SYSTEME DU COMPLEMENT Interaction de > 34 protéines en cascade (semblable au système de la coagulation) qui produit une grande diversité de processus biologiques. Nombre de protéines du complément sont des enzymes qui existent dans le sérum sous forme de précurseurs inactifs (zymogènes). Beaucoup d'autres se trouvent sur la surface des cellules. Les protéines du complément représentent environ 10 % des protéines sériques, le troisième composant (C3) étant présent dans le sang à la concentration la plus élevée (environ 1,5 mg/ml). Pour les composants du système du complément, v. TAB. 146-2 et 146-3. Les 3 voies d'activation du complément sont appelées classique et alterne, et la voie du mannan binding lectin (MBL) (v. FIG. 146-4). Toutes confluent vers l'étape la plus importante de l'activation, le clivage du C3. Une voie commune finale est la voie terminale ou complexe d'attaque de la membrane (MAC). : les composants de la voie classique sont désignés par un C et un numéro (p. ex. C1 et C3). Vu l'ordre dans lequel ils ont été identifiés, les 4 premiers composants sont numérotés C1, C4, C2 et C3. Les composants de la voie alterne sont désignés par des lettres (p. ex. B, P et D). Certains composants sont dénommés facteurs (p. ex. facteur B et facteur D). Les composants activés ou complexes ont une barre au-dessus pour indiquer l'activation (p. ex. C1, C1r, C3b, Bb). Les fragments de clivage sont désignés par une lettre minuscule après le composant (p. ex. C3a et C3b sont des fragments du C3). Le C3b inactif est désigné par iC3b. Les chaînes polypeptidiques des protéines du complément sont désignées par une lettre grecque placée après le composant (p. ex. C3α et C3β sont les chaînes α et β de C3, respectivement). Les récepteurs de la membrane cellulaire pour C3 sont abrégés CR1, CR2, CR3 et CR4. Nomenclature Activation de la voie classique Activation : la voie classique (v. FIG. 146-5) est normalement activée par des Ac fixant le complément (Ac qui se lient au complément), et se trouvant dans des complexes AgAc ou sous forme d'agrégats (IgG ou IgM). Par conséquent, la voie classique agit dans le contexte de l'immunité spécifique, puisque seuls des Ac de classes spécifiques, synthétisés en réponse à une stimulation antigénique, sont capables d'activer cette voie. La macromolécule C1 est un complexe dépendant de Ca++ et consiste en 1 molécule C1q, 2 molécules C1r et 2 molécules C1s. La macromolécule C1 ne reste intacte que si du Ca++ est présent ; autrement, les sous-unités se dissocient l'une de l'autre. L'activation apparaît lorsque 2 des 6 monomères du C1q se lient aux régions Fc de 2 molécules d'IgG ou d'une molécule pentamérique d'IgM. Deux molécules d'Ig doivent être correctement espacées pour produire une activation, alors qu'une IgM unique pentamérique possède cette caractéristique structurale de façon intrinsèque. C'est pourquoi l'IgM est beaucoup plus efficace pour l'activation du complément que l'IgG. L'activité des IgG est, dans l'ordre, IgG3 > IgG1 > IgG2. Les IgG4 ne fixent pas le complément. Une fois l'Ig liée au C1q, la molécule C1q subi une modification de sa structure tertiaire, provoquant une activation autocatalytique de C1r en C1r. Le C1r clive alors un pont du C1s pour produire le C1s. Aucun fragment de clivage n'est libéré lorsque le C1r ou le C1s est clivé. Le C1s est aussi appelé C1 estérase. Le C1s peut cliver C4 en C4a et C4b. C4b, le fragment principal de clivage, se lie à une membrane si une membrane est présente. C1s peut alors cliver le C2 libre pour produire C2a et C2b, ce qui est un processus inefficace, ou peut cliver C2 en un complexe C4b, C2, pour produire C4b, C2a et C2b libre, un processus au contraire très efficace. C2a est le fragment de clivage principal de C2. Si le C2 libre a été clivé, alors C2a doit se lier au C4b pour former un complexe C4b,2a, ou bien le C2a se décomposera et restera inactif. C4b,2a est la convertase de C3 de la voie classique, enzyme qui peut cliver C3 en C3a et C3b. C2a contient le site enzymatique destiné au clivage de C3. Le complexe C4b,2a nécessite la présence de Mg, et sa décomposition en fonction du temps dépend de la température. La voie classique peut également être activée par des mécanismes indépendants des Ac. L'héparine (un anti-coagulant polyanionique) et la protamine (un polycation utilisé pour bloquer l'héparine), lorsqu'elles sont présentes ensemble en concentrations équimolaires, peuvent activer la voie classique. Divers autres polyanions (p. ex. ADN et ARN) sont présumés capables de réagir directement avec le C1q pour activer la voie classique. La protéine C réactive est capable de provoquer l'activation de la voie classique sans la présence d'Ac. Une voie de court-circuit C1 a également été décrite, qui n'utilise pas les composants de la voie classique mais aboutit également au clivage de C3. Une de celles-ci a été caractérisée comme la voie de la MBL. Régulation : la voie classique est régulée par l'inhibiteur de l'estérase C1 (C1INH ou C1q), qui se lie stoechiométriquement (1/1) à C1r et C1s et à C1r et C1s pour inactiver ces protéines de manière permanente. Le C1INH se lie également de façon stoechiométrique à la plasmine, à la kallikréïne, au facteur Hageman activé et au facteur de coagulation XIa. Son absence provoque l'oedème angioneurotique héréditaire (v. Ch. 148). Le facteur J est une glycoprotéine cationique qui inhibe aussi l'activité de C1. La protéine de liaison C4 (C4BP) défait le complexe C4b,2a, permettant au facteur I d'inactiver le C4b. Activation de la voie alterne Activation : la voie alterne (v. FIG. 146-6) est activée par des substances naturelles (p. ex. paroi cellulaire des levures, facteur du venin de cobra, facteur néphritique, paroi cellulaire bactérienne [endotoxine], GR de lapin [in vitro]) et par des agrégats d'IgA, représentant une forme de réponse immunitaire aspécifique (innée), c.-à-d. une réponse qui ne nécessite pas une sensibilisation antérieure. La voie alterne n'implique pas le C1, le C4 ou le C2 mais provoque le clivage de C3. Cette voie dépend du clivage constant de petites quantités de C3 en C3a et C3b. Ce clivage naturel de C3 est mal compris et présumé apparaître par l'action non-spécifique des enzymes sur C3 ou par une activité à bas niveau de 2 autres voies. Le C3b sert alors de substrat pour le facteur B afin de produire le complexe C3b,B. Le facteur D (une enzyme activée lorsqu'elle se trouve dans le plasma) clive le facteur B pour produire le C3b, Bb. La properdine (P) stabilise ce complexe C3b,Bb retardant sa décomposition. Le C3b,Bb et le C3b,Bb,P sont les convertases de C3 de la voie alterne, les enzymes qui peuvent cliver C3 en C3a et C3b. Bb contient le site enzymatique destiné au clivage de C3. Le complexe C3b, Bb a besoin de la présence de Mg et se décompose au fil du temps. La voie alterne est également considérée comme une voie d'amplification parce qu'un complexe C3b,Bb peut cliver plusieurs molécules C3. Cependant, l'amplification est également observée lorsque le C1s est produit et que le C4b,2a est formé. Chacune de ces enzymes peut cliver des centaines de molécules, provoquant une activation rapide du complément. Régulation : le complexe C3b,Bb de la voie alterne est régulé par différents facteurs. La properdine (P) retarde la décomposition du complexe C3b,Bb, augmentant la t min à 40 min ; les substances accélératrices de dégradation (p. ex. facteur H ou facteur d'accélération de la dégradation [DAF]), sont en compétition avec B pour se lier au C3b (p. ex. pour produire le C3b,H), réduisant la tciation du complexe en C3b et Bb. Le facteur I peut agir sur le C3b,H pour dégrader le C3b (en iC3b, C3c, C3d, C3f et C3dg). Les circonstances dans lesquelles se forme le complexe C3b,Bb détermineront si la voie alterne est activée ou non. Les surfaces sur lesquelles le complexe C3b,Bb peut s'attacher sont des surfaces activatrices (p. ex. parois des levures, GR de lapin) ou des surfaces non activatrices (p. ex. GR de mouton). Les surfaces d'activation empêchent le facteur H de se lier au C3b, tandis que les surfaces non activatrices permettent au facteur H de se lier au C3b et de dissocier le C3b,Bb. Ainsi, le complexe C3b,Bb reste actif plus longtemps sur une surface activatrice que sur une surface non activatrice. Le mécanisme décrit plus haut explique comment la voie alterne est activée in vivo. Le facteur du venin de cobra (CoVF) est semblable au C3b du cobra ; le complexe CoVF,Bb est très stable et n'est pas sensible à l'action de décomposition du facteur H. Donc, CoVF,Bb peut provoquer un clivage presque total et soudain de C3. Le facteur néphritique C3 (C3NeF) est retrouvé dans le sérum de 10 % des patients atteints de glomérulonéphrite membrano-proliférative ; il s'agit d'une Ig dirigée contre le complexe C3b,Bb. Le C3NeF agit comme le P, à l'exception du fait que le complexe C3b,Bb,C3NeF est relativement résistant à l'activité de décomposition du facteur H. Les parois de levures (zymosan) et certaines membranes (p. ex. GR de lapin) sont des surfaces activatrices sur lesquelles le complexe C3b,Bb est protégé contre l'activité de décomposition du facteur H. Voie de la lectine fixant le mannane L'activation de la voie de la lectine fixant le mannane (MBL) dépend de la reconnaissance innée de substances étrangères (c.-à-d. les hydrates de carbone). Cette voie présente des analogies structurelles et fonctionnelles avec la voie classique. La MBL est semblable au C1q, et la MASP-1 et la MASP-2 semblent être similaires respectivement au C1r et au C1s de la voie classique. Par conséquent, la MASP-2 pourrait cliver le C4, conduisant à la formation d'une C3 convertase dérivée de la voie de la MBL. Clivage du C3 et ses conséquences Les convertases C3 clivent C3 en C3a et C3b, ce qui donne naissance à un site de liaison stable pour les membranes sur C3b. Si la surface d'une membrane est disponible immédiatement après que la convertase C3 a agi sur C3, C3b peut se lier de manière covalente. Si aucune membrane ou surface n'est disponible, alors C3b se décompose en phase liquide C3b, et est incapable de se lier par covalence aux surfaces cellulaires. C3 peut également devenir C3b-like, s'il est traité par la méthylamine. Une fois le C3b lié à la membrane par l'intermédiaire du site de liaison métastable labile, il peut participer aux activités biologiques en se liant à divers récepteurs de C3, servir de site de liaison efficace pour B afin de produire encore plus de clivage de C3 par la voie alterne, participer à la formation d'une convertase de C5, ou agir par le facteur I et un co-facteur pour former iC3b. Ainsi, C3 peut se lier par covalence aux membranes par son site métastable de liaison thiolester et, une fois lié, entrer en interaction avec divers récepteurs en fonction de la disponibilité en récepteurs de C3 sur les cellules et l'état de décomposition de C3. La liaison avec les membranes par le site de liaison métastable covalent ne doit pas être confondue avec la liaison non covalente aux récepteurs. Complexe d'attaque de la membrane, voie terminale du complément Chaque convertase C3 (p. ex. C3b,Bb) peut devenir une convertase de C5 (p. ex. C3b,Bb,3b) par l'addition d'un C3b au complexe (v. FIG. 146-7). la convertase C5 clive C5 en C5a et C5b, initiant la formation du complexe d'attaque de la membrane. C6 se lie alors à C5b pour produire C5b,6. Puis, C7 se lie pour former C5b,6,7, qui peut lui-même se lier aux membranes et aux bicouches lipidiques. Lorsque ce phénomène survient sur une cellule qui n'a pas par ailleurs de produits du complément présents sur elle, cela s'appelle le phénomène de voisinage innocent (et peut produire l'hémolyse de la cellule innocente). C8 peut alors se lier au complexe C5b,6,7 pour former C5b,6,7,8 qui est en mesure de provoquer une lyse lente, inefficace de la cellule. Finalement, C9 se lie au complexe pour produire le C5b,6,7,8,9 qui va initier une lyse puissante de la cellule. A mesure que d'autres molécules C9 s'ajoutent au complexe C5b-9, la lyse augmente. Le complexe d'attaque de la membrane est régulé par la protéine S, appelée également vitronectine (qui contrôle l'activité de C5b-7), par le facteur de restriction homologue (HRF), par SP40,40 et par le CD59 (qui régule l'activité de C8,9). Activités biologiques associées à l'activation du complément La lyse de la cellule n'est qu'une des nombreuses activités biologiques liée à l'activation du complément et elle n'est pas toujours le principal phénomène. La lyse est observée en clinique chez les patients atteints d'hémoglobinurie paroxystique nocturne, une maladie rare dans laquelle il existe des anomalies des protéines de la membrane DAF (facteur d'accélération de la décomposition), HRF (facteur de restriction homologue) et CD59. Les récepteurs du complément sont présents sur diverses cellules. Le CR1, la protéine co-facteur de membrane (MCP, CD46) et le DAF (CD55) régulent la dégradation du C3b. Le facteur de restriction homologue et le CD59 empêchent la formation du complexe d'attaque de la membrane sur les cellules homologues. Le CR1 (CD35) joue également un rôle dans la clairance des complexes immuns. Le CR2 (CD21) régule les fonctions de la cellule B (production d'Ac) et est le récepteur du virus d'Epstein-Barr. Le CR3 (CD11b/CD18) joue un rôle dans la phagocytose, comme médiateur de l'adhésion des particules recouvertes d'iC3b en vue de leur phagocytose. Le CR4 apparaît sur les plaquettes, il a été moins bien étudié que les autres récepteurs de C3. La gp150,95 joue un rôle dans la migration des monocytes. Les récepteurs de C3a et C4a se lient aux C3a et C4a respectivement. Les récepteurs de C5a se lient à C5a et à C5a désarginé (C5a sans l'arginine terminale) et sont présents sur une large variété de cellules. Le récepteur C1q se lie à la partie collagène de C1q, permettant la liaison des complexes immuns aux cellules phagocytaires. C3a et C5a ont une activité d'anaphylatoxine et C4a a une faible activité d'anaphylatoxine. Les anaphylatoxines provoquent une augmentation de la perméabilité vasculaire, une contraction des muscles lisses et une dégranulation des mastocytes. Les anaphylatoxines sont régulées par un inactivateur, l'inactivateur d'anaphylatoxine (carboxypeptidase N), qui, en quelques secondes, élimine l'arginine carboxyterminale. La chimiotaxie représente l'attraction de cellules vers une région inflammatoire. C5 a une activité anaphylatoxinique et chimiotactique, tandis que C3a et C4a ne sont pas chimiotactiques. La chimiotaxie a été également décrite dans le cas d'iC5b-7. Le C5a et le C5a désarginé régulent l'activité des neutrophiles et des monocytes. Le C5a peut provoquer une augmentation de l'adhésion des cellules, la dégranulation et la libération d'enzymes intracellulaires à partir des granulocytes, la production de radicaux O2 toxiques et l'initiation d'autres événements métaboliques cellulaires. La clairance des complexes immuns est une fonction importante du complément. La voie classique peut empêcher les gros complexes immuns de se former et la voie alterne peut augmenter la solubilité des complexes immuns. Les protéines du complément peuvent en outre avoir de nombreuses autres activités biologiques. Des fragments de C3 (C3d ou C3dg) peuvent aider à réguler la production des Ac par CR2 sur les cellules. L'oedème angioneurotique héréditaire, qui est provoqué par un déficit en C1INH, peut être médié par une substance semblable à la kinine, mal connue. Un fragment mal défini de C3 (C3e, facteur de mobilisation des GB) peut provoquer la mobilisation des GB à partir de la moelle osseuse. Le fragment Bb du facteur B peut accroître la diffusion et l'adhésion des macrophages. L'activation du complément peut également neutraliser les virus et provoquer une leucocytose. Mesure de l'activité fonctionnelle du complément Le dosage du complément hémolytique total (CH50) mesure la capacité de la voie classique et du complexe d'attaque de la membrane à lyser les GR de mouton auxquels a été accroché un Ac. La voie alterne CH50 (CH50 de lapin ou APCH50) mesure la capacité de la voie alterne et du complexe d'attaque de la membrane à lyser les GR de lapin. Les dosages hémolytiques peuvent être utilisés pour mesurer l'activité fonctionnelle des composants spécifiques des 2 voies. Les protéines du complément peuvent également être mesurées en utilisant des techniques antigéniques (p. ex. néphélométrie, diffusion en gel d'agar ou immunodiffusion radiale). Le système du complément peut également être utilisé comme réactif diagnostique. Dans ce test de fixation du complément, le sérum du patient est chauffé pour détruire les enzymes du complément. Puis, l'Ag (p. ex. particule virale) et du complément sont ajoutés au sérum du patient et le mélange est incubé. Enfin, des GR de mouton sont rajoutés et l'incubation est poursuivie. Si le système du complément a été activé par la présence de l'Ac dans le sérum du patient, l'activité hémolytique du complément sera diminuée et il n'y aura pas de lyse des GR. S'il n'y a pas d'Ac dans le sérum du patient, alors les GR seront lysés.