquent plusieurs conséquences : - Ils offrent une recherche plus informée sur les facteurs associés à l!apparition, au maintien et à la disparition de formes déviantes de comportement chez l!enfant. - Ils nous aident à conceptualiser des tableaux diagnostiques non statiques qui intègrent la complexité des comportements et des émotions d!un enfant en développement - Ils proposent une nouvelle perspective pour développer des cibles potentielles d!intervention, centrées sur l!enfant, sur l!environnement ou sur des facteurs contextuels. - Ils soulignent la question de la temporalité des interventions": il existe des fenêtres d!opportunité au cours du développement durant les quelles des interventions préventives ou curatives peuvent avoir une efficacité particulière. 6) Enfin, il est essentiel de rappeler que les processus développementaux normaux ou déviants se différencient souvent seulement en termes d!intensité et non de qualité. Donc, des différences entre comportements normaux et pathologiques peuvent être mieux comprises en tenant compte des différences dans la sévérité d!un comportement donnée, ou dans l!intensité de l!exposition à un facteur de risque particulier. Souvent il est arbitraire d!établir des distinctions nettes entre les phénomènes observés. 10 9 11 12 Expériences précoces Matrice relationnelle Equipement biologique Motivation à l!intersubjectivité Sentiment de «"moi"» de l!enfant Langage Développement social, cognitif et affectif Motricité Un modèle du développement de soi Hannah et Samuel (Samuel 1-19) Développement mental de l!enfant Attention et fonctions exécutives Capacité symbolique/ Discours intérieur Apprentissage via les instructions verbales Apprentissage via l!action Bible Maciejowski, France XIIIème siècle Contexte physique Contexte social Sentiment de maîtrise médiatisé via le langage Communication sociale élaborée via le langage Le Soi Médiation du langage Empathie Mécanismes de défense du moi Théorie de l!esprit Modifié d!après Paul et al., 1999 Le regard de la mère construit le narcissisme de l!enfant. Voici un exemple magnifique tirée d!une illustration de la Bible Maciejowski du XIIIème siècle qui illustre un passage de la Bible, l!histoire d!Hannah et Samuel (Samuel 1-19). Samuel avec sa naissance institue sa mère dans sa position de reine et elle à son tour l!institue dans l!existence des êtres humains. Ce type d"!approche essaie donc d!intégrer, dans un modèle dynamique, les paramètres du développement normal et pathologique et leur évolution dans le temps en fonction de l"!effet modulateur de l"!environnement. Cette intégration complexe des continuités et des changements durant le développement dans un ensemble cohérent correspond, au niveau subjectif, à la construction de l"!identité de l"!enfant, à ce qu!on appelle dans une terminologie actuelle le Self, le Soi, l!image que l!individu se fait de lui même, de sa valeur, de ses capacités. La construction de l!identité est un processus complexe qui se met en place dès les premiers étapes de la vie biologique et relationnelle, quand l!enfant prend peu à peu conscience de son existence au travers de ses perceptions et de ses actions dans l!interaction et le regard des autres, et avant tout dans la relation aux figures 14 13 Matrice relationnelle Perception de l!écart entre compétences et idéaux Régulation des états affectifs Estime de soi (motricité, langage, attention, mémoire, pensée) 15 Déterminants de l’estime de soi Sentiment de Soi cohérent Organisation Cognitive De la même manière que l!enfant émerge et s!engage dans l!environnement social, il élargie aussi sa recherche et son expérimentation au monde physique. Dans le monde matériel, l!enfant fait l!expérience de l!action, il observe, catalogue leurs effets. Le développement du fonctionnement cognitif, les capacités attentionnelles et exécutives, offrent à l!enfant un laboratoire où faire l!expérience des relations causales entre ses actions et les effets qu!elles produisent. A travers ces expériences, l!enfant commence à acquérir un sentiment de maîtrise ou de compétence sur les possibilités de son corps et sur les effets qu!il peut avoir sur les autres, sur les objets et sur les évènements. Avec ce sentiment émergeant de maîtrise sur l!environnement physique et sur l!intersubjectivité, maintenu à travers la communication, l!enfant apprend comment avoir une influence sur le monde dans lequel il vit. Création d’un monde interne et externe de relations sociales stable Affects Evaluer l!impact psychologique des troubles du langage écrit chez l!enfant et l!adolescent Motivation Perception du soutien social Harter, 1987 Le modèle de Harter (1987) est parmi les plus intéressants pour étudier les répercussions des troubles cognitifs sur le développement psychologique et affectif des enfants et des adolescents. Selon Harter, un élément essentiel dans le processus d!apprentissage est le sentiment de compétence. La perception de leur compétence de la part des enfants affecte profondément leur intérêt pour une activité et les tentatives ultérieures de maîtrise qu!ils déploient. L!engagement ou l!évitement des activités d!apprentissage dépendent beaucoup de cette perception. Comme l!évoque Mme Siaud-Facchin, la jubilation cognitive éprouvée lorsqu!on réussi une action et la récompense narcissique obtenue sont des éléments essentiels dans la motivation à l!apprentissage. Les enfants qui présentent un trouble cognitif ou des apprentissages ont une perception faible de leur compétence dans le domaine impliqué comme conséquence de l'échec répété des leurs tentatives de maîtrise. Si ces enfants évitent les activités en question, par peur de l'échec et de la critique des autres, alors les possibilités d!améliorer leur compétence par l!entraînement et la participation sociale en seront de conséquence limitées. Il est prévisible que cela aura de vastes répercussions sur le développement de la perception de soi de l'enfant bien audelà du domaine spécifique impliqué (White, 1959). Harter a construit son modèle à partir des conceptions théoriques sur le rôle des valeurs et des idéaux de l!individu sur l!estime de soi de William James et sur les origines prioritairement sociales de l!image de soi de Cooley. Selon ce modèle, la valeur de soi, l!image de soi de l!enfant se construit à l!intersection entre la perception de l!écart qui existe entre la compétence du sujet et ses idéaux et la perception que le sujet a du regard que les autres portent sur ses propres compétences. L!image de soi que l!enfant construit ainsi conditionne profondément le vécu émotionnel et la motivation à l!apprentissage et à l!interaction sociale de l!enfant. C!est à la confluence entre ces différents sentiments d!efficacité, avec le monde extérieur des objets et avec le monde social des autres, qu!émerge le Soi de l!enfant. Un Soi dont la cohérence est donné par l!harmonie qui s!établie entre les capacités à réguler les expériences émotionnelles, la constitution d!un monde interne et externe de relations sociales stable et une organisation cognitive adéquate s!appuyant sur des outils de plus en plus performants"; l!attention, le langage, la mémoire, la motricité..). Un Soi constitué de plusieurs composantes (la dimension de l!action, du corps, des affects, de la communication, de l!expérience subjective et intersubjective) dont l!enfant fait initialement l!expérience de manière directe à l!occasion de l!action ou de l!utilisation des processus mentaux, sans en avoir une connaissance consciente qui viendra bien plus tard à travers la verbalisation explicite et la capacité réflexive. Différentes composantes du Soi dont la perturbation spécifique peut produire des effets majeurs sur le fonctionnement du sujet dans la pathologie. L!image de soi que l!enfant se construit assure une fonction essentielle dans la dynamique qui se déploie entre monde interne et monde extérieur de l!enfant. Comment cette construction s!organise quand des troubles cognitifs viennent perturber ce processus"? 16 Je vais essayer de m!appuyer sur ce type de modèle, pour explorer l!impact psychologique des troubles des apprentissages sur le développement de l!enfant et de l!adolescent. Je vais commencer par la dyslexie qui a fait l!objet de nombreux travaux dans ce domaine. 17 - Absence d’automatisation ! Nécessité de vigilance constante avec un coût en termes de fatigabilité et pénibilité. - Si difficultés attentionnelles, la durée amène une dégradation des résultats - Perception négative devant les apprentissages avec rejet possible du savoir 1) Ceux qui restent dans le contrat scolaire sont les plus en souffrance ! responsabilisation ! notion d’impuissance apprise ! régularisent du sentiment d’échec. Du « je ne suis pas bon » au « je n’y arriverai pas » Dévalorisation ! Souffrance anxieuse et dépressive ! Blocage. - Ces considérations psychopathologiques s’appuient sur deux modèles : ! Les problèmes émotionnels et de comportement associés aux difficultés d’apprentissages seraient liés à l’échec scolaire progressif et la baisse de l’estime de soi (Chapman et Tunner, 1997) ! Les comportements perturbateurs, en association avec les difficultés d’attention, interfèrent avec l’acquisition ultérieure des compétences d’apprentissage (Maughan, 1994) -Mais quelle réalité scientifique à ces modèles intuitifs ? Modèles trop simplistes : 2) Ceux qui n’acceptent pas le contrat scolaire souffrent moins. a) Opposition passive (lenteur, démotivation) mais ne sont pas dans la rupture, plutôt dans la provocation. b) Opposition active. Démission ! Troubles des conduites sociales. Comorbidité psychiatrique chez les dyslexiques selon le sexe et après ajustement sur le TDAH Conséquences émotionnelles et comportementales de la dyslexie : approche psychopathologique (II) - Pas de prise en compte de facteurs médiateurs comme le sexe, le stade de développement ou la présence d’autres diagnostics comme le TDAH b b Percent wth the disorder Conséquences émotionnelles et comportementales de la dyslexie : approche psychopathologique b b b a a a a a a Diagnosis Diagnosis Bars with different letters are significantly different, p<.05 Willcutt et al., 2000 Comme vous le savez bien, les troubles d!apprentissages de la langue écrite se caractérisent par une automatisation inefficace de la lecture qui oblige l!enfant à une vigilance constante qui a des coûts élevés en termes de fatigabilité et de pénibilité. L!association avec des difficultés attentionnelles peut dégrader ultérieurement les performances avec une perception négative de l!activité de lecture avec un rejet possible du savoir de manière beaucoup plus générale. Cependant, ils existent différentes modalités de réponse face aux difficultés posées par la dyslexie. On peut évoquer deux principales modalités de réponse : ceux qui restent dans le contrat scolaire et ce qui le refuse. Dans le premier cas, la souffrance subjective est très intense. Ces enfants, en effet, s!inscrivent dans l!objectif de la réussite scolaire, dans la compétition, dans la culture et ils se rendent compte de leur handicap malgré leur motivation. Le sentiment de responsabilité par rapport à l!échec domine. Avec le temps, ils ont tendance à assimiler leur échec et à le régulariser, à l!anticiper selon le modèle de l!impuissance apprise. La dévalorisation et la démoralisation aboutissent souvent à une souffrance anxieuse et dépressive et à une démobilisation ou une incapacité à s!engager dans l!activité qui prend la forme de l!inhibition ou de la passivité. Pour les enfants qui refusent le contrat scolaire, la souffrance est moins évidente et portée par l!environnement. Ces enfants peuvent adopter des stratégies d!opposition passive, dont la lenteur est l!une des manifestations les plus criantes, mais ne sont pas forcement dans la rupture, plutôt dans la provocation comme réaction au sentiment d!incompréhension et de rejet ressenti et amplifié par les conflits autour du scolaire. Dans d!autres cas, c!est l!opposition active qui est au premier plan, le refus du système et des règles avec l!apparition de troubles des conduites sociales. Ces considérations psychopathologiques s!appuient sur deux modèles : le premier envisage que les troubles émotionnels et les troubles du comportement associés aux difficultés d!apprentissages seraient liés à l!échec scolaire progressif et la baisse de l!estime de soi (Chapman et Tunner, 1997)"; le deuxième avance l!hypothèse que les comportements perturbateurs, en association avec les difficultés d!attention, interfèrent avec l!acquisition ultérieure de compétences d!apprentissage (Maughan, 1994). Mais quelle est la réalité scientifique de ces modèles psychopathologiques intuitifs"? Si la littérature rapporte que les sujets dyslexiques présentent significativement plus de troubles émotionnels et comportementaux par rapport aux sujets contrôle (Beitchman et Young, 1997), ces modèles apparaissent trop simplistes car ne tiennent pas compte de facteurs médiateurs comme le sexe, le stade de développement ou la présence d!autres diagnostics comme le TDAH. Dyslexie et estime de soi Impact pycho-social des TAC Importance des phases du développement Périodes clés pour l’identité d’apprentissage (doute sur leur intelligence, incompréhension) (Palombo, 2001, McNulty, 2003). Importance des stratégies d’adaptation Meilleure évolution chez les enfants dyslexiques avec un locus de contrôle interne (Frederickson et al., 2001) Importance du diagnostic Lien entre chronologie du diagnostic, acceptation du trouble et implication scolaire (Ingesson, 2007) L!étude de Willcutt et collègues (2000) est un exemple intéressant de comment une approche développementale peut complexifier des données intuitives. Dans l!étude qu!ils ont réalisé pour explorer la fréquence de troubles émotionnels et du comportement perturbateur dans une population d!enfants et adolescents dyslexiques, il sont constaté que si l!association était effectivement plus fréquente que prévue par le hasard, elle était conditionnée par la présence de l!hyperactivité et par le sexe. La présence de troubles externalisés ou de diagnostics de TOP et de TC n!était pas réellement plus importante chez les dyslexiques par rapport aux sujet contrôle si on tenait compte de la présence d!un trouble attentionnel associé (Wilcutt et al., 2000). En revanche, les troubles émotionnels (anxiété et dépression) étaient significativement associés à la dyslexie, mais exclusivement pour les filles, même en tenant compte des troubles attentionnels associés. Evaluer l!impact psychologique des troubles d!acquisition des coordinations chez l!enfant et l!adolescent Importance du soutien parental. Relation positive entre le style relationnel des parents et la confiance dans les résultats de ses actions de l ’enfant dyslexique (Al-Yagon et al., 2004) Perception de l!écart entre compétences et idéaux Estime de soi Affects Motivation Perception du soutien social Importance du cadre scolaire. Les enfants dyslexiques des filières spécialisées ont une meilleure estime de soi en raison d’une meilleure adéquation entre compétences et exigences (Leonova et al., 2009) Harter, 1987 D!abord, les différences en fonction des phases du développement. Ils existent des périodes clés durant lesquelles les enfants dyslexiques sont particulièrement à risque pour le développement de leur identité d!apprentissage. L!estime de soi est particulièrement faible en primaire et en secondaire mais s!améliore globalement à l!adolescence en lien avec l!acceptation du trouble, l!adoption de stratégies de fonctionnement plus efficaces (comme la compartimentalisation du handicap) et les orientations scolaires et professionnelles mieux adaptées (Ingesson et al., 2007). Durant les premières années de scolarité, les enfants dyslexiques (souvent avant le diagnostic) ont tendance à questionner leurs capacités intellectuelles et à se démotiver en réaction à des difficultés inexpliquées et à un sentiment d!impuissance (Palombo, 2001, McNulty, 2003). En effet, les stratégies d!adaptation jouent un rôle central. Les enfants dyslexiques qui ont un locus de contrôle interne (qui considèrent que leur performance dépendent d'eux-mêmes) ont une meilleure perception de leur compétences scolaires (Frederickson et al., 2001) et sont parmi ceux qui progressent le plus (Kistner et al., 1988). Le développement de stratégies efficaces, qui comporte l!acceptation et l!utilisation de compensations et d!aménagements au niveau des apprentissages (Davenport, 1991), est d!ailleurs lié à la chronologie du diagnostic avec l!effet de soulagement et de compréhension que celui ci permet (Ingesson, 2007) d!autant plus que l!enfant profite d!un environnement familial soutenant et informé (Al-Yagon et al., 2004). Les études sur les dispositifs scolaires spécialisés ont d!ailleurs montré que les enfants dyslexiques n!ont pas une image de soi différente de celle des enfants contrôle (Leonova et al., 2009). Probablement la présence d!effectifs réduits et d!enseignants spécialisés permet une approche plus individualisée avec des soutiens appropriés aux besoins spécifiques et un ajustement des exigences en fonction de la sévérité des troubles. La comparaisons avec des élèves qui présentent des problèmes similaires réduit par ailleurs la perception négative des compétences et le risque de rejet social fréquent chez les enfants dyslexiques intégrés à l!école sans dispositifs spécifiques (Humphrey, 2002) Ces résultats sont autant de pistes d!intervention possibles"pour réduire l!impact de la dyslexie sur le développement psychologique des enfants et des adolescents : la précocité du diagnostic, le travail sur l!identité d!apprentissage, l!accompagnement familial, les dispositifs d!aide spécifiques. Le modèle de Harter (1987) fournit un cadre utile pour étudier l!impact d!un TAC sur le développement psychosocial d!un enfant. Comme nous l!avons déjà évoqué, l!un des principaux mécanismes de l!apprentissage est le sentiment de compétence qui conditionne l!engagement ultérieur dans les activités. Les enfants qui présentent une mauvaise coordination, sont susceptibles de se percevoir comme faiblement compétents comme conséquence de leur échec répété à utiliser leur habiletés motrices. Si ces enfants évitent les activités motrices, par peur de l'échec et de la critique des pairs, alors les possibilités de pratiquer leurs compétences et de participer socialement seront limitées. Il est prévisible que cela aura de vastes répercussions sur le développement de la perception de soi de l'enfant bien au-delà du domaine du sport. Cela affectera son état émotionnel et sa motivation. Ce modèle théorique a été utilisé comme référence pour explorer l!impact psycho-social des TAC par l!équipe de Piek et collègues. 24 Perception de compétence et estime de soi des TAC Impact pycho-social des TAC TAC et perception du soutien social Enfant 8-10 ans Objectif : Rôle de la perception de compétence et du soutien social sur l’estime de soi et l’anxiété des TAC Self Perception Scale for Children 8-10 years 36 Etude transversale sur un échantillon d’enfants/adolescents TAC SPSC 32 * * * 30 * 28 26 TAC Contrôles 24 iq 36 35 34 * * 31 30 29 Type de soutien TAC Contrôles Type de soutien Les TAC ont une perception négative de différents types de soutien social Les adolescents TAC ont une perception encore plus négative que les enfants TAC Skinner et Piek, 2001 (Piek et al., 2001) * 33 32 l le ta Contrôles TAC : mauvaises perceptions de compétence et moins bonne estime de soi Les adolescents TAC ont une moins bonne estime de soi que les enfants TAC L!équipe de Piek a essayer d!explorer le rôle de la perception de compétence et le rôle du soutien social (les deux axes du modèle de Harter) sur l!estime de soi et sur le vécu émotionnel d!enfants et d!adolescents avec un TAC. Ils ont réalisé une étude transversale sur un double échantillon d!enfants entre 8 et 10 ans et d!adolescents entre 12 et 14 ans, pour étudier l!effet de l!âge sur l!estime de soi. Les sujets TAC (diagnostiqués à l!aide de l!échelle M-ABC) ont remplis des questionnaires concernant la perception de leur compétences motrices et sociales et la perception de leur image de soi (Self-perception profile, Harter, 1985), un questionnaire sur le soutien social (Social support scale, Harter & Robinson, 1988) et des questionnaires concernant l!anxiété (State-trait anxiety inventory, STAI; Spielberger, 1983). 37 * l i so en em de e ue rt po ys m Co Ph e tim Es ire le iv ola cla ort Sp Sc So - Perception de compétence motrice/sociale, estime de soi (Self-perception profile, Harter, 1985) - Soutien social (Social support scale, Harter & Robinson, 1988) - Anxiété (State-trait anxiety inventory, STAI; Spielberger, 1983) TAC Adolescent 12-14 ans * * ta en um str In l ne on oti Em on ati ob pr Ap 22 Evaluation 37 36 35 34 33 32 31 30 29 * ta en um str In l ne on oti Em on ati ob pr Ap - 58 enfants TAC (8-10 ans), 51 adolescents TAC (12-14 ans) Diagnostic TAC : M-ABC (Henderson & Sugden, 1992) - 2 échantillons appariés * * 34 Skinner et Piek, 2001 Les résultats de cette étude montrent que les enfants TAC ont globalement une mauvaise perception de leurs compétences scolaires, sportives et sociales et une moins bonne estime de soi par rapport aux sujets de contrôle. Cette perception négative de leurs compétences est corrélée à une image négative de soi mais elle est également associée à une perception négative du soutien social qu!ils peuvent recevoir de l!environnement avec une faible approbation de la part des autres et un faible soutien émotionnel ainsi qu!instrumental. Ce sentiment de ne pas pouvoir compter sur l!environnement est plus marqué à l!adolescence que durant l!enfance Par ailleurs il existe un effet d!âge, les adolescents TAC ayant une moins bonne estime de soi que les enfants TAC. 25 Cycle d!auto-entretien et d!amplification de la perception du manque de compétence des du TAC Perception manque TAC et anxiété * * Déficits des compétences sociales des TAC - Présentation inadéquate - Affirmation de soi non modulée - Faible monitorage sociale - Maladresse dans l’adaptation aux codes sociaux - Faible anticipation sociale - Faible capacité de réciprocité TAC = TED ? - Temporalité sociale inopportune - Faibles compétences conversationnelles - Difficulté à résoudre les conflits - Accordage affectif réduit - Verbalisation émotionnelle réduite - Inférence émotionnelle erronée - Faible régulation émotionnelle - Malaise social de compétence * * Les TAC sont plus anxieux (état et trait) que les sujets contrôles Les adolescents TAC sont plus anxieux que les enfants TAC Limitation des expériences pour développer des capacités Non participation Déficits des compétences sociales Réactions négatives des pairs Démoralisation, anxiété, repli dans l!imaginaire Skinner et Piek, 2001 (Gillberg, 1992, Chen et al., 2003, (Modifié d’après Schoemaker et al., 1994, Chen et al., 2003) Les TAC apparaissent également plus anxieux que les sujets de contrôle avec une anxiété significativement plus marquée chez les adolescents Sur la base de ces résultats, il semble possible d!identifier chez les enfants TAC un cercle vicieux qui s!auto-entretient mais qui peut également s!amplifier avec le temps. Pour ne pas se confronter à une perception d!incapacité, les enfants TAC ont tendance à éviter les situations qui impliquent l!utilisation des compétences motrices, mais de cette manière ils limitent les expériences qui pourraient leur permettre de développer ultérieurierement leurs capacités (Schoemaker etal., 1994). Ce cercle vicieux peut s!amplifier dans la mesure où la non participation, si associée à des réactions négatives de la part des pairs, réduit également l!expérience sociale associée à ses activités physiques et sportives avec les risques d!isolement social, d!évitement anxieux, de démoralisation ou de repli dans l!imaginaire (si fréquent chez les enfants TAC, d!autant plus que le tableau s!associe à un trouble attentionnel), toutes stratégies de nature compénsatoire qui permettent à l!enfant de trouver une adaptation mais au prix d!une souffrance élevée. D!autre part, la faible implication dans des activités d!échange avec les autres, réduit les compétences sociales des enfants TAC avec un isolement qui est souvent entretenu par le recours à l!imaginaire et à l!écart grandissant qui se creuse entre les projets et les réalisations concrètes. Cette dimension de maladresse sociale, voire de vrai déficit dans les compétences sociales, commence à être mieux connue et documentée chez les enfants TAC bien qu!elle fasse l!object de questionnements théoriques complexes ou qu!elle soit à l!origine d!errances diagnostiques prolongées. 28 Plusieures études ont confirmé ces dernières années les difficultés dans les compétences sociales constatées au niveau clinique chez les enfants TAC. Il s!agit de difficultés qui concernent la présentation et l!affirmation de soi, le monitorage social de l!action, la gestion des codes sociaux, la temporalité des interventions, les compétences conversationnelles et comunicationnelles, l!expression et la modulation des émotions (Chen et al., 2003). Bien que la sévérité de ces difficultés soit souvent moindre que celle observée dans les troubles envahissants du développement, la question d!une possible superposition entre ces tableaux cliniques a été évoquée. 29 Deficit in Attention, Motor control and Perception (DAMP, Gillberg, 1992) Les TAC sont des troubles de l’empathie? Les TAC sont des troubles de l’empathie? - Comparaison de 39 enfants TAC avec 39 enfants appariés (âge : 6-13 ans, sexe) au niveau de leurs compétences empathiques : - Les capacités empathiques se fondent sur plusieurs processus de base, y compris la capacité à percevoir des indices visuels à l’intérieur des contextes interpersonnels Empathic Ability: ERS (Emotion Recognition/Understanding) Aspects verbaux et perceptifs des capacités empathiques. (Dyck et al., 2001). - TAC : performances moins bonnes sur les échelles qui mesurent les capacités de reconnaissance des expressions faciales statiques et en changement. - Les faibles capacités visuo-spatiales des enfants TAC peuvent expliquer leur faibles capacités empathiques? - Ces faibles compétences peuvent expliquer une partie du fonctionnement social déficitaires des TAC (Cummings et al., 2005) . C!est le cas, par exemple, de Christopher Gillberg, qui a fait l!hypothèse que certaines formes sévères de TAC s!intègrent dans un cadre diagnostic plus élargie, les DAMP (Deficit in Attention, Motor control and Perception, DAMP, Gillberg, 1992) qui se situerait à l!intersection entre TAC, TDAH et TED et qui impliquerait des troubles de l!empathie. Le concept de DAMP a depuis fait l!objet de nombreuses critiques méthodologiques en ce qui concerne sa cohérence interne et sa validité discriminante (Rydelius, 2000). Il garde l!intérêt de pointer des tableaux complexes, associant plusieurs éléments cliniques, et dans lesquels la question des compétences sociales occupe une place importante dans l!évaluation des difficultés adaptatives de l!enfant et dans la mise en évidence de mécanismes explicatifs de ces difficultés. Dans le cas spécifique des TAC, il est possible, par exemple, de questionner les liens qui pourraient exister entre capacités empathiques et capacités à percevoir des indices visuels à l!intérieur des contextes interpersonnels. Les faibles capacités visuo-spatiales des enfants TAC pourraient, peut-être, interférer avec la construction des capacités empathiques de ces enfants. Dans une étude comparative, par exemple, Cummings et collègues (2005), ont évalué les aspects verbaux et perceptifs des capacités empathiques d!un échantillon d!enfants avec un TAC et des enfants contrôles appariés en utilisant des échelles de reconnaissance et de compréhension des émotions. Ils ont observé des moins bonnes performances sur le plan des capacités empathiques chez les enfants TAC uniquement sur les échelles qui mesurent les capacités de reconnaissance des expressions faciales statiques et en changement. Les résultats sur le plan des capacités empathiques étaient par ailleurs inversement corrélées aux scores obtenus au niveau de l!organisation visuo-spatiale. La nature transversale de cette étude ne permet pas d!établir en lien de causalité, mais permet de faire l!hypothèse d!un lien entre compétences visuo-spatiales, compétences empathiques et déficit du fonctionnement social des enfants TAC qui va dans le sens du cercle vicieux évoqué plus haut entre faible perception de compétence, évitement de l!engagement et limitation des expériences développementales nécessaire pour l!acquisition des compétences. Ce type de modèle permet également de voir comment un déficit dans un mécanisme cognitif plus ou moins élémentaire peut avoir des répercussions en cascade sur un ensemble d!aspects du développement. 32 Devenir clinique des TDAH Evaluer l!impact psychologique des troubles attentionnels avec hyperactivité chez l!enfant et l!adolescent Limitations scolaires Faible estime de soi Tabac et abus de substance Impact du TDAH sur le développement Co-morbidité psychiatrique Problèmes légaux Troubles des conduites Enfance Adolescence Blessures Accidents de la circulation Difficultés psycho-sociales Age adulte TDAH Relations familiales et sociales difficiles Trouble oppositionnel avec provocation Problèmes professionnels Les conséquences négatives des symptômes induisent un renforcement négatif L!impact fonctionnel est majeur et la comorbidité souvent au premier plan Biederman et al., J. Clin. Psychiatry, 2004 Pour terminer ces différents exemples sur l!impact psychologique des troubles cognitifs sur le développement de l!enfant et de l!adolescent, je vais aborder, mais de manière beaucoup plus limitée, la question du déficit attentionnel avec hyperactivité. Il s!agit d!un trouble neurodéveloppemental avec une étiologie mutifactorielle qui exemplifie bien la complexité et l!intrication entre développement et psychopathologie. 33 La littérature actuelle sur le TDAH et sur ses conséquences à moyen/long terme est très abondante et il est difficile de la résumer rapidement. La plupart des études met en évidence un devenir défavorable des enfants TDAH à l!adolescence ou à l!âge adulte que ce soit sur le plan psychologique (faible estime de soi), psychiatrique (comorbidité élevée), relationnel (augmentation des ruptures et des séparations), social (mauvaise insertion sociale), professionnel (moins bon niveau, changements répétés) ou légal (AVP, problèmes avec la justice). Le devenir de ces patients est probablement lié aux spécificités cliniques initiales du trouble. Mais ils existent, dans la plupart de cas, des phénomènes importants de renforcement négatif qui conditionnent l!évolution du trouble dans le temps et des séquences longitudinales privilégiées. Troubles des apprentissages 8 ans Troubles anxieux Dépression 18 ans (Burke et al., 2005) Dans leur étude, par exemple, Burke et ses collègues (2005) ont suivi de manière longitudinale une cohorte de 200 enfants TDAH chaque année de l!âge de 8 ans jusqu!à l!âge de 18 ans pour étudier, avec des modèles structuraux, la chronologie d!apparition des troubles et les liens de causalité entre les différents troubles. Les résultats de cette étude ont montré 2 éléments importants : le premier élément est qu!il existe une forte continuité homotypique, c!est-à-dire que chaque trouble à tendance à persister dans le temps. Mais au même temps, le deuxième élément est qu!il existe également une continuité qu!on peut définir comme hétérotypique, c!est à dire une continuité associée à un changement dans les modalités d!expression du trouble, qui suit des séquences développementales spécifiques selon une chronologie d!apparition particulière : les TDAH apparaissent plus précocement que les autres troubles, que ce soit les autres troubles perturbateurs ou les troubles émotionnels, et il prédisent spécifiquement l!apparition d!un TOP, qui lui, à son tour, prédit l!apparition d!un TC au même temps qu!une symptomatologie anxieuse ou dépressive. Ils existent également d!autres trajectoires développementales qui aboutissent, par des phénomènes cumulatifs, à l!apparition d!une symptomatologie anxieuse et dépressive. C!est le cas, par exemple, de l!association d!un TDAH avec un trouble des apprentissage, sans nécessairement que cela implique la présence d!un trouble oppositionnel. On retrouve ici ce que nous avons déjà évoqué par rapport à l!évolution de la dyslexie. Mais ce qui est intéressant de souligner, c!est que dans ce type de modèles longitudinales, !ils existent aussi des trajectoires qui ne sont pas forcement possibles et qui nécessitent de la présence de facteurs de médiations (voire de protection) pour aboutir à un effet significatif comme c!est le cas, par exemple, de la trajectoire entre TC et dépression qui se réalise seulement en association avec un dysfonctionnement social et scolaire important (Burke et al., 2005). Mais on est, dans cette exemple, à un niveau bien trop macroscopique. Si ce type de modèle nous permet de visualiser des trajectoires, cependant il nous ne permet pas d!analyser les mécanismes impliqués dans la transmission des effets. Il est nécessaire, pour ce faire, d!imaginer des modèles plus élémentaires et de les inscrire dans des trajectoires développementales qui tiennent compte des modérateurs environnementaux autant que des adaptations personnelles. 36 Modèle cognitif développemental simplifie du TDAH Modèle cognitif développemental simplifie du TDAH Modérateurs énvironnementaux Trouble des circuits exécutifs Cerveau Déficits d’inhibition Cognition Déficits d’inhibition - Planification et stratégies organisationnelles - Inhibition et attention soutenue Déficits exécutifs Adaptations personnelles Trouble des circuits exécutifs FONCTIONS EXECUTIVES Réponses punitives à l’échec aux taches - Flexibilité mentale - Mémoire de travail Aversion pour les taches Évitement des taches Comportement TDAH Conclusions Expérience réduite aux taches exécutives Déficits exécutifs TDAH Réduction motivations intrinsèques Dégradation des performances dans les taches exécutives Sonuga-Barke EJ, 2005 Barkley RA, 1997 Je peux prendre, comme exemple, le modèle cognitif bien connu de Barkley du déficit d!inhibition. Ce modèle considère qu!un déficit développemental des capacités d!inhibition serait responsable d!une cascade de déficits exécutifs qui rendraient compte de la symptomatologie complexe du trouble et de sa variabilité en fonction des phases du développement. Ce modèle, bien qu!intéressant, reste statique et ne permet pas d!introduire la perspective développementale. Si à partir de ce modèle nous essayons d!introduire les modérateurs énvironnementaux et les adaptations personnelles, on peut commencer à avoir un aperçu plus pertinent des possibles trajectoires développementales. Si on se focalise, par exemple, simplement sur la dimension exécutive du TDAH, nous pouvons constater qu!il existe en effet une dégradation des performances exécutives chez les enfants TDAH (difficulté à soutenir son attention, à suivre les règles, à s!organiser). Ces performances sont sollicitées de manière spécifique dans le cadre scolaire qui a tendance à réagir de manière négative face à l!échec. L!échec produit à son tour chez l!enfant une aversion et un évitement actif de ce type de taches qui rappelle l!évitement des situations d!incompétence du modèle de Harter évoqué pour les TAC. Cet évitement induit à son tour un cercle vicieux : la réduction des occasions d!entraînement de ces compétences nécessaires au développement des performances exécutives aboutit à une dégradation ultérieure des performances qui affecte profondément la motivation intrinsèque à s!y engager (Sonuga-Barke, 2005). Avec ce type de modèle, on peut mieux visualiser comment, en fonction des profils individuels et des médiateurs énvironnementaux, l!adoption de comportements d!opposition ou l!apparition d!une anxiété de performance devant des situations qui impliquent les compétences exécutives, peuvent aboutir avec le temps à une comorbidité plus externalisée ou plus internalisée. 37 38 39 Représentation graphique d’une situation clinique Le rôle du clinicien face à un trouble des apprentissages Take away message Traitement médicamenteux Souffrance familiale devant les difficultés de leur enfant - Frustration / préoccupation / confusion / conflits de responsabilité Rôle du pédopsychiatre/clinicien : - Accueillir la souffrance familiale et offrir une formulation claire des difficultés de manière à permettre à tout le monde de prendre conscience des éléments sous-jacents Facteurs d’environnement positifs Eléments positifs Points d’appui personnels Intervention thérapeutique ciblée - Diagnostic associé - Organiser les choix thérapeutiques en fonction des mécanismes étiopathogéniques identifiés mais en intégrant les facteurs d’énvironnement et la dimension subjective. Noyau diagnostic ! Représentation graphique comme outil pour organiser les formulations diagnostiques et les propositions thérapeutiques (Brown, 2005) - Présenter la perspective du clinicien sur la situation actuelle de l’enfant et focaliser la consultation avec la famille sur comment comprendre, hiérarchiser et répondre à leurs principales questions Symptômes ??? Facteurs d’environnement négatifs Pour conclure cette intervention sur la complexité de la psychopathologie, je vais abandonner l!approche scientifique du chercheur, pour reprendre l!approche humain du clinicien face à une famille d!un enfant ou d!un adolescent qui présente des difficultés d!apprentissage. En consultation, nous sommes souvent confronté à une famille frustrée, préoccupée, confuse, à un enfant démoralisé, opposant. Les différents interlocuteurs nous livrent souvent de manière abrupte un ensemble de difficultés accompagné de sentiments contradictoires. Ils nous montrent les conflits que ces difficultés ont produit dans le temps. Une tache essentielle du clinicien est d!accueillir cette souffrance et d!offrir une formulation suffisamment claire de la situation de manière à que tous les interlocuteurs puissent prendre conscience des principaux éléments en jeu. Il s!agit de présenter la perspective du clinicien sur la situation actuelle de l!enfant et focaliser la consultation avec la famille sur comment comprendre, hiérarchiser et répondre aux principales questions qu!ils se posent. L!expérience clinique montre cependant que l!intensité émotionnelle de la situation réduit la capacité de compréhension des personnes impliquées. La possibilité de passer par une représentation graphique pour organiser les formulations diagnostiques et les propositions thérapeutiques est probablement une stratégie plus efficace (Brown, 2005). Facteurs d’environnement négatifs Points d’appui personnels Action thérapeutique secondaire - L’intégration d’un sentiment cohérent de Soi est le but ultime des interventions thérapeutiques Eléments positifs Facteurs d’environnement positifs Penser la complexité des tableaux cliniques dans une perspective développementale selon des trajectoires prévisibles Action sur les facteurs négatifs d’entretien Il s!agit avant tout de donner une représentation de l!enfant comme une personne globale. Graphiquement on peut le visualiser par un carré dans lequel on mettra d!abord les points de force de l!enfant. Reconnaître les points de force de l!enfant est nécessaire pour contrer la tendance de la famille à se focaliser seulement sur les faiblesses et les échecs de l!enfant et pour impliquer l!enfant dans la compréhension de la situation. A travers différents cercles (des diagrammes de Venn), on représentera les principaux diagnostiques en question (par exemple": une dyslexie avec une composante visuelle prédominante et un trouble attentionnel) avec des éventuelles superpositions qui indiquent les similarités ou les interactions entre différents secteurs du fonctionnement (la question de la comorbidité). La taille des cercles permet de mettre en évidence la priorité respective des diagnostics et des difficultés associées (en termes de sévérité ou de causalité). Avec des flèches, uni ou bidirectionnelles, on peut visualiser des hypothèses sur la direction des effets. Dans différentes situations, on peut ne pas être certains sur comment conceptualiser un problème": par exemple"un enfant présente un TDAH mais présente également des difficultés importantes à se faire des amis, il montre une faible empathie, il ennuie les autres avec des commentaires inappropriés, évite le contact avec les autres en dehors de l!école. S!agit-il d!un syndrome d!Asperger ou d!une phobie sociale"? On peut ajouter un cercle avec “"problèmes de socialisation"” avec des points d!interrogation pour montrer que nous n!avons pas encore obtenue une claire compréhension de ces difficultés spécifiques. Ou, par exemple, l!enfant depuis quelques temps réagit de manière excessive aux frustrations avec des colères importantes (non seulement en rapport aux contraintes scolaires). S!agit-il d!éléments tempéramentaux"? d!une irritabilité dépressive"? On peut ajouter un cercle “"réactivité émotionnelle"”, là aussi avec des points d!interrogation qui indiquent qu!il faudra explorer davantage ces éléments. Après avoir présenté et discuté ces premiers éléments, il faut intégrer les éléments de l!environnement de l!enfant (famille, école, travail). Graphiquement on peut le représenter par un grand carré avec des cercles pour visualisent les facteurs négatifs, les stress, qui risquent de renforcer les difficultés, et des cercles pour les facteurs positifs qu!on utilisera comme leviers de changement. La représentation des stratégies thérapeutiques est la dernière étape du processus. On pourra indiquer par des flèches directionnelles les actions thérapeutiques (rééducation, psychothérapie, pharmacothérapie, aménagements scolaires) que nous préconisons, à court et à moyen terme, en fonction des cibles et des mécanismes pathogéniques identifiés. On pourra, par un système de numération, indiquer les priorités, la temporalité des actions envisagées, les modifications que nous nous attendons de ses actions. Cette représentation graphique est un modèle de travail provisoire, à réviser en fonction des nouvelles informations, des explorations ultérieures, des nouveaux évènements dans la vie de l!enfant. Elle est un support d!échange avec la famille, un outil pour solliciter la réaction de l!enfant ou de ses parents"(sont-ils d!accord avec cette formulation"? la représentation leur semble-t-il adaptée"? les priorités correspondent à leurs attentes"?), un moyen pour prendre en compte des problématiques sub-cliniques qui nécessitent une attention, un instrument pour évaluer l!effet des interventions préconisées. La discussion sur cette représentation permet d!évaluer la compréhension de la situation, de renforcer l!alliance thérapeutique et de développer des plans thérapeutiques qui tiennent compte des réalités et des perspectives différentes des interlocuteurs. La clinique des troubles cognitifs de l!enfant et de l!adolescent nous oblige à penser la complexité, à intégrer des multiples dimensions dans une perspective développementale selon des trajectoires prévisibles. Dans l!optique de la psychopathologie du développement le pronostic est le seul banc d!essai du diagnostic. Le choix de nos actions thérapeutiques doit être, dans la mesure du possible, fonction des mécanismes pathogéniques identifiés, selon un timing informé par les trajectoires du développement, en intégrant les facteurs d!environnement et la dimension subjective. Sans oublier que l!intégration d!un sentiment cohérent et cohésif de Soi est le but ultime des interventions thérapeutiques 41 42 Merci de votre attention Merci de votre attention 43