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SPECTRA ANALYSE 264 Novembre 2008
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
DAMIEN CUNY1, MARIEAMÉLIE RZEPKA2, CHANTAL VAN HALUWYN1
1Université de Lille 2 – E.A. 2690 – Toxiques et Cancérogènes, Professionnels et Environnementaux – Faculté des Sciences Biologiques et Pharmaceutiques
3, rue du Professeur Laguesse – BP 83 – 59006 Lille Cedex Tél. : 03 20 96 47 18 – Fax : 03 20 95 90 09 – E-mails : [email protected]
2Association pour la Prévention de la Pollution Atmosphérique (A.P.P.A.) – comité Nord-Pas de Calais – 235, avenue de la Recherche – BP 86 – 59373 Loos cedex –
Tél. : 03 20 31 71 57 – Fax : 03 20 21 8740 – E-mail : [email protected]
Stratégie
ég
égi
RÉSUMÉ
La biosurveillance végétale de la qualité de l’air est une discipline, intégrée à l’écotoxicologie, regroupant
quatre concepts (biointégration, bioindication, utilisation des biomarqueurs et bioaccumulation). Chacun a fait
l’objet de très nombreuses applications afi n de caractériser les eff ets des polluants atmosphériques à diff érents
niveaux d’organisation biologique. La biosurveillance est complémentaire et non substitutive aux mesures
physico-chimiques. Les demandes de plus en plus importantes quant aux évaluations des risques sanitaires
et environnementaux liés à la pollution atmosphérique devraient augmenter encore le spectre déjà large des
applications de la biosurveillance.
MOTS-CLÉS
Biosurveillance, plantes, lichens, méthodes, évaluation des risques.
Plant and fungal biomonitoring of atmospheric pollution. Introduction to the
concept and its interest
SUMMARY
Plant biomonitoring of atmospheric pollution is included in ecotoxicology and concerns different physiologic levels. Many
works were done using plants and lichens to assess xenobiotic impact. Biomonitoring is complementary to physico-
chemical methods. Needs for environmental and health risk assessments linked to atmospheric pollution should increase
the use and applications of biomonitoring with plants.
KEYWORDS
Biomonitoring, plants, lichens, methods, risk assessment.
Introduction à la biosurveillance
végétale et fongique de la qualité
de lair, concept et intérêt
I - Introduction
Les sondages montrent d’une manière redondan-
te que la qualité de l’air reste une préoccupation
environnementale majeure des français. La loi sur
l’air et l’utilisation rationnelle de l’énergie de 1996
a permis d’organiser la surveillance de la qualité de
l’air et de mettre diff érents plans en action (Plan
Régional de la Qualité de l’Air (PRQA), Plan de
Protection de l’Atmosphère (PPA),…). Ces dispo-
sitions permettent d’étudier, de surveiller la qua-
lité de l’air, d’informer la population. Depuis une
trentaine d’années, du fait de l’évolution et de la
diversifi cation des sources, la pollution est deve-
nue de plus en plus complexe, constituant main-
tenant un véritable cocktail de xénobiotiques.
Parallèlement, se sont développées les techni-
ques d’évaluation des risques sanitaires et envi-
ronnementaux dans lesquelles l’évaluation des
effets de ce cocktail a pris une place primordia-
le. Face à ces nouveaux enjeux, la biosurveillan-
ce végétale et fongique de la qualité de l’air peut
apporter de nombreuses informations. Son uti-
lisation date des années 1960, même si dès la
fin du XIXe siècle, les lichens (qui font partie
des champignons) avaient été qualifiés d’hygio-
mètres de l’air par Nylander (1). Lobjet de cet
article est de faire le point sur les différentes
composantes de la biosurveillance, de présenter
quelques exemples d’application et de mettre en
perspective la biosurveillance par rapport aux
approches physico-chimiques.
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
32 SPECTRA ANALYSE 264 Novembre 2008
II - Défi nitions et concepts
La biosurveillance a été défi nie par Garrec et Van
Haluwyn (2) comme « l’utilisation des réponses à
tous les niveaux dorganisation biologique (molécu-
laire, biochimique, cellulaire, physiologique, tissu-
laire, morphologique, écologique) d’un organisme
ou d’un ensemble dorganismes pour prévoir et/ou
révéler une altération de lenvironnement et pour
en suivre lévolution. »
La biosurveillance regroupe quatre concepts :
l’utilisation de biomarqueurs : qui se base sur
l’observation, au niveau individuel, d’altérations
(moléculaires, biochimiques, cellulaires, physio-
logiques) non visibles. On distingue les biomar-
queurs d’eff ets et d’exposition. Ce domaine est
actuellement celui qui connaît le plus important
développement fondamental.
• la bioindication : qui est l’observation d’altéra-
tions visibles de l’organisme (par exemple la for-
mation de nécroses foliaires).
• la biointégration : qui consiste en l’observation
de la modifi cation de la présence, de l’abondance
d’espèces au sein de populations, de communau-
tés. Actuellement ce concept est notamment uti-
lisé pour l’étude des changements d’aires de répar-
tition ou de disparition d’espèces imputables au
changement climatique.
Ces trois premiers concepts font appel à des réac-
tions physiologiques (au sens large) des organis-
mes.
• la bioaccumulation : se fonde sur la capacité de
certains organismes à accumuler les polluants à
une concentration supérieure à celle observée dans
l’air. Dans ce cas, les polluants et leurs concentra-
tions doivent être déterminés, après extraction, à
l’aide de techniques analytiques (ICP/MS, LC ou
GC/MS…). La bioaccumulation est extrêmement
utilisée et peut s’intégrer dans l’évaluation des ris-
ques pour la santé humaine, notamment dans le
cas d’accumulation de polluants dans des plantes
cultivées alimentaires.
Ces quatre concepts s’articulent selon les niveaux
d’organisation biologique. Leur association re-
lie sur le plan fondamental la biosurveillance à
l’écotoxicologie. Ce point est important car l’objet
principal de la biosurveillance est l’étude des eff ets
des polluants atmosphériques, comme nous allons
le présenter dans les paragraphes qui suivent.
III - Introduction aux applications
de la biosurveillance de la qualité
de l’air
Les travaux de biosurveillance sont très nom-
breux et il serait illusoire de vouloir en faire une
revue exhaustive. Ainsi, nous proposons dans ce
paragraphe d’illustrer les quatre niveaux de la bio-
surveillance par quelques exemples parmi les plus
signifi catifs.
1. Biointégration : évaluation de la qualité
globale de l’air à l’aide des lichens.
La pollution atmosphérique est un cocktail de polluants
complexe et dynamique. S’il est possible de caractéri-
ser en laboratoire les impacts d’un polluant, les eff ets
(synergiques, antagonistes,…) qui s’exercent dans le
cas d’expositions multiples restent encore de nos jours
très diffi ciles à appréhender. Sur le terrain, des appro-
ches globales d’évaluation des impacts de la qualité de
l’air se sont développées, telles que celles utilisant les
lichens épiphytes (se développant sur les troncs d’ar-
bres) comme biointégrateurs. Il est possible de retrou-
ver des informations sur l’utilisation des lichens dès le
XIXe siècle, mais c’est au cours des années 1970 que
les méthodes se sont formalisées avec notamment
les travaux d’Hawksworth et Rose (3). Leur approche
était principalement focalisée sur les eff ets du dioxyde
de soufre (SO2) qui constituait alors le polluant atmos-
phérique majoritaire. Cependant, au cours des années
1950 et 1960, certains auteurs (tels que Iserentant, de
Sloover, Jones, Skye) ont observé que le suivi des com-
munautés de lichens épiphytes apportait une meilleure
information que celui d’espèces isolées (1). Ces travaux
ont abouti à la mise au point de diff érentes thodes
d’évaluation globale de la qualité de l’air. Ainsi, Van
Haluwyn et Lerond (4) ont réalisé, à l’aide d’outils phy-
tosociologiques, une échelle d’estimation comprenant
7 niveaux, graduée de A : impacts très importants de
la qualité de l’air sur les groupes de lichens à G : pas
d’impact signifi catif. Globalement, plus la qualité de
l’air se dégrade, plus les groupes de lichens épiphy-
tes (caractérisés par diff érentes espèces (image 1))
s’appauvrissent. En observant ainsi les communau-
tés de lichens épiphytes, il est possible, même sur de
grandes échelles, d’établir des cartographies des eff ets
en dégageant les contributions des diff érentes sources.
D’autres approches basées sur les communautés mais
utilisant des méthodologies diff érentes ont été déve-
loppées en Italie ou en Allemagne. De même, Asta et
al. (5) ont publié une méthode d’estimation des im-
pacts de la qualité globale de l’air issue d’un consensus
européen. Plus récemment, une méthode normalisée
Image 1
Xanthoria parietina. Ce lichen est très répandu car il peut
se développer sur un grand nombre de substrats (murs,
toitures, arbres…). De plus, cette espèce fait partie des
communautés nitrophiles. (Photo A.P.P.A.).
Technologie appliquée
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SPECTRA ANALYSE 264 Novembre 2008
Introduction à la biosurveillance végétale et fongique de la qualité de l’air, concept et intérêt
AFNOR issue de ces derniers travaux a été publiée (6)
et une réfl exion normative est menée au niveau euro-
en. En plus de l’évaluation des impacts de la qualité
globale de l’air, ces méthodes ont également montré
leur pertinence pour mettre en évidence les eff ets de
la pollution azotée (prédominance de communautés
nitrophiles) et ceux du changement climatique (avec
par exemple, la modifi cation des aires de répartition
des espèces notamment vers le nord).
2. La biosurveillance de l’ozone
Lozone est un polluant largement répandu, réguliè-
rement responsable du déclenchement de procédu-
res par les Associations Agréées de Surveillance de la
Qualité de l’Air (AASQA), et ayant des impacts sani-
taires avérés notamment sur l’appareil respiratoire. Il
est également très phytotoxique et provoque des bais-
ses signifi catives des rendements de certaines cultures
ainsi que des dégâts sur les écosystèmes naturels. Ac-
tuellement, l’ozone est le polluant le plus couramment
étudié, pour ses eff ets, à l’aide de la biosurveillance.
Dans la grande majorité des cas, c’est le tabac (Nico-
tiana tabacum) qui est utilisé comme bioindicateur.
Nous disposons de trois variétés de sensibilité crois-
sante (Bel B, Bel C et Bel W3), la première étant uti-
lisée comme témoin. A partir d’une concentration
de 80 μg.m-3, l’ozone provoque des nécroses foliaires
blanchâtres (image 2).
La surface foliaire nécrosée augmente en fonction de
la concentration et du temps d’exposition. Pour ce
type d’étude, les plants de tabac implantés sur les sites
sont lus toutes les semaines. Une méthodologie com-
plète vient d’être publiée par l’AFNOR (7) avec là aussi
une démarche de normalisation européenne engagée.
Aux aspects scientifi ques, il convient d’ajouter que la
bioindication est un excellent support pédagogique
couramment utilisé par des écoles comme par des as-
sociations pour sensibiliser le public à la pollution de
l’air.
3. Les biomarqueurs
Les concentrations atmosphériques de certains
polluants (comme le SO2) ont diminué de telle fa-
çon qu’actuellement ils ne provoquent plus d’eff ets
macroscopiques chez les végétaux. De plus, d‘autres
composés (comme les composés organiques volatils
(COV)) présentent une phytotoxicité faible mais leur
importance est croissante et ils se caractérisent par des
eff ets néfastes avérés sur la santé. Cest pourquoi il est
devenu nécessaire d’obtenir des données environne-
mentales sur ces polluants, notamment en dévelop-
pant la recherche de biomarqueurs. Celle-ci, du fait
des progrès des connaissances fondamentales et des
techniques est en plein essor. Ces biomarqueurs font
partie des mécanismes de stress (donc des phénomè-
nes précoces) que subissent les organismes lorsqu’ils
sont exposés aux polluants. Il est possible de recher-
cher des marqueurs montrant l’exposition et/ou les ef-
fets des polluants. Parmi les mécanismes les plus étu-
diés nous pouvons citer le stress oxydant, mais nous
présenterons ici quelques marqueurs de génotoxicité.
Ces derniers (développés chez plusieurs espèces végé-
tales) sont utilisés dans les recherches concernant des
substances mutagènes, cancérigènes (tels que le ben-
zène ou les hydrocarbures aromatiques polycycliques
(HAP)). Plusieurs approches sont possibles, dont l’uti-
lisation d’un test de génotoxicité comme le test Tra-
descantia-micronoyau (test Trad-MCN) mis au point
par Ma (8).
Certaines substances (ou mélange de substances) vont
induire la formation de micronoyaux, par cassure de
l’ADN, lors de la multiplication des cellules mères de
pollen au sein des infl orescences. Après exposition (24
à 30h), ces infl orescences sont récoltées et observées,
après préparation, au microscope. Plus les concentra-
tions des substances génotoxiques sont importantes,
plus le nombre de micronoyaux est élevé. Ce test a fait
l’objet de très nombreuses applications à la fois pour
l’air extérieur (cf. Rzepka pour revue (9)) et dans des
locaux (10). Dautres tests révélant les propriétés gé-
notoxiques de la pollution atmosphérique sont dispo-
nibles comme le test des comètes appliqué aux cellules
foliaires de diff érentes espèces. Fondé sur la détection
au microscope, après une étape d’électrophorèse, des
cassures de l’ADN au moyen d’un marqueur fl uores-
cent, ce test peut en outre être utilisé avec des exposi-
tions plus longues.
4. La bioaccumulation
La bioaccumulation est certainement le volet le plus
connu de la biosurveillance. De nombreux organis-
mes, animaux comme végétaux ont d’ores et déjà
été utilisés comme bioaccumulateurs dans ce type
d’études. Il est également possible, en se basant sur
un protocole très strict, de rechercher des polluants
dans l’organisme humain, par exemple, recherche
de dioxines dans le lait maternel, de plomb dans le
sang… Parmi les polluants qui ont fait l’objet de ces
nombreux travaux, on retrouve des composés peu
dégradables et/ou qui ont un fort cœffi cient de par-
tage octanol/eau, qui s’accumulent dans les graisses,
tels que les métaux ou les polluants organiques per-
sistants (dioxines, furanes, certains pesticides…). En
travaillant sur des végétaux consommés par l’hom-
me, il est possible de calculer directement les doses
consommées, d’évaluer l’exposition, en combinant
lorsqu’elles existent les autres voies d’exposition,
et le risque encouru. Plus globalement, grâce à ces
Image 2
Plant de tabac,
variété Bel W3
présentant des
nécroses foliaires
typiques, causées
par l’ozone. (Photo
A.P.P.A.).
TECHNOLOGIE APPLIQUÉE
34 SPECTRA ANALYSE 264 Novembre 2008
méthodes, l’accumulation des polluants au sein de ré-
seaux trophiques complexes peut être décrite. Parmi
les végétaux les plus utilisés, le ray grass et les mous-
ses viennent de faire l’objet d’une norme AFNOR
pour l’étude des métaux et de composés organiques
atmosphériques (11-12) (une norme européenne est
également en développement).
Les végétaux occupent une place clé dans les écosys-
tèmes naturels en tant que producteurs de matière
organique. Ils sont ainsi à la base des chaînes alimen-
taires. De plus, de par leur culture ils ont une impor-
tance considérable pour l’alimentation humaine et
les activités associées à leur exploitation représen-
tent un pan fondamental de l’économie mondiale.
Ces éléments font que les dégâts provoqués par les
polluants sur les végétaux peuvent avoir des consé-
quences majeures à de nombreux niveaux. Récipro-
quement, utiliser les végétaux dans la biosurveillance
apporte, on le comprend bien, des informations stra-
tégiques. Ainsi, ils sont maintenant incontournables
dans le domaine de l’évaluation des risques pour les
écosystèmes (anthropisés ou non). Par ailleurs, des
travaux récents ont montré qu’ils peuvent être d’un
apport signifi catif dans l’évaluation du risque sani-
taire. Nous avons préalablement cité les cas où des
végétaux contaminés sont consommés par l’homme.
Mais leur utilisation ne se borne pas à ce cas. Ainsi,
concernant la pollution atmosphérique en général,
Cislaghi & Nimis (13) ont comparé la cartographie
de la mortalité par cancers pulmonaires avec celle des
index de biodiversité lichénique (en Vénitie, Nord de
l’Italie). Les résultats montrent une correspondance
importante entre les deux cartographies obtenues.
Ainsi, les zones où les polluants atmosphériques
ont un impact important sur la diversité lichénique
sont également celles où la mortalité par cancer du
poumon est élevée ; on notera que l’infl uence du
tabac sur l’incidence de cette pathologie a été prise
en compte dans l’analyse statistique. Wappelhorst
et al. (14) ont observé diff érentes associations entre
les concentrations en métaux dans les mousses et
plusieurs pathologies dans diff érents districts de la
Neisse, une eurorégion (NDR : une zone de colla-
boration transfrontalière), englobant des territoires
frontaliers d’Allemagne, de Pologne et de République
Tchèque. Des corrélations positives signifi catives ont
été obtenues, par exemple, entre les concentrations
en Ce, Fe, Ga et Ge avec l’incidence des tumeurs de la
trachée, des bronches, des poumons et des patholo-
gies de la peau et des tissus sous cutanés. De même,
les concentrations de thallium sont positivement
corrélées avec les incidences des pathologies cardio-
vasculaires, de l’hypertension artérielle, de l’infarctus
du myocarde, des pathologies ischémiques et des
broncho-pneumopathies chroniques obstructives.
Pour ces auteurs, les corrélations positives témoi-
gnent que l’augmentation des dépôts des éléments
concernés dans l’environnement provoque ou favo-
rise les pathologies. De la même manière, toujours
dans des mousses, Wolterbeck & Verburg (15) ont
étudié les correspondances entre les concentrations
de 24 éléments, la mortalité et la survenue de diver-
ses pathologies, aux Pays-Bas. Selon ces auteurs, les
concentrations obseres dans les mousses peuvent
être utilisées lors d’études de corrélation avec des
données sanitaires (incidence de pathologies et mor-
talité). Un travail similaire a été réalisé par Sarmento
et al. (16) en utilisant les lichens. Le test Trad-MCN
a également été intégré dans les études épidémio-
logiques. Ainsi, il a été associé au test des comètes,
réalisé sur les leucocytes humains, dans l’étude des
eff ets toxiques et mutagènes de polluants de l’air
présents en ambiance industrielle dans une usine de
caoutchouc (10). De même, il a été couplé à la re-
cherche de biomarqueurs de cancérogenèse dans le
sérum humain lors d’une étude de corrélation entre
la génotoxicité environnementale et le risque de can-
cers chez l’homme à proximité de décharges et d’une
usine de production d’électricité (17).
Ces quelques exemples montrent que l’intégration
de la biosurveillance dans une démarche d’évalua-
tion des risques sanitaires est pertinente. Il ne s’agit
pas d’extrapoler des résultats obtenus chez des orga-
nismes végétaux sentinelles directement à l’homme
mais plus de les utiliser comme de premiers indica-
teurs du risque.
IV - Approches physico-chimiques
et biologiques de la qualité de l’air
Pendant de nombreuses années, les rôles relatifs de
ces deux approches ont été discutés et parfois op-
posés. Il apparaît de nos jours clairement qu’elles ne
sont pas substitutives mais complémentaires. En ef-
fet, elles ne répondent pas aux mêmes questions. Les
techniques physico-chimiques sont incontournables
dès lors que l’on souhaite caractériser la pollution at-
mosphérique (émissions et/ou immissions) par rap-
port à des données réglementaires (par exemple : les
rejets d’une installation respectent-ils la réglementa-
tion ? Les immissions correspondent-elles aux critè-
res de qualité ?). De fait, celles-ci sont toujours expri-
mées sous forme d’une concentration, que seules les
techniques physico-chimiques peuvent fournir. Les
observations réalisées chez les organismes, même les
concentrations mesurées au sein des tissus, ne peu-
vent être reliées directement, sans risque d’erreurs
importantes, aux concentrations atmosphériques.
En eff et, établir cette relation reviendrait à négliger
toutes les variables liées à l’exposition (temps d’expo-
sition, paramètres climatiques, capacité de rétention,
de métabolisation, d’élimination,…). Ceci s’observe
par exemple chez les plants de tabac qui, exposés à
des concentrations d’ozone identiques, peuvent pré-
senter des atteintes foliaires diff érentes à cause des
paramètres micro environnementaux sur les stations.
En revanche, comparer les résultats obtenus chez la
même espèce, récoltée en même temps, apporte des
données tout à fait fi ables sur les contaminations re-
latives des diff érents sites et sur les eff ets exercés. A
l’opposé, une valeur de concentration, à elle seule, ne
renseigne pas sur les eff ets biologiques (au sens lar-
ge) des polluants. Ainsi, cest en fonction de la ques-
tion posée et du degré de précision souhaité, qu’il
Technologie appliquée
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SPECTRA ANALYSE 264 Novembre 2008
Introduction à la biosurveillance végétale et fongique de la qualité de l’air, concept et intérêt
conviendra d’établir une stratégie faisant appel à l’une
de ces deux approches ou les deux associées. Ce-
pendant, compte tenu de l’évolution réglementaire
dans l’évaluation des risques, on s’aperçoit que seule
l’utilisation conjointe des deux approches permet-
tra d’apporter les réponses nécessaires. Ces travaux
de biosurveillance peuvent être menés localement
(à proximité d’une source, dans une agglomération
ou une région) mais aussi, et cela est un avantage
notable, à des échelles beaucoup plus importantes,
comme ce fut le cas pour le programme Eurobionet.
Intégré au programme, Life Environment de l’Union
Européenne, Eurobionet a associé onze villes euro-
ennes dont notamment en France les commu-
nautés urbaines de Lyon et Nancy (tous les détails
sur Eurobionet, sont disponibles en ligne à l’URL
https://www.uni-hohenheim.de/eurobionet/).
V - Conclusion
La biosurveillance végétale de la qualité de l’air est une
méthode qui a fait ses preuves dans de nombreux do-
maines d’application. Elle fait l’objet de continuelles
recherches notamment pour le développement de
marqueurs de plus en plus précoces et spécifi ques. Elle
apporte ainsi des informations fondamentales sur les
impacts de la qualité de l’air en parfaite complémen-
tarité avec les données issues des techniques d’analyse
physico-chimiques. Lévolution de la réglementation
concernant notamment les installations classées per-
met d’envisager l’accroissement de ces applications
dans le domaine de l’évaluation des risques environ-
nementaux et sanitaires. La récente normalisation de
diff érentes méthodes permettra également le dévelop-
pement des utilisations.
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BIBLIOGRAPHIE
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