L’Impatient Journal de l’association d’usagers de la Maison Médicale La Passerelle Périodique trimestriel • n° 65 • avril - mai - juin • 2015 • Éditeur responsable : R-M Laurent 16, rue Gaston Grégoire 4020 Liège • 04 344 94 44 Bureau de dépot : NCS Liège X - P305004 Édito : Santé mentale : jamais seul 02 Santé Le suivi des personnes souffrant de troubles psychiques à La Passerelle Revers la rencontre dans la création Pour vous dire... Écrire Similes les proches comme partenaires de soin SAM service d’aide dans le milieu de vie Psytoyens la parole des usagers Écrire pour dénoncer Les patients questionnent 03 04 06 07 08 10 12 13 14 Les petites histoires de Martine La tour et le puits 16 Actualités Aide à une ONG guinéenne Changements dans l’équipe En pratique 18 19 SANTÉ MENTALE : jamais seul SANTÉ MENTALE: jamais seul NOTRE DÉSIR LE PLUS PROFOND EST QUE CELUI QUI SOUFFRE NE SOIT JAMAIS SEUL FACE À SA SOUFFRANCE. L’être humain fonctionne en se détraquant et on ne peut dire que quelqu’un est malade quand il se détraque. Quand le détraquement empêche de vivre, cela peut devenir une maladie, mais ce serait plutôt ceux qui ne sont jamais détraqués du tout qui ont de gros problèmes, eux qui ne souffrent jamais parce qu’ils s’empêchent de souffrir. Jean FURTOS La santé mentale, c’est quoi ? Elle concerne les malades mentaux mais aussi d’autres qui ne le sont pas mais qui souffrent dans leur être. On parle d‘allermal psychique, de mal-être psychique, parfois appelé dépression, ou fragilité ou souffrance qui peut aboutir à la maladie mentale. Pourquoi la maladie mentale survient-elle ? Si c’est une question de personnalité, c’est aussi une question d’entourage et d’environnement. Nous avons tous nos fragilités. Nous avons tous des épreuves à surmonter : deuil, perte d’un emploi ou pression au travail, conflits. Notre société est individualiste et exclut beaucoup de gens. Parfois, il est normal d’aller mal mais si on est seul, enfermé dans son chagrin, sans le soutien d’un entourage, on risque de tomber dans la maladie mentale. Nous savons que ce qui nous permet de tenir dans les coups durs, ce sont les amis, la famille, les soignants. Depuis les années 70, un mouvement international prône la fin de l’enfermement psychiatrique pour préférer des soins adaptés aux personnes souffrant de maladie mentale dans leur milieu de vie, leur quartier, leur maison. Depuis longtemps déjà, la Passerelle a fait de l’accompagnement de ces personnes dans leur milieu de vie une priorité. Cet accompagnement ne peut se faire qu’en collaboration avec l’entourage et les associations du quartier. C’est ainsi que nous vous emmenons dans un voyage à travers la diversité des regards de quelques travailleurs ou usagers de ces associations qui proposent une vision alternative et globale du « prendre soin ». La maladie mentale fait peur parce que nous ne la comprenons pas mais aussi peut-être parce qu’elle parle à une partie de nous qui est plus fragile, qui nous inquiète et que nous avons peur de reconnaître alors que cette partie de nous constitue aussi notre richesse et nous permet de comprendre ce que d’autres vivent, de nous ouvrir à eux et de les soutenir pour être soutenus à notre tour et prendre soin de nous. Elle nous permet de sentir que nous avons besoin des autres. Le comité de rédaction : Martine Frères (psychologue), Stéphanie Roland (médecin), Yves Gabriel (patient) et Rose-Marie Laurent (infirmière). Ce périodique est entièrement illustré par des œuvres produites dans les ateliers de Revers (recueil de gravures : Les quatre saisons) et est mis en page par Article 23 asbl - Atelier infographie. 2 �dito Une exposition des œuvres réalisées dans les ateliers de Revers sera organisée à la Maison médicale à partir du 8 juillet. Nous invitons tous les patients au vernissage qui aura lieu le vendredi 18 septembre à 18h. LE SUIVI DES PERSONNES SOUFFRANT DE TROUBLES PSYCHIQUES à La passerelle Depuis 1999, nous avons mis sur pied un projet d’accompagnement de personnes en souffrance psychique : en tant qu’assistantes sociales, Virginie Gioia et moi, sommes plus particulièrement chargées d’assurer ce suivi. Il consiste à favoriser ou améliorer la collaboration avec les services psychiatriques des hôpitaux et les services qui interviennent dans le milieu de vie : centres de santé mentale, SIAJEF, Revers, Réflexions, Club André Baillon, SAM… Le travail en réseau est primordial pour améliorer le suivi des personnes. Nous avons pour objectif de stabiliser, voire d’améliorer la qualité de vie des personnes dans leur milieu de vie en construisant un projet avec elles, en fonction de leurs besoins et de leurs désirs propres. Nous rencontrons les personnes en consultation, en visite à domicile, à l’hôpital, ou en réunion de coordination (avec la famille, les soignants, les aides familiales…) afin de leur offrir la possibilité d’élargir les relations sociales, leur permettre de fréquenter des lieux de formations, d’activités, culturels, d’instaurer des aides à domicile en cas de besoin, bref de prendre en considération tous les aspects de la vie quotidienne. Depuis des années, le gouvernement fédéral tente de diminuer le nombre de lits dans les hôpitaux psychiatriques dans un souci d’économie. Il vient de mettre sur pied un projet, le « PROJET 107-PROJET FUSION LIEGE ». Ce projet a pour objectif de construire une offre globale au niveau de la santé mentale avec tous les services organisés en réseau de soins pour permettre à chaque personne en souffrance de trouver une réponse individualisée et de recevoir des soins adaptés dans le milieu de vie. Ça veut dire quoi ? Il incite les services à mieux se coordonner pour prendre en charge les personnes soit en période de crise, soit de manière chronique. Certains soignants qui travaillaient à l’hôpital suivent les patients à domicile pour favoriser leur réintégration dans leur quartier, leur voisinage, leur logement. La maison médicale La Passerelle s’inscrit pleinement dans ce projet qui renforce le travail sur le terrain que nous menons depuis des années. A la maison médicale, la relation de confiance est fondamentale. Les personnes sont parfois inscrites depuis de nombreuses années et elles n’hésitent pas à venir nous trouver pour parler, être écoutées, déposer une histoire difficile ou demander de l’aide tout simplement. Nous sommes toujours disponibles auprès de toutes les personnes qui ont une difficulté de vie et nous pouvons proposer notre aide en cas de nécessité. Nicki Soultatos, assistante sociale. Santé 3 REVERS: Entretien avec Cécile Mormont (Directrice de l'asbl Revers) Rose-Marie : Peux-tu me décrire Revers ? CM: Revers fait partie d’un mouvement plus large dont le but est de maintenir les personnes souffrant de troubles psychiques dans leur milieu de vie, et d’offrir pour cela une aide et des soins adaptés. Les personnes ne sont pas que des malades, elles ont le droit d’avoir plusieurs identités, de se confronter à différentes réalités, d’avoir une vie diversifiée : être locataire d’un appartement, client dans un magasin, spectateur dans un cinéma, usager des transports en commun, employé dans une entreprise... En bref ce qui fait vie, en relation avec les autres dans un quartier. Nous revendiquons pour tous, le droit aux soins mais aussi au travail et à la culture. L’accompagnement se fait donc à différents niveaux : suivi psychosocial (SIAJEF), réinsertion par le travail en infographie (bureautique, graphisme et sérigraphie) dans l’Horeca et le bâtiment (Article 23). La particularité de Revers est d’offrir aux personnes en souffrance des possibilités d’expression dans des ateliers de peinture, gravure, photos, écriture... RM: Quels sont ses objectifs ? CM: Dans une société de plus en plus individualiste où la solidarité diminue, où les gens souffrent de plus en plus de solitude, les personnes fragiles sont souvent exclues de tout, du monde du travail et de revenus décents ce qui les exclut encore davantage. Avoir un problème de santé mentale est un 4 Santé drame dans un monde peu solidaire. Notre démarche vise donc à recréer des liens, des endroits de rencontre, à permettre à une personne de ne plus être seule, de partager ce qu ‘elle est à ce moment-là, dans une situation de souffrance. Nous voulons rencontrer les gens autrement que par la maladie et établir avec eux des relations égalitaires, des liens d’affection. Revers permet de travailler la créativité par laquelle on peut découvrir des choses différentes à l’intérieur de soi, (ré)apprendre à regarder les choses, à toucher. Ce sont de petites choses qui remettent de la vie à des personnes qui sont parfois « envahies » par la maladie, qui subissent des traitements lourds. C’est aussi un lieu de protection et de non jugement : peu importe le passé, même parfois criminel de la personne, on rencontre les gens en tant que personnes. Elles ont quelque chose à nous apprendre. RM: Qu’ont-elles à nous apprendre justement ces personnes en souffrance ? CM: Que la vie est fragile. Les hauts et les bas font partie de la vie. Aujourd’hui, on nous dit : soyez belle, mince, ayez un mari, deux enfants, une maison, une voiture et un chien. En dehors de cela, pas de bonheur ! Les autres, ce sont des marginaux ! Les marginaux sont donc de plus en plus nombreux ! La norme est de plus en plus stricte. Ils nous montrent à quel point on est esclave de ce monde où la valeur est de consommer, avoir de l’argent, ce qui est une catastrophe pour la santé mentale. la rencontre DANS LA CREATION -- Ils sont une sonnette d’alarme : ils nous disent : attention à ce que la société produit comme stress, burn-out, dépression, pression sur les gens, solitude, devoir d’être performant, adaptable... Quelle société voulons-nous ? -- La tolérance : quelqu’un qui est pris d’angoisse et arrive à Revers est héroïque. La force existe en même temps que la détresse. On apprend à ne pas avoir peur de la différence. -- L’humilité : en psychiatrie, on ne change pas les gens comme ça. On est tout petit. On ne bouleversera pas l’ordre des choses mais on donne des bouffées d’air, on améliore la qualité de vie, la dignité Et enfin, on apprend que la folie fait partie de nous... RM: Quelle place peut avoir l’hôpital dans cet accompagnement ? CM: Il y a encore en Belgique 4000 personnes hospitalisées depuis plus d’un an en psychiatrie. L’hôpital devrait être réservé aux moments de crise ou pour soulager les familles. Avant, l’asile était hors des villes pour que la Ville vive en paix. On associait maladie mentale et dangerosité. On s’aperçoit qu’en fait les malades mentaux ne sont pas plus violents que la moyenne des gens mais qu’ils sont trente fois plus souvent victimes de violences physiques. Revers : 76-78, rue Maghin - 4000 Liège Tél : 04 351 74 93 SIAJEF : 19, rue Maghin - 4000 Liège Tél : 04 228 98 98 Le Siajef est constitué d’une équipe mobile. Elle se déplace sur les lieux de vie, au domicile, vers les services d’urgences sociales et psychiatriques, à chaque endroit où émerge une « demande ». L’équipe travaille avec les habitants, les entourages, les familles et une diversité d’institutions ou de professionnels qui opèrent dans des domaines aussi variés que la santé, le logement, l’action sociale, l’insertion socioprofessionnelle, l’économie, ou la culture. Article 23 : 1, Place Emile Dupont, 4000, Liège Tél : 04 223 38 35 D’après l’Article 23 de la Déclaration Universelle des Droits Humains : « Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage». Les personnes psychiatrisées sont régulièrement exclues de la plupart des filières de travail. ARTICLE 23 a donc créé un espace qui permette à ces personnes de s’intégrer dans un travail réel quel que soit le niveau de départ. interview : Rose-Marie Laurent Santé 5 Pour vous dire... Revers est un dispositif d’insertion par la culture. C’est un lieu qui protège mais c’est aussi un lieu qui essaie de faire changer les mentalités au sujet de la maladie mentale. On se dit que si les mentalités changent, sans doute qu’il y aura plus d’ouverture et que les personnes aux prises avec des troubles psychiques n’auront plus besoin de passer par des lieux spécialisés pour avoir accès à des activités culturelles. Mounia, travaille à Revers. La psychiatrie amène les gens à penser à leurs problèmes. Il faut sortir de là. Pour moi, ce n’est pas ça la vie. Il est important de pouvoir la ressentir en allant quelque part, en faisant quelque chose. ça dépend de chacun. La vie, personne n’en a le secret. C’est quoi ? C’est quand tu as beaucoup de potentialités que tu ressens en toi, quand tu as beaucoup de choses qui sont réceptives en toi. Ça peut être corporel, dans ta tête. Tu acceptes ce qui arrive : le vent dans tes cheveux, tout ça... A l’hôpital, tu sens pas le vent, la bouffe est complètement uniforme. Tu n’as pas une vie en couleurs. Il n’y a pas de nuances qui font que cela devient beau. En psychiatrie, les conditions ne sont pas réunies pour que cela puisse arriver sauf si on tombe sur de chouettes personnes qui te parlent respectueusement et acceptent d’arriver dans une relation où tu vas lâcher une blague et qui va rire, quoi ! Frédérique, patient. Offrir à son tour du soutien à quelqu’un, c’est ça la santé. A l’hôpital tout se passe comme si on devait toujours recevoir et rien donner. Pour moi, la santé fait partie de cet équilibre entre le donné et le recevoir qui constitue notre humanité. Si les gens s’aident les uns les autres, ils vont mieux. Véronique, Psytoyens. Ces trois témoignages sont issus de Protections, édition l’Autre Lieu, 2014. (rassemble des témoignages de soignants et d’usagers en santé mentale, accompagné d’un CD). 6 Santé ÉCRIRE POUR FAIRE SON DEUIL Il est 9h. J'ouvre la porte de la terrasse, Arlequine se faufile entre mes mollets, je regarde le ciel aux nuages gris-chagrin et j'arrose mes fleurs. Les siennes. Elle les aimait et les avait offertes en héritage, le rosier atteignait la corniche de la maison vendue à des étrangers. Il ne faudra jamais oublier le goût des pommes sûres, nos vagabondages, nos sifflements de mômes dans les arbres, la prairie amoureuse et le chant des mésanges, le son cristallin de la harpe dans la chambre arrière. Il ne faudra jamais oublier le vieux grenier, les robes ornées de dentelles et de bijoux anciens. Il ne faudra jamais oublier les batailles de neige avec mon grand frère, l'igloo où tels des esquimaux nous nous abritions les doigts gelés, nous bravions le froid avec nos candides espoirs. J'avais peur de grandir. J'étais au Paradis... T'écrire dans la marge de nos souvenirs retrouvés. Cap vers le Sud Mireille. Réflexions : 2, rue Pont Saint-Nicolas - 4020 Liège 04 343 13 31 Est partenaire de SIMILES et de Psytoyens S'adresse à des personnes souffrant de troubles psychotiques et à leur famille. Son objectif est d'améliorer leur qualité de vie. Elle vise à rendre la personne psychotique actrice de sa propre évolution, notamment en dispensant des informations claires et compréhensibles sur la maladie à ceux qui en souffrent mais également à leur entourage, à leurs soignants et au grand public pour permettre aux personnes atteintes de comprendre leurs symptômes et de mieux les gérer, pour soutenir les familles et déstigmatiser la maladie mentale en l'expliquant au tout venant. Santé 7 SIMILES : les proches comme partenaire de soins Association destinée aux proches, parents, enfants, frères, sœurs et amis de personnes souffrant de troubles psychiques. Elle n’offre pas de travail thérapeutique au sens strict mais travaille selon 4 axes : 8 Santé Soutien et information : Le soutien commence par l'écoute : SIMILES offre des permanences téléphoniques tous les jours. Si la personne au téléphone est trop perdue, un RV lui est proposé. Une bibliothèque est à la disposition des familles. Elle organise également des groupes de parole de proches qui souhaitent partager leur vécu et s'entraider. J'ai rencontré M., maman d'une jeune femme souffrant d'un état limite dit « borderline » et membre de SIMILES. M: - Je me suis tout d'abord abonnée à la Revue mensuelle de SIMILES où on relate, avec l'accord des participants et de façon anonyme, le contenu des groupes de parole. Je me suis alors rendu compte qu'il y avait des gens qui vivaient la même chose que moi : la honte, l'incompréhension. J'ai hésité un an avant de rejoindre le groupe de parole de Liège. Là, j'ai rencontré des personnes dont les proches présentent les mêmes comportements que ma fille ou en tout cas, fort similaires. Borderline signifie, entre autres, que la personne est impulsive, en dépendance affective et qu'elle peut avoir des conduites à risque et des comportements suicidaires. Il n'y a pas toujours de diagnostic précis, mais parfois si un psychiatre a pu en établir un, c'est un peu rassurant et déculpabilisant. On comprend que Formation : SIMILES propose des outils pour faire face et alléger le poids que représente la maladie. Des formations destinées aux familles mais aussi aux professionnels, assistants sociaux, policiers... Une formation vient de commencer pour les accueillantes en maison médicale. Un « module pro famille » est organisé pour les proches de personnes souffrant de schizophrénie. Ceci pour permette aux proches de mieux réagir et d’alléger le poids de la maladie. Cela est essentiel : quand on aide des proches à avoir un comportement adéquat avec la personne malade, on diminue le risque de rechute. Participation : si la personne a tel comportement, c'est dû à sa maladie. Pour ma fille c'était rassurant également car sinon elle se sentait coupable de ses accès de crise, elle se sentait méchante. A ces groupes de parole, j'ai appris que certains proches vont également trouver leurs voisins pour leur expliquer la maladie de leur enfant : « N'appeler pas trop vite la police. Je peux m'occuper de mon enfant s'il est en crise ! » J'ai repris confiance en moi, confiance dans le fait que ce que je ressentais était juste : souvent on a l'impression d'un regard réprobateur, comme si on n'avait pas fait tout ce qu'il fallait pour son enfant, qu'on était en faute. Les gens, avec les meilleures intentions, vous donnent des conseils: « Tu devrais faire ceci ou cela ». Ici on me disait que je devrais couper les ponts avec ma fille mais je m'en sentais incapable et donc nulle. Surtout je ne voulais pas abandonner mon enfant. Souvent l'entourage se sent mal à l'aise et n'ose pas prendre de nouvelles. On se sent alors isolés. Il faut dé-stigmatiser les maladies psychiques. Les films, les feuilletons dépeignent les schizophrènes comme dangereux. Les médias, pour faire du chiffre, invente des diagnostics abracadabrants à des criminels schizoïde-paranoïaques alors que les personnes souffrant de troubles psychiques sont surtout fragiles et violentes envers elles-mêmes... et souvent victimes de violence. Une autre action importante est de faire reconnaître auprès des institutions de santé et des soignants les proches comme partenaire de soin, des recommandations sont faites pour apprendre à tenir compte de leur avis. Il faut faire changer les mentalités : souvent les proches ne sont pas avertis de la sortie de l’hôpital alors que 80 % des personnes en souffrance psychique de plus de 30 ans retournent habiter dans leur famille. Avec l’accord du patient, il faut au moins se poser la question de savoir qui on avertit, qui peut prendre le relais. Ce qui revient souvent dans les groupes de parole c’est que les psychiatres et les thérapeutes n’écoutent pas suffisamment voire pas du tout les proches. Actions auprès des pouvoirs politiques : SIMILES relaye les préoccupations des familles et amis en matière de droits et de bien-être des personnes en souffrance : les mesures prises par les pouvoirs publics concernant les revenus, l’habitat, la protection de la personne, l’internement ont une grande importance sur la qualité de vie. Une réforme de l’organisation des soins a lieu en Belgique depuis quelques années, avec pour but de diminuer les hospitalisations psychiatriques et favoriser le maintien des personnes dans leur milieu de vie. C’est une bonne idée mais les travailleurs des hôpitaux qui vont à domicile ne sont pas suffisamment formés au travail en réseau ou avec les familles. Un infirmier est venu voir ma fille à domicile mais n’est rentré en contact ni avec son médecin traitant, ni avec sa famille. Il faudra le temps qu’ils se forment...De plus, rien n’a été mis en place pour renforcer les services de soins à domicile de proximité. Rose-Marie Laurent SIMILES : 15, rue Lairesse, 4020, Liège Tél : 04/ 344 45 45 Santé 9 Le SAM : Service d’Accompagnement dans le Milieu de vie Le SAM, situé en Outremeuse, est une antenne du Club André Baillon, centre de santé mentale qui offre, outre un accompagnement psychologique et social, des activités tous les jours de la semaine : cuisine, balade, théâtre, gymnastique... pour permettre aux personnes souffrant de troubles psychiques de se reconstruire. Le SAM travaille sur les quartiers de Bressoux, d’Amercoeur, du Longdoz, des Vennes et d’Outremeuse. Il accueille les personnes lors de rencontres conviviales les lundis et vendredis après-midi ou sur rendez-vous au local ou à domicile. Entretien avec Fabienne Depireux (assistante sociale au SAM) Rose-Marie : Peux-tu me décrire le travail du SAM ? FD: Le SAM accompagne des personnes souffrant de problèmes psychiatriques dans leur milieu de vie. Certaines de ces personnes se retrouvent seules, n’ont plus, à certains moments, les capacités de prendre en charge leurs besoins comme se nourrir, être propre, se déplacer. Notre travail est donc de les soutenir par un suivi social mais aussi dans les choses les plus concrètes. Il est intéressant de bavarder en faisant la vaisselle 10 Santé avec quelqu’un, en faisant les courses, en allant au lavoir pour se retrouver dans le quartier, dans la vie, développer une relation. Le but de cette relation est de sécuriser les personnes, de leur donner des points de repère et recréer les conditions dans lesquelles elles retrouveront petit à petit plus d’autonomie. Il est important de partir de la façon dont la personne se sent à ce moment-là : il arrive que des gens soient devenus très lents, nous devons en tenir compte, nous adapter à leur rythme tout en les aidant à progresser quand c’est possible pour eux. Notre travail est d’autant plus nécessaire que nous vivons dans un monde peu solidaire : il est parfois difficile de compter sur son voisinage pour un coup de main ou un encouragement.Un voisin attentif peut être une bonne protection pour une personne esseulée. J’ai connu un propriétaire qui avait convaincu son locataire de poursuivre son traitement pour garder une bonne relation avec ses voisins. RM - Vous êtes, avec la Passerelle et l’Impatient, à l’origine de la création du Chal’heureux. Quelles étaient vos motivations ? FD: Il me semblait important qu’il existe dans le quartier un endroit où l’on peut simplement se poser, rencontrer d’autres personnes, avoir une écoute sans pour autant devoir se lancer dans une activité. Un endroit où on ne vous demande rien. Cela n’est pas possible pour tout le monde à n’importe quel moment d’entreprendre une activité. RM : Le Chal’heureux répond-il à vos attentes ? FD : Oui. En plus d’être un endroit où on peut se poser, c’est un lieu rare car il est ouvert à tous les habitants du quartier. Des personnes de différentes origines sociales et géographiques, des personnes souffrant de problèmes psychiques ou non se côtoient mais surtout s’acceptent après un temps de reconnaissance mutuelle, se soucient l’un de l’autre, prennent des nouvelles des absents, se saluent dans la rue. C’est un endroit où on est accueilli mais où on peut prendre soin des autres en servant à table, faisant la vaisselle. On peut discuter mais aussi jouer aux cartes, aux échecs, faire ou écouter de la musique, dessiner... Cela entraîne des relations égalitaires, d’échanges réciproques. La bonne dynamique de l’équipe de bénévoles et de travailleurs sécurise, permet à chacun de trouver la place qui peut lui convenir à ce moment-là. interview : Rose-Marie Laurent SAM : 29, rue Louis Jamme, 4020 Liège Tél : 04/ 342 97 11 Chal’heureux : 13, rue Raes de Heers, 4020 Liège Ouvert à tous le mardi de 17h30 à 20h Organise un ciné-club un jeudi par mois Club André Baillon : 7-9, rue des Fontaines Roland, 4000 Liège Tél : 04/221 18 50 Santé 11 PSYTOYENS REGROUPE DES ASSOCIATIONS D’USAGERS EN SANTÉ MENTALE C’EST-À-DIRE TOUTE PERSONNE QUI À UN MOMENT DANS SA VIE UTILISE OU A UTILISÉ UN SERVICE DE SANTÉ MENTALE : HÔPITAL, CENTRE DE SANTÉ MENTALE, PSYCHOLOGUE. CELUI OU CELLE QUI PASSE LA PORTE, C’EST QUE C’EST SA PLACE. SON BUT EST DE PORTER LA VOIX DES USAGERS, DE PERMETTRE LA PARTICIPATION ET LA REPRÉSENTATION DES USAGERS DANS LE SECTEUR DE LA SANTÉ MENTALE. SES MISSIONS PEUVENT SE RÉSUMER AINSI : •Informer sur les droits et les devoirs, les services de soin, les conférences qui peuvent intéresser les usagers •Accompagner les collectifs d’usagers au point de vue méthodologique, logistique : comment rédiger une recherche de subsides, rechercher des membres, animer une réunion.., encourage également la création de comités d’usagers au sein des services et institutions du champ de la santé mentale et accompagne les usagers et les professionnels qui souhaitent s’investir dans ce processus. •Organiser la représentation politique pour porter la parole des usagers à un niveau politique et institutionnel. Il participe à de nombreuses commissions mais aussi au comité d’accompagnement dans la Réforme des soins de santé mentale dite 107, à l’INAMI, à la LUSS,... Sur base des positions élaborées ensemble au sein de Psytoyens, de leur propre expérience et de celle d’autres usagers rencontrés au sein des associations, les représentants apprennent à débattre, d’égal à égal, avec les professionnels de la santé et du monde politique. Psytoyens La parole des usagers Les personnes qui fréquentent Psytoyens sont souvent âgées de plus de 30 ans. Elles ont un recul, une expertise par rapport à leur maladie, arrivent à penser le changement pour ceux qui viennent après. A 20-25 ans, les personnes sont confrontées pour la première fois à leur maladie qui prend alors toute le place et c’est bien normal. Toute personne qui veut témoigner, déposer ce qu’elle a vécu est bienvenue. Ces témoignages permettent de porter les recommandations aux soignants, aux institutions, aux politiques. Les participants deviennent des « experts du vécu » et peuvent ainsi être des ambassadeurs en santé mentale. Ce sont les patients qui savent le mieux expliquer ce qu’ils ont vécu à l’hôpital, ce qui les a fait souffrir ou leur a fait du bien, comment tenir compte de leur parole dans les traitements proposés, ce qu’ils veulent savoir de leur maladie et enfin ce que c’est que souffrir d’un trouble psychique et de l’exclusion. Ils peuvent ainsi aider, soutenir les autres usagers en santé mentale. Psytoyens : Place Émile Dupont, 1, 4000 Liège Tél. 0498/11.46.24 12 Santé NOUS LAISSONS LA PLACE À UN PATIENT QUI AIME ÉCRIRE Écrire pour dénoncer Pierre ironise sur l'obligation d'être heureux que l'on nous impose en s'adaptant à tout alors que l'on ne peut pas tout accepter : l'augmentation des inégalités et de la pauvreté est inacceptable et nuit gravement à la santé mentale... Le bonheur qu'on vous vend est un idéal de soumission Si vous êtes cet être aigri, malmené par l'existence qui traîne sa carcasse de bars à vin en cabinet de psy, ne cherchez pas plus loin : vous êtes un ingrat doublé d'une faignace car être heureux demande un effort. C'est en tout cas la thèse de brillants promoteurs d'une discipline appelée « la psychologie positive ». On pourrait doper son bonheur de vivre à condition d'apprendre à dire « oui à l'existence ». Quelques recettes qui font recette : • Évitez d'être ronchon, une personne de mauvaise humeur est dénuée de créativité. • Pour vous déstresser et chasser vos vilaines pensées comme demander une augmentation de salaire, un contrat à durée déterminée, une diminution du temps de travail, adoptez une attitude zen. Ce néo-bouddhisme au sein de l'entreprise au profit de l'ultralibéralisme est le fleuron des méthodes antistress. • Soignez vos « gratitudes ». La gratitude est un muscle, il faut l'entraîner : Envoyer un mot doux à vos collègues qui vous malmènent Offrez des pralines au patron qui vous licencie • Vous perdez votre emploi, adoptez l'alimentation de la bonne humeur, jeûnez mais intégrez fenouil, concombre, céleri et cresson. • Si vous êtes chômeur en fin de droit, si vous pataugez dans les ennuis financiers et que vous ne recevez aucunes réponses à vos CV, c'est que vous êtes un champion de la sinistrose. • Croulant sous les dettes, épuisé par trop de nuits d'insomnie à imaginer l'avenir de votre famille, une solution s'offre à vous : faites des coloriages ! J'arrête ici la panoplie des insanités proférées à la population en difficulté sociale et psychique. Cet idéal du bonheur ne sert-il pas à vous faire avaler encore plus d'inégalités et d'injustices, à éradiquer tout esprit critique ? Aujourd'hui, les individus bombardés d'images publicitaires n'ont plus d'histoires autres que des récits victorieux soumis en permanence à la compétition, à l'individualisme gagnant, au narcissisme triomphant. Alors que la santé serait de dire, parfois ou souvent : NON ! Mais nous devons le faire ensemble ! Pierre, patient. Santé 13 ? QUESTIONNENT C’est quoi la maladie mentale ? Quels sont les premiers signes ? La maladie mentale, ou plutôt trouble mental, se caractérise par une perturbation de l’humeur, de la pensée et/ou du comportement. Cela entraîne des difficultés graves, handicapantes, persistantes dans le temps qui altèrent la capacité à s’adapter à certaines situations et qui sont source d’une souffrance psychologique. Il existe différents types de troubles mentaux : les troubles de l’humeur, les troubles anxieux, les troubles de la personnalité ou les troubles alimentaires par exemple. Quelle est la différence entre maladie mentale et maladie neurodégénérative ? Les maladies neurodégénératives, c’est par exemple la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la sclérose latérale amyotrophique. Ce sont des maladies dans lesquelles il y a une atteinte des cellules du cerveau. Ces lésions évoluent progressivement, sur des mois ou des années, de façon prolongée et irréversible. Dans le trouble mental, il n’y a pas de lésion cérébrale et le trouble est réversible. On pourrait dire que dans un trouble mental, c’est un fonctionnement qui est atteint, pas un organe. Quelle est la place de l’hérédité dans les maladies mentales ? A l’heure actuelle, les troubles mentaux ne sont pas considérés comme des maladies génétiques, le rôle exact de l’hérédité n’est pas connu. Il en est de même du rôle de l’environnement. La recherche doit continuer. 14 Santé ? Les patients Les soignants RÉPONDENT Que donneriez-vous comme conseil à l’entourage ? Chaque trouble mental est différent. Il existe dans le réseau des associations et il ne faut pas hésiter à les rencontrer. Similes est l’un de ces partenaires, vous pourrez trouver dans l’interview pages 8 et 9 quelques éléments de réponse. Comment expliquer la dépression à un enfant ? A l’occasion de la journée de la santé mentale en Australie, l’organisation mondiale de la santé a produit une vidéo expliquant la dépression. Vous pouvez la retrouver sur YouTube en tapant « I had a black dog, his name was depression ». En voici un extrait : « J’ai eu un chien noir, il s’appelait « Dépression ». A chaque fois qu’il apparaissait, je me sentais vidé, et ma vie semblait se ralentir. Il pouvait me rendre des visites surprises pour rien, sans raison. Ce chien noir me faisait me sentir et paraître plus vieux que je ne l’étais. Quand le reste du monde semblait apprécier la vie, je ne voyais cette dernière que par le chien noir. Les activités qui me faisaient d’habitude plaisir, soudainement ne me plaisaient plus. Il aimait bien bousiller mon appétit. J’avais ruiné ma mémoire et ma capacité de concentration. Faire quoi que ce soit ou aller n’importe où nécessitait une force surhumaine avec le chien noir. Lors d’occasions sociales, il pouvait aspirer tout ce que je pouvais avoir de confiance en moi. Et il s’enfuyait avec, comme d’une proie. (…) Chien Noir était capable de me faire penser et dire des choses négatives. Il pouvait me rendre irascible difficile à vivre. Il pouvait me voler mon amour et enterrer mon intimité. Il aimait par dessus tout me réveiller en pleine nuit avec des pensées hyper-répétitives et hyper-négatives. Il aimait aussi me rappeler combien j’allais encore être exténué demain. Avoir ce Chien Noir dans ta vie n’a aucun rapport avec le fait d’être un peu fatigué, triste ou mélancolique. C’est pire que d’être dépourvu de toutes ses sensations.» Cette vidéo est un des outils pour expliquer la dépression à un enfant. A nouveau, le réseau d’associations peut vous accompagner dans ces réflexions. Quand devient-on la maladie ? (« J’ai un problème de dépression » versus « Je suis dépressif ») On ne peut résumer un individu à une maladie. En pratique, cela se dit souvent : il est dépressif, diabétique ou toxicomane, mais c’est très réducteur et de plus stigmatisant. On souffre d’un problème de santé, on n’est jamais un problème de santé. Est-ce que la nicotine est bonne pour le cerveau ? Comme toutes les drogues, la nicotine procure des effets stimulants : à court terme, elle augmente l’éveil, l’attention, la mémoire, le temps de réaction. La nicotine diminue également l’anxiété, la douleur et l’appétit. Cette action est rapide mais brève, ce qui entraîne souvent l’envie de continuer. Mais la nicotine rend surtout très dépendant : elle est aussi addictive que la cocaïne et l’héroïne. Une fois la dépendance établie, l’absence de nicotine provoque un manque et les effets « positifs » de la nicotine s’inversent alors : on devient plus irritable, plus anxieux, moins concentré, la sensation de faim augmente et on a donc tendance à prendre du poids. Des relations humaines qui se détricotent au profit de relations commerciales provoquent de la souffrance psychique. Est-ce une problématique qui vous interpelle ? Les vieux ont peur de vieillir et de mourir. Pourquoi n’avons-nous pas une éducation à la santé qui aborde ces problèmes ? La peur de vieillir et de mourir dans de mauvaises conditions nous semble être un problème de société. La question de la fin de vie nous préoccupe en tant que soignant. Nous essayons d’en parler avec nos patients mais il est vrai que cela reste un sujet difficile à aborder, souvent tabou, aussi bien du point de vue du patient que du thérapeute. Là où il y a des souffrances sociales, il y a des souffrances psychiques. Comment les soignants prennent-ils en compte les conditions sociales dans lesquelles baignent vos patients ? Nicki Soultatos, assistante sociale à la maison médicale, répond partiellement à cette question dans son article en page 3. De façon plus générale, nous pouvons dire que nous sommes attentifs aux conditions sociales de nos patients. Nous ne soignons pas une partie de corps mais un patient, dans sa globalité, il est donc important de s’intéresser à son environnement, en abordant la question du logement et du travail par exemple en consultation ou directement en visite à domicile. Le gouvernement sabre dans les dépenses sociales et culturelles mais va acheter des avions pouvant transporter des bombes nucléaires. Y voyez-vous une action démentielle ? Poser la question ainsi, c’est y répondre. Oui. Nous en sommes témoins et y sommes confrontés tous les jours. Cette problématique est abordée dans l’interview de Revers, pages 4 et 5. Santé 15 Les petites histoires de Martine Au centre de la cité est érigée depuis des temps anciens une tour en pierre grise qui n’a ni porte ni fenêtre. Personne ne se questionne sur son histoire ou ses origines. Elle est une présence qui rassure. Un jour de tempête elle se fissure et un pan entier s’effondre. Les habitants découvrent alors un trou profond, noir et glacé, sans doute un puits abandonné. Un cri provient de tout en bas, tantôt ténu, tantôt déchirant ; il ressemble aux pleurs d’un bébé. Rassemblés sur la place qui entoure l’édifice, les habitants se questionnent sur l’origine et la cause de ces cris. Des volontaires s’organisent pour aller voir ce qui se passe au fond du puits. C’est leurs histoires que je vais vous raconter maintenant. Le premier descend en rappel au fond du trou. Il voit une galerie sur sa gauche et y entre en se laissant guider par le son qui résonne contre les parois. Il arrive bientôt à une porte ouverte qui le conduit dans un autre couloir. La lumière qui éclaire ce lieu devient plus faible et le tunnel plus étroit. Il se sent de plus en plus seul. Il n'entend presque plus les pleurs de l'enfant.Il fait demi tour et marche en comptant ses pas. Progressivement il réalise qu'il passe sans cesse aux mêmes endroits et que le lieu qu'il arpente est un labyrinthe. Sa gorge se noue et l'angoisse l'envahit, brouillant sa pensée. Il entend à nouveau des pleurs proche de lui mais découvre que ce sont les siens. il se fige alors dans une posture de frayeur. Le second volontaire ne voyant pas son compagnon revenir décide de descendre à son tour. Il suit le chemin emprunté par son prédécesseur et arrive devant la porte ouverte. Les pleurs semblent être près de lui. Averti des dangers possibles de s'introduire dans un labyrinthe, il reste à l'entrée et appelle son compagnon. Celui-ci, d'une voix déformée par l'angoisse, le supplie de le délivrer. Alors le deuxième volontaire a l'idée de chanter une berceuse traditionnelle pour permettre au compagnon perdu de lâcher sa torpeur et de se laisser guider par une 16 Les petites histoires de Martine LA TOUR ET LE PUITS Il était une fois une ville du nom de Lacis tendresse infinie qui, tel un fil d'Ariane, lui indique la sortie de ce cauchemar. Ils se retrouvent enfin. Épuisé par cet épreuve, le premier attend dans le couloir pendant que le second poursuit ses recherches. Celui-ci arrive devant une autre porte qui donne dans une petite pièce mal éclairée. Il distingue malgré tout, posé contre un mur, une bibliothèque remplie de manuscrits anciens recouverts d'une épaisse couche de poussière et de nombreuses toiles d'araignée. Distraitement, il consulte certains livres. Soudain, un manuscrit très lourd tombe avec fracas sur le sol. Il s'ouvre laissant apparaître le visage d'une femme qu'il connaît bien. Elle est jeune, belle sur cette photo prise un jour d'été alors que la maladie n'a pas encore pris possession de son corps, de son âme et de sa vie. Cette femme au sourire moqueur n'est autre que sa mère, décédée alors qu'il venait d'avoir 7 ans. Malgré les pleurs devenus plus insistants, il ne peut poursuivre son chemin, pris par le récit de celle qui lui a donné la vie. C'est dans cette attitude de lecteur passionné, insensible à ce qui l'entoure que le troisième le découvre. Comprenant qu'il ne peut compter ni sur le premier ni sur le second compagnon il repart seul à la recherche de cet enfant tourmenté. Il arrive bientôt à une autre porte qui donne accès à une pièce complètement recouverte de miroirs déformants. Ceux-ci peuvent être dangereux pour qui les regarde avec attention car ils ont le pouvoir de vous fasciner à tel point que vous pouvez perdre la volonté et la raison. C'est ce que lui a confié l'étrangère de passage au pays qui semble très intéressée par le sort de l'enfant. Il a donc fabriqué avec son aide des œillères qu'il pose sur sa tête avant d'entrer dans la pièce. Il le sait : l'enfant est bien là dans un berceau au centre de ce lieu inquiétant qui ne cesse de se transformer à chacun de ses mouvements. Il prend l'enfant dans ses bras qui s'apaise et s'endort. Dans un calme profond il parcourt les couloirs en sens inverse. A la bibliothèque il appelle le compagnon plongé dans son livre et l'invite à le suivre avec son manuscrit précieux. Passant devant l'entrée du labyrinthe il réveille l'autre compagnon, étonné d'être là et ensemble ils se font hisser à tour de rôle par ceux qui les attendent en haut. La joie est palpable et la fête qui s'en suit inoubliable. L'étrangère s'occupe de l'enfant qui ne pleure plus ou parfois. Chacun des compagnons a fait un voyage dangereux où ils auraient pu se perdre mais, soutenus par leur communauté, ils sont revenus enrichis par des découvertes sur eux, sur la ville et ses mystères. Le premier a perçu les risques de s'aventurer sans repères dans un labyrinthe qui ne vous laisse plus sortir sans une frayeur indicible sauf si la tendresse d'un autre vous appelle. Le deuxième a enfin compris ses souffrances en lien avec celles de ses ancêtres, dont sa mère. Le dernier a pu se préserver des dangers encourus quand, seul, on doit affronter la déformation violente de nos perceptions. Enfin, chacun a pu compter sur la présence des autres qui, bien que dans l'ignorance de ce qui les traverse, restent là présents. Les petites histoires de Martine 17 Mon voyage en Guinée Conakry En novembre et décembre derniers, profitant d'un congé Le plus souvent cela vient de la méconnaissance exceptionnel, j'ai voyagé en Guinée Conakry. C'est un de la maladie. Si, dans bien des cas, la médecine pays de l'Afrique de l'ouest, situé sous le Sénégal. Il fait traditionnelle est efficace ou complémentaire à la huit fois la Belgique, on y parle français, plusieurs langues médecine occidentale, quand les patients arrivent au locales et des centaines de dialectes. Conakry, c'est la centre, c'est souvent après avoir tout essayé : docteurs, capitale. Une capitale africaine à la fois fantastique hôpitaux, infirmiers de brousse, guérisseurs traditionnels, et monstrueuse. Elle est faite de béton, de tôles, de exorcistes. Ils ont pris des médicaments de toute sorte, des terre. Il y a des voitures, des arbres et des gens partout. plantes, des antibiotiques, fait des saignées, des prières, Je retournais en Guinée pour la deuxième fois. Cette fois des sacrifices et dépensé tout l'argent de la famille. pour soutenir l'association Fraternité « Une des conséquences Grâce à une collaboration avec Médicale Guinée, une ONG des psychiatres européens, les guinéenne et son responsable le dr. inattendues pour le soignants, infirmiers et assistants Sow, un confrère et ami. sociaux, de FMG ont appris à personnel de ces Les centres de santé de l'association reconnaître et traiter ces malades. centres, c’est que la FMG ressemblent assez bien à nos Ils savent maintenant très bien maisons médicales. Ils essaient ce qu'il faut faire. Ils vont jusque prise en charge de ces d'être le plus accessibles possibles dans les familles et expliquent la malades mentaux leur a et d'apporter des soins de qualité maladie, l'importance du traitement appris à mieux écouter mais vu le peu de ressources et de son suivi. Ils proposent des financières, ils sont peu nombreux pour permettre l’achat des et mieux soigner tous les forfaits et mal équipés. médicaments, ils parviennent à autres malades. » rassurer les familles et gagner petit L'épidémie d'Ebola présente depuis à petit la confiance des patients. plus d'un an et demi, est une catastrophe qui s'ajoute J'ai ainsi vu plus d'une fois, des patients stabilisés par le à la pauvreté. Non seulement elle détruit des familles traitement exprimer leur gratitude et leur reconnaissance entières mais menace les liens sociaux et de nombreuses envers le personnel. traditions culturelles. Elle terrifie les soignants qui sont directement exposés et les gens qui ont peur de se rendre Une des conséquences inattendues pour le personnel au dispensaire. J'ai pu constater que la fréquentation de ces centres, c'est que la prise en charge de ces des dispensaires avait fortement baissé. malades mentaux leur a appris à mieux écouter et mieux soigner tous les autres malades. Les travailleurs disent Sauf dans les centres de santé de FMG où la situation eux-mêmes, qu'ils ont appris à moins juger, à mieux a l'air un peu différente : ils sont presque les seuls à écouter, à mieux prendre en compte les conséquences s'occuper des patients atteints de maladie mentale et des maladies pour les patients et leur famille. Et c'est de leur entourage. En dehors des gros hôpitaux de toute la qualité des soins qui s'est trouvée améliorée. Conakry, iI n'y a pas de psychiatre en Guinée ni de Ce qui s'est passé là donne beaucoup d’espoir service d'aide pour ces malades. Quand des gens aux Guinéens. souffrent de troubles du comportement, ont des délires Personnellement, j'en retiens une belle leçon de courage ou des hallucinations, ils sont vite traités de fous ou de et de persévérance. possédés par des démons. Comme ils peuvent avoir des Philippe Denoël, médecin comportements anormaux, l'entourage en a peur et ne sait plus quoi faire. Alors tout le monde les évite, voire les maltraite. Il arrive qu'ils soient enchaînés pour éviter des problèmes. Et tout le monde souffre de cette situation. 18 Actualités Changements dans l’équipe : Bonjour à tous, Comme certains d’entre vous le savent déjà, je termine mon assistanat le 30 septembre 2015. Il est temps pour moi de vous dire au revoir et de remercier toutes les personnes qui m’ont soutenue durant ces 2 années passées à la maison médicale La Passerelle. Je remercie les patients qui m’ont accueillie et fait confiance. Sachez que vous avez tous et toutes participé à cette agréable expérience ! Je suis encore là jusque fin septembre, nous pourrons donc envisager la suite de votre prise en charge ensemble. Je vous dis donc au revoir ici. Il est temps pour moi d’aller vers d’autres horizons avec pour bagage de nombreuses expériences et de multiples souvenirs. J’espère vous revoir tous très vite. Sophie Ceyssens (Médecin – Assistante) Je termine pour ma part le 31 juillet, après un an de formation parmi vous et 9 mois de remplacement. Je débute en septembre une formation en santé publique et médecine tropicale à Anvers, pour une durée de 6 mois. Je me doute que le défilé des assistants est peut-être difficile pour certains patients, c’est le « jeu » de l’assistanat : après les 7 ans de médecine, il faut se former durant 2 ans pour devenir médecin généraliste. Je voulais donc remercier la Passerelle de m’avoir permis de me former dans de si bonnes conditions et avec un tel soutien de l’équipe. Je remercie surtout les patients ; j’ai envie de dire « mes » patients pour certains car il est vrai qu’après quasiment 2 ans, j’ai pu créer une vraie relation de médecin de famille avec certaines personnes ! Merci donc, et l’on se reverra peut-être bientôt ! Dr Stéphanie Roland. Actualités 19 VACANCES En pratique LE CHAL’HEUREUX LA BAMBINERIE Place Sainte-Barbe, 16 - 4020 Liège Rue Raes de Heers, 13 - 4020 Liège Ouvert tous les mardis de 17h30 à 20h La Bambinerie sera fermée du 18 juillet au 16 août. Organise son barbecue d’été avec un bal aux lampions le 14 juillet et rouvrira ses portes le 18 août. EXERCICES PHYSIQUES La piscine Congés à la MM et la salle de sport continuent tout l’été des médecins M-L Boulangé P. Denoël D. Filée J. Herman O. Montigny La gym douce et la piscine à la Maison intergénérationnelle sont interrompues tout l’été Horaire des consultations médicales lundi mardi mercredi jeudi vendredi Juillet Août 610 - - 4 14 20 31 2428 3 et 920 2131 13 34 et 1720 O. Montigny D. Filée J. Herman P. Denoël ML. Boulangé S. Ceyssens A. Bontemps matin 9h - 12h 8h30 - 11h30 - - 8h30 - 11h30 - 9h30 - 11h30 après-midi 13h30 - 14h30 - 13h - 15h30 13h - 16h30 13h30 - 14h30 14h - 16h30 16h - 19h matin 8h30 - 11h - 10h - 11h30 8h30 - 11h 8h30 - 11h 10h - 11h30 8h30 - 10h après-midi 14h - 16h 15h - 17h - 14h - 16h30 14h - 15h30 15h30 - 18h30 14h - 16h matin 10h30 - 11h30 9h30 - 12h - 8h30 - 11h30 8h30 - 11h30 9h - 11h - après-midi 15h - 18h - - - 15h - 18h30 - - matin 8h30 - 12h 11h30 - 12h30 - 8h30 - 11h30 - 9h30 - 12h 9h - 11h30 après-midi 14h - 16h 14h30 - 16h30 16h - 19h - - 16h - 18h30 14h - 16h matin - 8h30 - 10h30 8h30 - 10h30 - 9h - 11h30 9h30 - 11h30 10h - 12h après-midi - 13h30 - 15h30 13h30 - 15h30 13h - 19h 1Vendredi/2 15h - 19h 1Vendredi/2 15h - 19h 13h30 - 15h 16h30 - 18h30 Avis à tous et toutes ! si vous avez des remarques, des envies, des sujets à proposer pour le périodique, n'hésitez pas à déposer vos billets dans la boîte à suggestions de L'Impatient ; elle se trouve dans la salle d'attente. 20 En pratique Mise en page : Atelier infographie d’Article 23 asbl, 12 rue de la Cathédrale, 4000 Liège - 04 223 03 33 www.article23.eu