CABINET L’otite moyenne aiguë – encore en discussion a b c U. Bollag , C. Berger , T. Linder Introduction Les otites moyennes et les infections des voies aériennes supérieures constituent les motifs de consultation les plus fréquents en pédiatrie. En revanche, les otites moyennes sont rares chez l’adulte. Le diagnostic d’otite moyenne se fait sur la base des résultats anamnestiques, cliniques et otoscopiques. Il persiste cependant encore un manque de concordance évident en ce qui concerne les critères diagnostiques [1]. La réalisation de l’examen du tympan chez l’enfant en bas âge est particulièrement difficile. L’interprétation est subjective et dépend en grande mesure de l’expérience du médecin. Le traitement optimal de l’otite moyenne est matière à controverse. Aux Etats-Unis, l’otite moyenne est responsable de 42% des antibiotiques prescrits ambulatoirement [2]. En faisant abstraction du nombre des résistances aux antibiotiques qui a fortement augmenté ces dernières années, il existe de grandes divergences sur la nécessité et les habitudes de prescription des antibiotiques dans le traitement de l’otite moyenne [3]. De nouvelles découvertes quant à la pathogénèse, l’évaluation critique des examens jusqu’alors réalisés ainsi que nos propres expériences devraient contribuer au débat concernant les controverses sur ce tableau clinique que nous réalisons ici sous forme d’une discussion entre les trois auteurs. Partie principale a b c Spécialiste de l’enfant et de l’adolescent, Berne Département d’infectiologie de la clinique pédiatrique universitaire, Zurich Clinique d’oto-rhino-laryngologie et chirurgie faciale, Hôpital universitaire de Zurich Correspondance: Dr Ueli Bollag Weissenbühlweg 10 CH-3007 Bern [email protected] [email protected] [email protected] Dr Ueli Bollag, spécialiste FMH de l’enfant et de l’adolescent (U.B.): L’otite moyenne aiguë est désignée par certains auteurs et par vous-même comme une inflammation purulente de l’oreille moyenne évoluant rapidement et associée à des signes d’inflammation locale ou systémique [2, 4, 5]. Une définition comme celle-ci en tant que praticien installé ne me satisfait pas. D’une part, je ne peux pas dans le cadre de mon cabinet prouver qu’il y ait du pus dans l’oreille moyenne et d’autre part une telle description déclenche instantanément chez le médecin une association aux antibiotiques stéréotypée. Je ne peux et ne dé- Forum Med Suisse No 39 26 septembre 2001 963 sire supprimer ce suffixe «-ite», mais à mon avis l’accent doit être mis sur l’«inflammation» et non sur le processus «infectieux». Qu’en pensez-vous? PD Dr Thomas Linder, médecin chef en otologie et chirurgie de la base du crâne (T.L.): Du point de vue du clinicien exerçant en milieu hospitalier tertiaire et de celui du chercheur, nous avons besoin de définitions précises afin que nous puissions parler du même tableau clinique et que nous puissions en déduire les conséquences thérapeutiques. Le diagnostic d’otite moyenne aiguë implique la présence d’un processus inflammatoire qui ne permet cependant pas la déduction de l’agent pathogène possible en cause. La paracentèse constitue pour cela le «gold-standard» nécessaire. Elle n’est ni obligatoire dans l’algorithme diagnostique ni n’est réalisable dans le cadre du cabinet du non-spécialiste. Dr Christoph Berger, spécialiste de l’enfant et de l’adolescent et en infectiologie (C.B.): Je pars également du fait qu’il s’agit d’un processus infectio-inflammatoire qui ne nécéssite pas obligatoirement une antibiothérapie. Le terme d’otite moyenne définit toutes les modifications inflammatoires de l’oreille moyenne concernant de plus également la mastoïde et la trompe d’Eustache. Le diagnostic d’otite moyenne est posé cliniquement sur le symptôme directeur d’otalgie souvent accompagné de signes inflammatoires généraux tel qu’un état fébrile ainsi que par l’inflammation du tympan. L’otoscopie révèle un tympan érythémateux ou jaunâtre sans réflexe lumineux. Le tympan peut également être bombé par l’épanchement. La mobilité tympanique est diminuée ou abolie. L’otite moyenne aiguë est définie par une inflammation de l’oreille moyenne derrière un tympan primairement intact. Le diagnostic est basé sur l’otalgie, l’inflammation du tympan et, souvent, sur des signes accompagnateurs d’inflammation systémique. U.B. Nous ne divergeons donc pas en ce qui concerne la définition d’une otite moyenne aiguë; seulement, dans la pratique, le tableau clinique qui se présente doit tenir compte d’une pondération individuelle des symptômes et des examens. La différenciation d’un catarrhe tubaire aigu est donc d’autant plus difficile. Comment différenciez-vous les deux tableaux cliniques? T.L. La différenciation entre une otite moyenne aiguë et un catarrhe tubaire aigu est tout à fait essentielle. On trouve dans les deux pathologies CABINET un épanchement dans l’oreille moyenne. Dans le catarrhe tubaire aigu on ne décèle cependant pas de signes d’infection aiguë locale ou systémique (donc pas d’otalgie). De plus on ne parle de catarrhe tubaire «aigu» que lorsqu’il ne subsiste pas plus de 3–6 semaines et pas au-delà; et de catarrhe tubaire «chronique» lorsque sa durée est de plus de 3 mois. Je ne suis pas satisfait de cette définition du catarrhe tubaire «aigu» car l’on ne peut prédire sa durée au moment de la pose du diagnostic. En cas de catarrhe tubaire, le tympan est en général mat, foncé et différencié, ce qui veut dire que le manche du marteau est nettement reconnaissable. L’épanchement est généralement visible, sous forme de liquide de couleur ambre éventuellement mélangé à des bulles d’air ou à une lame aérique. Le catarrhe tubaire décrit la formation d’un épanchement (séreux ou muqueux) dans l’oreille moyenne derrière un tympan intact et généralement non inflammé. La collection liquidienne se reconnaît par otoscopie (pneumatique) et peut être confirmée au moyen de la tympanométrie; elle conduit à une surdité de conduction aérienne. Une durée de moins de 6 semaines du catarrhe tubaire le décrit comme étant aigu, une durée de plus de 3 mois, en revanche, comme étant chronique. U.B. Attendez, attendez, je me dois ici d’intervenir en raison de mon expérience pratique. Je doute qu’un catarrhe tubaire, de plus en phase aiguë, n’occasionne pas d’otalgies. L’enfant en bas âge ne fait pas la différence, lui, entre la douleur sur inflammation de l’otite moyenne aiguë et l’impression de plénitude de l’oreille moyenne occasionnée par la collection liquidienne du catarrhe tubaire. Il pleure tout simplement. En ce qui concerne l’évaluation du tympan, laissez-moi vous parler brièvement d’un colloque de formation, tenu il y a des années de celà, dans une clinique pédiatrique helvétique. J’avais à l’époque organisé un quiz au moyen de diapositives originaux tirés de l’atlas en couleur de Gmür, Ott et Fisch [6]. Seul peu des pédiatres présents purent différencier les 5 examens otoscopiques décrits comme: normal, présence de cérumen, catarrhe tubaire, «rétraction tympanique» et otite moyenne aiguë. Lors de la seconde tâche consistant fondamentalement en une différenciation d’un status «inflammatoire» d’un status «non-inflammatoire», seule juste la moitié des participants a pu répondre correctement. Le résultats de ces tests montre donc bien que l’évaluation du résultat otoscopique n’est pas simple et qu’il est estimé de façon différente. Forum Med Suisse No 39 26 septembre 2001 964 C.B. La plupart des otites moyennes chez les enfants amenés en consultation sont diagnostiquées en raison de leur mécontentement, de leurs pleurs, de leurs douleurs, d’un état fébrile et d’un catarrhe. Même si en règle générale un coup d’œil seul sur le tympan est possible chez ces enfants, l’otoscopie doit toujours faire partie de l’examen clinique. Nous avons plusieurs moyens nous aidant à prouver la présence d’un épanchement. Je pense, p.ex. à la tympanométrie. Sur un patient collaborant c’est-à-dire sur un enfant non algique, cette dernière est facile à effectuer techniquement et peut être bien interprétée grâce à l’allure des courbes obtenues. Nous les utilisons donc surtout à but diagnostique ainsi que lors des contrôles dévolution d’un catarrhe tubaire. T.L. De mon côté, j’utilise souvent l’otoscopie pneumatique. J’en vois l’indication principale également dans le diagnostic du catarrhe tubaire, c’est-à-dire en cas de diminution de la mobilité tympanique en présence d’un épanchement. Je me trouve cependant dans la position privilégiée de pouvoir confirmer mes résultats chez ces patients par la pose de diabolos. U.B. Dans la pratique pédiatrique, on a souvent recours à la tympanométrie. Cette dernière démontre de façon indirecte l’épanchement dans l’oreille moyenne de par le fait qu’elle renseigne sur la résistance acoustique (impédance) du tympan et de la chaîne des osselets. L’appareil produit un son de fréquence constante (220 Hz) ainsi que des modifications de pression dans le conduit auditif externe. La partie du son réfléchi est ensuite mesurée par un microphone intégré et traduite sous forme de tympanogramme. En présence d’un épanchement, la courbe révèle généralement un aplatissement. J’ai fait de bonnes expériences avec la réflectométrie acoustique [7]. Elle est d’utilisation facile et très agréable pour les patients, car – au contraire de la tympanométrie – elle ne nécessite pas une étanchéité totale du conduit auditif externe. Le principe de l’examen réside dans le principe d’un son standardisé de 80 dB qui est émis par une bande de 1,6 à 4,7 kHz sur le tympan dont l’énergie répercutée est ensuite mesurée. Plus la répercussion est grande, plus la suspicion de la présence d’un épanchement situé derrière le tympan devient fondée. Nous nous sommes maintenant entretenus de façon extensive sur la valeur et les procédés diagnostiques d’un épanchement dans l’oreille moyenne, mais pas sur l’écoulement de l’oreille: que dit le spécialiste ORL de l’otorrhée? T.L. L’otorrhée constitue pour moi déjà une complication de l’otite moyenne aiguë. Le tym- CABINET pan est perforé par un processus lytique et draine l’épanchement vers l’extérieur. Selon la définition habituelle, l’inflammation se situe derrière un tympan primairement intact. C’est justement chez les enfants souffrant d’otites à répétition («otitis prone») et d’une fonction tubaire limitée qu’une perforation spontanée peut mener à une brèche résiduelle persistante. U.B. Il dépend du fait de considérer le «processus lytique» ou «a pression de fission» à l’origine de l’otorrhée pour définir s’il correspond à une complication ou à un processus d’autoguérison de l’otite moyenne aiguë. Le patient, respectivement les parents, sont généralement alarmés par le pus s’écoulant de l’oreille. A l’inverse, le patient ressent cet écoulement externe comme agréable car les douleurs diminuent généralement de façon subite. En pratique, lorsque l’on s’est déterminé pour un diagnostic, la décision thérapeutique qui s’ensuit occasionne de nombreuses controverses. Je ne connais pas de meilleur exemple pour une décision thérapeutique ne tenant pas compte de la problématique, que celui de la prescription d’antibiotiques en présence d’otite moyenne aiguë. L’examen des mécanismes infectieux et des agents pathogènes à l’origine du tableau clinique ne correspond pas aux connaissances sur la pathogenèse depuis longtemps établies. Dans le cadre d’une infection catarrhale des voies aériennes supérieures, on observe une tuméfaction inflammatoire des muqueuses de tout le système, nasopharynx, trompe d’Eustache et oreille moyenne. Les sécrétions produites par les cellules muqueuses de l’épithélium de l’oreille moyenne s’accumulent en raison de la trompe d’Eustache. La prolifération d’agents pathogènes est secondaire, facultative et individuelle [8]. De toute évidence des infections des voies aériennes supérieures ne doivent pas être traitées par antibiotiques. Je considère que, de nos jours, la prescription primaire d’antibiotiques au vu de l’augmentation au niveau mondial des résistances des agents pathogènes aux antibiotiques, comme carrément non-éthique. Une analgésie suffisante doit donc être au premier plan. Dans mon expérience, de simples analgésiques tels que l’acide acétylsalicylique ou le paracétamol ne suffisent généralement pas, si bien que je leur préfère l’ibuprofène, le méfénacide ou le diclofénac. C.B. Le paracétamol prescrit à des doses adéquates (20–25 mg/kg par dose au maximum 4 fois par jours) permet, dans notre expérience, d’obtenir une analgésie suffisante. Notre attitude quant aux antibiotiques est également réservée. Comme ont pu le démontrer différentes méta-analyses et études randomisées, l’otite moyenne aiguë chez le patient pédiatrique a un Forum Med Suisse No 39 26 septembre 2001 965 taux de guérison spontanée élevé: de 72–96% [5]. Ainsi seul un des 7 ou même 17 enfants traités par antibiotiques peut profiter d’un traitement débuté sans délai. Le fait que différents critères diagnostiques ait été utilisés n’y change rien. Bien davantage, ceci démontre que la qualité du diagnostic d’otite moyenne aiguë est décisive. Il est, d’une part, unanimement accepté, que l’antibiothérapie en cas de catarrhe tubaire pas d’effet positif et qu’elle n’est par conséquent pas indiquée [2]. Au-delà, le diagnostic différentiel de l’otite moyenne aiguë d’avec les infections virales des voies aériennes supérieures n’est souvent pas possible initialement, ceci en particulier chez les enfants en bas âge. Par ailleurs, en l’absence de guérison spontanée, un traitement afin d’éradiquer l’agent pathogène de l’oreille moyenne est nécessaire [9]. Grâce à un schéma thérapeutique comprenant une analgésie primaire et l’utilisation en seconde intention des antibiotiques (après 24–48 heures), les enfants souffrants d’une otite moyenne aiguë primaire ne nécessitant pas d’antibiothérapie et ceux chez lesquels le diagnostic initial présumé était erroné peuvent être exclus. Ceci présuppose l’exclusion des facteurs de risques pour une otite sévère ou compliquée ainsi qu’une information des parents et la garantie de contrôles réguliers [5]. Une antibiothérapie prescrite inutilement conduit non seulement à des effets médicamenteux indésirables, est coûteuse, et a conduit en Suisse, comme dans le monde entier, à une augmentation préoccupante du nombre des bactéries résistant aux antibiotiques [2, 10]. La prescription d’antibiotiques nécessite pour toutes ces raisons une bonne indication. T.L. Je me bats depuis des années contre la prescription de routine d’antibiotiques en cas de suspicion d’otite moyenne aiguë et encore davantage contre la prescription de médicaments anti-inflammatoires supplémentaires dont l’inefficacité a été suffisamment documentée. La prescription d’analgésiques en quantité suffisante est décisive. Il s’agit en cas de diagnostic probable ou avéré d’otite moyenne aiguë de procéder de façon plus différenciée. L’otite moyenne aiguë est un processus infectio-inflammatoire. Il nécessite la présence d’un ou de plusieurs agents pathogènes. De nombreuses études – en Finlande en particulier – se basant sur la paracentèse ont permis de démontrer la présence d’agents pathogènes bactériens et/ou viraux. L’intégrité du système immunitaire de nos patients en bonne santé permet d’obtenir un taux élevé de guérison spontanée. L’infection est toujours ascendante, c’est-à-dire partant de la région adénoïdienne pour remonter le long de la trompe d’Eustache. Si le système immunitaire du patient arrive à limiter l’infection dans les premières 48 heures, CABINET Marche à suivre en cas d'otite moyenne aiguë. Otalgie comme symptôme directeur et Otoscopie révélant une inflammation du tympan Analgésie efficace Contrôle de l'évolution Confirmation diagnostique, reconnaissance des complications Antibiothérapie ciblée an fonction de l'indication Choix correct, dosage et durée l’antibiothérapie est donc inutile. En revanche, en cas d’évolution fulminante, c’est-à-dire en cas de persistance de l’otalgie sur une durée de plus de 36 heures souvent accompagnée d’un état fébrile et d’une dégradation de l’état général, je suis d’avis d’instaurer les antibiotiques afin d’éviter les complications de l’otite moyenne aiguë, même si elles sont rares, telles (labyrinthite, méningite, mastoïdite, abcès de Bezold) encore fréquemment rencontrées au temps de l’ère pré-antibiotique. L’évolution dans un deuxième temps peut se faire dans le sens d’une mastoïdite à bas bruit ne conduisant que 4 à 12 jours après la primo-infection à une mastoïdite aiguë. A ce propos, le système immunitaire, malgré l’instauration de l’antibiothérapie, n’arrive pas à maîtriser l’infection causée par la mastoïdite! Il en résulte une mastoïdite secondaire. Nous avions pu démontrer cette situation tirée de notre propre étude [11]. Figure 1. Otite moyenne aiguë perforante: le tympan est fortement érythémateux, indifférencié et bombé. Perforation spontanée dans le quadrant inférieur avec écoulement purulent. Forum Med Suisse No 39 26 septembre 2001 966 Les antibiotiques seuls ne constituent pas la garantie d’une guérison certaine! C’est pourquoi les contrôles réguliers du patient par le médecin ainsi que l’information aux parents qu’une oreille décollée est un signal d’alarme pour une mastoïdite et qu’un examen otologique doit être effectué dans les plus brefs délais sont nécessaires. C.B. L’otite moyenne aiguë, spécialement chez le nourrisson et l’enfant en bas âge, doit toujours être appréciée en fonction de la durée à l’anamnèse et de l’état général. Des évolutions rares mais fulminantes peuvent mener à ce que la mastoïdite soit une manifestation primaire de l’otite moyenne. Ceci souligne l’importance et la signification de contrôles rapprochés (24 heures) chez les enfants de ce groupe d’âge traités exclusivement par analgésiques. U.B. Il nous faut donc penser à ces évolutions dangereuses que vous venez d’évoquer, et que par chance, nous ne voyons que rarement en cabinet. Je suis d’ailleurs content que vous soyez également critique vis à vis de la prescription d’antibiotiques en cas d’otite moyenne aiguë. Nous avons pu démontrer depuis plus de 10 ans de pratique en cabinet, que seul un enfant sur 10 nécessite une antibiothérapie comme traitement de son otite moyenne, ceci en raison des critères que vous avez précisément présentés auparavant [12]. En ce qui concerne les contrôles que vous avez exigés je suis flexible. Je fais confiance à l’information donnée par téléphone par les parents le jour suivant. Il a été démontré aux Etats-Unis que ces derniers peuvent évaluer de manière fiable le processus de guérison et que par conséquent des contrôles réguliers par un médecin sont superflus [13]. C.B. Si l’indication à une antibiothérapie est donnée, alors il faut choisir un traitement conduisant si possible à l’éradication de l’agent pathogène dans l’oreille moyenne [9]. Les pneumocoques suivis par Haemophilus influenzae et Moraxella catarrhalis sont les agents pathogènes les plus fréquents de l’otite moyenne aiguë. Les pneumocoques peuvent mener à des évolutions pouvant traîner en longueur et font preuve, en Suisse également, de résistances accrues. L’amoxycilline (50 mg/kg/j en 2–3 doses) a parmi les antibiotiques oraux à disposition les meilleures propriétés pharmacodynamiques concernant la concentration extracellulaire nécessaire dans l’oreille moyenne. En cas de non-réponse à l’amoxycilline, et si l’on suspecte une éradication insuffisante de l’agent pathogène de l’oreille moyenne, une augmentation de la dose des β -lactames ainsi qu’un traitement β -lactamase stable est nécessaire. Une augmentation de la dose afin de sur- CABINET Figure 2. Catarrhe tubaire aigu: le tympan est intact, différencié, le manche du marteau est bien délimitant et le réflexe lumineux reconnaissable. A L’arrière du quadrant inférieur on reconnaît une bulle d’air dans le liquide couleur ambre situé dans l’oreille moyenne. Forum Med Suisse No 39 26 septembre 2001 967 jours est encore conseillée chez les enfants de moins de 2 ans, en cas de perforation tympanique avec otorrhée purulente, chez des patients immunodéprimés ou encore lors d’otites à répétition sur une courte durée. Après guérison de l’otite moyenne il persiste, indépendamment de l’antibiothérapie préalable, un épanchement dans l’oreille moyenne. La poursuite ou le changement du traitement antibiotique ne sont pas indiqués. Le liquide disparaît généralement en l’espace de 4–8 semaines. monter la résistance aux pneumocoques en résulte et l’acide clavulanique permet l’éradication de H. influenzae et M. catarrhalis produisant des β -lactamases. Un traitement par amoxycilline-clavulanate (80–90 mg/kg/j) ou ceftriaxone (dose unique de 50 mg/kg i.v.) remplit les deux exigences. Les macrolides et les céphalosporines de la 2ème et 3ème génération ne sont pas indiqués, en raison de leur efficacité antibactérienne, lors d’échec du traitement par ampicilline et ne devraient être choisis qu’en cas d’allergie aux antibiotiques ci-dessus. Comme l’ont démontré diverses méta-analyses, un traitement antibiotique de 5 jours suffit à traiter l’otite moyenne aiguë des enfants audelà de 2 ans [5]. Une antibiothérapie de 8–10 Quintessence Le symptôme directeur de l’otite moyenne aiguë est l’otalgie aiguë. L’examen otoscopique et les symptômes généraux conduisent au diagnostic correct. Chez l’enfant en bas âge, l’otoscopie est souvent rendue difficile par des rapports anatomiques étroits, de par l’obstruction par du cérumen ainsi que par le manque de coopération. Le traitement de l’otite moyenne aiguë débute par l’analgésie. En cas d’incertitude quant au diagnostic, en raison du taux élevé de guérisons spontanées, on peut généralement surseoir au traitement primaire par antibiotiques. Un contrôle de l’évolution est indiqué à 24–48 heures. Une antibiothérapie ciblée doit permettre l’éradication des agents pathogènes bactériens et éviter le développement de résistances ainsi que prévenir les complications. Lorsque l’on a opté pour un traitement antibiotique, une durée de 5 jours dès l’âge de 2 ans en règle générale suffit. L’amoxycilline est le médicament de premier choix. U.B. En tant que pédiatre praticien et généraliste nous respectons le principe fondamental du «Primum nihil nocere». L’attitude «prudente» en regard du groupe âgé de moins de 2 ans tient compte du fait qu’aussi bien du point de vue anamnestique – l’enfant en bas âge ne pouvant exprimer l’otalgie verbalement – que clinique – l’otoscopie de par le rétrécissement du conduit auditif externe par du cérumen et de par le manque de collaboration de l’enfant malade particulièrement problématique – l’évaluation est rendue difficile. C’est d’ailleurs justement dans ce cas de figure qu’il faudrait renoncer à l’antibiothérapie et qu’il faudrait observer l’évolution. T.L. Notre devoir consiste entre autre à protéger l’enfant en bas âge des conséquences à long terme de l’inflammation de l’oreille moyenne; c’est-à-dire que tout ce qui est possible doit être entrepris afin que la situation redoutée d’«otitis prone» (otites à répétition = 4/an) ne se présente pas. L’intervention doit se faire à 3 niveaux: Premièrement, les otites aiguës ont un pronostic très défavorable durant la première année, car la pneumatisation mastoïdienne se fait rapidement après la première année. Les inflammations précoces empêchent une bonne pneumatisation ce qui entraîne la persistance de conséquences à long terme. Je préconise donc l’indication généreuse à une antibiothérapie chez les enfants âgés de moins de 2 ans. Deuxièmement, je compte sur l’avènement de nouveaux vaccins contre les agents pathogènes de l’otite moyenne aiguë les plus fréquents. On a déjà à disposition des vaccins contre les pneumocoques conduisant à une réponse immunitaire dans le groupe 0–2 ans également. Troisièmement, je considère la prophylaxie d’exposition: même si les cantons et communes investissent désormais de l’argent dans la construction de crèches, les grandes crèches sont sans aucun doute des réservoirs des infections des voies aériennes supérieures et de l’oreille moyenne. Les petites structures sont donc préférables aux grandes. CABINET Forum Med Suisse No 39 26 septembre 2001 968 Références 1 Schwartz RH, Stool SE, Rodriguez WU. Acute otitis media: toward a more precise definition. Clin Pediatr 1981;20:549–54. 2 Dowell SF, Marcy M, Phillips W, Gerber M, Schwartz B. Otitis media: principles of judicious use of antimicrobial agents. Pediatrics 1998; 101(suppl):165–71. 3 Froom J, Culpepper L, Grob P, Bartelds A, Bowers P, Bridges-Webb Ch, et al. Diagnosis and antibiotic treatment of acute otitis media: report from International Primary Care Network. Br Med J 1990;300: 582–5. 4 Linder T, Funke G, Schmid S, Nadal D. Die akute Otitis media und der Tubenmittelohrkatarrh: ein Überblick über die Pathogenese und Empfehlung zur Therapie. Schweiz Med Wochenschr 1996;126:2223– 33. 5 Berger Ch, Michel K. Akute Otitis media: Vorschlag für ein neues Management. Paediatrica 2000;11(2): 6–9. 6 Gmür A, Ott P, Fisch U. Atlas der Otoskopie. 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