ISSN : 0035-1458
Nos 295-296 JUILLET-DÉCEMBRE 2010
REVUE
DE
LINGUISTIQUE ROMANE
PUBLIÉE PAR LA
SOCIÉTÉ DE LINGUISTIQUE ROMANE
Razze latine non esistono: ..... esiste la latinità
Tome 74
STRASBOURG
2010
EXTRAIT
REVUE DE LINGUISTIQUE ROMANE (RLiR)
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VARIA
Typologie des emprunts lexicaux au français en roumain :
présentation d’un projet en cours
1. Introduction
À partir de la n du XVIIIe siècle, mais surtout au long du XIXe siècle – époque de la
modernisation – et de la première moitié du XXe siècle, le roumain a subi une très forte
influence française, « unique au monde, en ce qui concerne ‘les emprunts à distance’ »,
d’après Alf Lombard (1969, 646). Après 1829 (Paix d’Adrianople), grâce au revirement
d’ordre politique, économique et surtout culturel des principautés roumaines, cette
influence, qui fait partie de la ‘re-romanisation’ du roumain, est devenue tellement forte
qu’elle a modifié la physionomie de la langue et surtout la structure de son vocabulaire
(!ora 2006, 1728) 1. Cest de cet aspect que s’occupe le projet de recherche Typologie des
emprunts lexicaux français en roumain. Fondements théoriques, dynamique et catégori-
sation sémantique (FROMISEM) présenté dans cet article 2.
2. Objectifs
Notre projet poursuit trois objectifs majeurs :
(1) la constitution d’un corpus-registre des gallicismes lexicaux 3 du roumain ;
(2) l’analyse des problèmes étymologiques posés par les gallicismes (à partir des indica-
tions données par les dictionnaires roumains 4) ;
(3) l’analyse sémantique comparative des gallicismes lexicaux du roumain et de leur
base française ;
(4) l’esquisse d’une typologie sémantique des gallicismes lexicaux du roumain.
1 D’après différentes statistiques (!ora 2006, 1728), le pourcentage des emprunts au
français dépasse 32% du vocabulaire roumain.
2 Larticle est publié dans le cadre du projet de recherche FROMISEM (PNII – IDEI
383/2008), financé par le CNCSISUEFISCSU.
3 Nous employons le terme de ‘gallicisme’ au sens de mot d’une autre langue que le
français qui a été forgé par l’imitation d’un mot fraais’ (cf. Thibault 2004, Thibault
2009).
4 DA / DLR, DEX, CDER, RDW.
MARIA ILIESCU ET AL.
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3. Constitution du corpus-registre
Prenant comme point de départ, pour les entrées et pour l’interprétation étymo-
logique, l’édition 1998 du DEX, l’équipe de recherche est en train d’établir un corpus-
registre des gallicismes du roumain, qui, ultérieurement, pourra prendre la forme d’un
dictionnaire (DGR), à même d’offrir des indications sur les divers aspects des emprunts :
nombre, importance conceptuelle 5, force dérivative, aspects étymologiques, particulari-
tés sémantiques, registres, etc.
Les entrées lexicales seront ordonnées à partir des mots base auxquels on rattachera
tous les dérivés formés sur le terrain de la langue roumaine, pour mettre en évidence la
richesse de la famille lexicale de chaque gallicisme. Ainsi, par exemple, sous l’entrée du
verbe a aborda (du fr. aborder) sont enregistrés les dérivés : abordare, reaborda, reabor-
dare, reabordat, abordabil, neabordabil.
Du point de vue étymologique, le DGR sera structuen trois sections : (i) galli-
cismes à étymologie indiquée comme uniquement française ; (ii) gallicismes à ‘étymolo-
gie multiple’ (cf. infra 4), y compris française ; (iii) gallicismes à étymologie incertaine.
Certes, les résultats étymologiques obtenus à partir du DEX seront corroborés avec
les autres sources lexicographiques roumaines (cf. note 4), surtout avec le DA (1913-
1949) et le DLR (1965-2009), le dictionnaire historique trésor de la langue roumaine,
qui fournit aussi beaucoup d’exemples. Ces dictionnaires sont nécessaires surtout pour
résoudre des problèmes d’attestations et de développement sémantique, ainsi que la dis-
tinction, très difficile à opérer, entre les mots dérivés en fraais et ceux créés ultérieu-
rement en roumain (cf. Hristea 1968, 32 et suiv., Reinheimer-Rîpeanu 1989, Popovici
1992, Popovici 1996).
Le DGR pourra servir comme point de départ pour beaucoup de recherches théo-
riques sur le problème des emprunts en général et spécialement pour les nombreux pro-
blèmes soulevés par les gallicismes du roumain.
4. Aspects étymologiques
En ce qui concerne les étymologies, il faut faire dès le début la différence entre :
(i) Les gallicismes à étymologie uniquement fraaise : il s’agit des mots considérés
comme pénétrés du français en roumain, c’est-à-dire des mots venus indubitablement
par filière française et seulement fraaise.
À juger d’après le corpus élabojusqu’à présent, la plupart des gallicismes appar-
tiennent à la catégorie des mots à étymologie unique.
Une sous-catégorie des mots à étymologie unique est constituée par ce qu’on pour-
rait nommer mots à ‘étymologie unique indirecte’, c’est-à-dire les mots dont la filière est
française, mais qui, en français, proviennent à leur tour d’une autre langue.
(ii) Les gallicismes à étymologie multiple : il sagit des mots dont la lière de pénétra-
tion peut être due non seulement au français, mais aussi à d’autres langues où circulait le
même néologisme. Dans la linguistique roumaine, ce type d’étymologie est nommé ’éty-
mologie multiple’, d’après un célèbre article au même titre d’Alexandru Graur (1950),
5 L’influence française s’est manifestée dans tous les secteurs du vocabulaire.
TYPOLOGIE DES EMPRUNTS LEXICAUX AU FRANÇAIS EN ROUMAIN 591
qui considère qu’un mot peut avoir à la fois un, deux ou bien n étymons possibles, surtout
dans une langue comme le roumain, formée sous l’influence d’aussi nombreuses cultures
étrangères 6.
(iii) Les gallicismes à étymologie incertaine : il s’agit surtout des mots où il n’y a pas
moyen de faire une distinction nette entre emprunt et création interne.
4.1. Les critères linguistiques et extralinguistiques pris en considération pour l’éty-
mologie des gallicismes sont : l’aspect phonétique, y inclus l’accent, la morphologie, le
contenu sémantique, la date de pénétration et / ou l’auteur dont provient la première
attestation. Ts important est aussi le canal de pénétration : écrit (par exemple automat,
certicat) ou oral (par exemple man!et", co!mar) 7, les deux voies de pénétration étant
parfois possibles pour le même mot (cf. Iliescu 2003-2004).
Des difficultés pour appliquer ces critères ne manquent pas (cf. !ora 2006, 1726) :
l’aspect phonétique de ces mots permet de leur attribuer plusieurs sources, les diction-
naires n’indiquent souvent pas la première attestation 8, des exemples en contextes ne
sont fournis que par le DA / DLR et par le DLRC 9.
Pour les mots adoptés sous forme écrite, la difficulté est d’autant plus grande que,
souvent, cette forme ne se distingue point des latinismes mis en circulation à la n du
XVIIIe siècle par l’École transylvaine 10 (cf. Rosetti / Cazacu / Onu 1971, Rufni 1941) et
des italianismes entrés en même temps en roumain.
Un exemple de mot à étymologie unique indirecte que le roumain doit à la lière
française est interviu « interview ». Il est entré en roumain par l’intermédiaire du fran-
çais, , à son tour, il vient de l’anglais 11. Le même mot était déjà entune fois en
roumain, comme calque du français, sous la forme transparente întrevedere (cf. Iliescu
2007, 133).
6 Pour la critique de l’application concrète de ce critère par les différents dictionnaires,
cf. !ora (2006, 1728).
7 Les emprunts pénétrés par le canal oral s’expliquent par les conditions socio-
pragmatiques et historiques qui ont marqué l’évolution de la langue roumaine,
comme par exemple le fait très important que dans la première moitié du XIXe
siècle, de jeunes Roumains ont été envoyés en France pour y faire leurs études. En
rentrant, ils ont apporavec eux beaucoup de mots familiers français, qui ont été
adaptés de différentes manières en roumain.
8 De ce point de vue, le RDW fait exception, en indiquant les premières attestations,
mais le nombre des mots de la deuxième moitié du XVIIIe siècle et du XIXe siècle est
assez limité.
9 Mais comme le DLRC (1955-1957), un dictionnaire riche en exemples, n’illustre que
la situation du lexique roumain jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle, pour les
néologismes pénétrés après cette époque, la seule source qui fournit des exemples
reste le DLR.
10 L’École transylvaine (!coala ardelean") est un mouvement de renaissance culturelle
de la n du XVIIIe siècle et du début du XIXe marqué par une prise de conscience
accrue de l’origine latine du peuple roumain et de la langue roumaine.
11 Le mot anglais est à son tour calqué sur l’ancien français entrevue (cf. TLFi, s.v.).
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