CABINET Forum Med Suisse No39 26 septembre 2001 965
pan est perforé par un processus lytique et
draine l’épanchement vers l’extérieur. Selon la
définition habituelle, l’inflammation se situe
derrière un tympan primairement intact. C’est
justement chez les enfants souffrant d’otites à
répétition («otitis prone») et d’une fonction tu-
baire limitée qu’une perforation spontanée
peut mener à une brèche résiduelle persistante.
U.B. Il dépend du fait de considérer le «proces-
sus lytique»ou «a pression de fission»à l’ori-
gine de l’otorrhée pour définir s’il correspond
à une complication ou à un processus d’auto-
guérison de l’otite moyenne aiguë. Le patient,
respectivement les parents, sont généralement
alarmés par le pus s’écoulant de l’oreille. A l’in-
verse, le patient ressent cet écoulement externe
comme agréable car les douleurs diminuent
généralement de façon subite.
En pratique, lorsque l’on s’est déterminé pour
un diagnostic, la décision thérapeutique qui
s’ensuit occasionne de nombreuses contro-
verses. Je ne connais pas de meilleur exemple
pour une décision thérapeutique ne tenant pas
compte de la problématique, que celui de la
prescription d’antibiotiques en présence d’otite
moyenne aiguë. L’examen des mécanismes
infectieux et des agents pathogènes à l’origine
du tableau clinique ne correspond pas aux
connaissances sur la pathogenèse depuis long-
temps établies. Dans le cadre d’une infection
catarrhale des voies aériennes supérieures, on
observe une tuméfaction inflammatoire des
muqueuses de tout le système, nasopharynx,
trompe d’Eustache et oreille moyenne. Les sé-
crétions produites par les cellules muqueuses
de l’épithélium de l’oreille moyenne s’accumu-
lent en raison de la trompe d’Eustache. La pro-
lifération d’agents pathogènes est secondaire,
facultative et individuelle [8]. De toute évidence
des infections des voies aériennes supérieures
ne doivent pas être traitées par antibiotiques.
Je considère que, de nos jours, la prescription
primaire d’antibiotiques au vu de l’augmenta-
tion au niveau mondial des résistances des
agents pathogènes aux antibiotiques, comme
carrément non-éthique. Une analgésie suffi-
sante doit donc être au premier plan. Dans mon
expérience, de simples analgésiques tels que
l’acide acétylsalicylique ou le paracétamol ne
suffisent généralement pas, si bien que je leur
préfère l’ibuprofène, le méfénacide ou le diclo-
fénac.
C.B. Le paracétamol prescrit à des doses adé-
quates (20–25 mg/kg par dose au maximum 4
fois par jours) permet, dans notre expérience,
d’obtenir une analgésie suffisante. Notre atti-
tude quant aux antibiotiques est également ré-
servée. Comme ont pu le démontrer différentes
méta-analyses et études randomisées, l’otite
moyenne aiguë chez le patient pédiatrique a un
taux de guérison spontanée élevé: de 72–96%
[5]. Ainsi seul un des 7 ou même 17 enfants trai-
tés par antibiotiques peut profiter d’un traite-
ment débuté sans délai. Le fait que différents
critères diagnostiques ait été utilisés n’y change
rien. Bien davantage, ceci démontre que la qua-
lité du diagnostic d’otite moyenne aiguë est dé-
cisive. Il est, d’une part, unanimement accepté,
que l’antibiothérapie en cas de catarrhe tubaire
pas d’effet positif et qu’elle n’est par conséquent
pas indiquée [2]. Au-delà, le diagnostic diffé-
rentiel de l’otite moyenne aiguë d’avec les in-
fections virales des voies aériennes supérieures
n’est souvent pas possible initialement, ceci en
particulier chez les enfants en bas âge. Par
ailleurs, en l’absence de guérison spontanée,
un traitement afin d’éradiquer l’agent patho-
gène de l’oreille moyenne est nécessaire [9].
Grâce à un schéma thérapeutique comprenant
une analgésie primaire et l’utilisation en se-
conde intention des antibiotiques (après 24–48
heures), les enfants souffrants d’une otite
moyenne aiguë primaire ne nécessitant pas
d’antibiothérapie et ceux chez lesquels le diag-
nostic initial présumé était erroné peuvent être
exclus. Ceci présuppose l’exclusion des facteurs
de risques pour une otite sévère ou compliquée
ainsi qu’une information des parents et la ga-
rantie de contrôles réguliers [5]. Une antibio-
thérapie prescrite inutilement conduit non seu-
lement à des effets médicamenteux indési-
rables, est coûteuse, et a conduit en Suisse,
comme dans le monde entier, à une augmen-
tation préoccupante du nombre des bactéries
résistant aux antibiotiques [2, 10]. La prescrip-
tion d’antibiotiques nécessite pour toutes ces
raisons une bonne indication.
T.L. Je me bats depuis des années contre la
prescription de routine d’antibiotiques en cas
de suspicion d’otite moyenne aiguë et encore
davantage contre la prescription de médica-
ments anti-inflammatoires supplémentaires
dont l’inefficacité a été suffisamment docu-
mentée. La prescription d’analgésiques en
quantité suffisante est décisive. Il s’agit en cas
de diagnostic probable ou avéré d’otite
moyenne aiguë de procéder de façon plus dif-
férenciée. L’otite moyenne aiguë est un proces-
sus infectio-inflammatoire. Il nécessite la pré-
sence d’un ou de plusieurs agents pathogènes.
De nombreuses études – en Finlande en parti-
culier – se basant sur la paracentèse ont permis
de démontrer la présence d’agents pathogènes
bactériens et/ou viraux. L’intégrité du système
immunitaire de nos patients en bonne santé
permet d’obtenir un taux élevé de guérison
spontanée. L’infection est toujours ascendante,
c’est-à-dire partant de la région adénoïdienne
pour remonter le long de la trompe d’Eustache.
Si le système immunitaire du patient arrive à li-
miter l’infection dans les premières 48 heures,