Atelier 5 : La place de la grammaire dans l’enseignement d’une langue de spécialité – Compte-rendu Présidente : Véronique DOPPAGNE – Secrétaire : Pierre GERON Intervenants : Myriam LENAERTS (HEPL – Elie Troclet) : Grammaire : état des lieux à la Haute Ecole de la Province de Liège / Julien STEVENS (ULg – ISLV) : La place et le rôle de la grammaire dans les cours de langue (allemand et anglais) de spécialité en faculté Myriam Lenaerts s’est faite la porte-parole d’un groupe d’enseignants de langues actifs dans les différentes formations organisées à la haute école Elie Troclet. Les cours de langue font partie des programmes de bacheliers en communication, en assistants en psychologie, en e-commerce, en elearning, ainsi qu’en marketing. Myriam Lenaerts entame sa réflexion en se posant la question du sens : est-il nécessaire d’enseigner la grammaire ? Et si oui, pourquoi/pour quoi ? La réponse qui semble s’imposer naturellement est qu’il est difficile, voire impossible, de faire l’économie de l’apprentissage des règles qui régissent plus ou moins systématiquement le fonctionnement d’une langue donnée. De même qu’on ne peut jouer aux échecs sans connaître les mouvements propres à chaque pièce du jeu, on ne peut communiquer efficacement dans une langue si on en ignore l’organisation de ses différents éléments. De cette réponse affirmative à la question du sens découle une autre question : si l’on ne peut faire l’impasse sur un apprentissage minimum de la grammaire, existe-t-il un cours de grammaire idéal ? Ici, la réponse semble nettement moins évidente. L’hétérogénéité des profils d’apprenant (avec, notamment des acquis inégaux au début du cours) ainsi que les différentes finalités de la formation en langue dispensée dans chaque formation font qu’il est difficile d’abstraire l’enseignement de la grammaire en dehors du cadre particulier d’un dispositif didactique spécifique. Cette multiplicité de facteurs n’empêche toutefois pas de cerner certaines constantes dans l’enseignement de la grammaire tel que l’envisagent Myriam Lenaerts et ses collègues. Ainsi, la grammaire n’est jamais envisagée comme une fin en soi, mais plutôt comme un outil qui doit aider l’apprenant à développer davantage ses compétences communicatives dans la langue étrangère. Pour atteindre cet objectif, Myriam Lenaerts et ses collègues s’efforcent de proposer à leurs étudiants un enseignement de la grammaire qui répond à des critères de concision, de simplicité et de facilité d’assimilation. Un syllabus regroupant des activités d’exposition des règles et d’application de celles-ci au travers d’exercices de drill, de traductions ciblées, de jeux et de chansons leur sert de support dans cette démarche didactique. Comme évoqué plus haut, la diversité des filières de formation justifie une approche à la carte de l’enseignement de la grammaire. C’est pourquoi chaque enseignant exploite librement les ressources didactiques communes en vue d’offrir un parcours d’apprentissage qui coïncide le mieux possible avec les objectifs de la formation en langue définis pour la filière de leurs apprenants. Certains enseignants choisissent notamment d’aborder la grammaire à travers les fonctions langagières. Selon la filière d’étude, rédiger un constat d’accident ou suivre les instructions de montage d’un meuble constituent, par exemple, des activités propices à l’apprentissage des prépositions. Pour conclure, Myriam Lenaerts évoque l’importance accordée aux erreurs grammaticales dans l’évaluation des performances linguistiques des apprenants. Le critère principal retenu est que la grammaire ne devrait pas entraver le bon déroulement de la communication. Tant que les erreurs de grammaire n’altèrent pas le sens du message et n’entravent pas la communication, il ne semble pas judicieux de sanctionner systématiquement l’étudiant par des pénalités brutales pour le non-respect de certaines règles. Notons finalement que cette gradation de la gravité des erreurs de code varie aussi en fonction de la compétence exercée : l’oubli du –s à la troisième personne du singulier du présent simple en anglais est certainement moins gênant lors d’un examen oral que pour une activité d’expression écrite. Dans la seconde intervention, Julien Stevens, enseignant d’allemand et d’anglais actif dans différentes facultés de l’ULg, a formulé, dans son analyse de sa pratique pédagogique, des constatations convergentes avec les idées développées dans le premier témoignage. Ainsi la grammaire est-elle aussi conçue comme un outil – et non comme une fin en soi – dans les cours qu’il enseigne. Il emploie la métaphore de la condition physique du sportif pour préciser la place de la grammaire au sein des dispositifs didactiques tels qu’il les conçoit : un footballeur ne cherche pas à accroître sa masse musculaire et à améliorer son endurance dans le seul but d’avoir un corps fort et sain, mais bien afin de pouvoir fournir des performances sportives de bon niveau lors des matchs. L’université ne fait pas exception au constat déjà établi ailleurs dans l’enseignement supérieur : les étudiants de première année ont une maîtrise très variable des langues étrangères en général et de l’anglais en particulier. Un des défis de l’enseignant de langue est donc de parvenir à harmoniser le niveau au terme de la première année. Julien Stevens fait l’inventaire des stratégies mises en place dans les facultés de Psychologie et de Sciences pour répondre aux besoins éclectiques des étudiants : tests de placement permettant de constituer des groupes de niveau, enseignement différencié avec évaluation formative commune en fin d’année, cours de renforcement pour les étudiants plus faibles et pour les plus avancés, une filière parallèle leur offrant aux étudiants la possibilité de sauter un niveau. Par ailleurs, la Grammaire Anglaise de Base Interactive (GABi) permet déjà d’externaliser une partie de l’apprentissage de la grammaire : grâce à ce nouveau dispositif d’e-learning, fruit de la collaboration d’une équipe de dix enseignants d’anglais de l’ISLV, la grammaire peut s’apprendre ou se réviser en auto-formation et de façon personnalisée. Dans les niveaux d’apprentissage supérieurs, la grammaire n’a plus vraiment pignon sur rue : elle est intégrée aux différentes tâches. Par exemple, pour décrire le cycle géologique (The rock cycle), l’apprenant devra savoir se servir de la voix passive, des mots liens tout aussi bien qu’il devra maîtriser l’utilisation de l’article. L’enseignement explicite de la grammaire peut alors éventuellement refaire une brève apparition sous la forme d’un rappel, mais les connaissances grammaticales des étudiants n’entrent plus en ligne de compte lors de l’évaluation finale. Pour conclure, Julien Stevens réitère l’importance de la grammaire dans le processus d’apprentissage chez l’adulte : apprendre une langue étrangère de façon empirique par simple exposition est une méthode qui connait des limites. Tôt ou tard, l’apprenant aura besoin de formaliser certaines connaissances pour progresser dans son apprentissage. Donc, même si les deux formes d’enseignement ont leur raison d’être et se complètent fort utilement, il ne faut pas confondre cours de matière en langue étrangère et cours de langue étrangère. Si les cours de matière en langue étrangère peuvent être perçus comme l’aboutissement des cours de langue étrangère, les premiers pourraient difficilement se passer des derniers pour exister.