II) RÉPERTOIRE DES PRINCIPALES CITATIONS (À SUIVRE…)
1) HEIDEGGER
Qu’il soit […] permis de dire un mot à partir du domaine [Bereich] auquel appartient la
philosophie. Un mot qui, pour correspondre à sa provenance [seiner Herkunft entsprechend],
aura la forme native de la question.
Nous questionnons donc : qu’est et comment se
détermine, dans le présent âge du monde [im gegewärtigen Zeitalter], l’affaire de la pensée
[die Sache des Denkens] ? L’affaire – ceci veut dire : cela par quoi la pensée est requise [in
Anspruch genommen] et alors seulement, par là, elle-même déterminée [bestimmt]. […]
Que la question en quête de la détermination de l’affaire de la pensée soit posée, voilà qui
décide, à ce qu’il me semble, du destin de la pensée. La décision [Entscheidung] qui survient
ici n’est pas de notre fait. Nous y avons seulement, mais alors nécessairement [notwendig],
part.
Qui parle de cette décision présuppose qu’à l’égard de la détermination de son affaire, la
pensée se trouve dans un état d’indécision. En quoi consiste cette indécision ? Probablement
en ceci que la pensée, dans sa configuration traditionnelle, qui lui vient de loin, a atteint sa fin
[sein Ende erreicht hat]. Si tel doit être le cas, alors c’est à vrai dire le destin [Geschick] de la
philosophie qui, avec sa fin, s’est décidé, mais non pas le destin de la pensée. Car il demeure
possible que dans la fin [im Ende] de la philosophie, un autre commencement de la pensée se
tienne à couvert [sich verbirgt]. L’on peut tenir ce qui vient d’être dit pour une suite
d’affirmations non démontrées. Seulement, ce sont des questions.
À ces questions appartient [d’ailleurs] aussi celle qui demande si l’impérieuse exigence
[Forderung] de preuves [Beweise] telle que la science la connaît, a sa place dans le domaine
de la pensée. Ce qui ne se laisse pas prouver peut pourtant être fondé.
Mais même fonder
tombe dans le vide si l’affaire de la pensée n’a plus le caractère du fondement et pour cela ne
peut plus être l’affaire de la philosophie.
C’est pourquoi il importe avant tout d’éprouver [erfahren] jusqu’à quel point [inwiefern] la
philosophie est entrée dans sa fin [in ihr Ende eingegangen].
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État aux alentours de la dernière séance de notre Atelier. Nota bene : au fil des séances à venir, et des aléas du
cheminement de notre travail, les citations ultérieures seront insérées dans le présent document, mais après un
saut de page, et cependant numérotation continue des pages.
Ce qui, dans l’esprit de Heidegger, ne veut pas dire que le questionnement soit pour autant le mode le plus propre de
« ce à quoi appelle [ce qui s’appelle] la pensée [was heißt Denken] » !
Où il est très vraissemblable que Heidegger pense à Aristote, Métaphysique, IV, 1006a3-8 :
Nous venons justement d’admettre qu’à un étant, il est impossible d’à la fois être et ne pas être, et avons ce faisant indiqué
que tel est le plus ferme de tous les principes [τῶν ἀρχῶν πασῶν]. Certains jugent que cela même demande à être démontré
[ἀποδεικνύναι], mais c’est par manque d’éducation dans le savoir [ἀπαιδευσία]. C’est effet manquer d’une telle éducation que
de ne pas reconnaître de quelles choses il est demandé [δεῖ] de chercher une démonstration [ἀπόδειξις] et desquelles cela
n’est pas demandé […].
Passage dont Heidegger cite d’ailleurs les deux dernières lignes dans EPAD, p. 89 / FPTP [concernant ces abréviations,
voir ci-dessous notes nos 8 et 11], p. 305, en traduisant, lui : « Es ist nämlich Unerzogenheit, keinen Blick zu haben
dafür, mit Bezug worauf es nötig ist, einen Beweil zu suchen, in bezug worauf dies nicht nötig ist » – selon Jean
Beaufret et François Fédier (trads.) : « C’est en effet absence d’éducation que de ne pas savoir ouvrir l’œil sur ce point :
pour quoi est de saison la recherche d’une preuve, et pour quoi, non. » –
“Zur Frage nach der Bestimmung der Sache des Denkens”, Martin Heidegger, Gesammtausgabe [ci-après GA suivi du
n° du volume suivi de son titre entre parenthèses lors de la première occurrence], Band 16 (Reden und andere Zeugnisse
eines Lebensganges) [ci-après FBSD], pp. 620-621 / L’Affaire de la pensée (Pour aborder la question de sa
détermination), Traduction et notes de Alexandre Schild, Mauvezin : T. E. R. (Trans-Europ-Repress), 1990 [ci-après
AP], pp. 13-14.