TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
34 SPECTRA ANALYSE n° 264 • Novembre 2008
méthodes, l’accumulation des polluants au sein de ré-
seaux trophiques complexes peut être décrite. Parmi
les végétaux les plus utilisés, le ray grass et les mous-
ses viennent de faire l’objet d’une norme AFNOR
pour l’étude des métaux et de composés organiques
atmosphériques (11-12) (une norme européenne est
également en développement).
Les végétaux occupent une place clé dans les écosys-
tèmes naturels en tant que producteurs de matière
organique. Ils sont ainsi à la base des chaînes alimen-
taires. De plus, de par leur culture ils ont une impor-
tance considérable pour l’alimentation humaine et
les activités associées à leur exploitation représen-
tent un pan fondamental de l’économie mondiale.
Ces éléments font que les dégâts provoqués par les
polluants sur les végétaux peuvent avoir des consé-
quences majeures à de nombreux niveaux. Récipro-
quement, utiliser les végétaux dans la biosurveillance
apporte, on le comprend bien, des informations stra-
tégiques. Ainsi, ils sont maintenant incontournables
dans le domaine de l’évaluation des risques pour les
écosystèmes (anthropisés ou non). Par ailleurs, des
travaux récents ont montré qu’ils peuvent être d’un
apport signifi catif dans l’évaluation du risque sani-
taire. Nous avons préalablement cité les cas où des
végétaux contaminés sont consommés par l’homme.
Mais leur utilisation ne se borne pas à ce cas. Ainsi,
concernant la pollution atmosphérique en général,
Cislaghi & Nimis (13) ont comparé la cartographie
de la mortalité par cancers pulmonaires avec celle des
index de biodiversité lichénique (en Vénitie, Nord de
l’Italie). Les résultats montrent une correspondance
importante entre les deux cartographies obtenues.
Ainsi, les zones où les polluants atmosphériques
ont un impact important sur la diversité lichénique
sont également celles où la mortalité par cancer du
poumon est élevée ; on notera que l’infl uence du
tabac sur l’incidence de cette pathologie a été prise
en compte dans l’analyse statistique. Wappelhorst
et al. (14) ont observé diff érentes associations entre
les concentrations en métaux dans les mousses et
plusieurs pathologies dans diff érents districts de la
Neisse, une eurorégion (NDR : une zone de colla-
boration transfrontalière), englobant des territoires
frontaliers d’Allemagne, de Pologne et de République
Tchèque. Des corrélations positives signifi catives ont
été obtenues, par exemple, entre les concentrations
en Ce, Fe, Ga et Ge avec l’incidence des tumeurs de la
trachée, des bronches, des poumons et des patholo-
gies de la peau et des tissus sous cutanés. De même,
les concentrations de thallium sont positivement
corrélées avec les incidences des pathologies cardio-
vasculaires, de l’hypertension artérielle, de l’infarctus
du myocarde, des pathologies ischémiques et des
broncho-pneumopathies chroniques obstructives.
Pour ces auteurs, les corrélations positives témoi-
gnent que l’augmentation des dépôts des éléments
concernés dans l’environnement provoque ou favo-
rise les pathologies. De la même manière, toujours
dans des mousses, Wolterbeck & Verburg (15) ont
étudié les correspondances entre les concentrations
de 24 éléments, la mortalité et la survenue de diver-
ses pathologies, aux Pays-Bas. Selon ces auteurs, les
concentrations observées dans les mousses peuvent
être utilisées lors d’études de corrélation avec des
données sanitaires (incidence de pathologies et mor-
talité). Un travail similaire a été réalisé par Sarmento
et al. (16) en utilisant les lichens. Le test Trad-MCN
a également été intégré dans les études épidémio-
logiques. Ainsi, il a été associé au test des comètes,
réalisé sur les leucocytes humains, dans l’étude des
eff ets toxiques et mutagènes de polluants de l’air
présents en ambiance industrielle dans une usine de
caoutchouc (10). De même, il a été couplé à la re-
cherche de biomarqueurs de cancérogenèse dans le
sérum humain lors d’une étude de corrélation entre
la génotoxicité environnementale et le risque de can-
cers chez l’homme à proximité de décharges et d’une
usine de production d’électricité (17).
Ces quelques exemples montrent que l’intégration
de la biosurveillance dans une démarche d’évalua-
tion des risques sanitaires est pertinente. Il ne s’agit
pas d’extrapoler des résultats obtenus chez des orga-
nismes végétaux sentinelles directement à l’homme
mais plus de les utiliser comme de premiers indica-
teurs du risque.
IV - Approches physico-chimiques
et biologiques de la qualité de l’air
Pendant de nombreuses années, les rôles relatifs de
ces deux approches ont été discutés et parfois op-
posés. Il apparaît de nos jours clairement qu’elles ne
sont pas substitutives mais complémentaires. En ef-
fet, elles ne répondent pas aux mêmes questions. Les
techniques physico-chimiques sont incontournables
dès lors que l’on souhaite caractériser la pollution at-
mosphérique (émissions et/ou immissions) par rap-
port à des données réglementaires (par exemple : les
rejets d’une installation respectent-ils la réglementa-
tion ? Les immissions correspondent-elles aux critè-
res de qualité ?). De fait, celles-ci sont toujours expri-
mées sous forme d’une concentration, que seules les
techniques physico-chimiques peuvent fournir. Les
observations réalisées chez les organismes, même les
concentrations mesurées au sein des tissus, ne peu-
vent être reliées directement, sans risque d’erreurs
importantes, aux concentrations atmosphériques.
En eff et, établir cette relation reviendrait à négliger
toutes les variables liées à l’exposition (temps d’expo-
sition, paramètres climatiques, capacité de rétention,
de métabolisation, d’élimination,…). Ceci s’observe
par exemple chez les plants de tabac qui, exposés à
des concentrations d’ozone identiques, peuvent pré-
senter des atteintes foliaires diff érentes à cause des
paramètres micro environnementaux sur les stations.
En revanche, comparer les résultats obtenus chez la
même espèce, récoltée en même temps, apporte des
données tout à fait fi ables sur les contaminations re-
latives des diff érents sites et sur les eff ets exercés. A
l’opposé, une valeur de concentration, à elle seule, ne
renseigne pas sur les eff ets biologiques (au sens lar-
ge) des polluants. Ainsi, c’est en fonction de la ques-
tion posée et du degré de précision souhaité, qu’il