VOL. 26 – NO5 – 2003 • OBJECTIF PRÉVENTION • 31
Différents types d’ajustement psycho-
logique peuvent apparaître selon les
vulnérabilités psychiques et les autres
facteurs de stress auxquels sont con-
frontés les travailleurs. Par exemple,
notons l’apparition de symptômes anxieux
et dépressifs de la tristesse, la perte de la
joie de vivre, la perte ou l’augmentation
de l’appétit, l’insomnie, un état de stress
aigu, une phobie spécifique, etc.
L’INTERVENTION PSYCHOLOGIQUE
Les objectifs d’une intervention psy-
chologique à la suite d’une EPA se situent
à trois niveaux.
➤En prévention primaire, on vise la
réduction de la probabilité d’une autre
EPA (réduction des risques par l’adop-
tion des pratiques de base en prévention
des infections) ainsi que la réduction des
risques de transmission du VIH, du VHB
et du VHC.
➤En prévention secondaire, on vise la
réduction de la détresse émotive occa-
sionnée par l’exposition comme telle, la
prévention de l’apparition de difficultés
d’ajustement psychologique, la gestion
des effets indésirables des ARV et le
retour vers un fonctionnement psycho-
logique et professionnel optimal.
➤Finalement, la prévention tertiaire a
comme objectif le traitement du trouble
de santé mentale déclenché par l’expo-
sition. La rapidité de l’intervention est
primordiale afin de créer une bonne
alliance thérapeutique et d’apporter un
soutien psychologique au travailleur qui
est souvent envahi par la peur et par
l’anxiété. Par ailleurs, les comportements
à risque que pourrait développer le travail-
leur (ex. : refus d’adopter les pratiques
de base en prévention des infections)
doivent également être explorés.
De la même façon, ses mécanismes
de défense passés et présents, adaptés
(ex. : affiliation, humour) et mésadaptés
(ex. : abus d’alcool, déni), les différentes
solutions alternatives pour prévenir le
développement des symptômes psycholo-
giques tels que des stratégies pour réduire
l’impact de l’exposition (ex. : bref congé
du travail, recherche de soutien au niveau
de sa famille et de ses amis, travail au
niveau d’une phobie des seringues) doivent
également faire l’objet d’une attention
particulière au niveau de l’évaluation et
du suivi psychologique. Lorsque néces-
saire, le travailleur doit être référé à des
membres d’une équipe interdisciplinaire
(ex. : médecin, psychologue, travailleur
social, diététiste, pharmacien).
Selon les symptômes présentés par le
travailleur, différents types d’intervention
psychologique peuvent être recommandés :
intervention de crise, soutien, psycho-
éducation, gestion du stress, relaxation,
approche centrée sur les besoins du
travailleur, etc. Les modalités d’inter-
vention varient également : consultations
individuelles, de couple, familiales, auprès
de l’équipe médicale qui prend en charge
le travailleur, etc.
CONSIDÉRATIONS SPÉCIFIQUES
AU MILIEU DE TRAVAIL
La crainte des
préjugés, d’être mis
en quarantaine,
d’être blâmés, l’in-
compréhension de
l’employeur et des
collègues, l’anxiété,
l’ambivalence quant
au dévoilement des
résultats du test de
dépistage du VIH,
la crainte d’être ex-
posés à des circons-
tances similaires, les
questions sur les mesures de sécurité
présentes dans le milieu de travail consti-
tuent différents enjeux auxquels sont
confrontés les travailleurs en suivi post-
exposition.
De plus, les travailleurs de la santé
deviennent alors eux-mêmes clients.
L’inversion des rôles, l’état de vulnérabilité
important et le sentiment de perte de
contrôle ne sont pas nécessairement faciles
à assumer.
L’impact sur le travail peut aussi
prendre plusieurs formes : diminution de
la vigilance face aux pratiques de base en
prévention des infections, impuissance,
sentiment d’être contaminés, stress, re-
mise en question de l’avenir professionnel,
surtout face à des clientèles difficiles,
culpabilité, réaction de colère contre les
clients, sentiment d’aliénation, etc.
Il devient ainsi important de vérifier
la compréhension des enjeux liés à l’EPA
du travailleur. Il peut être fort utile de
privilégier une approche fondée sur
l’écoute, le soutien et la compréhension,
tout en évitant les critiques, les blâmes,
la responsabilisation face à l’événement
(reconnaître que cela peut arriver à tout le
monde), l’indifférence ou la minimisation
de l’événement ou de ses conséquences.
Il peut également être utile de ne pas
éviter de parler de l’exposition et surtout,
de ne pas éviter le travailleur en se rap-
pelant qu’il a été exposé et non contaminé.
Il est aussi opportun de lui rappeler l’im-
portance de ses rendez-vous médicaux ;
faciliter son horaire de travail à cet effet
l’aidera à respecter les échéanciers du
suivi médical postexposition.
QUAND FAUT-IL RÉFÉRER ?
Le travailleur devrait être référé à un
psychologue ou à un psychiatre à sa de-
mande ou s’il a des symptômes dépressifs
ou anxieux importants, des idéations
suicidaires marquées, des difficultés
d’adhésion au traitement antirétroviral,
s’il refuse de se protéger ou de suivre le
plan de traitement médical qui lui est
recommandé, s’il se
désorganise, s’il est
incapable de mener
à terme ses tâches
quotidiennes et
professionnelles ou
de prendre soin de
ses besoins de base.
La présence
d’un trouble de
santé mentale préci-
pité ou aggravé par
l’EPA et le suivi
postexposition (ex. :
trouble lié à une substance, état de stress
post-traumatique, dépression majeure),
la détérioration de l’état psychologique
entraînant une incapacité à résoudre la
crise sont aussi des motifs de référence
psychologique très pertinents. En règle
générale, plus l’impact de l’exposition
suscite des symptômes psychologiques
importants, plus il devient urgent de
référer le travailleur à des ressources
psychologiques adéquates. ◆
*Pascale M. Lehoux, Ph.D. est psycho-
logue et travaille au Service de cardiologie
de l’Hôpital Notre-Dame du CHUM et
comme consultante auprès du Centre de
référence de prophylaxie postexposition
professionnelle accidentelle situé à l’Hôpital
Saint-Luc du CHUM. Elle travaille également
en cabinet privé.
C’est souvent dans les jours
ou les semaines qui
suivent l’exposition que
les travailleurs ont des
réactions psychologiques
les plus intenses.