Introduction à la biosurveillance végétale et

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TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
DAMIEN CUNY1, MARIEAMÉLIE RZEPKA2, CHANTAL VAN HALUWYN1
Introduction à la biosurveillance
végétale et fongique de la qualité
de l’air, concept et intérêt
RÉSUMÉ
La biosurveillance végétale de la qualité de l’air est une discipline, intégrée à l’écotoxicologie, regroupant
quatre concepts (biointégration, bioindication, utilisation des biomarqueurs et bioaccumulation). Chacun a fait
l’objet de très nombreuses applications afin de caractériser les effets des polluants atmosphériques à différents
niveaux d’organisation biologique. La biosurveillance est complémentaire et non substitutive aux mesures
physico-chimiques. Les demandes de plus en plus importantes quant aux évaluations des risques sanitaires
et environnementaux liés à la pollution atmosphérique devraient augmenter encore le spectre déjà large des
applications de la biosurveillance.
MOTS-CLÉS
Biosurveillance, plantes, lichens, méthodes, évaluation des risques.
Plant and fungal biomonitoring of atmospheric pollution. Introduction to the
concept and its interest
SUMMARY
Stratégie
égi
ég
Plant biomonitoring of atmospheric pollution is included in ecotoxicology and concerns different physiologic levels. Many
works were done using plants and lichens to assess xenobiotic impact. Biomonitoring is complementary to physicochemical methods. Needs for environmental and health risk assessments linked to atmospheric pollution should increase
the use and applications of biomonitoring with plants.
KEYWORDS
Biomonitoring, plants, lichens, methods, risk assessment.
I - Introduction
Les sondages montrent d’une manière redondante que la qualité de l’air reste une préoccupation
environnementale majeure des français. La loi sur
l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie de 1996
a permis d’organiser la surveillance de la qualité de
l’air et de mettre différents plans en action (Plan
Régional de la Qualité de l’Air (PRQA), Plan de
Protection de l’Atmosphère (PPA),…). Ces dispositions permettent d’étudier, de surveiller la qualité de l’air, d’informer la population. Depuis une
trentaine d’années, du fait de l’évolution et de la
diversification des sources, la pollution est devenue de plus en plus complexe, constituant maintenant un véritable cocktail de xénobiotiques.
Parallèlement, se sont développées les techniques d’évaluation des risques sanitaires et environnementaux dans lesquelles l’évaluation des
effets de ce cocktail a pris une place primordiale. Face à ces nouveaux enjeux, la biosurveillance végétale et fongique de la qualité de l’air peut
apporter de nombreuses informations. Son utilisation date des années 1960, même si dès la
fin du XIXe siècle, les lichens (qui font partie
des champignons) avaient été qualifiés d’hygiomètres de l’air par Nylander (1). L’objet de cet
article est de faire le point sur les différentes
composantes de la biosurveillance, de présenter
quelques exemples d’application et de mettre en
perspective la biosurveillance par rapport aux
approches physico-chimiques.
1
Université de Lille 2 – E.A. 2690 – Toxiques et Cancérogènes, Professionnels et Environnementaux – Faculté des Sciences Biologiques et Pharmaceutiques
3, rue du Professeur Laguesse – BP 83 – 59006 Lille Cedex – Tél. : 03 20 96 47 18 – Fax : 03 20 95 90 09 – E-mails : [email protected]
[email protected]
2
Association pour la Prévention de la Pollution Atmosphérique (A.P.P.A.) – comité Nord-Pas de Calais – 235, avenue de la Recherche – BP 86 – 59373 Loos cedex –
Tél. : 03 20 31 71 57 – Fax : 03 20 21 8740 – E-mail : [email protected]
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II - Définitions et concepts
La biosurveillance a été définie par Garrec et Van
Haluwyn (2) comme « l’utilisation des réponses à
tous les niveaux d’organisation biologique (moléculaire, biochimique, cellulaire, physiologique, tissulaire, morphologique, écologique) d’un organisme
ou d’un ensemble d’organismes pour prévoir et/ou
révéler une altération de l’environnement et pour
en suivre l’évolution. »
La biosurveillance regroupe quatre concepts :
• l’utilisation de biomarqueurs : qui se base sur
l’observation, au niveau individuel, d’altérations
(moléculaires, biochimiques, cellulaires, physiologiques) non visibles. On distingue les biomarqueurs d’effets et d’exposition. Ce domaine est
actuellement celui qui connaît le plus important
développement fondamental.
• la bioindication : qui est l’observation d’altérations visibles de l’organisme (par exemple la formation de nécroses foliaires).
• la biointégration : qui consiste en l’observation
de la modification de la présence, de l’abondance
d’espèces au sein de populations, de communautés. Actuellement ce concept est notamment utilisé pour l’étude des changements d’aires de répartition ou de disparition d’espèces imputables au
changement climatique.
Ces trois premiers concepts font appel à des réactions physiologiques (au sens large) des organismes.
• la bioaccumulation : se fonde sur la capacité de
certains organismes à accumuler les polluants à
une concentration supérieure à celle observée dans
l’air. Dans ce cas, les polluants et leurs concentrations doivent être déterminés, après extraction, à
l’aide de techniques analytiques (ICP/MS, LC ou
GC/MS…). La bioaccumulation est extrêmement
utilisée et peut s’intégrer dans l’évaluation des risques pour la santé humaine, notamment dans le
cas d’accumulation de polluants dans des plantes
cultivées alimentaires.
Ces quatre concepts s’articulent selon les niveaux
d’organisation biologique. Leur association relie sur le plan fondamental la biosurveillance à
l’écotoxicologie. Ce point est important car l’objet
principal de la biosurveillance est l’étude des effets
des polluants atmosphériques, comme nous allons
le présenter dans les paragraphes qui suivent.
1. Biointégration : évaluation de la qualité
globale de l’air à l’aide des lichens.
La pollution atmosphérique est un cocktail de polluants
complexe et dynamique. S’il est possible de caractériser en laboratoire les impacts d’un polluant, les effets
(synergiques, antagonistes,…) qui s’exercent dans le
cas d’expositions multiples restent encore de nos jours
très difficiles à appréhender. Sur le terrain, des approches globales d’évaluation des impacts de la qualité de
l’air se sont développées, telles que celles utilisant les
lichens épiphytes (se développant sur les troncs d’arbres) comme biointégrateurs. Il est possible de retrouver des informations sur l’utilisation des lichens dès le
XIXe siècle, mais c’est au cours des années 1970 que
les méthodes se sont formalisées avec notamment
les travaux d’Hawksworth et Rose (3). Leur approche
était principalement focalisée sur les effets du dioxyde
de soufre (SO2) qui constituait alors le polluant atmosphérique majoritaire. Cependant, au cours des années
1950 et 1960, certains auteurs (tels que Iserentant, de
Sloover, Jones, Skye) ont observé que le suivi des communautés de lichens épiphytes apportait une meilleure
information que celui d’espèces isolées (1). Ces travaux
ont abouti à la mise au point de différentes méthodes
d’évaluation globale de la qualité de l’air. Ainsi, Van
Haluwyn et Lerond (4) ont réalisé, à l’aide d’outils phytosociologiques, une échelle d’estimation comprenant
7 niveaux, graduée de A : impacts très importants de
la qualité de l’air sur les groupes de lichens à G : pas
d’impact significatif. Globalement, plus la qualité de
l’air se dégrade, plus les groupes de lichens épiphytes (caractérisés par différentes espèces (image 1))
s’appauvrissent. En observant ainsi les communautés de lichens épiphytes, il est possible, même sur de
grandes échelles, d’établir des cartographies des effets
en dégageant les contributions des différentes sources.
D’autres approches basées sur les communautés mais
utilisant des méthodologies différentes ont été développées en Italie ou en Allemagne. De même, Asta et
al. (5) ont publié une méthode d’estimation des impacts de la qualité globale de l’air issue d’un consensus
européen. Plus récemment, une méthode normalisée
III - Introduction aux applications
de la biosurveillance de la qualité
de l’air
Les travaux de biosurveillance sont très nombreux et il serait illusoire de vouloir en faire une
revue exhaustive. Ainsi, nous proposons dans ce
paragraphe d’illustrer les quatre niveaux de la biosurveillance par quelques exemples parmi les plus
significatifs.
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Image 1
Xanthoria parietina. Ce lichen est très répandu car il peut
se développer sur un grand nombre de substrats (murs,
toitures, arbres…). De plus, cette espèce fait partie des
communautés nitrophiles. (Photo A.P.P.A.).
Technologie appliquée
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Image 2
AFNOR issue de ces derniers travaux a été publiée (6)
et une réflexion normative est menée au niveau européen. En plus de l’évaluation des impacts de la qualité
globale de l’air, ces méthodes ont également montré
leur pertinence pour mettre en évidence les effets de
la pollution azotée (prédominance de communautés
nitrophiles) et ceux du changement climatique (avec
par exemple, la modification des aires de répartition
des espèces notamment vers le nord).
Plant de tabac,
variété Bel W3
présentant des
nécroses foliaires
typiques, causées
par l’ozone. (Photo
A.P.P.A.).
2. La biosurveillance de l’ozone
L’ozone est un polluant largement répandu, régulièrement responsable du déclenchement de procédures par les Associations Agréées de Surveillance de la
Qualité de l’Air (AASQA), et ayant des impacts sanitaires avérés notamment sur l’appareil respiratoire. Il
est également très phytotoxique et provoque des baisses significatives des rendements de certaines cultures
ainsi que des dégâts sur les écosystèmes naturels. Actuellement, l’ozone est le polluant le plus couramment
étudié, pour ses effets, à l’aide de la biosurveillance.
Dans la grande majorité des cas, c’est le tabac (Nicotiana tabacum) qui est utilisé comme bioindicateur.
Nous disposons de trois variétés de sensibilité croissante (Bel B, Bel C et Bel W3), la première étant utilisée comme témoin. A partir d’une concentration
de 80 μg.m-3, l’ozone provoque des nécroses foliaires
blanchâtres (image 2).
La surface foliaire nécrosée augmente en fonction de
la concentration et du temps d’exposition. Pour ce
type d’étude, les plants de tabac implantés sur les sites
sont lus toutes les semaines. Une méthodologie complète vient d’être publiée par l’AFNOR (7) avec là aussi
une démarche de normalisation européenne engagée.
Aux aspects scientifiques, il convient d’ajouter que la
bioindication est un excellent support pédagogique
couramment utilisé par des écoles comme par des associations pour sensibiliser le public à la pollution de
l’air.
3. Les biomarqueurs
Les concentrations atmosphériques de certains
polluants (comme le SO2) ont diminué de telle façon qu’actuellement ils ne provoquent plus d’effets
macroscopiques chez les végétaux. De plus, d‘autres
composés (comme les composés organiques volatils
(COV)) présentent une phytotoxicité faible mais leur
importance est croissante et ils se caractérisent par des
effets néfastes avérés sur la santé. C’est pourquoi il est
devenu nécessaire d’obtenir des données environnementales sur ces polluants, notamment en développant la recherche de biomarqueurs. Celle-ci, du fait
des progrès des connaissances fondamentales et des
techniques est en plein essor. Ces biomarqueurs font
partie des mécanismes de stress (donc des phénomènes précoces) que subissent les organismes lorsqu’ils
sont exposés aux polluants. Il est possible de rechercher des marqueurs montrant l’exposition et/ou les effets des polluants. Parmi les mécanismes les plus étudiés nous pouvons citer le stress oxydant, mais nous
présenterons ici quelques marqueurs de génotoxicité.
Ces derniers (développés chez plusieurs espèces végétales) sont utilisés dans les recherches concernant des
substances mutagènes, cancérigènes (tels que le benzène ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques
(HAP)). Plusieurs approches sont possibles, dont l’utilisation d’un test de génotoxicité comme le test Tradescantia-micronoyau (test Trad-MCN) mis au point
par Ma (8).
Certaines substances (ou mélange de substances) vont
induire la formation de micronoyaux, par cassure de
l’ADN, lors de la multiplication des cellules mères de
pollen au sein des inflorescences. Après exposition (24
à 30h), ces inflorescences sont récoltées et observées,
après préparation, au microscope. Plus les concentrations des substances génotoxiques sont importantes,
plus le nombre de micronoyaux est élevé. Ce test a fait
l’objet de très nombreuses applications à la fois pour
l’air extérieur (cf. Rzepka pour revue (9)) et dans des
locaux (10). D’autres tests révélant les propriétés génotoxiques de la pollution atmosphérique sont disponibles comme le test des comètes appliqué aux cellules
foliaires de différentes espèces. Fondé sur la détection
au microscope, après une étape d’électrophorèse, des
cassures de l’ADN au moyen d’un marqueur fluorescent, ce test peut en outre être utilisé avec des expositions plus longues.
4. La bioaccumulation
La bioaccumulation est certainement le volet le plus
connu de la biosurveillance. De nombreux organismes, animaux comme végétaux ont d’ores et déjà
été utilisés comme bioaccumulateurs dans ce type
d’études. Il est également possible, en se basant sur
un protocole très strict, de rechercher des polluants
dans l’organisme humain, par exemple, recherche
de dioxines dans le lait maternel, de plomb dans le
sang… Parmi les polluants qui ont fait l’objet de ces
nombreux travaux, on retrouve des composés peu
dégradables et/ou qui ont un fort cœfficient de partage octanol/eau, qui s’accumulent dans les graisses,
tels que les métaux ou les polluants organiques persistants (dioxines, furanes, certains pesticides…). En
travaillant sur des végétaux consommés par l’homme, il est possible de calculer directement les doses
consommées, d’évaluer l’exposition, en combinant
lorsqu’elles existent les autres voies d’exposition,
et le risque encouru. Plus globalement, grâce à ces
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méthodes, l’accumulation des polluants au sein de réseaux trophiques complexes peut être décrite. Parmi
les végétaux les plus utilisés, le ray grass et les mousses viennent de faire l’objet d’une norme AFNOR
pour l’étude des métaux et de composés organiques
atmosphériques (11-12) (une norme européenne est
également en développement).
Les végétaux occupent une place clé dans les écosystèmes naturels en tant que producteurs de matière
organique. Ils sont ainsi à la base des chaînes alimentaires. De plus, de par leur culture ils ont une importance considérable pour l’alimentation humaine et
les activités associées à leur exploitation représentent un pan fondamental de l’économie mondiale.
Ces éléments font que les dégâts provoqués par les
polluants sur les végétaux peuvent avoir des conséquences majeures à de nombreux niveaux. Réciproquement, utiliser les végétaux dans la biosurveillance
apporte, on le comprend bien, des informations stratégiques. Ainsi, ils sont maintenant incontournables
dans le domaine de l’évaluation des risques pour les
écosystèmes (anthropisés ou non). Par ailleurs, des
travaux récents ont montré qu’ils peuvent être d’un
apport significatif dans l’évaluation du risque sanitaire. Nous avons préalablement cité les cas où des
végétaux contaminés sont consommés par l’homme.
Mais leur utilisation ne se borne pas à ce cas. Ainsi,
concernant la pollution atmosphérique en général,
Cislaghi & Nimis (13) ont comparé la cartographie
de la mortalité par cancers pulmonaires avec celle des
index de biodiversité lichénique (en Vénitie, Nord de
l’Italie). Les résultats montrent une correspondance
importante entre les deux cartographies obtenues.
Ainsi, les zones où les polluants atmosphériques
ont un impact important sur la diversité lichénique
sont également celles où la mortalité par cancer du
poumon est élevée ; on notera que l’influence du
tabac sur l’incidence de cette pathologie a été prise
en compte dans l’analyse statistique. Wappelhorst
et al. (14) ont observé différentes associations entre
les concentrations en métaux dans les mousses et
plusieurs pathologies dans différents districts de la
Neisse, une eurorégion (NDR : une zone de collaboration transfrontalière), englobant des territoires
frontaliers d’Allemagne, de Pologne et de République
Tchèque. Des corrélations positives significatives ont
été obtenues, par exemple, entre les concentrations
en Ce, Fe, Ga et Ge avec l’incidence des tumeurs de la
trachée, des bronches, des poumons et des pathologies de la peau et des tissus sous cutanés. De même,
les concentrations de thallium sont positivement
corrélées avec les incidences des pathologies cardiovasculaires, de l’hypertension artérielle, de l’infarctus
du myocarde, des pathologies ischémiques et des
broncho-pneumopathies chroniques obstructives.
Pour ces auteurs, les corrélations positives témoignent que l’augmentation des dépôts des éléments
concernés dans l’environnement provoque ou favorise les pathologies. De la même manière, toujours
dans des mousses, Wolterbeck & Verburg (15) ont
étudié les correspondances entre les concentrations
de 24 éléments, la mortalité et la survenue de diverses pathologies, aux Pays-Bas. Selon ces auteurs, les
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concentrations observées dans les mousses peuvent
être utilisées lors d’études de corrélation avec des
données sanitaires (incidence de pathologies et mortalité). Un travail similaire a été réalisé par Sarmento
et al. (16) en utilisant les lichens. Le test Trad-MCN
a également été intégré dans les études épidémiologiques. Ainsi, il a été associé au test des comètes,
réalisé sur les leucocytes humains, dans l’étude des
effets toxiques et mutagènes de polluants de l’air
présents en ambiance industrielle dans une usine de
caoutchouc (10). De même, il a été couplé à la recherche de biomarqueurs de cancérogenèse dans le
sérum humain lors d’une étude de corrélation entre
la génotoxicité environnementale et le risque de cancers chez l’homme à proximité de décharges et d’une
usine de production d’électricité (17).
Ces quelques exemples montrent que l’intégration
de la biosurveillance dans une démarche d’évaluation des risques sanitaires est pertinente. Il ne s’agit
pas d’extrapoler des résultats obtenus chez des organismes végétaux sentinelles directement à l’homme
mais plus de les utiliser comme de premiers indicateurs du risque.
IV - Approches physico-chimiques
et biologiques de la qualité de l’air
Pendant de nombreuses années, les rôles relatifs de
ces deux approches ont été discutés et parfois opposés. Il apparaît de nos jours clairement qu’elles ne
sont pas substitutives mais complémentaires. En effet, elles ne répondent pas aux mêmes questions. Les
techniques physico-chimiques sont incontournables
dès lors que l’on souhaite caractériser la pollution atmosphérique (émissions et/ou immissions) par rapport à des données réglementaires (par exemple : les
rejets d’une installation respectent-ils la réglementation ? Les immissions correspondent-elles aux critères de qualité ?). De fait, celles-ci sont toujours exprimées sous forme d’une concentration, que seules les
techniques physico-chimiques peuvent fournir. Les
observations réalisées chez les organismes, même les
concentrations mesurées au sein des tissus, ne peuvent être reliées directement, sans risque d’erreurs
importantes, aux concentrations atmosphériques.
En effet, établir cette relation reviendrait à négliger
toutes les variables liées à l’exposition (temps d’exposition, paramètres climatiques, capacité de rétention,
de métabolisation, d’élimination,…). Ceci s’observe
par exemple chez les plants de tabac qui, exposés à
des concentrations d’ozone identiques, peuvent présenter des atteintes foliaires différentes à cause des
paramètres micro environnementaux sur les stations.
En revanche, comparer les résultats obtenus chez la
même espèce, récoltée en même temps, apporte des
données tout à fait fiables sur les contaminations relatives des différents sites et sur les effets exercés. A
l’opposé, une valeur de concentration, à elle seule, ne
renseigne pas sur les effets biologiques (au sens large) des polluants. Ainsi, c’est en fonction de la question posée et du degré de précision souhaité, qu’il
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conviendra d’établir une stratégie faisant appel à l’une
de ces deux approches ou les deux associées. Cependant, compte tenu de l’évolution réglementaire
dans l’évaluation des risques, on s’aperçoit que seule
l’utilisation conjointe des deux approches permettra d’apporter les réponses nécessaires. Ces travaux
de biosurveillance peuvent être menés localement
(à proximité d’une source, dans une agglomération
ou une région) mais aussi, et cela est un avantage
notable, à des échelles beaucoup plus importantes,
comme ce fut le cas pour le programme Eurobionet.
Intégré au programme, Life Environment de l’Union
Européenne, Eurobionet a associé onze villes européennes dont notamment en France les communautés urbaines de Lyon et Nancy (tous les détails
sur Eurobionet, sont disponibles en ligne à l’URL
https://www.uni-hohenheim.de/eurobionet/).
V - Conclusion
La biosurveillance végétale de la qualité de l’air est une
méthode qui a fait ses preuves dans de nombreux domaines d’application. Elle fait l’objet de continuelles
recherches notamment pour le développement de
marqueurs de plus en plus précoces et spécifiques. Elle
apporte ainsi des informations fondamentales sur les
impacts de la qualité de l’air en parfaite complémentarité avec les données issues des techniques d’analyse
physico-chimiques. L’évolution de la réglementation
concernant notamment les installations classées permet d’envisager l’accroissement de ces applications
dans le domaine de l’évaluation des risques environnementaux et sanitaires. La récente normalisation de
différentes méthodes permettra également le développement des utilisations.
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