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Editeur responsable: Xavier Scheid
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La rentrée est déjà là et les vacances s’achèvent. Même si elles furent peu ensoleillées nous espérons que vous en avez profité pour changer de rythme et
recharger vos batteries.
Ce numéro de notre revue propose d’éclairer le rôle de l’orthophoniste dans la prise en charge palliative, spécialement à domicile. Peu connu, il est pourtant
essentiel pour répondre aux problèmes que posent la communication et les troubles de la déglutition.
L’alimentation per os et l’hydratation du malade impliquent plusieurs intervenants et comportent des enjeux affectifs non négligeables. Une réflexion
interdisciplinaire est essentielle pour décider du maintien ou de l’arrêt de l’alimentation orale ou du choix d’une gastrostomie. Les exemples concrets donnés
dans l’article aideront à mieux comprendre cette problématique.
Vous trouverez également dans ce numéro la liste des formations proposes et les livres qui peuvent nous permettre “d’interroger nos certitudes pour laisser
la place à la parole du patient “.
EDITORIAL
PHONISTE
L’ORTHO-
Colloques
Formations
info
10-12
8-9
Livres
L’orthophoniste et les soins palliatifs
Colloques
Livres
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3 ème Trimestre 2014 – N°94
Betty Servais
Présidente
L’intervention de l’orthophoniste dans le cadre des soins palliatifs est indissociable d’une conception
interdisciplinaire de la prise en charge des troubles de la déglutition et de la communication. Cet article
tente d’en présenter les raisons. Deux cas concrets sont détaillés, illustrant d’une part la difcile
décision de l’arrêt de l’alimentation, et d’autre part l’accompagnement interdisciplinaire des troubles
chroniques dans une démarche d’Education Thérapeutique du Patient.
Introduction :
Depuis une vingtaine d’années une réexion a mené à la mise
en place de structures mobiles ou xes d’accompagnement
des personnes en n de vie et à l’extension des soins
palliatifs à domicile ou au sein des institutions. Par dénition,
l’intervention auprès du patient dans le cadre des soins palliatifs
correspond à un contexte pluri-professionnel. En effet, les
axes d’intervention auprès de la personne dans un contexte
de maladie chronique et/ou en n de vie sont multiples et
répondent à des besoins se répercutant d’une part et d’autre
dans les sphères affectives, cognitives, de communication, et la
satisfaction des besoins essentiels.
Des professionnels médicaux et paramédicaux se succèdent et
participent à l’intervention auprès du patient. L’entourage et
les soignants peuvent contribuer tout autant à la distribution
des soins de confort. Les décisions collégiales sont valorisées,
tentant de rester au plus près des souhaits du patient. La
Communication, la Déglutition, l’Alimentation et l’Hydratation
sont des fonctions qui concernent l’ensemble des interlocuteurs
requis au chevet du malade.
Le schéma ci-contre représente le patient au milieu de ces
complexes interactions de soins, dans son contexte global face
à la maladie.
Mais de plus en plus, il est question d’interdisciplinarité
pour évoquer la nécessité de construction conjointe d’un
savoir et d’une collégialité autour du patient (Mazzocato,
2003). Il s’agit d’une forme de coopération entre plusieurs
disciplines, se situant entre celle de pluridisciplinarité et de
transdisciplinarité. La notion de pluridisciplinarité montre
uniquement que plusieurs professionnels agissent auprès du
patient. L’interdisciplinarité sous-entend également que l’on
admet les frontières disciplinaires dans le monde médical et
paramédical (Leloup, 2010), mais elle intègre un fondement
émergentiste (Pasquier et Schreiber, 2007) qui, au-delà d’un
partage d’expérience, contribue à l’enrichissement mutuel et
à la création d’un espace commun autour du patient. Il s’agit
bien d’échanger et de construire ensemble un savoir spécique,
lié à la problématique du patient, et d’envisager ensemble les
réponses possibles pour parvenir à une décision thérapeutique.
La notion d’interdisciplinarité permet d’envisager la mise en
commun de points de vue disciplinaires complémentaires pour
répondre à la même problématique du patient (Morin, 1994).
02 LOrthophoniste et les Soins Palliatifs:
intervention interdisciplinaire auprès
d’une personne présentant des
troubles de la déglutition.
Frédérique Brin-Henry1, isaBelle THilTges-alTHuser 2, CHanTal BardoT3 .
«Article publié dAns le numéro de rééducAtion orthophonique n°251 de septembre 2012, Avec
lAutorisAtion de sA rédAction».
1 Orthophoniste au Centre Hospitalier de Bar-le-Duc (55), Docteure en Sciences du Langage, directrice des Etudes de l’Ecole d’Orthophonie de Lorraine, membre
associé de l’ATILF-UMR 7118 Université de Lorraine-CNRS. Contact : [email protected]
2 Médecin référente de l’EMSP au Centre Hospitalier de Bar-le-Duc (55) .
3 Diététicienne au Centre Hospitalier de Bar-le-Duc (55)
Il nous semble que les soins palliatifs
sont le creuset évident de cette co-
construction, intégrant patient,
entourage et famille, soignants et
intervenants sociaux. Il s’agit bien, dans
l’accompagnement des patients dans la
maladie chronique voire la n de vie, de
savoir créer cette collégialité prévue par
la loi dite Loi Léonetti4.
L’orthophoniste est donc concerné
doublement, de par la nature de ses
compétences professionnelles, dans le
cadre de cette interdisciplinarité avec
ses partenaires, mais aussi en raison
de l’évolution parfois péjorative des
pathologies des patients dont il s’occupe,
et qui motive un questionnement
particulier concernant les modes
d’alimentation et de communication.
Ainsi d’une part ce professionnel de
la communication accompagne le
patient, l’entourage puis les équipes
dans l’évaluation de la communication,
se focalisant principalement sur les
capacités à comprendre, émettre un
message (et sous quelle forme), et à
acquérir de nouvelles informations
(capacités mnésiques, orientation
temporo-spatiale, etc.). D’autre part il
peut contribuer au partage d’information
au sein des équipes.
Très concrètement, pour ce qui
concerne la fonction de l’alimentation
et l’hydratation, l’orthophoniste est un
interlocuteur privilégié lorsque se pose
la question d’adapter les ingestats ou de
faire évoluer la texture alimentaire du
patient en soins palliatifs.
Au centre hospitalier de Bar-le-
Duc (55), une Unité Mobile de
Soins Palliatifs, dirigée par le Dr I.
Thiltges-Althuser, a été créée en 1999.
Parallèlement, depuis 2002 une puis
deux orthophonistes (Frédérique Brin-
Henry et Estelle Bernard, attachées au
service de Médecine Physique et de
Réadaptation) interviennent dans tous
les services du centre hospitalier auprès
des patients présentant des troubles de la
communication et/ou de la déglutition.
Chantal Bardot, diététicienne, est
également présente de façon régulière
dans le suivi de patients présentant
des maladies chroniques (démarche
d’Education Thérapeutique du Patient).
Cette intervention des orthophonistes
dans des secteurs multiples a favorisé
la mutualisation de certains savoirs
et des approches du patient dans une
perspective interdisciplinaire.
Cet article tente d’exposer notre
expérience de l’interdisciplinarité
auprès des patients en soins palliatifs,
pour ce qui concerne la déglutition et
l’alimentation.
L’enjeu de l’alimentation per os
Les patients suivis par les services
de soins palliatifs présentent dans
leur ensemble des problématiques
d’alimentation et/ou d’hydratation.
Que ces dysfonctionnements soient
consécutifs à des pathologies oto-
rhino-laryngologiques, digestives,
neurologiques ou dues à la faiblesse
physiologique et la dégradation de l’état
général, l’accompagnement doit se faire
rapidement et régulièrement.
L’alimentation per os est un domaine où
l’ensemble des partenaires est impliqué.
Familles, soignants, le patient lui-même,
doivent établir un consensus entre les
résultats observables (nombre de fausses
routes, appétit, etc.) et leurs propres
représentations de la signication des
l’alimentation. Les décisions prises
par rapport à l’alimentation ou à
l’hydratation s’apparentent aux décisions
thérapeutiques retenues en soins palliatifs
(Aubry, 2008). Les traitements ou les
soins sont toujours éclairés par l’analyse
bénéce-risque du patient concerné et
ne suivent pas systématiquement des
recommandations qui seraient établies en
lien direct à une pathologie.
La phase d’évaluation des capacités
de déglutition reste important, le bilan
orthophonique s’inscrit généralement
dans cette optique en permettant de faire
état :
des possibilités concrètes d’absorption
des aliments (bilan orthophonique de
la déglutition y compris les capacités
motrices, sensorielles et sensitives
résiduelles)
du degré de connaissances et de
savoir-faire du patient
des possibilités d’acquisition nouvelle
(posture, mises en garde, etc.)
du risque de fausse route
L’évolution généralement péjorative
des capacités de déglutition oblige
les professionnels et les aidants
à reconsidérer régulièrement les
propositions d’alimentation et
d’hydratation.
Pour ce qui concerne la déglutition des
solides, l’adaptation progressive de
la texture, la détermination si elle est
possible d’une posture la moins gênante
possible, l’accompagnement aux repas
sont généralement les aspects explorés,
en complément de l’observation des
capacités motrices et physiologiques
restantes (déglutition volontaire,
automatique, réexe, motricité
buccolinguale et pharyngée, intégrité
sensitive et sensorielle…)
Pour ce qui concerne la déglutition des
liquides, très souvent affectée, le passage
à des consistances plus épaisses, voire
géliées peut être nécessaire mais plus
ou bien moins perçu en raison de la
sensation de soif non apaisée.
La décision collégiale doit primer
pour rééchir ensemble et répondre
à la problématique de l’alimentation
/hydratation du patient. Pour la
famille, cet échange doit permettre
d’appréhender globalement les enjeux
et la négociation bénéce-risque de
l’adaptation de l’alimentation, voire
l’arrêt de l’alimentation. Le passage à
l’alimentation entérale ou parentérale
(qui donne un apport complémentaire ou
primordial) représente déjà une étape.
03
4 La loi n° 2005-370, du 22 avril 2005 relative aux droits des patients en n de vie, complétée par les décrets du 6 février 2006
04
En effet si nous nous sentons tous
concernés par cette problématique de
l’alimentation et de l’hydratation, la perte
des capacités de s’alimenter seul par
voie orale représente un enjeu important
pour le patient, la famille et les soignants
(affectif, signication de l’alimentation).
La notion d’alimentation plaisir peut
être mieux comprise, en permettant à
l’entourage et au patient de continuer
à partager ce moment essentiel de
nourrissage. En revanche l’impact d’une
étape de perte, d’abandon de certains
aliments, voire de l’alimentation orale
(per os) au prot d’une alimentation
entérale ou parentérale unique est très
souvent mal vécu. Les problématiques
de l’alimentation soulèvent des enjeux
affectifs. Ceux-ci peuvent être très
intenses et doivent être accompagnés
par l’ensemble de l’équipe soignante.
Les décisions médicales doivent
être assumées pleinement par les
médecins après réexion d’une équipe
pluridisciplinaire. Cette concertation
aboutit à une décision collégiale qui
sera expliquée au patient et/ou à son
entourage an que ces derniers ne
supportent aucun sentiment de culpabilité
quant à l’arrêt de l’alimentation orale
ou à la poursuite d’une alimentation
orale « plaisir » (c’est-à-dire mesurée,
sans contrainte quantitative, dans un
moment privilégié) qui peut comporter
à tout moment un risque vital pour le
patient.
La volonté du patient doit toujours être
respectée en sachant que celui-ci (et/ou la
personne de conance qu’il a désignée),
a été informé an que «la décision soit
libre et éclairée».
Les décisions d’arrêt seront
accompagnés en équipe pluri-
professionnelle avec parfois un rôle
important de la psychologue lorsque les
sentiments d’abandon ou de perte seront
prépondérants (Joly et Gueit, 2012).
Cette première partie a tenté de
mettre en exergue la nécessité légale
et déontologique d’une construction
conjointe d’une réexion menant à une
prise de décision concernant les troubles
de la déglutition chez la personne
en soins palliatifs. L’ensemble du
personnel paramédical (orthophonistes,
diététiciens, psychologues, inrmiers,
aides-soignants), mais aussi l’entourage
doivent pouvoir partager des
connaissances, des analyses, en lien
avec le médecin. A partir des éléments et
des opinions émises par le patient ou sa
personne de conance, cette concertation
et ces confrontations de connaissance
doivent mener à une décision éclairée et
partagée, pour le maintien ou l’arrêt de
l’alimentation orale en particulier.
La deuxième partie de cet article expose
au travers de deux cas cliniques le
parcours vécu par les co-auteurs.
Partage d’expérience autour de
deux rencontres
N°1 : Nathalie
Nathalie est hospitalisée le 13 septembre en
service de médecine pour une pneumopathie
d’inhalation à la suite d’un nouvel épisode de
fausse route. En effet depuis plusieurs mois
elle a déjà présenté des épisodes similaires
à la maison. L’un de ces épisodes avait déjà
nécessité une brève hospitalisation dans le
même service en juin.
Nathalie est âgée de 57 ans, grabataire et
présente un handicap psychomoteur profond
depuis la naissance ; elle vit chez ses parents
qui n’ont jamais cessé de s’en occuper.
Depuis quelques mois, son état clinique
s’est dégradé avec un amaigrissement et un
appauvrissement relationnel. La maman est
très préoccupée et souhaite une sortie rapide
du service car son mari présente une maladie
d’Alzheimer très évolutive et son état s’est
dégradé également très récemment.
L’équipe mobile de soins palliatifs (EMSP)
est sollicitée dès le premier jour de
l’hospitalisation de Nathalie car son état
est inquiétant et sa mère ne semble pas le
mesurer.
Celle-ci est très présente, souhaite poursuivre
les soins d’hygiène et surtout assurer la
prise de repas. L’équipe soignante constate
de nombreuses fausses routes au cours de
la prise des repas, et a l’impression « de
voir une scène de gavage ». Les médecins
du service et des soins palliatifs sont
interrogés sur la pertinence de la pose d’une
gastrotomie. On demande une évaluation
auprès de l’orthophoniste qui pratique :
un bilan de déglutition (qui met en
évidence un allongement du temps oral,
une diminution de la bascule laryngée
et une vidange partielle des zones
pharyngées)
et de la communication (an de déterminer
les possibilités pour Nathalie d’exprimer
un avis).
L’état de Nathalie s’améliore rapidement
et la famille précipite la sortie : la réexion
n’aboutira pas.
Quinze jours plus tard, Nathalie est à nouveau
hospitalisée pour une nouvelle pneumopathie
de déglutition.
Le médecin de l’EMSP et le médecin du
service rencontrent la maman an d’expliquer
les mécanismes des pneumopathies à
répétitions avec un pronostic vital mis en jeu,
les bénéces attendus d’une gastrostomie.
Au cours de cet entretien sont abordés
l’aggravation clinique de la patiente depuis
quelques mois et l’évolution naturelle d’un
handicap psychomoteur sévère. La maman
refuse la gastrotomie et refuse d’abandonner
l’alimentation orale.
L’orthophoniste procède à un nouveau bilan
auprès de la patiente, rencontre la maman,
recueille les observations des inrmières et
des aides-soignantes.
Une discussion interdisciplinaire est organisée
où participent les soignants du service, les
membres de l’EMSP et l’orthophoniste. Les
opinions de la maman y sont intégrées. Les
données suivantes sont recueillies et admises
par l’ensemble des participants :
l’état de Nathalie s’est dégradé et
l’indication de la gastrotomie est
probablement déraisonnable
la maman a besoin de participer aux soins
d’hygiène et de continuer à « nourrir sa
lle»
les troubles de la déglutition sont uctuants
certaines des fausses routes peuvent être
évitées pas des conseils de posture ou de
choix d’alimentation.
L’orthophoniste redonne des conseils à
l’ensemble de l’équipe pour minimiser
les risques de fausse route (par exemple :
privilégier l’usage d’une petite cuillère à celui
de la cuillère à soupe, donner du temps entre
chaque bouchée, s’assurer que la cuillérée a
été avalée avant de redonner une autre..)
A l’issue de cette concertation, il est décidé
en consensus :
de ne pas réanimer la patiente en cas de
détresse respiratoire,
d’aider la maman à poursuivre une
alimentation « plaisir » chez sa lle dans
des conditions les plus favorables
05
L’orthophoniste «éduque» la maman, en
assistant à plusieurs repas. Tout en valorisant
l’action de la maman, qui a continué à venir
nourrir sa lle, l’accompagnement a permis
d’aborder les gestes qui semblaient plus
adéquats que d’autres (positionnement face
à Nathalie, fractionnement, donner du temps
pour observer l’élévation laryngée avant
une nouvelle bouchée, etc.). L’adaptation de
la texture a été bien accueillie. De manière
pratique on propose d’installer Nathalie pour
les repas, de tester la déglutition en donnant
les premières cuillères puis de laisser à la
maman le choix de donner le reste du repas.
La psychologue de l’EMSP renforcera
l’accompagnement de la maman à la perte
progressive de la relation et de l’alimentation
de sa lle.
Enn il a paru nécessaire de déculpabiliser
la maman sur l’origine des pneumopathies.
En effet les troubles de la déglutition étaient
liés à l’évolution de l’état de santé de sa lle
et non directement à la manière dont elle lui
donnait à manger depuis 57 ans !
A la mi-octobre, Nathalie va mieux, sa
maman souhaite un retour à domicile. Elle est
plus détendue et moins inquiète même si le
repas ne comporte que quelques cuillères…
Des aides sont mises en place au domicile
pour Nathalie et son père.
Fin décembre Nathalie est à nouveau
hospitalisée pour une pneumopathie.
L’état de son papa a nécessité une
institutionnalisation. La maman relate que
Nathalie ne communique plus depuis quelque
temps. L’antibiothérapie ne permettra
pas d’améliorer l’état fébrile et elle va
décéder très rapidement dans le service. Le
personnel du service et l’ EMSP ont alors été
particulièrement présents.
Cette première rencontre a été pour nous
emblématique de la difculté pour chacun à
trouver son identité professionnelle autour
d’une problématique commune. La difculté
de la prise de décision collégiale a résidé dans
la détermination des limites communes à
l’alimentation per os ; la maman connaissant
bien sa lle, il lui était difcile d’entendre,
puisqu’elle l’avait nourrie toutes ces années,
avec des épisodes de fausses routes itératifs,
de considérer que l’équipe pouvait lui retirer
ce rôle.
C’est donc autour d’une table que
cette décision collégiale de poursuivre
l’alimentation orale a pu se faire, avec
les équipes soignantes, le médecin
référent, l’inrmière des soins palliatifs et
l’orthophoniste.
N° 2 : Mme G
Mme G, 51 ans, est adressée en août par son
neurologue pour un bilan orthophonique de
la déglutition. Mme G présente une sclérose
latérale amyotrophique diagnostiquée en
novembre de l’année précédente.
Elle souffre principalement d’un décit
de la motricité des deux épaules. Elle se
plaint d’une fatigabilité importante et de ses
troubles de la motricité, qui l’empêchent de
poursuivre certaines activités, notamment
l’exercice de sa profession.
Le bilan met en évidence des troubles
de la déglutition dues à la perte de la
sensibilité intraorale (surtout à droite) et des
mouvements adiadococinétiques ralentis
(langue), en plus des fasciculations. Elle
a perdu du poids à raison de 3kg ces deux
derniers mois. Ce bilan a été accepté par la
patiente car elle avait présenté un épisode
très anxiogène d’hospitalisation suite à une
inhalation d’un morceau de fruit qu’elle était
en train de manger en public.
L’approche adoptée par l’orthophoniste
a été d’intégrer Mme G à un programme
d’éducation thérapeutique du patient.
Selon l’OMS5, l’éducation thérapeutique du
patient vise à aider les patients à acquérir
ou maintenir les compétences dont ils ont
besoin pour gérer au mieux leur vie avec une
maladie chronique.
La première étape du programme est le
diagnostic éducatif, qui permet d’évaluer
les habitus, les connaissances et les savoir-
faire du patient, ainsi que son projet et sa
motivation.
Dans ce cas précis, ce diagnostic a mis en
évidence :
Des habitus variés dans les prises
d’aliments (à la maison, souvent
accompagnée, en-dehors de la maison, en
public…)
Un fort rejet de la dépendance occasionnée
par exemple par la difculté à couper sa
viande, ou à savoir quand la soupe n’était
plus trop chaude pour la mettre en bouche
Des connaissances évasives sur le
mécanisme de la déglutition.
La non acquisition de consignes
d’adaptation des apports nutritionnels dans
le cadre de la SLA.
A la suite de ce diagnostic orthophonique,
l’orthophoniste a proposé à la patiente un
suivi respectant la fatigabilité délétère en ce
qui concerne la SLA (puisque cela contribue à
la destruction progressive des motoneurones).
Le suivi consistait en 5 séances initiales
individuelles visant :
L’acquisition de connaissances :
éléments simpliés sur l’anatomie et la
physiologie de la déglutition pour que la
patiente puisse identier les perceptions
de blocage et s’expliquer les difcultés
ressenties,
notion et identication des aliments à
risque
L’acquisition de nouveaux savoirs faires :
apprentissage de la manœuvre supra-
glottique,
entraînement et prise de décision quant
au choix de la texture des aliments (à la
maison et en public)
L’intégration de nouvelles habitudes
alimentaires liées à la maladie (apports
hyper protéinés) :
intervention conjointe de la diététicienne
et de l’orthophoniste dans une séance
spécique auprès de la patiente qui
envisage, pour son propre compte ce qu’il
est possible d’adapter dans son propre cas
(ajout de lait en poudre dans les purées,
d’un jaune d’œuf…) et/ou utilisation
surajoutée de compléments protidiques
hypercaloriques.
Cet accompagnement qui se poursuit depuis
lors a permis un maintien du poids et la
mise en commun de nouvelles compétences,
en lien avec les besoins mais surtout la
volonté du patient, recueillie de façon
formelle. On note un élargissement des
textures alimentaires bien gérées par Mme
G, en raison de la prise de conance et de
l’amélioration des connaissances sur les
processus de la déglutition.
L’accompagnement de la patiente s’effectue
dans un climat de conance avec une
évaluation systématique des savoirs partagés,
des prises de décision consensuelles quant
aux ajustements progressifs nécessaires
pour préserver les forces de la patiente. Le
relais à la diététicienne permet d’élaborer
avec la patiente un projet et une adaptation
sur mesure, en lien avec les habitus et
la motivation du patient, et sa propre
représentation de sa qualité de vie. On
pourra alors lui proposer des alternatives aux
conseils habituellement prodigués de façon
générale.
5 Rapport de l’OMS-Europe, publié en 1996, Therapeutic Patient Education – Continuing Education Programmes for Health Care Providers in the eld of Chronic
Disease, traduit en français en 1998. Voir également le site de l’HAS sur ce point.
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