Troubles psychiques et insertion professionnelle

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Troubles psychiques et insertion professionnelle
Introduction
En 2013, l’Organisation de Coopération et de Développement Économique,
connu sous l’acronyme « OCDE », publiait une étude portant sur la santé
mentale des travailleurs en Belgique.
Comme nous l’avons déjà expliqué dans une analyse de l’ASPH1, d’un point
de vue médical, les troubles mentaux englobent à la fois les troubles
psychiques (schizophrénie, dépression… ) et le handicap mental. Hormis le
fait que nous nous concentrons uniquement ici, sur les troubles psychiques
dans le monde de l’emploi, (ceux qui n’incluent donc pas le handicap
mental). C’est pourquoi, nous utiliserons la terminologie de « troubles
mentaux » pour ne pas créer de confusion.
Étant régulièrement interpellé sur la question, l’ASPH se penche cette fois-ci
sur les liens et les difficultés rencontrées par les personnes atteintes de
troubles mentaux, et leur insertion professionnelle. De fait, les troubles
psychiques sont de plus en plus fréquents, (ou de plus en plus diagnostiqués)
et les personnes atteintes ou leurs familles sont souvent désœuvrées.
Développement
Les lignes qui suivent sont essentiellement basées sur l’étude menée par
l’OCDE et reprise dans la brochure « Santé mentale et l’emploi : Belgique ».2
L’étude de l’OCDE3
Il est frappant de lire qu’une personne sur cinq en âge de travailler serait
concernée par les troubles psychiques/mentaux.
Même si la prévalence n’a pas augmenté ces dernières années, les
« catégories » les plus touchées demeurent les femmes, les jeunes adultes et
les personnes ayant un faible niveau d’études.
1http://www.asph.be/Documents/analyses-etudes-2014/Analyse-2014-11-Sante-mentale-maladie-
mentale-trouble-mental-de-quoi-parle-t-on.pdf
2 OCDE (2013), Santé mentale et emploi : Belgique, Editions OCDE.
3 OCDE (2013), Ibid. (Nous avons repris les éléments qui nous semblait les plus pertinents et invitons le
lecteur à consulter le livre pour plus de détails ou d’autres informations sur le sujet)
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Avant toute chose, et pour bien comprendre notre propos, l’OCDE définit ce
qui caractérise les troubles psychiques/mentaux : l’apparition à un jeune âge
(autour de 15 ans), le fait que les troubles soient relativement persistants, le
côté récurrents et chronique de la pathologie ainsi que la coexistence
d’autres troubles associés, (qu’ils soient physiques ou psychologiques).
Les cas graves sont assez rares, et la plupart des personnes atteintes le sont, à
un niveau léger ou modéré.
Ensuite, l’étude resitue le contexte général de l’emploi, et des personnes
avec un trouble psychique, en brisant au passage certains clichés. On y
apprend que la majorité (entre 55% et 70%) des personnes avec un trouble
psychique, travaille, et celles qui sont sans emploi, désirent trouver un emploi.
Cependant, elles ont du mal à en trouver, et ont deux fois plus de risques de
se retrouver au chômage, que les personnes qui ne présentent pas de
trouble mental.
Ceci étant dit, toutes les personnes atteintes de troubles mentaux ne se
retrouvent pas forcément en invalidité. Elles peuvent également être
bénéficiaires d’allocations de chômage, ou du CPAS. Ceci s’explique
notamment par le fait que le régime d’invalidité peut apparaitre comme
« moins attrayant » car les modalités d’octroi sont plus rigoureuses. Il faut
ajouter à cela, le fait que les travailleurs sociaux pénalisent moins facilement
les demandeurs d’emploi atteints de troubles mentaux. Enfin, les différences
de montants entre allocations d’invalidité, et allocations de chômage
rendent ces dernières plus « attractives » ou du moins, plus intéressantes d’un
point de vue financier.
Un des premiers signes qui trahit un problème chez l’employé atteint de
troubles mentaux est l’absentéisme. En Belgique, dans le secteur privé et
public, les troubles mentaux constituent la deuxième cause de congémaladie de longue durée, après les troubles musculo-squelettiques.
L’employé atteint de troubles mentaux s’absente plus souvent que les autres
employés, (32% contre 19%,) et plus longtemps (6 jours contre 4,8 jours).
Pour ceux qui ne sont pas en congé-maladie, cela n’empêche qu’on
enregistre quand-même pour ces employés une baisse de performance ou
de l’efficacité au travail. C’est le cas pour 74% des personnes avec un
trouble mental, contre 26% des personnes qui ne présentent pas ces troubles.
Par ailleurs, une grande partie des personnes en incapacité de travail, en
maladie ou sous le régime d’invalidité, le sont pour des troubles
mentaux/psychiques. Si les traitements (médicamenteux, thérapeutiques ou
autres) peuvent se révéler efficaces, ils demeurent néanmoins insuffisants.
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En effet, l’étude constate que dans les pays de l’OCDE, 50% des personnes
atteintes de troubles mentaux graves, ne sont pas du tout suivies. Pour ce qui
est des troubles mentaux modérés, ce pourcentage grimpe à 70%. Dans
beaucoup de pays, et la Belgique ne fait pas exception. La prise en charge
par le généraliste est préférée à celle qui pourrait être faite par un
spécialiste. Sans nier la qualité de professionnel de ce dernier, il s’avère
néanmoins qu’il n’a pas suivi la formation nécessaire pour gérer ces troubles
très spécifiques. Un spécialiste reste indispensable pour le bon déroulement
et suivi d’un traitement.
L’étude de l’OCDE critique aussi le rôle des mutualités jugées trop passives,
en ce qui concerne la gestion des absences au travail pour raisons
médicales. En effet, celle-ci semble avoir prioritairement un rôle de contrôle
médical qu’un rôle de réelle réinsertion professionnelle.
Recommandations de l’OCDE à la Belgique :
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« Intégrer davantage encore les enfants et les élèves ayant des besoins
spécifiques, dans l’enseignement classique et d’améliorer la transition
de l’école à l’emploi ;
De veiller scrupuleusement à la mise en œuvre et au respect des
obligations des employeurs, vis-à-vis des personnes qui ont des
problèmes psychosociaux, et de renforcer les sanctions à l’égard des
contrevenants ;
D’associer systématiquement des spécialistes de la santé au travail, au
maintien dans l’emploi et à la réintégration des salariés malades ;
De rendre systématique la coopération entre mutualités et services
publics de l’emploi
 De mettre en place des services de santé mentale axés sur l’emploi et
d’expérimenter de nouvelles façons d’intégrer les services de la santé
et de l’emploi ».4
4
OCDE (2013), Ibid.
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Conclusion
Les liens et les implications entre employeurs, médecins du travail et
mutualités doivent être améliorés. En effet, ce sont trois paramètres sur
lesquels il faut travailler. Du côté des employeurs, il n’existe pas d’incitants ou
d’aides financières, pour les employeurs qui veulent garder leurs employés
atteints de troubles psychiques. Du côté du médecin du travail, il ne va pas
forcément aider le patient à (ré)intégrer son travail, mais va plutôt le mettre
en arrêt maladie, voire le déclarer inapte au travail, ce qui peut conduire à
son licenciement. Du point de vue des mutualités, elles ne s’emploient pas à
aider à l’intégration ou à la réintégration de l’employé atteint de troubles
psychiques mais ont plutôt un rôle de contrôle.5
Elles pourront difficilement prétendre à une allocation d’intégration étant
donné, qu’il faut 7 points sur les 18. On peut évaluer la réduction de capacité
de gain, et voir si la personne obtient 66% par le SPF. Les critères ne sont pas
les mêmes entre INAMI et SPF. Il demeure difficile d’être reconnu porteur d’un
handicap, lorsque l’on est atteint de troubles mentaux, à moins que ceux-ci
soient très graves et extrêmement invalidants (autant qu’un handicap
physique…)
Rappelons enfin, qu’une obligation légale impose aux employeurs de veiller
au bien-être de leurs employés. La Belgique est d’ailleurs un des pionniers en
la matière. L’employeur est notamment tenu de nommer un conseiller en
prévention psychosociale, et d’établir un plan global de prévention sur cinq
années. Il doit aussi établir chaque année un plan d’action afin de prévenir
la détresse psychosociale des employés.6
5
6
OCDE (2013), Ibid.
http://www.emploi.belgique.be/bien_etre_au_travail.aspx
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Bibliographie et documents et sites consultés
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OCDE (2013), Santé mentale et emploi : Belgique, Editions OCDE.
http://www.asph.be/Documents/analyses-etudes-2014/Analyse-201411-Sante-mentale-maladie-mentale-trouble-mental-de-quoi-parle-ton.pdf
http://www.drees.sante.gouv.fr/troubles-mentaux-quellesconsequences-sur-le-maintien-dans,11315.html
http://www.emploi.belgique.be/bien_etre_au_travail.aspx
Chargée de l’analyse : Najoua BATIS - Chargée d’études et d’analyses
Responsable de l’ASPH : Catherine LEMIERE - Secrétaire générale ASPH
Date : 9 décembre 2014
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