Copyright © 2014 Global Development And Environment Institute, Tufts University. Tous droits sont accordés aux enseignants de reproduire ce module à des fins purement académiques. Les étudiants peuvent également télécharger ce module directement à http://ase.tufts.edu/gdae. Les auteurs encouragent tous les usagers de ce module à leur envoyer leurs observations et commentaires. Global Development And Environment Institute Tufts University Medford, MA 02155 http://ase.tufts.edu/gdae E-mail: [email protected] L’ECONOMIE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE MONDIAL 1. CAUSES ET CONSEQUENCES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE La question du changement climatique mondial1 est devenue une préoccupation majeure depuis une quinzaine d’années. Du point de vue de l’analyse économique, les émissions de gaz à effet de serre, qui sont la cause des changements climatiques planétaires, constituent à la fois une externalité écologique et un phénomène de surexploitation d’une ressource qui est un bien commun. L’atmosphère est un bien commun mondial dans lequel individus et entreprises rejettent toutes sortes de pollution. La pollution planétaire est un « mal public » supporté par tous – une externalité négative qui a un impact planétaire. Dans plusieurs pays, des lois de protection de l’environnement limitent les quantités de pollution d’air acceptables au niveau local et régional. Dans ces situations, et selon la terminologie économique, les externalités négatives associées à ces pollutions locales et régionales sont dans une certaine mesure « internalisées ». Mais il n’existe que très peu de contrôle sur les niveaux d’émissions du dioxyde de carbone (CO2), le principal gaz à effet de serre. Ce gaz n’a pas d’effets néfastes à court terme au niveau du sol, mais la large accumulation dans l’atmosphère de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre aura à long terme des effets significatifs sur les températures et le climat, bien qu’il y ait incertitude quant à l’amplitude probable ainsi que l’horizon temporel de ces effets (voir encadré 1). Si, en effet, les conséquences du changement climatique s’avéraient d’une grande gravité, il serait de l’intérêt de chacun de limiter ces émissions, dans l’intérêt général. Mais si aucun accord ou code de conduite n’existe au sujet des émissions, les actions des entreprises, des villes ou des nations, seront inadéquates. La question du changement climatique peut donc s’analyser comme un problème de bien public, nécessitant une action commune de collaboration entre toutes les parties impliquées. Puisque le problème est mondial, seul un accord international s’appliquant avec force à toutes les nations, les obligeant à agir pour l’intérêt général est en mesure de prévenir des conséquences écologiques désastreuses. NOTE – les termes écrits en caractères gras sont définis dans la section CONCEPTS ET MOTS CLES à la fin du module. 1 Le phénomène, souvent appelé à tort réchauffement climatique, est plus exactement décrit par le terme de 1 ENCADRE 1: QU’EST-CE QUE L’EFFET DE SERRE? Les rayons du soleil traversent les vitres d’une serre et réchauffent l’air à l’intérieur de la serre, mais le verre empêche que la chaleur ne s’échappe – ainsi les plantes qui ont besoin de climat chaud peuvent être cultivées sous serre, en climat froid. L’effet de serre qui existe sur Terre grâce à l’atmosphère qui, jouant le rôle du verre des vitres d’une serre, emprisonne la chaleur des rayons du soleil, a été décrit pour la première fois en 1824 par le scientifique français Jean-Baptiste Fourier. Les nuages, la vapeur d’eau, et les gaz à effet de serre que sont le dioxyde de carbone (CO2), le méthane, l’oxyde d’azote, et l’ozone permettent à la radiation solaire de passer au travers de l’atmosphère mais servent de barrière naturelle à la réfraction de la chaleur. Ceci crée un effet de serre, sans lequel la vie n’aurait pas pu apparaître sur Terre. En effet, sans effet de serre, la température à la surface de la Terre serait en moyenne de -18°C, au lieu d’être, de nos jours, d’environ 15°C en moyenne. La possibilité d’un effet de serre supplémentaire ou produit par l’homme a été introduite il y a environ un siècle par le scientifique suédois Svante Arrhenius. Il émit alors l’hypothèse que la combustion du charbon entrainerait une concentration accrue de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui aurait pour conséquence le réchauffement de la Terre. Depuis l’époque d’Arrhenius, les émissions de gaz à effet de serre ont considérablement augmenté. Les concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont accru d’environ 35% par rapport aux niveaux de l’époque préindustrielle. Outre l’augmentation de la combustion des combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole et le gaz naturel, les émissions de méthane et d’oxyde d’azote provenant de l’agriculture et de l’industrie ainsi que des substances chimiques synthétiques telles que les chlorofluorocarbures (CFCs), contribuent à l’effet de serre. Les scientifiques ont développé des modèles informatiques complexes afin d’estimer l’effet des émissions de gaz à effet de serre à court et long terme sur le climat mondial. Bien qu’il existe une grande incertitude inhérente à ces modèles, il y a quasi-unanimité dans la communauté scientifique pour s’accorder sur le fait que l’effet de serre créé par l’activité humaine représente une menace importante pour l’écosystème mondial. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit que les températures vont continuer à augmenter, les glaciers vont continuer à fondre et le niveau des mers à s’élever, et affirme que «même si on parvenait à arrêter immédiatement nos émissions de CO2 , la plupart des impacts du changement climatique continueront à se faire sentir pendant plusieurs siècles. Nous vivons un processus pluriséculaire qui est le résultat d’émissions de CO2 passées, présentes et à venir, et qui va se prolonger sur le très longterme. » Sources: Cline, 1992; Fankhauser, 1995; GIEC, 2013. Parce que le CO2 et autres gaz à effet de serre s’accumulent continuellement dans l’atmosphère, la stabilisation des émissions ne résoudrait pas le problème. Les gaz à effet de serre demeurent dans l’atmosphère pendant des décennies voire des siècles, continuant d’affecter le climat de la planète entière bien après qu’ils aient été émis. Les gaz à effet de serre sont des polluants-stock: seules des réductions majeures des émissions à des 2 niveaux compatibles avec la capacité d’absorption de la biosphère pourraient prévenir des accumulations toujours plus importantes dans l’atmosphère. Les estimations des capacités d’absorption de la planète sont de l’ordre de 20 à 50% des émissions actuelles causées par les activités humaines, d’où la nécessité de les réduire de 50 à 80%2. La mise en œuvre de politiques nationales et internationales de lutte contre le changement climatique pose des défis énormes, soulevant des enjeux scientifiques, économiques et sociaux considérables. Tendances et projections des émissions de dioxyde de carbone au niveau mondial Les émissions de dioxyde de carbone au niveau mondial dues à la combustion des combustibles fossiles ont augmenté de façon considérable pendant le XXème siècle, comme le montre la Figure 1. L’utilisation des combustibles liquides (pétrole) est aujourd’hui responsable d’environ 35% de l’ensemble des émissions mondiales de CO2 dues aux combustibles fossiles, alors que les combustibles solides (charbon) sont responsables de 40% et la combustion de gaz représente 18%. La Chine a pris la première place devant les Etats-Unis en 2006 comme pays le plus gros émetteur de CO2. En 2008, La Chine était responsable de 22% des émissions mondiales de CO2, suivie par les EtatsUnis avec 18%.3 Figure 1. Emissions mondiales de Dioxyde de Carbone dues aux combustibles fossiles (1860-2009) Million de Tonnes métriques de Carbone 9000 8000 7000 6000 5000 Pétrole 4000 Gaz 3000 2000 Charbon 1000 0 1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 Année Source: Carbon Dioxide Information Analysis Center (CDIAC), http://cdiac.ornl.gov/trends/trends.html , avril 2013 2 Selon le Rapport 2010 sur le Développement Mondial (World Development Report) les émissions de CO2 ayant une cause humaine en 2007 atteignaient un total de 9 Giga tonnes (milliards de tonnes). Les écosystèmes terrestres et les océans ne peuvent absorber que 3.4 Gt par an (Banque Mondiale, 2010). 3 Boden et al., 2011 3 Les progrès dans la lutte contre le changement climatique mondial ont été très lents, malgré de nombreuses conférences internationales consacrées à cette question, y compris la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement de Rio de Janeiro en 1992, La Conférence de Kyoto en 1997 qui a abouti au Protocole de Kyoto, le Sommet Mondial sur le Développement Durable de 2002, la Conférence de Copenhague en 2009 et la Conférence de Durban sur le Changement Climatique en 2011 (pour une liste détaillée des conférences sur le changement climatique, leurs succès et leurs échecs, voir l’encadré 2). Les projections actuelles montrent que les émissions de dioxyde de carbone continueront de s’accroître dans l’avenir (voir la Figure 2). Figure 2. Projections des Emissions de gaz carbonique (dioxyde de carbone) jusqu’en 2030, (Millions de tonnes métriques de CO2) pour les pays de l’OCDE et pour l’ensemble de tous les autres pays du monde non-membres de l’OCDE Source: U.S. Department of Energy, 2011. L’axe vertical de la Figure 2 mesure les millions de tonnes métriques de gaz carbonique alors que l’axe vertical de la Figure 1 présente les millions de tonnes métriques de carbone; la masse de toute émission de CO2 (gaz carbonique est égale à 3,67 fois la masse en carbone de ces émissions. Note: L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques - OCDE (OECD en anglais, comme l’indique la légende de la Figure 2) - est une organisation composée surtout de pays développés à fort revenu. Ses 34 pays membres sont des pays qui partagent les valeurs de gouvernement démocratique et d’économie de marché (OCDE, 2011). Les pays ne faisant pas partie de l’OCDE sont principalement des pays en développement. Certains pays émergents tels que le Mexique, le Chili et la Turquie font désormais partie de l’OCDE. 4 La Figure 2 montre une prévision de l’augmentation des émissions de dioxyde de carbone mondial dans les décennies à venir. Selon l’Administration Américaine d’Information sur l’Energie (U.S. Energy Information Administration ou U.S.E.I.A.), les projections des émissions mondiales de CO2 augmenteront d’environ 71% entre 2005 et 20354. Ces projections sont une hypothèse de référence pour l’U.S.E.I.A. qui suppose que les tendances économiques continueront à l’identique (hypothèse du « business as usual ») sans efforts majeurs de réduction des émissions de carbone. Comme nous le verrons, des politiques volontaires de transition énergétique substituant des énergies renouvelables aux combustibles fossiles, pourraient altérer ce scénario de manière significative. Les pays industrialisés étaient en 2005 responsables de presque la moitié des émissions totales de CO2. Comme le montre la Figure 2, la plupart de la croissance future des émissions viendra des pays à croissance rapide tels que la Chine et l’Inde. En particulier, on estime que les émissions de la Chine vont croître de 143% entre 2005 et 2035. 5 Bien que les émissions de carbone vont augmenter à l’avenir davantage dans les pays en développement, les émissions par habitant en 2020 seront toujours beaucoup plus importantes dans les pays industrialisés (environ six fois plus) comme le montre la Figure 3. Les pays en développement contestent toute application de mesures de réduction des émissions tant que les nations industrialisées émettent des quantités par habitant considérablement plus importantes que les leurs. Le déséquilibre mondial quant aux émissions par habitant est une question politique cruciale à laquelle on doit prêter toute l’attention nécessaire afin de la traiter de manière adéquate dans le débat politique mondial sur le changement climatique. Les désaccords sur cette question des responsabilités relatives de chaque pays sont la cause de la plupart des impasses dont ont souffert les négociations sur le climat (voir encadré 2). 4 Données provenant de l’ US Energy Information Administration, 2011, disponible sur le site: http://www.eia.gov/analysis/projection-data.cfm#intlproj 5 Données provenant de l’US Energy Information Administration, 2011, disponible sur le site: http://www.eia.gov/analysis/projection-data.cfm#intlproj 5 Figure 3. Emissions de Dioxyde de Carbone par habitant par pays, en 2013 Tonnes métriques de CO2 par habitant 20 17.62 15 9.19 10 9.26 6.52 5.73 4.07 5 2.41 1.45 0.37 0 United States Germany Japan France China Mexico Source: U.S. Energy Information Administration, April 2013 6 Brazil India Bangladesh ENCADRE 2: HISTORIQUE DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT La route tortueuse vers un accord sur le climat Année, lieu Evènement 1992, Rio de Janeiro Les négociations commencent avec la finalisation de la convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique. Les pays acceptent de réduire volontairement leurs émissions avec un sens de “responsabilité partagée mais différenciée”. 1995, Berlin La première Conférence annuelle des parties prenantes de la Conventioncadre – « Conference of the Parties » ou COP. Il en résulte un calendrier sur les négociations pour les deux années suivantes. Les Etats-Unis acceptent que les pays en développement soient exemptés d’obligations à réduire leurs émissions. 1997, Kyoto COP 3 débouche sur le Protocole de Kyoto. Les pays développés s’engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2008-2012. Il est prévu que les Etats-Unis devront les réduire de 7% audessous des niveaux de 1990. 1998, Buenos Aires Prévoit un plan d’application de Kyoto durant les deux années suivantes jusqu’en 2000. 2000, The Hague COP 6 : L’administration sortante de Clinton et les pays européens ne s’entendent pas sur les termes de l’accord. Les négociations échouent. 2001, Bonn Les négociations reprennent sur les termes imposant l’accord sur les signataires et sur l’adaptation du texte, mais l’administration Bush rejette le traité, le qualifiant de « défectueux ». 2004, Buenos Aires COP 10 : Les Etats-Unis bloquent les négociations formelles sur le traité Post-Kyoto. Les diplomates essaient d’engager des discussions informelles. 2007, Bali COP 13 : Les diplomates approuvent le calendrier des négociations Post Kyoto qui doivent se terminer en 2009. Cette fois-ci, comme les candidats à la Présidentielle Américaine se montrent plus conciliants sur la question du changement climatique, les Etats-Unis acceptent le calendrier. 2009, Copenhague COP 15 est un échec retentissant, puisqu’il ne débouche sur aucun accord ayant force d’obligation pour les pays. Il y est rappelé l’importance de limiter le réchauffement climatique au-dessous de 2°C mais sans fixer concrètement d’objectifs d’émissions à ne pas dépasser. Les pays développés promettent d’aider les pays en développement à atteindre leurs objectifs en matière d’émissions, à hauteur de 30 milliards de dollars par an, cette somme s’élevant à 100 milliards en 2020. 2010, Cancun 140 pays s’associent volontairement à l’accord de Copenhague en dépit des critiques largement partagées sur la manière dont l’accord a été conclu. Les nations se réunissent à Cancun pour aller plus loin que l’accord et créer les conditions d’un traité ayant force de loi en 2011. 2011, Durban COP 17 : Les pays participants s’engagent à adopter un traité universel ayant force de loi dès que possible, avant la date butoir de 2015, et devant prendre effet en 2020. Source: d’après ClimateWire, Environment & Energy Publishing (E&E), http://www.eenews.net/ 2011 7 Tendances et Projections du Changement Climatique La Terre s’est réchauffée de façon significative depuis qu’existent les premiers relevés fiables de températures, au milieu du XIXème siècle (Figure 4). Depuis les 100 dernières années, la température moyenne mondiale s’est élevée d’environ 0.7°C. Neuf des dix années les plus chaudes depuis les débuts des enregistrements météorologiques se sont produites depuis l’an 2000.6 Chacune des trois dernières décennies, années 80, années 90, années 2000, a été successivement plus chaude sur la surface terrestre que tout autre décennie précédente depuis 1850. Dans l’hémisphère Nord, la période 1983-2013 constitue probablement les trente années les plus chaudes depuis 1400 ans. Il existe aussi des indications que le taux de réchauffement, à l’heure actuelle de 0.13°C par décennie, est en augmentation7. Toutes les régions ne sont pas affectées de la même manière. L’Arctique et l’Antarctique se sont réchauffés à un taux deux fois supérieur au taux mondial moyen.8 Figure 4: Anomalies dans les températures annuelles mondiales, en degrés Celsius, période 1850-2010 0.6 0.4 0.2 C 0 e re g e-­‐0.2 D 0 5 8 1 6 5 8 1 2 6 8 1 8 6 8 1 4 7 8 1 0 8 8 1 6 8 8 1 2 9 8 1 8 9 8 1 4 0 9 1 0 1 9 1 6 1 9 1 2 2 9 1 8 2 9 1 4 3 9 1 0 4 9 1 6 4 9 1 2 5 9 1 8 5 9 1 4 6 9 1 0 7 9 1 6 7 9 1 2 8 9 1 8 8 9 1 4 9 9 1 0 0 0 2 6 0 0 2 2 1 0 2 -­‐0.4 -­‐0.6 -­‐0.8 Year Source: Carbon Dioxide Information Analysis Center CDIAC, données relevées en Avril 2013, http://cdiac.ornl.gov/ftp/trends/temp/jonescru/global.txt Note: La base de référence (zéro) représente la température mondiale moyenne pendant la période1961-1990. Bien que le réchauffement du climat mondial puisse être un phénomène naturel, le Groupe d’Experts Intergouvernementaux sur l’évolution du Climat (GIEC) a conclu en 2013 que : 6 NASA Goddard Institute for Space Studies, Jan 19,2012. http://www.giss.nasa.gov/research/news/20120119/. 7 Information disponible sur le site de l’Agence Américaine pour la Protection de l’Environnement, US EPA, 2011, http://www.epa.gov/climatechange/science/recenttc.html , autre source disponible: GIEC 2013. 8 GIEC, 2007. 8 L’influence humaine a été détectée dans le réchauffement de l’atmosphère et des océans, dans les changements du cycle de l’eau à l’échelle planétaire, dans la réduction des précipitations de neige, dans la diminution des glaciers, dans l’élévation du niveau des mers, et dans la fréquence accrue d’évènements climatiques extrêmes. Toutes les données pointent vers un accroissement de l’influence humaine sur le climat. La probabilité que l’influence humaine ait été la cause majeure du réchauffement observé depuis le milieu du XXème siècle, est extrêmement forte (GIEC, 2013, résumé à l’intention des décideurs, p. 15) Ces températures chaudes ont produit des effets notables sur les écosystèmes. Dans la plupart des régions du monde, les glaciers sont en retrait. Par exemple, le Glacier National Park dans le Montana, aux Etats-Unis, avait 150 glaciers quand cette réserve naturelle a été fondée en 1910. En 2005, il ne restait que 25 glaciers et l’on estime qu’en 2030 le parc n’aura plus aucun des glaciers qui lui ont donné son nom. Le changement climatique conduit également à la montée du niveau des océans. Ce phénomène est dû à la fonte des glaciers et de la banquise polaire, et au fait que l’eau se dilate quand elle se réchauffe. Les océans se sont réchauffés en moyenne de 0.1°C entre 1961 et 2003. Ce réchauffement de l’eau, combiné avec la fonte des glaciers et banquises a causé une montée du niveau des mers d’environ deux millimètres par an (voir Encadré 3). Outre l’élévation de la température des océans, l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère conduit à l’acidification des océans. Selon le U.S. National Oceanic and Atmospheric Administration, « environ la moitié de tout le dioxyde de carbone produit par les humains depuis la Révolution Industrielle s’est dissout dans les océans. Cette absorption a ralenti le processus du réchauffement climatique, mais il a aussi diminué le pH des océans, rendant ceux-ci plus acides. Une plus grande acidité de l’eau se traduit dans une plus grande corrosion des minéraux dont dépendent de nombreuses espèces sous-marines pour construire leurs coquilles et leurs squelettes. »9 Un rapport récent du magazine Science révèle que les océans sont en train de s’acidifier à une vitesse si élevée qu’elle ne s’est probablement pas produite depuis 300 millions d’années, avec des conséquences potentielles désastreuses pour les écosystèmes marins.10 Les barrières de corail sont parmi les premières victimes du réchauffement et de l’acidification des océans, car les coraux ne peuvent se former que dans un environnement marin variant très peu en température et en acidité. Les élevages d’huitres sont également affectés et on les compare souvent aux « canaris dans les mines de charbon » car ils peuvent prédire à l’avance les effets de large ampleur sur les écosystèmes marins de l’augmentation de l’acidité des océans. 11 9 National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), 2010. Deborah Zabarenko, “Ocean’s Acidic Shift may be Fastest in 300 Million Years,” Reuters March 1, 2012; Hönish et al., 2012. 11 Roger Bradbury, “A World without Coral Reefs,” New York Times July 14, 2012; NOAA, 2010, “Scientists Find Rising Carbon Dioxide and Acidified Waters in Puget Sound” http://www.noaanews.noaa.gov/stories2010/20100712_pugetsound.html et http://www.pmel.noaa.gov/co2/story/Going+Green%3A+Lethal+waters 10 9 ENCADRE 3: DES ILES DU PACIFIQUE DISPARAISSENT SOUS LA MONTEE DES EAUX Deux îles de la petite nation de Kiribati dans l’Océan Pacifique – Tebua Tarawa et Abanuea – ont disparu à cause de l’élévation du niveau des mers. D’autres, appartenant à Kiribati ainsi qu’à la nation voisine de Tuvalu, sont sur le point de disparaitre. Jusqu’à présent l’océan a recouvert de petits ilots inhabités mais la crise grandit autour des atolls. Les scientifiques estiment que le niveau de l’Océan Pacifique s’élève de 2 millimètres par an, et prédisent que ce taux va s’accélérer en raison du changement climatique. Les îles peuplées sont sous pression. Les îles principales de Kiribati, Tuvalu ainsi que les îles Marshall, sont souffert d’inondations graves et répétées, alors que les hautes marées ont eu raison des barrages, et se déversent sur les ponts, les routes, les plantations, et les habitations. Presque tout le littoral des atolls des îles Marshall subissent l’érosion. Les tombes de la Seconde Guerre Mondiale sur l’atoll principal de Majuro sont recouvertes par l’eau, et les routes et les champs ont été submergés. L’aéroport a été inondé plusieurs fois malgré les barrages contre la haute mer. Le peuple de Tuvalu a la plus grande difficulté à pratiquer l’agriculture à cause des infiltrations d’eau de mer qui empoisonnent de sel les sols. A Kiribati comme dans les îles Marshall, les familles cherchent désespérément à protéger leurs terres des vagues en déversant toutes sortes de vieilles voitures, de camions, et de machines dans la mer, enchevêtrés à des rochers. La situation est si dramatique que les leaders de Kiribati sont en train de considérer l’option d’évacuer la population entière de la nation, soit 103000 habitants, vers les îles Fiji. Déjà plusieurs villages ont été évacués. A des milliers de kilomètres de là, dans les Maldives, l’histoire est presque la même. L’Océan Indien balaye les plages d’un tiers de ses 200 îles inhabitées. Comme l’exprime le Président Gayoom « l’élévation du niveau de la mer n’est pas une hypothèse scientifique à la mode, c’est la réalité. » Les mers montent en raison de la fonte des glaciers et de la décroissance des calottes polaires, mais surtout en raison de la dilation des océans due au réchauffement de leurs eaux. Les scientifiques estiment que ces processus contribueront à l’élévation du niveau des mers d’au moins 40 centimètres au cours du siècle, suffisante pour détruire plusieurs nations insulaires. Plus les mers montent, plus fréquentes sont les tempêtes dont les vagues dévastent les atolls étroits, en emportant le sol avec elles – et on prévoit que le nombre de tempêtes va s’accroître avec le réchauffement du climat. De plus, un grand nombre d’îles deviendront inhabitables bien avant de disparaître sous l’eau, en raison de la contamination par les eaux salines des nappes d’eau douce dont dépendent la survie des populations. D’après: Lean, Geoffrey, “They’re Going Under: Two Islands Have Disappeared Beneath the Pacific Ocean - Sunk by Global Warming.” The Independent, June 13, 1999, p. 15 (cité avec la permission de « The Independent »); “Kiribati Global Warming Fears: Entire Nation May Move to Fiji,” Associated Press, March 12, 2012. 10 Les projections futures sur le changement climatique dépendent des évolutions des émissions futures. Même si toutes les émissions de gaz à effet de serre s’arrêtaient aujourd’hui, le monde connaitrait un réchauffement au cours des quelques décennies à venir en raison des effets décalés dans le temps des émissions (l’impact d’émissions actuelles ne se faisant ressentir que dans plusieurs années). En se fondant une grande variété de modèles avec des hypothèses différentes sur les émissions à venir, le GIEC estime que : L’augmentation de la température moyenne de la surface du globe pour 2081-2100 par rapport à 1986-2005 sera très probablement supérieure à 1.5°C et pourrait être aussi élevé que 4.8°C. Les régions Arctique et Antarctique seront celles qui se réchaufferont plus que la moyenne mondiale, et le réchauffement sera supérieur sur les continents que sur les océans. L’étendue des changements possibles de températures est représentée dans la figure 5. Figure 5. Projections des tendances de la température mondiale à l’horizon 2100 Source : GIEC, IPCC Fifth Assessment Report, Climate Change 2013 : the Physical Science Basis Chapter 12, Fig. 12-37, p. 12-161 Note : les différentes courbes en bleu et en vert montrent des scénarios différents ; le plus bas donne une température moyenne de 2°C de plus qu’aujourd’hui à la fin du siècle, et le plus élevé une température de près de 5°C de plus qu’aujourd’hui. 11 Figure 6. Tendances de la température mondiale projetées à l’horizon 2100 – Deux scénarios extrêmes Source : GIEC, 2013 Dans le rapport de 2013 du GIEC, plusieurs scénarios futurs sont considérés. La figure 6 représente les deux scénarios extrêmes, le premier représente l’augmentation la plus faible possible de la température moyenne à la surface terrestre à l’horizon 2081-2100, tandis que le second scénario représente au contraire l’augmentation la plus élevée possible. L’amplitude réelle du réchauffement et des autres effets dépendra du niveau auquel les concentrations atmosphériques de CO2 et des autres gaz à effet de serre se stabiliseront en définitive. En 2011 la concentration atmosphérique de CO2 était d’environ 391 ppm. Lorsque l’on considère la contribution des autres gaz à effet de serre, l’effet total est équivalent à une concentration de 450 ppm de CO2– concentration que l’on appelle CO2e.12 La figure 7 ci-dessous met en relation le niveau de stabilisation des gaz à effet de serre, mesuré en nombre de CO2e, avec l’accroissement des températures moyennes qui en résulte, ce qui inclut un degré d’incertitude. Les lignes horizontales en trait plein dans la figure 7 représentent l’étendue des températures possibles avec une probabilité de 90%. Les traits en pointillé s’étendant de part et d’autre des traits pleins représentent l’étendue des prédictions complètes résultant des modèles existant. La ligne verticale au milieu de chaque trait plein représente la médiane pour chacune des prédictions. 12 IPCC, 2013 12 Figure 7. La relation entre le niveau de stabilisation des gaz à effet de serre et les changements éventuels de température Source: Stern, 2007. Cette projection montre que si les concentrations de gaz à effet de serre se stabilisaient à 450 ppm CO2e, il y aurait une probabilité de 90% que les températures augmentent entre 1.0 et 3.8°C, avec une faible probabilité que cette augmentation soit supérieure. Compte tenu que les concentrations de gaz à effet de serre sont actuellement de 430 ppm CO2e, une stabilisation à 450 ppm représente un défi quasi insurmontable. Comme nous le verrons plus loin, même une stabilisation à 550 ppm CO2e nécessiterait une prise de décision politique mondiale drastique. 13 2. L’ANALYSE ECONOMIQUE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE Les scientifiques ont modélisé les effets d’un doublement des niveaux accumulés de dioxyde de carbone dans l’atmosphère terrestre. Certaines de leurs prédictions sont les suivantes: • Perte de terres sous la montée des eaux, en particulier de plages et de marais • Perte de biodiversité et de surfaces de forêts, dues notamment à la disparition des barrières de corail et des marais et mangroves • Contamination des sources d’eau douce et problèmes de rareté de l’eau pour l’agriculture et la consommation urbaine • Accroissement des problèmes de santé publique et de la mortalité due aux vagues de chaleur et à la progression des maladies tropicales • Augmentation des coûts liés à la climatisation • Perte de récoltes agricoles en raison de sècheresses Il se peut que quelques-uns des effets soient positifs tels que: • Augmentation de la production agricole dans les climats froids • Diminution des coûts de chauffage • Diminution de la mortalité causée par l’exposition au froid S’ajoutent à ces effets d’autres conséquences moins prévisibles mais potentiellement plus destructrices, en particulier: • La modification des régimes climatiques, s’accompagnant d’une fréquence accrue d’ouragans et autres évènements climatiques extrêmes • La fonte possible des glaces du Groenland et de l’Antarctique occidental, ce qui aurait pour conséquence une montée des océans d’au moins 12 mètres et provoquerait la disparition de nombreuses villes côtières dont plusieurs mégapoles. • Le changement soudain de constantes climatiques, tel qu’un brusque changement de direction du Gulf Stream dans l’Atlantique Nord, qui aurait pour conséquence de transformer le climat de l’Europe en celui de l’Alaska • Le déclanchement de boucles rétroactives positives,13 aux effets exponentiels dévastateurs, tel que le réchauffement de la toundra arctique entrainant un relâchement dans l’atmosphère de quantité de CO2 et de méthane considérables qui aurait pour effet une accélération du réchauffement climatique. 13 Une boucle rétroactive représente un phénomène pour lequel un changement du système entraîne des conséquences qui agissent en réaction sur le système, allant soit dans le même sens que le changement initial (boucle rétroactive positive, à effet exponentiel) soit dans le sens opposé au changement initial (boucle rétroactive négative, autorégulée autour d’un équilibre homéostatique) 14 Les projections du GIEC montrent qu’avec des émissions croissantes et des températures plus élevées, les effets négatifs iront en s’intensifiant alors que les éventuels effets positifs s’estomperont (Tableau 1). Comme le montre la figure 5, il existe une incertitude considérable sur le réchauffement climatique au cours du siècle. On se doit de conserver présentes à l’esprit ces incertitudes en abordant toute analyse économique du changement climatique mondial. Tableau 1. Effets Possibles du changement climatique Type d’impacts Ressources d’eau douce Augmentation de la température par rapport aux niveaux préindustriels Agriculture et Alimentation Légère augmentation des rendements dans les régions tempérées Santé publique Au moins 300,000 personnes meurent chaque année de maladies liées au climat – dans les hautes altitudes, diminution de la mortalité liée au froid et à l’hiver Inondations côtières causant des dommages croissants De 40 à 60 millions de personnes en plus sont exposées à la malaria en Afrique Au moins 10% des espèces terrestres sont menaces d’extinction – risques accrus de feux de forêts Surfaces côtières Ecosystèmes 1°C 2°C 3°C 4°C 5°C Disparition de glaciers de petite taille dans les Andes, menaçant les ressources en eau de 50 millions de personnes Diminution potentielle des ressources en eau de 20 à 30% dans certaines régions (Sud de l’Afrique et bassin méditerranéen) Déclins des rendements agricoles dans les régions tropicales (5 à 10% en Afrique) Graves sécheresses dans le Sud de l’Europe tous les 10 ans –de 1 à 4 milliards de personnes souffrent de restrictions d’eau Diminution des ressources de 30 à 50% au Sud de l’Afrique et en méditerranée De 150 à 550 million de personnes supplémentaires en situation de malnutrition et de faim - les récoltes atteignent leur maximum dans les latitudes élevées De 1 à 3 million de personnes supplémentaires meurent chaque année de malnutrition Les récoltes déclinent de 15 à 35% in Afrique et des régions entières ne sont plus capables de produire d’agriculture Les larges glaciers de l’Himalaya disparaissent affectant un quart de la population chinoise Augmentation de l’acidité de l’océan réduit les ressources halieutiques Jusqu’à 80 millions de personnes supplémentaires sont exposées à la malaria en Afrique Accroissement des maladies services de santé publique soumis à une pression croissante Jusqu’à 10 millions de personnes supplémentaires sont exposées aux inondations côtières Jusqu’à 170 millions de personnes supplémentaires sont exposées à des inondations côtières Jusqu’à 300 millions de personnes supplémentaires sont exposées aux inondations côtières La montée du niveau des océans menace des villes majeures telles que New York, Tokyo et Londres 15 à 40% des espèces sont potentiellement menacées d’extinction 20 à 50% des espèces sont potentiellement menacées d’extinction. Possibilité d’un effondrement de l’écosystème de la forêt amazonienne Perte de la moitié de la Toundra Arctique – larges pertes des barrières de corail Taux élevés d’extinction à travers le globe Sources: Stern, 2007; GIEC, 2007. 15 Compte tenu de ces incertitudes, certains économistes ont tenté de placer l’analyse du changement climatique mondial dans le contexte de l’analyse coût-bénéfice. D’autres ont critiqué cette approche essayant de chiffrer des enjeux aux conséquences sociales, politiques et écologiques, allant bien au-delà de toute valeur monétaire qu’on puisse leur attribuer. Nous examinerons d’abord les tentatives des économistes de capturer les impacts du changement climatique au travers de l’analyse des coûts et bénéfices, puis nous reviendrons sur le débat relatif à l’application des politiques de réduction de gaz à effet de serre. Analyses Coût-Bénéfice du Changement Climatique Mondial Sans intervention politique, on peut s’attendre à ce que les émissions de carbone continuent d’augmenter approximativement comme indiqué sur la figure 2. Une action politique immédiate et agressive sera nécessaire pour stabiliser puis réduire les émissions de CO2 dans les prochaines décennies. Dans toute analyse coût-bénéfice, on doit mesurer les conséquences de la projection de l’augmentation des émissions de carbone et les comparer aux coûts des politiques d’action actuelles visant à stabiliser ou même à réduire les émissions de CO2. Des politiques appliquant une action forte permettant de prévenir le changement climatique apporteront des bénéfices égaux en valeur aux coûts des dommages évités14. Ces bénéfices doivent être comparés aux coûts de la mise en œuvre de l’action. Plusieurs études économiques ont tenté d’estimer ces bénéfices et coûts. Les résultats d’une de ces études pour l’économie américaine sont présentés au tableau 2. L’étude se base sur une hypothèse de doublement de CO2 par rapport aux niveaux préindustriels. Quand on additionne les coûts exprimés en $ de 1990, les dommages annuels pour les Etats-Unis sont estimés à approximativement entre $60 et $140 milliards (dollars de 1990). Ceci revient à environ 1% à 3% du P.I.B. américain. Bien que différentes études économiques obtiennent des estimations différentes, la plupart d’entre elles chiffrent les dommages à environ 1 à 3% du PIB. Dans l’hypothèse d’augmentation de températures encore plus importante dans le long terme, les coûts de dommages pourraient augmenter jusqu’à 10% du PIB. On doit cependant noter qu’il y a des inconnues dans le modèle, nommées “Xs” et “Ys” qui ne peuvent pas être mesurées facilement. Les dommages dus aux extinctions d’espèces par exemple, sont difficiles à estimer en valeur monétaire: les estimations utilisées ici montrent un coût de 1,4 à 5 milliards de dollars, avec des coûts additionnels inconnus à la fois dans le court et le long terme, qui apparaîtront avec un réchauffement supérieur. 14 Ces bénéfices des dommages évités sont souvent appelés coûts évités 16 Outre les valeurs inconnues des Xs et Ys, beaucoup d’autres estimations monétaires sont discutables car elles ne parviennent pas capturer les pleines valeurs des pertes potentielles. Par exemple, les bords de mer ont une valeur bien supérieure à leurs seules valeurs sur le marché immobilier. Les plages et les marécages côtiers ont des valeurs sociales, culturelles et écologiques immenses. Les valeurs de marché de ces terres n’incluent absolument pas l’étendue totale des dommages dont la société souffrirait si ces terres étaient perdues. Donner une valeur marchande à la vie humaine et à la santé n’est pas sans controverse – cette étude utilise la pratique commune dans les analyses coût-bénéfice qui attribue la valeur de 6 millions de dollars par vie, ce chiffre provenant d’études sur ce que les gens sont prêts à payer pour éviter des risques mettant la vie en danger, ou sont prêts à accepter (en termes de salaire supplémentaire pour les travaux dangereux) pour prendre de tels risques. De plus, ces estimations ne prennent pas en compte la possibilité de conséquences encore plus catastrophiques qui pourraient résulter d’une perturbation du climat bien pire que celles anticipées. L’ouragan Katrina d’Août 2005 par exemple, a causé 1800 décès ainsi que des dommages de 80 milliards de dollars. Si le changement climatique est la cause d’une recrudescence d’ouragans de cette ampleur (tels que le Typhon Haiyan qui s’est abattu sur les Philippines en Novembre 2013), les estimations données dans le tableau 2 de moins de un milliard de dollars de pertes annuelles pourraient être très sousestimées. Une autre valeur inconnue – celle de la morbidité humaine, et des pertes par maladies – pourrait être extrêmement importante si les maladies tropicales s’étendent sur des aires géographiques beaucoup plus grandes, en raison des conditions climatiques plus chaudes. 17 Tableau 2. Estimation des dommages annuels subis par l’économie américaine en raison du changement climatique mondial (en milliards de dollars de 1990) Cline (2.5°C) Fankhauser (2.5°C) Nordhaus (3°C) Titus (4°C) Tol (2.5°C) 17.5 3.4 1.1 1.2 10 3.3 0.7 X 43.6 X 4 1.4 X X 5 7 9 12.2 5.7 8.5 11.2 7.9 1.1 5.6 X -1.3 X X X X X X X 2.5 X X X X 12 5.8 11.4 9.4 37.4 0.5 0.6 X 1 0.8 0.2 X 0.3 1.7 X X X Water supply availability 7 15.6 11.4 X Water supply pollution X X 32.6 X Urban infrastructure 0.1 X X X 27.2 X Agriculture Forest loss Species loss Sea level rise Electricity Nonelectric heating Mobile air conditioning Human amenity Human mortality and morbidity Migration Hurricanes Leisure activities Air pollution 0.75% of GDP 3.5 7.3 Total in billions 61.1 69.5 55.5 139.2 74.2 Total as percent of GDP 1.1 1.3 1 2.5 1.5 Source: Nordhaus and Boyer, 2000, p. 70. Note: “X” denotes items that are not assessed or quantified. Dans une autre étude menée par Ackerman et Stanton en 2008, le coût total des dommages subis par l’économie dans le cas d’un scénario “business as usual” (où on ne changerait rien par rapport à maintenant) s’élèverait en 2025 à 271 milliards de dollars soir 1.36% du PIB. Ce coût augmente avec le temps, comme le montre le tableau 3. Ce 18 tableau présente les coûts de dommages dus à des ouragans, des pertes de terrains et immobilier, des pertes liées au secteur de l’énergie, et des pertes liées à la ressource en eau. Plus l’augmentation de températures est élevée et plus les dommages s’accroissent de manière démesurée. Tableau 3. Dommages causés à l’Economie américaine par le Changement Climatique Dommages dus aux ouragans Pertes du patrimoine immobilier Coûts du secteur énergétique Coûts du secteur de l’eau Coûts totaux En milliards de dollars de 2006 2025 10 En % du PIB 2050 43 2075 142 2100 422 2025 0.05% 2050 0.12% 2075 0.24% 2100 0.41% 34 80 173 360 0.17% 0.23% 0.29% 0.35% 28 47 82 141 0.14% 0.14% 0.14% 0.14% 200 336 565 950 1.00% 0.98% 0.95% 0.93% 271 506 961 1873 1.36% 1.47% 1.62% 1.84% Source: Ackerman and Stanton, 2008 Il est clair que les estimations des dommages futurs ne sont pas précises, et donnent lieu à de nombreuses critiques. Mais supposons que nous décidions de les accepter – au moins à titre de référence, donnant des ordres de grandeurs plus ou moins acceptables. Nous devons alors peser les bénéfices estimés des politiques de prévention du changement climatique avec les coûts de ces politiques. Afin d’estimer ces coûts, les économistes utilisent des modèles montrant comment le Produit de l’Economie résulte d’intrants tels que le travail, le capital, et les ressources naturelles. Afin de réduire les émissions de carbone, on doit diminuer l’usage des combustibles fossiles et leur substituer d’autres sources d’énergie qui pourront être plus coûteuses. En général, les modèles économiques prédisent que cette substitution réduirait la croissance du PNB. Une étude importante montre des pertes de 1 à 3% de PNB pour la plupart des pays, avec un potentiel de pertes plus élevées pour des pays dont le développement dépend fortement du charbon, comme la Chine15. 15 Manne and Richels, 1992. 19 Comment peut-on peser les coûts de la mise en œuvre de l’action contre le réchauffement climatique et les comparer aux bénéfices en termes de dommages évités? Beaucoup dépend de nos évaluations des coûts et bénéfices futurs. Les coûts de l’action doivent être supportés aujourd’hui et dans l’avenir proche. La plupart des bénéfices de cette action (les dommages évités) ne seront ressentis que dans l’avenir. Comment peuton décider aujourd’hui de l’équilibre futur entre coûts et bénéfices? Les économistes évaluent les coûts et bénéfices futurs au travers de l’utilisation d’un taux d’actualisation. On estime que les coûts et bénéfices du futur ont une valeur monétaire inférieure aux coûts et bénéfices du présent, l’ampleur de la différence dépendant du choix du taux d’actualisation (voir encadré 4). Les problèmes liés aux jugements de valeurs inhérents à ce choix viennent s’ajouter aux questions d’éthique et de jugements de valeurs dont nous avons parlé plus haut, concernant l’estimation des coûts et bénéfices. Peut-on vraiment dire que les dommages causés aux générations futures devraient peser moins lourd dans la décision que les mêmes dommages ressentis aujourd’hui ? Ceci implique que l’on doive considérer des approches alternatives – incluant des techniques qui peuvent incorporer les coûts et bénéfices écologiques autant qu’économiques. 20 ENCADRE 4: L’ACTUALISATION Les économistes calculent la valeur présente d’un coût ou bénéfice qui aura lieu dans l’avenir (dans n années) en “actualisant” ces sommes utilisant l’équation suivante: Valeur actuelle = $X / (1 + r)n Où X est la valeur future, r le taux d’actualisation et n le nombre d’années Ainsi, par exemple, si l’on veut déterminer la valeur présente d’un bénéfice de $50.000 qui sera reçu dans 25 ans, avec un taux d’actualisation de 5%, cette valeur est : $50,000 / (1 + 0.05)25 = $14,765 Le choix du taux d’actualisation devient encore plus important plus on s’éloigne dans le temps. La figure 8 ci-dessous montre la valeur présente de $100 pour des coûts et des bénéfices rencontrés à des périodes différentes à venir, en choisissant plusieurs taux d’actualisation différents, qui ont été utilisés dans plusieurs analyses coût-bénéfice relatives au changement climatique. Comme on peut le voir, les coûts ou bénéfices qui surviendront dans 100 ans ont une valeur actuelle négligeable avec des taux d’actualisation de 5 % ou 7% (relativement $0.76 et $0. 12). Même avec un taux d’actualisation de 3%, la valeur de $100 dans 100 ans n’est aujourd’hui que de $5.20. Mais quand le taux d’actualisation est de 1%, les impacts dans 100 ans sont considérés comme significatifs aujourd’hui ($100 dans 100 ans représenteraient $37 actuellement – et même sur une période de 200 ans, la valeur présente de $100 dans 200 ans serait presque de $20). Plus le taux d’actualisation est faible, plus on accorde aujourd’hui de valeur à l’avenir et plus les décisions actuelles prendront en compte ce qui se passera dans plusieurs décennies. A l’inverse, plus le taux d’actualisation est élevé, moins on tiendra compte aujourd’hui de ce qui peut se passer dans un futur lointain. Figure 8. Valeur actuelle d’un coût ou bénéfice futur de $100 Les effets des différents taux d’actualisation 21 3. L’ANALYSE DES EFFETS DE LONG TERME DU CHANGEMENT CLIMATIQUE Les études économiques traitant de l’analyse coût-bénéfice du changement climatique ont produit des conclusions et des recommandations politiques très différentes. Selon des études publiées par William Nordhaus et ses collègues16 , les politiques économiques “optimales” pour ralentir le changement climatique n’impliquent que des réductions modestes des émissions dans le court terme, suivies par des réductions s’accroissant dans le moyen et long terme. 17 Jusqu’à récemment, la plupart des études économiques sur le changement climatique avaient abouti à des conclusions semblables à celles de Nordhaus, bien que quelques-unes de ces études aient recommandé une action plus drastique. En octobre 2006, le débat sur le changement climatique a pris un tournant décisif avec le rapport publié par Nicholas Stern, un ancien économiste en chef à la Banque Mondiale. Ce rapport de 700 pages, commandé par le gouvernement Britannique, et intitulé “The Stern Review on the Economics of Climate Change”18 a suscité une très large attention des media et a relancé le débat sur les politiques du changement climatique dans les cercles académiques. Alors que la plupart des analyses économiques précédentes avaient suggéré des réponses politiques de modeste ampleur, le Rapport Stern recommandait avec la plus grande force des prises de décisions politiques radicales, et immédiates: Les preuves scientifiques sont désormais irréfutables: le changement climatique est une menace mondiale grave qui demande une réponse mondiale urgente. Cette étude dresse un bilan de tous les impacts possibles du changement climatique et de leurs coûts économiques, en utilisant un grand nombre de techniques d’évaluation des coûts et des risques. A partir de l’ensemble de ces perspectives et projections, une évidence émerge de tous les calculs opérés, qui nous conduit à cette conclusion claire et nette : les bénéfices d’une action forte et prise le plus tôt possible outrepassent de beaucoup tous les coûts à venir qu’engendreraient l’inaction. En utilisant les résultats de modèles économiques, l’étude estime que si rien n’est fait, l’ensemble de tous les risques du changement climatique et de leurs coûts serait équivalent à une perte de 5% du Produit Brut Mondial, chaque année, et indéfiniment. Si des risques et impacts d’une ampleur encore plus large devaient être pris en compte, les estimations des dommages pourraient s’élever à 20% du PIB mondial ou plus. En 16 Nordhaus, 2000. Nordhaus, 2007, The Stern Review on the Economics of Climate Change, consultable à: http://nordhaus.econ.yale.edu/stern_050307.pdf 18 Stern, 2007. L’étude complète est disponible en ligne à http://www.hmtreasury.gov.uk/independent_reviews/stern_review_economics_climate_change/sternreview_index.cfm, et inclus deux résumés, l’un de 4 pages, l’autre de 27 pages. 17 22 comparaison, les coûts de la réduction des gaz à effets de serre visant à éviter les pires impacts du changement climatique peuvent aujourd’hui être limités à 1% du PIB Mondial chaque année19. Pourquoi existe-t-il une si grande différence entre ces deux approches de l’analyse économique du changement climatiques ? Une des différences majeures provient du choix du taux d’actualisation appliqué à l’évaluation des coûts et bénéfices futurs. La valeur actuelle (VA) d’un flux de bénéfices ou de coûts à venir, dans le long terme, dépend du taux d’actualisation. Un taux élevé conduira à une valeur actuelle faible pour des bénéfices qui surviendront dans le long terme, et à une valeur très élevée pour les coûts subis dans le court terme. A l’inverse, un taux d’actualisation faible pourra entraîner une évaluation actuelle plus élevée pour des bénéfices de long terme. La valeur actuelle nette estimée pour une politique agressive de réduction de l’effet de serre sera donc plus élevée si l’on choisit un taux d’actualisation faible (voir encadré 4). Alors que les études de Stern et de Nordhaus utilisent dans les deux cas une méthodologie économique standard, l’approche de Stern donne un poids plus grand aux effets écologiques de long terme. Le rapport Stern utilise un taux d’actualisation faible de 1,4% pour comparer les coûts présents et futurs. Ainsi, bien que les coûts d’une action agressive semblent plus élevés que les bénéfices pendant plusieurs décennies, le potentiel important de dommages de long terme fait pencher la balance en faveur d’une action agressive aujourd’hui. Les impacts de ces dommages seront à la fois monétaires et non monétaires. Dans le long terme, les dommages faits à l’environnement par le changement climatique mondial auront des effets négatifs très marqués également pour l’économie. Mais l’utilisation d’un taux standard d’actualisation de 5 à 10% a l’effet de réduire jusqu’à en être quasi négligeable la valeur actuelle de dommages futurs de très grande ampleur. Une autre différence entre les deux études relève de la manière dont elles traitent de l’incertitude. L’approche de Stern donne un bien plus grand poids à des impacts incertains mais potentiellement catastrophiques. Cela reflète une application du principe de précaution : si un évènement peut s’avérer catastrophique, même si la probabilité qu’il survienne semble très faible, on doit prendre toutes les mesures possibles pour l’empêcher de se produire. Ce principe, que l’on applique désormais très largement dans la gestion des risques écologiques, est d’une importance toute particulière pour le changement climatique mondial en raison des nombreux résultats inconnus mais potentiellement désastreux qui pourraient être associés à une accumulation continue de gaz à effet de serre (voir encadré 5). 19 Stern Review, Short Executive Summary, page vi. 23 Une troisième différence entre ces études concerne l’évaluation des coûts économiques des actions visant à réduire le changement climatique. Les mesures prises pour empêcher le changement climatique auront des effets économiques sur le PIB, la consommation, et l’emploi, ce qui explique pourquoi les gouvernements sont réticents à prendre des mesures drastiques pour réduire de manière conséquente les émissions de CO2. Mais ces effets sur l’économie ne seront pas tous négatifs. L’étude de Stern a passé en revue tous les modèles économiques des coûts de réduction du carbone. Les estimations de ces coûts dépendent beaucoup des hypothèses retenues pour la modélisation. Une stabilisation atmosphérique des accumulations de CO2 à 450 parts par million donne des estimations de coûts variant d’une diminution du PIB de 3,4% à une augmentation du PIB de 3,9% ! Le résultat dépend d’un grand nombre d’hypothèses, en particulier : • L’efficacité ou l’inefficacité des réponses économiques aux signaux des prix de l’énergie • La disponibilité ou non de technologies énergétiques de substitution sans carbone • Le fait que les nations peuvent ou non mettre en œuvre des options de moindrecoût pour la réduction du carbone • Le fait que les revenus générés par les taxes sur les combustibles fossiles soient ou non utilisés pour baisser d’autres impôts • Le fait que les bénéfices externes de la réduction du carbone, y compris la réduction des niveaux de pollution de l’air, soient ou non pris en compte20. Selon les hypothèses faites, les politiques de réduction des émissions pourraient varier d’une approche minimaliste d’une réduction faible du taux d’accroissement des émissions, à une réduction drastique des émissions de CO2 entre 50 et 80%. 20 Stern Review, Chapitre 10: “Macroeconomic Models of Costs”. 24 ENCADRE 5: POINTS DE BASCULEMENT DU CLIMAT, SURPRISES ET BIFURCATIONS SOUDAINES ET IRREVERSIBLES L’incertitude des projections relatives au changement climatique provient de la question des boucles rétroactives. Une boucle rétroactive se produit lorsqu’un changement initial, tel que des températures plus élevées, produit à son tour des changements dans les processus physiques qui amplifient ou diminuent l’effet initial (une réponse qui accroît l’effet original est appelée boucle rétroactive ‘positive’ ; une réponse qui le réduit est appelée boucle rétroactive ‘négative’). Un exemple de boucle rétroactive positive serait l’hypothèse où le réchauffement produirait une fonte de la toundra arctique, relâchant carbone dioxyde et méthane dans des proportions telles que l’accumulation de ces gaz à effet de serre dans l’atmosphère accélèrerait le processus du réchauffement climatique. Un des résultats des diverses boucles rétroactives associées au changement climatique montre que le réchauffement s’opère plus rapidement que la plupart des scientifiques ne l’avaient prédit il y a seulement 5 à 10 ans. Ceci conduit à des inquiétudes accrues concernant l’existence de boucles rétroactives positives « fulgurantes » qui pourraient produire des changements dramatiques sur une très courte durée. Certains scientifiques mettent en garde que l’on s’approche de certains points irréversibles de basculement climatique qui, une fois dépassés, ont le potentiel de déclencher des effets catastrophiques. Sans doute l’hypothèse la plus alarmante serait la possibilité d’un effondrement rapide du Groenland et de la calotte glacière de l’Antarctique Occidental. Alors que le GIEC a prévu une montée du niveau des océans de 0.2 à 0.6 mètres à l’horizon 2100, la fonte de ces deux masses de glace aurait pour conséquence une montée du niveau des océans de 12 mètres ou plus. Ce scénario donne encore lieu à controverse, et est considéré comme improbable au cours du 21ème siècle, mais de nouvelles recherches montrent que des changements peuvent survenir beaucoup plus rapidement qu’on ne s’y attendait. Dans des études récentes, des scientifiques ont trouvé que les émissions de méthane provenant de l’Arctique se sont élevées de près d’un tiers en seulement cinq ans. La découverte fait suite à une série d’observations provenant de cette région et montrant que récemment des sols jusque-là gelés sont en train de fondre et de relâcher du méthane en plus grandes quantités. Ces sols arctiques emprisonnent pour le moment des milliards de tonnes de méthane, un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le dioxyde de carbone, ce qui conduit nombre de scientifiques de grand renom à considérer le dégel du permafrost comme une bombe à retardement qui pourrait dépasser de loin tous les efforts de contrôle du changement climatique. Ils craignent que le réchauffement causé par l’accroissement des émissions de méthane puisse être lui-même responsable d’un relâchement de méthane encore supérieur, enfermant la région dans une spirale destructive faisant s’accroître les températures à un rythme plus élevé que prévu. Source: “Melting Ice Turns up the Heat,” Fred Pearce, Sydney Morning Herald, November 18, 2006; “Arctic permafrost leaking methane at record levels, figures show”, David Adam, The Guardian, 2010, consultable à: http://www.guardian.co.uk/environment/2010/jan/14/arctic-permafrost-methane 25 Changement climatique et inégalités Les effets du changement climatique se feront surtout sentir sur les populations les plus pauvres du monde. L’Afrique en particulier sera durement touchée et connaitra une plus grande rareté de ses ressources en eau ce qui affectera sa production alimentaire ; l’Asie du Sud et du Sud-Est sera par ailleurs beaucoup plus vulnérable aux inondations qui se produiront avec une plus grand fréquence. En Amérique du Sud, les zones tropicales connaitront des dommages importants dans les secteurs agricoles et de sylviculture, alors que les rythmes de précipitations seront altérées et la disparition des glaciers dans les Andes, ces deux phénomènes contribuant à une plus grande rareté des ressources en eau.21Alors que les pays riches ont les ressources pour s’adapter aux nombreux effets du changement climatique, les pays pauvres ne seront pas capables de mettre en œuvre les mesures préventives, surtout celles qui demandent les technologies les plus sophistiquées. Des études plus récentes ont utilisé des modèles donnant la distribution géographique des impacts afin d’estimer les conséquences régionales du changement climatique. Comme l’indique le tableau 4, le nombre de victimes d’inondations côtières et le nombre de personnes en situation de disette ou de famine à l’horizon 2080 sera relativement plus important en Afrique, en Amérique Latine et en Asie, où se trouvent la plupart des pays en développement. 22 Tableau 4 – Impacts d’échelle régionale du changement climatique à l’horizon 2080 (en millions de personnes) Région Population vivant avec une rareté croissante des ressources en eau Augmentation annuelle moyenne du nombre de victimes d’inondations côtières Population supplémentaire courant un risque de disette ou famine (nombres entre parenthèses, voir note 2) Europe Asie Amérique du Nord Amérique du Sud Afrique 382-493 892-1197 110-145 430-469 691-909 0.3 14.7 0.1 0.4 12.8 0 266 (-21) 0 85 (-4) 200 (-2) Source: d’après le Quatrième rapport du GIEC, 2007, disponible à : http://www.ipcc.ch/publications_and_data/ar4/wg2/en/ch20s20-6-2.html Note : Ces estimations sont basées sur un scénario « business as usual ». Si l’on tient compte de l’effet d’accroissement maximal de la productivité des végétaux causé par la concentration plus élevée de CO2 on obtient une diminution du nombre de la population courant le risque de disette ou de famine (cette réduction étant présentée par les nombres entre parenthèse dans la dernière colonne) 21 IPCC, 2007b; Stern, 2007, Chapter 4: Implications of Climate Change for Development Les données pour ces études sont présentées dans le site http://www.ipcc.ch/publications_and_data/ar4/wg2/en/ch20s20-6-2.html 22 26 La façon dont les économistes rendent compte de l’inégalité dans leurs analyses peut avoir un impact significatif sur les recommandations politiques. Si tous les coûts sont évalués en dollars, une perte de 10% du PIB dans un pays pauvre représente probablement bien moins qu’une perte de 3% du PIB dans un pays riche. Donc les dommages causés par le changement climatique dans les pays pauvres, qui peuvent représenter un large pourcentage du PIB, auraient un poids relativement faible si l’on considère leur valeur en dollar. Le rapport Stern insiste sur le fait que les effets disproportionnés du changement climatique sur les populations les plus pauvres du monde, devrait être pris en compte et augmenter encore davantage les coûts de ce changement. Stern estime que sans les effets de l’inégalité, les coûts d’un scénario « on ne fait rien et on attend venir » (ou scénario « business as usual ») seront de 11 à 14 % du PIB mondial. Si on donne plus de poids aux impacts sur les plus pauvres, l’estimation du coût est de 20% du PIB mondial. Ainsi, les hypothèses faites sur la façon d’évaluer les coûts et bénéfices sociaux et environnementaux peuvent avoir de grandes différences sur les recommandations politiques. La plupart des économistes qui ont analysé le problème s’accordent à dire qu’il est nécessaire d’agir (encadré 6) mais il y a une grande variation d’opinion quant au genre d’action plus ou moins radicale à envisager, et à sa plus ou moins grande urgence. 27 4. REPONSES POLITIQUES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE Deux types de mesures peuvent être utilisées pour s’attaquer au changement climatique : des mesures préventives qui tendent à diminuer ou annuler l’effet de serre ; des mesures adaptatives qui traitent des conséquences de l’effet de serre et tentent d’en amoindrir son impact. Les mesures préventives comprennent : • La réduction des émissions de gaz à effet de serre, soit par la réduction des activités économiques qui produisent ces émissions, soit par le passage à des technologies de plus grande efficacité énergétique qui permettent d’obtenir le même niveau d’activité économique à un taux réduit d’émission de CO2. • L’accroissement des puits de carbone.23 Les forêts recyclent le CO2 en oxygène et la protection des aires forestières ainsi que l’expansion de la reforestation ont un impact net significatif sur la concentration de CO2 dans l’atmosphère. Les mesures adaptatives comprennent: • La construction de barrages et digues pour protéger le littoral contre la montée des eaux des océans ainsi que contre des évènements climatiques extrêmes tels qu’inondations et ouragans. • La transition des méthodes agricoles vers des modèles adaptés au changement des conditions climatiques, et l’éloignement des populations du littoral et leur relocalisation à l’intérieur des terres. • La création d’institutions qui peuvent mobiliser les ressources nécessaires, humaines, matérielles et financières afin de répondre aux désastres liés au changement climatique. Pour toute mesure préventive ou adaptative, une approche économique requiert l’application d’une analyse coût-efficacité lorsque l’on considère les politiques à adopter. L’usage de l’analyse coût-efficacité évite la plupart des controverses associées à l’analyse coût-bénéfice. Alors que l’analyse coût-bénéfice tente d’offrir un outil d’aide à 23 Les puits de carbone sont des zones où les excès de carbone peuvent être stockés. Les océans et les forêts comptent parmi les puis de carbone naturels. L’intervention humaine peut réduire ou augmenter la capacité de ces puits à capter le carbone, au travers de la gestion des ressources forestières ou des pratiques agricoles. 28 la décision pour déterminer si une politique devrait ou non être appliquée, l’analyse coûtefficacité accepte d’emblée l’objectif que la société s’est fixé, et utilise des techniques économiques afin d’évaluer la manière la plus efficace d’atteindre cet objectif. En général, les économistes préfèrent les approches qui utilisent les mécanismes de marché pour parvenir à leurs fins (voir encadré 6). Les approches basées sur le marché sont censées être efficaces en termes de coût – plutôt que de chercher à contrôler les acteurs du marché directement, elles transforment les incitations des acteurs et des entreprises de sorte qu’ils changent de comportement et tiennent compte des coûts et des bénéfices externes. Les outils des politiques basés sur la régulation par les marchés comprennent les taxes sur les pollutions et les permis à polluer, qui font l’objet de transactions et de transferts. Ces deux sortes d’outils sont utiles dans la réduction des gaz à effets de serre. D’autres politiques économiques pertinentes comportent des mesures permettant de créer des incitations pour l’adoption de sources d’énergies renouvelables et de technologies efficaces en termes de consommation d’énergie. 29 ENCADRE 6: CE QUE DISENT LES ECONOMISTES SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE En 1997, plus de 2500 économistes, y compris huit Prix Nobel d’Economie, ont signé la déclaration suivante, appelant les dirigeants du monde à prendre des mesures immédiates pour prévenir les risques de changement climatique mondial : 1. L’étude conduite par un groupe international prestigieux de scientifiques sous les auspices du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat a déterminé que “les observations pointent vers une influence humaine discernable sur le climat mondial”. En tant qu’économistes, nous croyons que le changement du climat mondial est porteur de risques écologiques, économiques, sociaux et géopolitiques significatifs, et qu’il est justifié de prendre des mesures de prévention. 2. Les études économiques ont montré qu’il existe plusieurs politiques possibles afin de réduire les émissions des gaz à effet de serre. Pour les Etats-Unis en particulier, des analyses économiques sérieuses montrent qu’il existe des options politiques qui permettraient de ralentir le changement climatique sans affecter négativement les standards de vie des Américains, et que ces mesures pourraient en fait améliorer la productivité de l’économie américaine dans le long terme. 3. Les approches les plus efficaces pour ralentir le changement climatique sont celles qui optent pour des politiques basées sur le marché. Afin que le monde atteigne ses objectifs en matière de climat à un coût minimal, une approche coopérative entre nations est nécessaire – tel qu’un accord international d’échange de permis à émettre. Les Etats-Unis et d’autres nations peuvent appliquer leur politique climatique de la manière la plus efficace possible à travers les mécanismes de marché, tels que les taxes sur le carbone ou la mise aux enchères de permis à émettre. Les revenus engendrés par de telles politiques peuvent être utilisés de manière efficace afin de réduire le déficit ou de réduire les impôts existants. Source: Publié à l’origine par Redefining Progress (une organisation qui a cessé depuis son activité), ce document est aujourd’hui disponible à http://dieoff.org/page105.htm. Une déclaration plus récente de scientifiques et d’économistes américains en appelant à une politique de coupure radicale des émissions de gaz à effet de serre est présentée à http://www.ucsusa.org/global_warming/solutions/big_picture_solutions/scientists-and-economists.html Also from Economists statement on climate change, E3 Network, 2007, available at http://www.e3network.org/EconomistsStatementonClimateChange.pdf Alors que ce module se concentre surtout sur les politiques préventives, il semble de plus en plus évident que ces politiques ne seront pas suffisantes et qu’elles devront être accompagnées de mesures d’adaptation. Le GIEC présente les mesures adaptatives qui seront nécessaires dans sept secteurs : le secteur de l’eau, l’agriculture, les infrastructures, la santé humaine, le tourisme, les transports, et l’énergie24. Les changements dans les régimes de précipitations ainsi que dans les températures ont des conséquences importantes pour l’agriculture. Avec un réchauffement modéré, on peut s’attendre à ce que les récoltes augmentent dans certaines régions froides, y compris certaines région de 24 IPCC, 2007. 30 l’Amérique du Nord, mais d’une manière générale, on estime que l’impact sur l’agriculture mondiale sera négatif, et de plus en plus négatif au fur et à mesure que le climat se réchauffera. Les impacts du changement climatique sur la santé humaine se font déjà sentir. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé qu’environ 140000 personnes par an meurent d’une conséquence directe du changement climatique, principalement en Afrique et dans le Sud Est asiatique. 25 Des estimations diverses existent sur les coûts des mesures d’adaptation qui seraient appropriées. Les Nations Unies ont estimé que le coût total de l’adaptation au changement climatique sera entre 60 et 190 milliards de dollars annuellement à l’horizon de 2030.26 Une étude des Nations Unies a estimé que ces coûts étaient probablement sous-estimés par un facteur deux ou trois et bien plus encore quand on prend en compte d’autres coûts dans des secteurs que l’on n’a pas ici inclus tels que le tourisme et l’énergie.27 De plus, on s’attend à ce que les coûts d’adaptation s’accroissent considérablement au-delà de 2030 quand le réchauffement ainsi que d’autres impacts se feront sentir de manière bien plus grave. En 2010 la Banque Mondiale a estimé que les coûts d’adaptation dans les pays en développement seraient de 75 à 100 milliards de dollars par an seulement pour la période de 2010 à 2050.28 Le rapport remarque que le financement des mesures adaptatives pourrait être réalisé par un doublement de l’aide fournie actuellement par les pays développés aux pays en développement. Il mentionne également que le développement économique donnera aux pays en développement les ressources internes nécessaires pour s’adapter au changement climatique. Les outils politiques: La taxe carbone L’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère est un exemple clair d’une externalité négative qui impose des coûts significatifs à une échelle mondiale. Dans le langage de la théorie économique, le marché actuel pour les combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole et le gaz naturel, prend en considération seulement les coûts et bénéfices privés, ce qui conduit à un équilibre de marché qui ne correspond pas à l’optimum social. D’un point de vue social, le prix de marché des combustibles fossiles est trop bas et la quantité consommée est trop élevée. 25 World Health Organization, 2009. UNFCCC, 2007. 27 Parry, et al., 2009. 28 World Bank, 2010. 26 31 Un remède économique standard pour l’internalisation des coûts externes consiste en un impôt par unité de polluant. Dans ce cas, il s’agit d’une taxe carbone, levée exclusivement sur les combustibles fossiles dans la proportion de carbone associée à leur production et à leur utilisation. Une telle taxe élèverait le prix des sources d’énergie basée sur le carbone, et donnerait ainsi aux consommateurs les incitations à conserver l’énergie ainsi qu’à reporter leur demande sur des sources d’énergie alternatives et non basées sur le carbone (qui elles, ne sont pas taxées). La demande peut également se déplacer des combustibles à forte teneur en carbone telles que le charbon à d’autres combustibles fossiles qui ont un impact en émission de CO2 relativement plus faible comme le gaz naturel. “ Les taxes carbone apparaitraient aux consommateurs comme des augmentations des prix de l’énergie. Mais puisque les taxes seraient levées sur l’énergie primaire, qui représente seulement une partie des coûts de l’énergie délivrée (comme pour l’essence et l’électricité) et puisque les sources d’énergies peuvent être dans la plupart des cas substituées à d’autres, l’augmentation des prix ne provoquerait pas de chocs importants pour l’économie. Les consommateurs peuvent répondre à l’augmentation des prix en réduisant leur consommation d’énergie et en achetant moins de produits à forte teneur en carbone (qui demandent de grandes quantités d’énergie fossiles à produire). En outre, certaines des économies effectuées pourront être allouées à l’achat de biens et services moins gourmands en carbone. “Il est clair qu’une taxe carbone crée pour les producteurs et les consommateurs des incitations à réduire leur usage d’énergies à forte teneur en carbone. Contrairement au cas de la taxation d’autres produits et activités, il existe de nombreux avantages sociaux à la réduction d’émissions de CO2. Ainsi, le déclin au cours du temps des revenus de cette taxe est une indication de la réussite de la politique – exactement le contraire de ce qui se produit quand les politiques fiscales ont pour objet le maintien ou l’accroissement des revenus de la taxe.”29 Le tableau 5 montre l’impact que différents niveaux de taxe carbone auraient sur les prix du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Basé sur son contenu en énergie, mesuré en Btus, 30 le charbon est le combustible fossile le plus intensif en carbone, alors que le gaz naturel produit le mois d’émissions de dioxyde de carbone. Une taxe carbone de 10 dollar par tonne de carbone, par exemple, n’augmenterait le prix du litre de pétrole que d’environ 0.64 cents. Une taxe carbone de 100 dollar par tonne résulterait en un accroissement des prix du pétrole d’environ 6.4 cents par litre. Une taxe carbone de 200 dollar par tonne accroîtrait les prix du pétrole et du gaz naturel de 21 à 93% respectivement, mais ferait plus que doubler le prix du charbon (265%). 29 Dower and Zimmerman, 1992. Un Btu (British thermal unit) correspond environ à la quantité d’énergie nécessaire pour élever la température d’une livre d’eau d’un degré Fahrenheit 30 32 Tableau 5. Scénarios de Taxes Carbone sur les combustibles fossiles Tonnes de carbone par unité de combustible Average price (2012) Charbon 0,574/tonne $43,34/tonne Taxe carbone par unité de combustible: $10/tonne de carbone $5,74/tonne $100/tonne de carbone $57,42/tonne $200/tonne de carbone $114,85/tonne Taxe carbone en pourcentage du prix du combustible: $10/tonne de carbone 13% $100/tonne de carbone 132% $200/tonne de carbone 265% Pétrole 0,102/baril ou 0,00064/litre $95,5/baril ou $0,60/litre Gaz Naturel 3 0,530/ Mm (mille mêtres cube) 3 $113/Mm $0,0064/litre ou 0,64 cents/litre 6,38 cents/litre 12,7 cents/litre $5,30/Mm $52,60/Mm 3 $105/Mm 1% 11% 21% 4,7% 47% 93% 3 3 Source: Les émissions de carbone sont calculées à partir des coefficients de carbone et des facteurs de conversion thermique, consultables au département d’Energie des Etats-Unis. Les prix du pétrole et du gaz naturel sont ceux d’Août 2012 ; Le prix du charbon correspond à une moyenne de 5 types de charbon provenant des Etats-Unis. Toutes les données de prix proviennent du U.S. Energy Information Administration. Ces taxes auront-elles un effet important sur les comportements des consommateurs, sur leur décision de conduire leur automobile ou de chauffer plus ou moins leur domicile ? Cela dépend de l’élasticité de la demande pour ces combustibles. L’élasticité de la demande est définie de la façon suivante: Pourcentage de changement de la demande Elasticité de la demande = ---------------------------------------------------------Pourcentage de changement du prix Les économistes ont mesuré l’élasticité de la demande pour différents combustibles fossiles, en particulier l’essence. Une étude31 fait la synthèse de toutes les recherches disponibles sur l’élasticité de la demande pour les combustibles utilisés dans les moteurs et a établi que dans le court terme (environ un an ou moins) l’estimation de cette élasticité est d’environ -0.25.32 Cela veut dire qu’une augmentation de 10% dans le prix de l’essence aurait pour conséquence attendue une diminution de la demande d’essence dans le court terme d’environ 2.5%. 31 Phil Goodwin, Joyce Dargay, and Mark Hanly. “Elasticities of Road Traffic and Fuel Consumption with respect to Price and Income: A Review,” Transport Reviews, 24(3):275-292, May 2004. 32 Un article de 2006 par Jonathan E. Hughes, Christopher R. Knittel, et Daniel Sperling (“Evidence of a Shift in the Short-Run Price Elasticity of Gasoline Demand,” NBER Working Paper No. W12530, September 2006) montre que l’élasticité de la demande d’essence dans le court terme semble avoir beaucoup diminué récemment. Ils estiment que l’élasticité de la demande pour la période 2001-2006 était de -0.03 à -0.08, alors que pour la période 1975-1980 l’élasticité de la demande était de -0.21 à -0.34. 33 Dans le long terme (environ 5 ans) la sensibilité de la réponse apportée aux augmentations des prix est plus importante car les gens ont eu le temps de s’ajuster en achetant des véhicules plus économes en essence et en changeant leurs habitudes de conducteur. L’élasticité de long terme de la demande pour les combustibles utilisés dans les moteurs est en moyenne de -0.6433. Selon le Tableau 5, une taxe carbone de 200 dollars par tonne de carbone accroîtrait le prix de l’essence de 13 cents par litre. En supposant un prix à la pompe de 3 dollar par gallon, c’est-à-dire 80 cents par litre, cela signifierait une augmentation de 16% du prix. Une élasticité de long terme de -0.64 entrainerait que la demande d’essence baisse d’environ 10% après que les gens aient eu le temps de s’ajuster complètement à ce changement de prix. La Figure 9 montre la relation entre le prix de l’essence et la consommation par tête. Puisque le coût de production d’un gallon d’essence varie peu d’un pays à l’autre, les variations du prix du gallon dans différents pays est presque uniquement fonction des différences de taxe. Notons que cette relation est semblable à celle de la courbe de demande : des prix élevés sont associés à une faible consommation, des prix bas à une forte consommation. La relation ici mise en évidence n’est cependant pas la même que celle de la courbe de demande. Puisque nous considérons des données de différents pays, l’hypothèse du « toute chose égale par ailleurs », nécessaire à la construction d’une courbe de demande, ne tient pas. Des différences de demande peuvent par exemple être en partie une fonction de différences en niveaux de revenu plutôt que de niveaux de prix. D’autres facteurs jouent un rôle : le fait par exemple que les américains conduisent plus que les européens parce que les distances (surtout dans l’Ouest des Etats-Unis) sont beaucoup plus grandes que dans beaucoup de pays européens. Mais il semble qu’il y ait une relation claire entre prix et consommation. Les données ici présentées montrent qu’il faudrait un saut significatif dans le prix – allant de 0,5 à 1 dollar par gallon ou plus – pour affecter de manière significative la consommation. Une telle taxe serait-elle possible politiquement? Surtout aux Etats-Unis, des taxes élevées sur l’essence et sur les autres combustibles soulèveraient une opposition farouche, la liberté de conduire étant considérée comme fondamentale. 33 Goodwin, 2004. 34 Figure 9. Prix du pétrole et consommation dans les pays industrialisés, 2009 $8.00 Turkey Price (US $ per Gallon) $7.00 $6.00 Luxembourg $5.00 Europe $4.00 $3.00 Iceland New Zealand Mexico Australia $2.00 Canada United States $1.00 $0.00 0 100 200 300 400 500 Consumption (Gallons per Person, 2009) Note: Les prix du pétrole sont en dollar par gallon, la consommation est en gallon par habitant et par an. Les données sur la consommation sont de 2009, toutes les autres informations, y compris la population et les prix du gaz, sont de 2012. L’ovale représente la combinaison prix/consommation par habitant des pays d’Europe occidentale. Sources: U.S. Energy Information Administration database; GTZ, 2009 Comme le montre la Figure 9, les Etats-Unis ont de loin la consommation par habitant la plus élevée et les prix les plus bas à l’exception du Moyen Orient. Mais notons deux points importants dans la proposition pour une taxe carbone substantielle : • Premièrement, la redistribution des revenus pourrait rediriger les revenus de la taxe carbone et d’autres taxes écologiques vers la réduction d’autres taxes. La majeure part de l’opposition politique envers des taxes élevées sur l’énergie provient de la perception qu’il s’agirait de taxes supplémentaires – venant s’ajouter aux impôts que les gens paient déjà sur le revenu, la propriété, la sécurité sociale, etc. Si une taxe carbone était par exemple couplée avec une baisse substantielle des impôts sur le revenu ou la sécurité sociale, elle pourrait devenir politiquement acceptable. L’idée d’accroître les taxes sur les “méfaits” économiques tels que la pollution, tout en réduisant les taxes sur ce que l’on veut encourager, tels que le travail et l’investissement capitalistique, ressort 35 entièrement des principes de l’efficacité économique.34 Plutôt que d’une augmentation nette de la taxe, cela reviendrait à un transfert de taxe neutre pour le revenu – la somme totale que les citoyens paient au gouvernement en impôts et taxes serait inchangée. Une portion des revenus de la taxe carbone pourrait être aussi utilisée pour fournir une aide aux populations de faibles revenus afin de compenser le fardeau des coûts élevés en énergie. • Deuxièmement, si un tel transfert de taxe, neutre en revenu, a bien lieu, les individus ou les entreprises qui sont plus efficaces dans leur consommation énergétique, dépenseraient moins et feraient des économies. Les coûts plus élevés en énergie créeraient aussi une incitation puissante pour des innovations technologiques économisant l’énergie et stimulant de nouveaux marchés. L’adaptation économique serait plus facile si une augmentation graduelle des taxes carbone s’accompagnait d’une diminution graduelle des taxes sur le revenu et sur le capital au cours du temps. Outils politiques: les Permis à émettre Une mesure alternative à la taxe carbone est la mise en place d’un système de permis à émettre transférables et échangeables sur le marché. Ce système peut être national ou international, comprenant plusieurs pays. Un système international marcherait de cette manière: • On allouerait à chaque pays un certain niveau d’émissions de CO2. Le nombre total de permis à émettre serait égal à l’objectif national désiré. Par exemple, si les émissions d’un pays sont actuellement de 40 millions de tonnes et que l’objectif politique est de réduire ces émissions de 10%, alors le pays disposerait de permis à émettre pour un total de 36 millions de tonnes. Notons que des pays différents pourraient être obligés d’atteindre des objectifs différents, ce qui est le cas dans le Protocole de Kyoto. • Chaque source d’émissions à l’intérieur de chaque pays se verrait allouer des permis à émettre. Il ne serait pas faisable d’inclure tous les véhicules existants dans un système de permis. C’est la raison pour laquelle toutes les propositions retiennent l’allocation de permis aux plus gros émetteurs, tels que les centrales électriques et les usines, ou les principaux fournisseurs en énergie au travers desquels les combustibles entrent dans l’économie nationale – importateurs de pétrole, mines de charbon, etc… Ces permis pourraient à l’origine être alloués gratuitement sur la base des émissions passées ou pourraient être vendus aux enchères. Cependant, il existe une différence importante dans la distribution des 34 Afin d’encourager des investissements plus importants, les revenus de la taxe carbone pourraient être utilisés pour diminuer les taxes sur les gains en capital, ou taxes sur les corporations. 36 coûts et de bénéfices: offrir des permis gratuitement revient à une subvention octroyée par le gouvernement aux industries polluantes alors qu’une mise aux enchères des permis impose des coûts réels sur ces entreprises et génère des revenus publics. • Les entreprises sont ensuite libres d’échanger ces permis entre elles. Les entreprises dont les émissions excèdent le nombre de permis dont elles disposent doivent acheter des permis supplémentaires ou bien payer de lourdes pénalités. Inversement, les entreprises qui sont capables de réduire leurs émissions en dessous de leur allocation, chercheront à vendre leurs excès de permis en faisant un profit. Le prix des permis se fixera à travers les négociations du marché des permis. Il est également possible pour des groupes d’activistes écologistes ou d’autres organisations d’acheter des permis afin de les retirer du marché, réduisant ainsi le montant total des émissions permises. • Les nations et les entreprises pourraient aussi recevoir des crédits pour avoir financé les efforts de réduction d’émissions dans d’autres pays. Par exemple, une entreprise allemande peut obtenir des crédits pour l’installation d’équipement électrique efficace en Chine, remplaçant des centrales électrique à charbon hautement polluantes. D’un point de vue économique, l’avantage d’un système d’échange de permis provient de ce qu’il encourage l’application des options de réduction de carbone à un moindre coût. Les permis à polluer ont permis efficacement de réduire les émissions en sulfure et en azote au moindre coût. Selon la façon dont les permis sont alloués, ce système peut permettre à des pays en développement de transformer leurs permis en commodités à exporter, si ces pays font le choix d’énergies non basées sur le carbone pour leur développement. Ils seraient alors capables de se passer de leurs permis et de les vendre à des pays industrialisés qui ont des difficultés à respecter leurs engagements de réduire leurs émissions. Alors que le gouvernement détermine le nombre de permis disponibles, le prix des permis résulte du marché pour les permis. Dans ce cas, la courbe de l’offre est fixe ou verticale, fixée au nombre de permis alloués, comme le montre la Figure 10. L’offre de permis est fixée à Q0. La courbe de la demande des entreprises en permis à polluer représente leur volonté de payer pour s’en procurer. Les entreprises sont prêtes à payer pour des permis jusqu’au point où elles peuvent encore faire des profits en émettant du carbone. Supposons que les permis sont vendus aux enchères un par un en commençant par les entreprises qui renchérissent au plus haut pris. La Figure 10 montre que pour le premier permis à vendre le prix que les entreprises sont prêtes à payer est élevé car une 37 entreprise particulière peut faire un grand profit en étant autorisée à polluer dans la mesure de ce premier permis. Pour le second permis, les entreprises qui n’ont pas obtenu leur permis renchériraient de la même manière aux enchères mais on doit s’attendre à ce qu’elles en demandent un prix un peu inférieur, si on suppose que les profits marginaux déclinent. Que ce soit la même entreprise qu’au premier coup qui gagne le second permis ou bien une autre entreprise, le prix de vente de ce second permis sera plus bas. Ce processus continue, chacun des permis successifs étant vendu à un prix moindre que le permis précédent, jusqu’à ce que le dernier permis soit vendu aux enchères. Le prix de ce dernier permis, représenté par P* dans la figure, est le prix d’équilibre du marché. On peut aussi interpréter P* comme le bénéfice marginal, ou le profit, associé au droit d’émettre la Q0ème unité de charbon. Figure 10. Détermination du prix des permis à émettre $ Supply of Permits P* • Demand for Permits (WTP) Q0 Quantity of Permits Alors que tous les permis peuvent théoriquement être vendus à de prix différents, les marché des permis à émettre sont généralement organisés avec pour prix le prix d’équilibre. C’est le cas pour le programme mis en place aux Etats-Unis en 1995 pour lutter contre les pluies acides, et largement considéré comme un succès. Dans ce programme, toutes les parties qui ont un intérêt à acheter des permis font leur offre, en indiquant combien de permis elles veulent achter et à quel prix. L’entreprise qui propose le prix le plus élevé obtient tous les permis qu’elle demande. Ensuite les entreprises qui ont demandé des permis à des prix un peu plus bas obtiennent leurs permis, et ainsi de suite jusqu’à ce que tous les permis soient alloués. Le prix de vente pour tous les permis est l’offre faite au prix qui permet de se procurer le dernier permis disponible. Ce prix est 38 P* dans la Figure 10. Toutes les entreprises qui ont enchérit à des prix inférieurs ne reçoivent pas de permis. Un autre point important est que chaque entreprise peut choisir de réduire ses émissions de carbone d’une manière qui soit efficace d’un point de vue du coût. Les entreprises ont plusieurs options pour réduire leurs émissions de carbone. La Figure 11 montre un exemple où une entreprise a trois stratégies pour réduire ses émissions de carbone : remplacer de vieilles usines par des nouvelles, investir dans des technologies énergétiques plus efficaces, et enfin financer l’expansion de forêts afin d’accroître la capacité à capter du carbone dans la biomasse. Dans chaque cas, la figure montre les coûts marginaux de réduction des émissions de carbone pour chaque stratégie. Ces coûts marginaux augmentent généralement au fur et à mesure que plus d’unité de carbones sont supprimées, mais ils peuvent être plus élevés et grimper plus rapidement pour certaines options que pour d’autres. Dans cet exemple, il est possible de remplacer des centrales électriques utilisant des technologies existantes mais ceci tend à augmenter les coûts marginaux – comme le montre le premier graphe de la Figure 11. La réduction des émissions opérée par une plus grande efficacité énergétique montre des coûts marginaux plus faibles, comme le montre le graphe du milieu. Enfin, la captation de carbone au travers de l’expansion de zones forestières a les coûts marginaux les plus faibles. Le prix des permis P* (tel que défini dans la Figure 10) déterminera les niveaux relatifs d’application de chacune de ces stratégies. Les entreprises trouveront profitable de réduire leurs émissions avec une option politique donnée aussi longtemps que le coût de cette option est moins élevé que l’achat d’un permis. Dans cet exemple, nous voyons que l’expansion de l’aire forestière constituerait la majeure part de la réduction de carbone; alors que le remplacement des centrales électriques ne serait utilisé que pour une moindre part. Ce système combine les avantages de l’efficacité économique avec un résultat garanti : la réduction des émissions au niveau Q*. Le problème est bien sûr de parvenir à un accord sur l’allocation initiale des permis. Il se peut qu’il y ait aussi des problèmes de mesure, et des questions portant sur ce que l’on doit compter, seulement les émissions de carbone provenant du secteur commercial ou également les émissions provenant des changement d’attribution des terres. 39 Figure 11. Options de Réduction de Carbone avec un système de permis Coût marginal de réduction d’émissions par remplacement de centrales électriques Coût marginal de réduction d’émissions par augmentation de l’efficacité énergétique Coût marginal de réduction de la concentration de CO2 par expansion des zones de forêts P* Unité de carbone supprimées par la stratégie 1 Unité de carbone supprimées par la stratégie 2 Unités de carbone supprimées par la stratégie 3 Note: Les coûts marginaux ici présentés sont hypothétiques. Les nations et les entreprises qui participant à de tels systèmes d’échange de permis peuvent décider par eux-mêmes dans quelle proportion ils veulent appliquer chacune des stratégies, et auront tendance naturellement à favoriser les méthodes les moins coûteuses. Cela impliquera probablement une combinaison d’approches différentes. Supposons qu’un pays s’engage dans un programme de reforestation extensive. Il est alors probable qu’il dispose d’un excès de permis, qu’il peut alors vendre à un autre pays ne disposant que de peu d’options de réduction à bas coût. L’effet net sera l’application à l’échelle mondiale de techniques de réduction au moindre coût. Ce système combine les avantages de l’efficacité économique avec un résultat garanti : la réduction du niveau général d’émissions Q*. Le problème, bien sûr, est de se mettre d’accord sur la répartition initiale des permis. Il se peut qu’il y ait aussi des problèmes de mesure, et des questions à résoudre sur la prise en compte des seules émissions de CO2 provenant des activités commerciales ou sur l’inclusion des émissions provenant des modes d’utilisation des terres. 40 ENCADRE 7 : Taxe carbone ou marché de permis à émettre ? Le débat fait rage entre les tenants de la taxe carbone et ceux qui ne jurent que par les marchés de permis à émettre. Il existe des similarités entre les deux approches mais aussi d’importantes différences. En théorie les deux instruments permettent d’aboutir à un niveau donné de réduction de pollution au moindre coût. Les deux approches résultent aussi dans la même augmentation de prix pour les consommateurs finaux. Toutes deux créent de fortes incitations pour l’innovation technique. Elles peuvent également toutes les deux augmenter les revenus de l’Etat dans la même mesure si tous les permis sont vendus. Enfin les deux approches peuvent être mises en application en amont de la production afin de réaliser la même réduction en proportion des émissions totales. Cependant il existe plusieurs différences entre les deux. Les avantages de la taxe carbone comprennent : *En général, une taxe carbone est plus simple à comprendre et plus transparente à expliquer qu’une approche par le marché des permis à émettre *Si un changement technique est opéré, une taxe carbone réduira les émissions de carbone encore plus que prévu, tandis qu’avec le marché à émettre, le changement technique permettra de réduire le prix des permis. *Une taxe carbone peut en général être mise en pratique plus tôt. Etant donné les besoins immédiats d’agir, il est conseillable de ne pas passer plusieurs années à organiser les détails d’un marché de permis à émettre ! *Peut-être l’avantage le plus important de la taxe carbone est le fait qu’elle procure une plus grande prédictibilité des prix. Si les entreprises et les ménages connaissent à l’avance quelles taxes futures seront appliquées sur les combustibles fossiles et autres produits émettant des gaz à effet de serre, ils investiront en en tenant compte. Par exemple, le choix d’un système de chauffage ou de climatisation peut dépendre de l’anticipation des prix futurs du fuel. Avec un système de marché de permis à émettre, les prix des permis peuvent varier considérablement, conduisant à une volatilité des prix qui rend toute planification difficile. Une taxe carbone en revanche, assure une stabilité des prix, surtout si les niveaux de la taxe carbone sont publiés très à l’avance. Les avantages des marchés de permis à émettre comprennent : *Bien que les marchés de permis à émettre résultent finalement aux mêmes niveaux d’augmentation de prix pour les consommateurs et les entreprises, ils permettent d’éviter la connotation négative du terme « taxe ». Ainsi les marchés de permis à émettre sont généralement plus faciles à mettre en œuvre politiquement qu’une taxe carbone. *Certaines entreprises préfèrent les marchés de permis à émettre parce qu’elles croient pouvoir exercer un pouvoir de lobby auprès des gouvernements pour obtenir des permis gratuitement. Les gouvernements distribuent souvent des permis gratuits dans la première phase d’un programme de marché de permis à émettre pour le rendre plus acceptable politiquement par les entreprises. *Le plus grand avantage de l’approche par les marchés de permis à émettre est que le niveau final d’émissions est connu avec certitude parce que le gouvernement détermine le nombre de permis qui seront échangés sur le marché. Etant donné que le but ultime est la réduction des émissions de carbone, l’approche par le marché des permis à émettre y aboutit directement alors que l’approche par la taxe carbone y aboutit indirectement au travers de l’augmentation des prix. 41 Avec un marché des permis à émettre, on peut aboutir à une trajectoire de réduction des émissions précises au travers de la programmation du nombre de permis disponibles au cours du temps. Avec une taxe carbone, afin d’atteindre cet objectif quantitatif précis sur la quantité de réduction d’émissions, il est possible que l’on doive faire plusieurs ajustements des taux de la taxe, ce qui peut être politiquement difficile à faire passer. Le choix de l’instrument – taxe carbone ou marché des permis à émettre – dépend surtout des décideurs politiques et de leurs priorités selon qu’ils se préoccupent surtout de l’incertitude sur les prix ou de l’incertitude sur le niveau d’émissions. Si l’on choisit l’approche de la certitude sur les prix car elle permet une planification de long terme, alors une taxe carbone serait préférable. Si l’on croit que le but politique pertinent est de réduire les émissions de carbone avec une quantité précise connue avec certitude, alors l’approche par les marchés de permis à émettre est préférable, bien qu’elle puisse conduire à une volatilité des prix. Source: Les avantages des taxes carbone sont résumées sur ce site: http://www.carbontax.org/faq/. Pour une étude plus détaillés de l’analyse comparés de taxes carbone et des marchés des permis à émettre, voir Metcalf, Gilbert E. "Market-based policy options to control US greenhouse gas emissions." Journal of Economic Perspectives 23, 2 (2009): 5-27. Autres outils politiques: Subventions, Standards, R&D, et Transferts de Technologie Bien que les problèmes politiques puissant empêcher l’adoption de taxes carbone ainsi que de systèmes de permis transférables, il existe d’autres mesures politiques qui ont le peuvent diminuer les émissions de carbone. Celles-ci comprennent: • La subvention de sources d’énergie autres que les combustibles fossiles. Plusieurs pays subventionnent de façon directe ou indirecte les combustibles fossiles. L’élimination de ces subventions changerait la nature de la concurrence en faveur des sources d’énergie alternatives. Si l’argent de ces subventions était redirigé vers les énergies renouvelables, surtout sous la forme d’abattement fiscal pour l’investissement, cela pourrait promouvoir un boom de la production de cellules photovoltaïques, de piles à combustibles, de biomasse et d’éoliennes – toutes technologies qui, à l’heure actuelle, ne sont pas compétitives. • L’utilisation de standards d’efficacité pour exiger des principales entreprises d’accroître l’efficacité énergétique et la part des énergies renouvelables dans les centrales électriques. Une centrale thermique à charbon atteint généralement 35% d’efficacité, alors qu’une centrale moderne de cogénération au gaz et à haute efficacité atteint de 75 à 90% d’efficacité. Rendre les standards d’efficacité plus stricts pour les centrales, ainsi que pour les immeubles, les véhicules, les appareils électriques, permettrait d’accélérer le rythme de remplacement des stocks existants et qui fonctionnent avec un gâchis d’énergie. 42 • Les dépenses en Recherche et Développement (R&D) afin de promouvoir la commercialisation de technologies alternatives. Cette commercialisation peut être accélérée à la fois par des programmes gouvernementaux de R&D et par un traitement fiscal approprié des programmes de R&D de l’industrie privée favorisant l’adoption d’énergies alternatives. L’existence d’une technologie de substitution d’énergie non basée sur le carbone réduit le coût économique de mesures telles que la taxe carbone et si l’alternative devient pleinement compétitive avec les combustibles fossiles, la taxe carbone ne serait plus nécessaire. • Les transferts de technologie vers les nations en développement. Le gros de la croissance projetée des émissions de CO2 proviendra du monde en développement. Plusieurs des projets énergétiques sont maintenant financés par des agences telles que la Banque Mondiale et les banques régionales de développement. Dans la mesure où ces fonds peuvent être dirigés vers des systèmes énergétiques ne reposant pas sur le carbone, et suppléés par d’autres fonds intégralement dédiés à des alternatives énergétiques pour le développement, alors il devient économiquement faisable pour les nations en développement de se détourner de trajectoires de croissance reposant sur la forte consommation de combustibles fossiles, et d’atteindre en même temps des bénéfices écologiques significatifs. Le défi technique Le défi du changement climatique n’exige pas uniquement des instruments de politique économique mais aussi des innovations techniques. Il est donc nécessaire de considérer ce que l’on doit faire d’un point de vue technique pour savoir quelles sont les politiques les plus appropriées. Certaines options préventives exigent des progrès technologiques importants, comme l’usage généralisé de la photosynthèse artificielle ou bien celui de la fusion nucléaire. Les coûts futurs ainsi que la faisabilité de ces technologies sont encore très incertains. Il serait idéal de pouvoir réduire les émissions de carbone suffisamment en utilisant les techniques déjà existantes, ainsi que celle dont on prévoit la généralisation dans un avenir proche. En 2004, les physiciens Stephen Pacala et Robert Socolow ont déterminé que les émissions de carbone pourraient être stabilisées dans les prochains 50 ans en disséminant systématiquement toutes les technologies existantes. 35 35 Pacala and Socolow, 2004. 43 Dans leur article36, ils choisissent un scénario « business-as-usual », dans lequel on prévoit que les émissions de carbone doublent dans 50 ans, de 8 milliards de tonnes de carbone par an à 16 milliards de tonnes par an. 37 Ils considèrent quelles sont les actions qui pourraient être prises afin de réduire les émissions totales d’un milliard de tonnes par an à l’horizon 2060. Chacune de ces actions produit un segment de stabilisation climatique qui diminuent les émissions de un milliard de tonnes de carbone par an, comparé au scénario « businessas-usual ». Ainsi, si 8 de ces segments sont mis en œuvre, les émissions de carbone resteraient les mêmes pendant les 50 prochaines années, au niveau de 8 milliards de tonnes de carbone par an, même si pendant cette période la population s’accroît et l’économie croît. Figure 12 : Segments de stabilisation du climat Carbon Emissions pr Year (billion tons) 8 wedges: Number needed to build the stabilization triangle 1 wedge: Avoids 1 billion tons of carbon emissions per year by 2060 2000 2060 Source : Pacala et Socolow, 2004 Pacala et Socolow ont étudié une grande variété d’options technologiques, en se concentrant sur les techniques déjà existantes. Les actions qu’ils proposent peuvent être divisées en trois catégories : l’amélioration de l’efficacité énergétique, la transition énergétique vers des formes d’énergies qui n’émettent pas ou peu de carbone ; la captation et le stockage du carbone. 36 See http://cmi.princeton.edu/wedges/intro.php Quand Pacala et Socolow ont écrit leur premier article en 2004, les émissions mondiales de carbone étaient d’environ 8 milliards de tonnes par an. Elles s’élevaient à 9 milliards de tonnes par an en 2012. 37 44 Les segments qu’ils proposent peuvent paraître inatteignables, surtout parce que les actions requises doivent être appliquées à une échelle mondiale plutôt que nationales. Mais leur approche permet de se rendre compte que les défis ne sont pas tant techniques que politiques et sociaux. On doit également remarquer que l’analyse par segments de stabilisation du climat ne prend pas en compte le coût de chacun des segments. Il est évident que certains segments seront moins coûteux à mettre en œuvre que d’autres. Selon le coût social des émissions de carbone, il se peut que certains segments n’offrent pas de bénéfices nets à la société. Une autre analyse estime à la fois les coûts et le potentiel de réduction du carbone pour 200 mesures préventives, à l’échelle mondiale. 38 Ensuite les diverses options sont classées par ordre de coût de la moins coûteuse à la plus onéreuse. La logique économique est qu’il va de soi que l’on doit commencer à appliquer les actions qui réduisent les émissions de carbone à un moindre coût et ensuite continuer avec les actions plus coûteuses. Les résultats de cette analyse McKinsey sont présentés dans la Figure 13. Figure 13- Courbe des coûts de diverses mesures de réduction des gaz à effet de serre, de 2004 à 2030 Source: McKinsey & Company, 2009 38 McKinsey & Company, 2009. 45 L’axe des Y indique le coût de chaque option de réduction, mesuré en Euros par tonne de dioxyde de carbone supprimée par an et l’axe des X donne la quantité cumulée d’émissions de CO2 supprimées par rapport au scénario « business-as-usual » si l’on met en œuvre toutes les actions à partir de la gauche. Dans quelle mesure cette analyse des courbes de coûts est-elle fiable ? L’étude de McKinsey a été très critiquée à la fois pour avoir sous-estimé certaines coûts et surestimé d’autres coûts. Certaines actions qui sont techniquement faisables, comme la réduction de pratiques agricoles et forestières, sont socialement et politiquement difficiles à mettre en œuvre. Néanmoins, les comparaisons de coûts présentées dans l’étude McKinsey mettent en évidence un fait très important, à savoir qu’il existe quantité d’actions qui ne coûtent rien ou qui coûtent très peu et que l’on pourrait prendre immédiatement pour réduire les émissions de carbone. La recherche et développement et dissémination (R , D&D) a un rôle particulièrement important dans les choix techniques à prendre et leurs conséquences. L’Agence Internationale de l’Energie donne des informations très détaillées sur les dépenses du secteur public en R, D&D des pays membres mais de telles données sont difficiles à trouver pour les pays qui ne sont pas membres de l’Agence, tels que le Brésil, la Chine et la Russie. De plus, les données pour le secteur privé sont rares et dispersées. Le manque de statistiques en R, D&D ne permettant pas la comparaison entre pays membres et nonmembres peut donner la fausse impression que les principales dépenses en R,D&D dans les technologies énergétiques sont principalement présentes dans les pays développés. Cependant des études récentes suggèrent que les pays non-membres de l’OCDE sont partie prenante pour les trois-quarts des dépenses de R,D&D relatives à l’énergie à l’échelle mondiale, et leur part est en augmentation constante.39 Les résultats d’une nouvelle étude montrent que, en 2008, les pays du BRIMCS (Brésil, Russie, Inde, Mexique, Chine, Afrique du Sud) ont investi en R,D&D dans les techniques relatives à l’énergie, au travers d’entreprises nationalisées appartenant à l’Etat, au moins 13,8 milliards de dollars (en parité de pouvoir d’achat). L’ensemble des pays membres de l’Agence Internationale de l’Energie a investi $12,7 milliards en 2008 dans le même secteur ce qui montre que les gouvernements des pays du BRIMCS peuvent contrôler des fonds plus importants que l’ensemble des gouvernements des pays développés.40 Un des instruments politiques clés qu’ont les gouvernements afin d’influencer et encourager le secteur privé d’investir davantage dans la R,D&D dans la direction désirée vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre est d’imposer des standards, en particulier sur l’efficacité énergétique des combustibles fossiles. Le gouvernement 39 Wilson, C., Grubler, A., K.S. Gallagher, and G. Nemet 2012 “Marginalization of end-use technologies in energy innovation for climate protection” Nature Climate Change, Vol. 2, November, pp. 780-788, doi:10.1038/nclimate1576 40 Kempener, Ruud, Laura D.Anadon, Jose Condor, “Government Energy Innovation Investments, Policies, and Institutions in the Major Emerging Economies:Brazil, Russia, India, Mexico, China, and South Africa. “Energy Technology Innovation Policy Discussion Paper No. 2010-16, Belfer Center for Science and International Affairs, Harvard Kennedy School, Harvard University, November 2010 46 américain, qui s’est montré particulièrement laxiste en termes d’imposition de standards stricts dans ce domaine, a récemment, sous l’Administration Obama, pris des mesures plus contraignantes afin d’améliorer l’efficacité énergétique des combustibles fossiles dans tous les secteurs de l’économie américaine (voir encadré 8). ENCADRE 8 : UN EXEMPLE DE STANDARD AUX ETATS-UNIS : LE US CORPORATE AVERAGE FUEL ECONOMY Le US Corporate Average Fuel Economy Standard (CAFE) est un standard créé par l’Administration de Jimmy Carter en 1975 afin de réduire la consommation de combustibles fossiles dans les automobiles et les camions. L’Administration Obama a récemment décidé d’une élévation des niveaux de CAFE qui vont rapidement augmenter dans les années à venir.41 Les standards d’efficacité des véhicules ne dépassent pas aux Etats-Unis 27,8 miles par gallon c’est-à-dire 8,4 litres aux 100 km. En 2009, le Président Obama a proposé un nouveau programme national d’économie d’énergie qui exige un standard de 35,5 miles par gallon à l’horizon 201642, c’est-à-dire 6,6 litres aux 100km. En Août 2012, l’Administration Obama a finalisé un projet de nouveaux standards qui augmentera les économies d’énergie à un niveau de 54,5 milles per gallon c’est-à-dire 4,3 litres aux 100km ainsi que des camions légers et économiques en essence à l’horizon 2025. En combinant tous les efforts faits par cette Administration, ce changement va presque doubler l’efficacité des nouveaux véhicules comparée à celle des véhicules roulant aujourd’hui sur les routes américaines. Au total, le programme national américain permet d’améliorer l’efficacité énergétique des transports privés et de réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en économisant pour le consommateur plus de 1700 milliards de dollars en dépenses de pétrole, en réduisant la consommation américaine de 12 milliards de barils (1908 milliards de litres).43 41 National Highway Traffic Safety Administration, http://www.nhtsa.gov/fuel-economy, retrieved March 2013 The White House Statement, Nov. 16th, 2011, available at http://www.whitehouse.gov/the-pressoffice/2011/11/16/we-cant-wait-obama-administration-proposes-historic-fuel-economy-standar 43 National Highway Traffic Safety Administration, http://www.nhtsa.gov/About+NHTSA/Press+Releases/2012/Obama+Administration+Finalizes+Historic+54.5+mpg +Fuel+Efficiency+Standards , retrieved April 2013 42 47 Les politiques climatiques dans la pratique Le Changement du Climat Mondial est une question écologique internationale. Chaque nation a peu d’incitation à réduire ses émissions si les autres nations n’acceptent pas des réductions similaires car la réduction unilatérale des émissions imposerait des coûts significatifs au pays qui prendrait cette décision seul, tout en ayant un effet négligeable sur le climat mondial. Ainsi, un accord international contraignant et à caractère obligatoire est nécessaire, surtout si l’objectif politique est de réduire les émissions de 50 à 80%. L’accord international sur le changement climatique le plus complet à ce jour est le Protocole de Kyoto. Les pays industrialisés se sont engagés dans ce traité à réduire leurs émissions aux niveaux de 1990 à l’échéance 2008-2012. Par exemple, les EtatsUnis ont accepté une réduction de 7%, la France de 8% et le Japon de 6%. Les pays émergents comme la Chine et l’Inde ne sont pas soumis aux mêmes contraintes selon le traité, et cette close a été vivement critiquée par les Etats-Unis et d’autres pays. En Octobre 2007, le Protocole de Kyoto avait été ratifié par 176 pays. Les Etats-Unis ont signé le traité en 1998 mais ne l’ont jamais ratifié. En 2001, l’Administration Bush rejeta le Protocole de Kyoto déclarant que les négociations avaient échoué et qu’une nouvelle approche était nécessaire. Bien que ceci ait sérieusement freiné les efforts de contrôle des émissions de gaz à effet de serre, le Protocole de Kyoto est néanmoins entré en vigueur à partir du début 2005 quand la Russie a ratifié le traité en Novembre 2004. En 2012, 191 nations avaient signé le Protocole de Kyoto. Bien qu’il l’ait signé en 1998, les Etats-Unis ne l’a jamais ratifié à ce jour. Afin d’atteindre les objectifs du Protocole à moindre coût et de manière effective, le traité comprend trois « mécanismes de flexibilité ». Le premier est l’échange de permis d’émettre entre nations, qui est plafonné à un niveau cible. Ainsi un pays qui n’est pas capable de réduire ses propres émissions peut acheter des permis à un autre pays qui a pu réduire ses émissions en dessous de ce qui était requis. L’Union Européenne a mis en œuvre un système d’échange de permis à partir de 2005 (voir encadré 9). Un deuxième mécanisme dit mécanisme de mise en œuvre conjointe, consiste pour une nation industrielle à recevoir des crédits pour financer des projets de réduction d’émission dans d’autres pays qui sont contraints à atteindre un objectif de réduction, en particulier les pays en transition comme la Russie et la Lituanie. Le troisième mécanisme appelé mécanisme de développement propre, revient pour un pays industrialisé à obtenir des crédits pour le financement de projets de réduction d’émissions ou d’évitement d’émissions dans les pays en développement qui ne sont pas soumis à des objectifs précis d’émissions, en particulier la Chine et l’Inde. Alors que nous complétons ce module début 2014, il semble que l’objectif du 48 Protocole de Kyoto de 5% de réduction des émissions pour l’ensemble des pays participants pourrait être atteint. Cependant, comme le montre la figure 14, les résultats sont très différents d’un pays à l’autre. Cette figure compare pour chaque pays son objectif de réduction avec son changement réel de quantité émise pendant la période entre l’année de base du Protocole (1990) et 2010. Ainsi par exemple, l’objectif de l’Allemagne selon le Protocole était de 8% de réduction alors qu’elle a déjà réalisé 22% de réduction. Figure 14. Progrès réalisés dans l’application du Protocole de Kyoto, par pays, 2010 60 40 Percent Change 20 0 -­‐20 -­‐40 -­‐60 Base Year to 2010 Change Kyoto Target Source: UNFCCC Note: ces données comprennent les ajustements sur l’usage des terres et des forêts D’autres pays qui sont en passe de réaliser leurs engagements de Kyoto comprennent la Fédération Russe, le Royaume Uni, et la France. Le déclin industriel brutal du début des années 1990 provoqué par la chute du régime soviétique et le passage à une économie de marché explique pourquoi la baisse considérable des émissions de la Russie. Sans cette chute vertigineuse, l’objectif de Kyoto n’aurait pas été atteint au niveau mondial. La Russie a gagné des revenus en échangeant ses réductions d’émissions avec d’autres pays, comme le permet le mécanisme de flexibilité, mais les réductions des émissions russes se seraient produites de toute manière. 49 Les pays qui sont encore loin de réaliser leurs objectifs de Kyoto incluent l’Australie, la Suède, l’Espagne et le Canada. En Décembre 2011, le Canada s’est formellement retiré de l’accord car il était clairement dans l’incapacité de tenir ses engagements. Les Etats-Unis avaient accepté un objectif de 7% de réduction de ses émissions par rapport à la base de 1990, quand il avait signé le traité, mais au lieu de cela, en 2010 ses émissions avaient augmenté de 8%. De plus, Kyoto ne plaçait aucune restriction sur les émissions des pays en développement, ce qui s’est traduit par une augmentation des émissions au niveau mondial. Les pays qui n’ont pas pu tenir leurs engagements dans la première phase de Kyoto, devront rattraper leur retard dans la phase suivant de post-Kyoto. Les négociations se sont poursuivies sans relâche depuis plus d’une décennie pour trouver un accord qui succède à Kyoto, comme l’a montré plus haut l’Encadré 2. Les conférences internationales se sont succédé les unes aux autres en fixant des dates butoir pour parvenir à un accord global post-Kyoto, mais sans succès. A l’heure actuelle, il semble peu probable qu’un accord international ayant effet de contrainte puisse être trouvé avant 2020. Alors que les progrès vers un accord international continuent à se faire attendre, les politiques sur le changement climatique ont été appliquées à un autre niveau, depuis celui des municipalités à celui d’accords régionaux multinationaux. Afin de l’aider à tenir ses engagements du Protocole de Kyoto, l’Union Européenne a mis en œuvre un système d’échange de permis à émettre parmi les pays européens qui fonctionne depuis 2005 (voir Encadré 9). Des taxes carbone ont été décrétées dans plusieurs pays y compris une taxe nationale sur le charbon en Inde (de 1 dollar par tonne de carbone, depuis 2010), une taxe sur les nouveaux véhicules basée sur leurs émissions, en Afrique du Sud (depuis 2010), une taxe carbone sur les combustibles fossiles au Costa Rica (depuis 1997) ainsi que des taxes carbone locales dans les provinces du Canada, le Québec, la British Columbia et Alberta, qui s’applique à l’essence pour les automobiles et camions, ainsi qu’aux entreprises émettant de larges quantités. Les Etats-Unis n’ont pas de politique nationale économique sur le changement climatique, mais il existe un grand nombre d’initiatives à l’échelle des Etats et des municipalités afin de réduire les émissions. Un accord incluant plusieurs Etats a été mis en place en 2008. La Regional Greenhouse Gas Initiative (RGGI) est un marché de permis à émettre applicable aux centrales électriques dans 9 Etats du Nord-Est.44 Cette vente aux enchères de permis permet de générer des revenus qui sont ensuite réinvestis dans des énergies plus propres et des mesures d’efficacité énergétique. En 2011, environ un milliard de dollars avaient été fournis par cette vente aux enchères. Le prix des permis a varié entre 2 et 4 dollars par tonne de CO2. 44 http://www.rggi.org/ 50 ENCADRE 9: LE SYSTEME COMMUNAUTAIRE DE QUOTAS D’EMISSIONS (SCEQE) DE L’UNION EUROPEENNE En 2005, L’Union Européenne a lancé le Système Communautaire de Quotas d’Emissions (SCEQE), qui inclut environ 11,000 centrales et usines qui collectivement émettent 40% des émissions de CO2 de l’UE. Le système impose une limite supérieure aux secteurs émettant fortement, ce plafond étant diminué chaque année. A l’intérieur de cette contrainte maximale, les entreprises sont libres d’échanger des permis à émettre selon leurs besoins. Cette approche donne une souplesse aux entreprises leur permettant de réduire leurs émissions d’une manière qui soit le plus efficace au niveau de leurs coûts. En 2012 le système s’est étendu pour inclure le secteur de l’aviation. Ceci inclut les vols provenant de l’extérieur de l’Union Européenne aussi mais en geste de bonne volonté vis-à-vis de ce secteur, la Commission Européenne a proposé de différer l’application de ce système afin de permettre aux compagnies aériennes de déterminer d’un accord international sur les émissions de l’aviation, devant être atteint fin 2013. Selon le SCEQE, chaque pays développe un Plan d’Allocation National qui détermine le nombre total de permis ou quotas disponible dans ce pays, et le nombre de quotas alloués pour chaque unité de production (centrale ou usine). Dans la première phase (2005-2007), les quotas étaient alloués aux entreprises gratuitement. Tout quota qui n’était pas utilisé pouvait être vendu sur le marché. La seconde phase (2008-2012) a étendu la portée de ce système de façon significative. De nouvelles données ont montré que le SCEQE a véritablement contribué à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’Union Européenne. En 2010, les émissions moyennes par centrale ou usine étaient de 17000 tonnes de CO2 moins polluantes qu’elles ne l’étaient en 2005, quand le SCEQE a été lancé. La réduction de ces émissions correspond à bruler moins de 7500 tonnes de charbon par an pour chaque centrale. Bien que les émissions se sont accru légèrement en 2007 quand la Roumanie et la Bulgarie ont rejoint l’Union Européenne, et à nouveau en 2010, quand l’activité économique européenne a repris après la période de crise de 2008-2009, les réductions opérées dans les centrales le sont durablement et elles émettent aujourd’hui 8,3% de moins qu’en 2005. Sources: EU-ETS website (http://ec.europa.eu/clima/policies/ets/index_en.htm); Grubb, et al., 2009 ; Also from http://ec.europa.eu/clima/publications/index_en.htm#Ets 51 D’autres initiatives régionales telles qu’un marché similaire de permis à émettre dans les Etats de l’Ouest, et un autre parmi les Etats du Midwest, ont été discontinués en raison du grand nombre d’Etats qui se sont retirés du processus. A l’échelle locale, plus de 1000 maires de villes ont signé un Accord de Protection du Climat (Conference of Mayors’ Climate Protection Agreement). 45 Dans cet accord volontaire, les villes se sont engagées à : - Mettre tout en œuvre pour atteindre les objectifs de Kyoto à leur échelle Exercer leur influence sur leurs Etats et sur le gouvernement fédéral afin de mettre en œuvre des politiques permettant d’atteindre les objectifs de Kyoto Exercer leur influence sur le Congrès des Etats-Unis afin qu’il ratifie des législations permettant la réduction des émissions des gaz à effet de serre, y compris un programme national de marché de permis à émettre. Alors que les Etats-Unis ont rejeté le Protocole de Kyoto, ils ont déterminé leurs propres objectifs en matière d’émissions. Contrairement au Protocole de Kyoto, ces objectifs sont volontaires et non pas obligatoires. En 2009, le Président Obama s’est fixé pour but de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 17% au-dessous du niveau de 2005 à l’échéance de 202046. En Juillet 2010, le Président Obama a aussi annoncé que le Gouvernement Fédéral réduira ses propres pollutions en gaz à effet de serre provenant de sources indirectes par 13% en 202047. Le quatrième rapport du GIEC (2007) appelle les nations industrialisées à réduire leurs émissions entre 25 et 40% au-dessous des niveaux de 1990 à l’échéance 2020. L’engagement des Etats-Unis à Copenhague (obtenir en 2020 un niveau inférieur de 17% à celui de 2005) revient seulement à une réduction de 3% par rapport au niveau de 1990. Ainsi, même dans le meilleur des cas, les réductions effectuées seront bien plus faibles que ce que le GIEC requiert et qui serait nécessaire pour éviter que les températures ne s’accroissent de plus de 2 degrés Celsius. Les opinions publiques sur le changement climatique jouent un grand rôle, au moins dans les pays démocratiques, afin d’exercer une pression sur leurs gouvernements. Cependant, un manque de compréhension sur des questions complexes peut aussi générer un manque d’intérêt du public, qui empêcherait leurs gouvernants d’agir. De nombreux sondages, aux niveaux nationaux comme au niveau international, ont montré que les citoyens du monde entier sont de plus en plus conscients et inquiets des enjeux climatiques (Encadré 10). 45 http://www.usmayors.org/climateprotection/agreement.htm US Department of Energy, EERE News, 2009, available at http://apps1.eere.energy.gov/news/news_detail.cfm/news_id=15650 47 The White House Statement, 2010, available at http://www.whitehouse.gov/the-press-office/president-obamaexpands-greenhouse-gas-reduction-target-federal-operations 46 52 ENCADRE 10 : L’OPINION PUBLIQUE SUR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE Le rapport 2010 de la Banque Mondiale sur le Développement, portant sur le changement climatique, a effectué un sondage international sur les perceptions des opinions publiques sur la question du changement climatique. Le sondage a été conduit auprès de 13518 personnes représentatives dans 15 pays – le Bengladesh, la Chine, l’Egypte, la France, l’Italie, l’Indonésie, l’Iran, le Japon, le Kenya, le Mexique, la Russie, le Sénégal, la Turquie, les Etats-Unis et le Vietnam. Alors que le public dans sa grande majorité considère le changement climatique comme un problème grave, ce sont les pays à faible revenu (Bengladesh, Kenya, Sénégal, et Vietnam) qui font déjà l’expérience de certaines des conséquences les plus néfastes du changement climatique, pour qui de très larges majorités déclarent que ce problème est très grave à leurs yeux. La proportion de gens qui ont une vision aussi inquiète est plus basse dans les pays à haut revenu (Etats-Unis, Japon, France) et dans les pays tels que la Russie et la Chine. Comme le montrent ces résultats, tous les pays qui sont de forts émetteurs de gaz à effet de serre semblent être moins concernés par le changement climatique. Cependant, même dans ces pays particulièrement responsables des émissions mondiales, de larges majorités admettent que le changement climatique est au moins « un problème relativement sérieux ».48 Les opinions sur le réchauffement climatique varient largement à l’intérieur des pays. Une enquête d’opinion menée par l’Université de Yale pour son « Projet sur la communication sur le changement climatique » montre qu’aux Etats-Unis, 30% du public se montre non concerné par le changement climatique, soit parce qu’ils doutent que le phénomène existe ou parce qu’ils ont purement une attitude de rejet par rapport au concept même. D’un autre côté, 45% des américains déclarent être concernés par le changement climatique, montrant un certain niveau de soutien pour toute action politique qui irait dans le sens d’une réduction de ce problème. Cependant, 29% parmi ces 45% tendent à considérer le problème comme concernant d’autres nations et les générations futures ne croient pas que ce soit une menace directe pour eux-mêmes ou leur communauté. S’ils soutiennent l’action politique, ils sont eux-mêmes peu enclins à s’engager dans une action politique.49 Seulement 16% des Américains, surtout parmi les plus jeunes générations, se disent particulièrement concernés et inquiets des conséquences du changement climatique et expriment leur crainte qu’ils aient à en faire l’expérience au cours de leur vie. Ils forment la population qui a le plus de motivation à s’engager dans un activisme politique sur les questions du climat afin de faire pression sur le gouvernement américain pour qu’il prenne des actions plus fortes et déterminées dans ce domaine. L’Avenir des Politiques de Changement Climatique Est-ce que les mesures politiques actuelles limitées seront suffisantes pour permettre une réelle limitation des émissions de gaz à effet de serre ? Les observations 48 WDR, 2010, Public attitudes toward climate change: findings from a multi-country poll, World Bank, available at http://siteresources.worldbank.org/INTWDR2010/Resources/Background-report.pdf 49 Leiserowitz, A., Maibach, E., Roser-Renouf, C., Feinberg, G. & Howe, P. (2013) Global Warming’s Six Americas, September 2012. Yale University and George Mason University. New Haven, CT: Yale Project on Climate Change Communication. http://environment.yale.edu/climate/publications/Six-Americas-September2012 53 récentes de l’accélération du changement climatique donnent à penser que l’effet cumulatif des émissions sera plus sévère que prévu. Les écosystèmes arctiques montrent des signes clairs d’effondrement sous la montée des températures, ce qui soulève la menace d’une fonte de la toundra avec les effets exponentiels de relâchement de gaz dans l’atmosphère qui accélèrerait le réchauffement climatique.50 Un rapport préparé par le Département de la Défense des Etats-Unis cite la possibilité d’une sècheresse de très large échelle dans les régions agricoles, un effondrement du Gulf Stream d’Atlantique du Nord, qui entrainerait une transition brutale vers des climats beaucoup plus froids en Europe et en Amérique du Nord, et des troubles sociaux de très grande amplitude dans le monde entier ainsi que des migrations en masse de populations à la recherche d’eau et de nourriture.51 Les coûts de tels scénarios seraient clairement extrêmement élevés, de l’ordre de grandeur des estimations les plus hautes du Tableau 2, s’élevant à des centaines de milliards de dollars par an. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a estimé que la stabilisation des niveaux de CO2 atmosphériques demanderait une réduction des émissions de CO2 à des niveaux qui devraient être une fraction des niveaux actuels. Cet objectif est beaucoup plus ambitieux que ceux proposés par le Protocole de Kyoto, et exigerait une intervention politique majeure pour rediriger les économies du monde vers des sources d’énergies non fossiles. Cependant le GIEC met en évidence qu’il existe des moyens de réduire de 30 à 70% les émissions de gaz à effet de serre à un coût inférieur à $100 par tonne d’équivalent charbon ; une portion substantielle de ces réductions aurait un coût marginal faible ou même nul. Selon ces calculs, l’estimation maximale du GIEC pour les réductions, soit 5 milliards de tonnes, pourrait être atteinte à un coût net de plusieurs centaines de milliards de dollar – un coût élevé certes mais beaucoup moins que le coût du scénario-catastrophe dont la probabilité est grande, cette comparaison utilisant des taux d’actualisation standard.52 Il est certain que la réduction à faible coût serait un excellent investissement. L’analyse économique serait ainsi en mesure de justifier des approches politiques beaucoup plus agressives pour répondre à la menace du changement climatique, mais des obstacles politiques énormes empêchent la mise en œuvre de telles politiques, surtout aux Etats-Unis. Alors que l’attention se porte de plus en plus que les politiques futures de « l’après Kyoto », les mesures politiques discutées ici deviendront certainement des enjeux importants. Les leaders politiques et le grand public détermineront la manière dont nous répondrons au défi le plus important du 21ème siècle, mais les politiques économiques joueront un rôle central dans l’accomplissement des objectifs que nous choisirons. 50 Richard B. Alley, “Abrupt Climate Change,” Scientific American November 2004; Clifford Kraus, “Eskimos Fret as Climate Shifts and Wildlife Changes,” New York Times, September 6, 2004. 51 Peter Schwartz and Doug Randall, “An Abrupt Climate Change Scenario and Its Implications for U.S. National Security,” October 2003, consultable sur http://www.ems.org/climate/pentagon_climate_change.html. 52 GIEC 2001, 2007, 2013. 54 RESUME Le changement climatique, résultant de l’émission des gaz à effet de serre emprisonnant la chaleur dans l’atmosphère, est un problème mondial. Tous les pays du monde sont impliqués à la fois dans la cause de ce problème et dans ses conséquences. A l’heure actuelle, les pays développés sont les émetteurs les plus importants de gaz à effet de serre, mais les émissions des pays en développement vont croître fortement dans les décennies à venir. Les prédictions les plus récentes des scientifiques prévoient un changement climatique au cours du 21ème siècle avec une augmentation des températures globales pouvant aller de 1.1ºC jusqu’à 6.4ºC. Outre le réchauffement de la planète, certains scientifiques prédisent d’autres effets tels que la perturbation des cycles climatiques et de possible changement soudains du climat. Une des approches classiques de l’analyse économique du changement climatique se fait au travers de l’analyse coûts-bénéfices. Les bénéfices dans ce cas sont les dommages qui seront potentiellement évités au travers de l’action de prévention du changement climatique ; les coûts économiques sont ceux encourus dans la transition faisant sortir de la dépendance aux combustibles fossiles, ainsi que d’autres conséquences de la réduction des gaz à effet de serre. Les études coûts-bénéfices ont estimé que les coûts comme les bénéfices sont d’un ordre de grandeur de plusieurs pourcents du PIB. Cependant, l’évaluation comparée des coûts et des bénéfices dépend fortement du taux d’actualisation choisi. Puisque l’on s’attend à ce que les dommages s’accroissent avec le temps, l’utilisation d’un taux d’actualisation élevé tend à une estimation plus faible des bénéfices de la réduction du changement climatique. En outre, certains effets tels la disparition d’espèces vivantes et les effets sur la vie humaine et sur la santé sont difficiles à mesurer en termes monétaires. Selon les hypothèses choisies dans les modèles économiques, l’impact sur le PIB des politiques de prévention du changement climatique pourrait aller d’une décroissance de 3.4 % à une croissance de 3.9 % du PIB. Les politiques de réponses au défi climatique peuvent être préventives ou adaptatives. Une des questions les plus débattues est celle de la taxe carbone, qui frapperait davantage les combustibles à forte émission de CO2. Les revenus d’une telle taxe pourraient servir à faire baisser les autres impôts ou pourraient être utilisés pour offrir des aides aux catégories les plus défavorisées de la population, qui souffriront le plus de la hausse des prix des carburants et des autres denrées. Une autre option est la mise en œuvre d’un marché des permis à émettre, ces permis pouvant être achetés ou vendus par des entreprises ou par des nations, selon leur niveau d’émissions de CO2. Ces deux types de mesures ont l’avantage de s’avérer d’une grande efficacité économique mais sont difficiles à mettre en pratique à cause de fortes résistances politiques. D’autres mesures possibles consistent à transformer la structure des subventions, de graduellement supprimer les subventions aux combustibles fossiles et de les augmenter pour les énergies renouvelables, ainsi que de renforcer les standards de l’efficacité énergétique et 55 d’accroître les budgets de la recherche et développement pour les technologies énergétiques alternatives. Le Protocole de Kyoto obligeant les nations industrialisées à réaliser des réductions des émissions de gaz à effet de serre, a été mis en application en 2005, mais les Etats-Unis ont refusé de s’y soumettre. Les politiques mondiales devront à l’avenir pour être effective, impliquer les Etats-Unis ainsi que la Chine, l’Inde, et d’autres nations développées. Des objectifs de réduction beaucoup plus ambitieux seront nécessaires pour éviter les coûts associés au changement climatique sur le long-terme. 56 CONCEPTS ET MOTS-CLES Acidification des océans : augmentation de l’acidité de l’eau dans les océans, résultant de la dissolution du carbone provenant du CO2 émis dans l’atmosphère. Analyse coûts-bénéfices: un outil de l’analyse économique et politique qui tente de donner une valeur monétaire à tous les coûts et les bénéfices d’une action, afin d’en déterminer les bénéfices nets. Analyse coût-efficacité : un outil économique et politique qui détermine l’approche la moins coûteuse pour atteindre un objectif donné. Bénéfice net marginal: le bénéfice net de la consommation ou de la production d’une unité additionnelle de ressource ; est égal au bénéfice marginal moins le coût marginal. Bien communs mondiaux: ressources collectives mondiales telles que l’atmosphère ou les océans. Biens publics: biens qui sont disponibles à tous, dont l’utilisation par une personne ne réduit pas leur disponibilité par d’autres. Changement climatique mondial: tous les changements du climat mondial, y compris des températures, des précipitations, de la fréquence et de l’intensité des orages, etc. qui résultent des changements de concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Coûts évités: coûts qui peuvent être évités grâce à la préservation de l’environnement en l’état actuel. Effets de serre: l’effet de certains gaz dans l’atmosphère terrestre, qui emprisonne la radiation solaire, et résulte en un accroissement des températures mondiales et en d’autres changements du climat mondial. Elasticité de la demande: la sensibilité au prix de la quantité demandée d’un bien sur le marché. Externalité: l’effet d’une transaction marchande sur des individus ou entreprises autres que ceux directement impliqués dans la transaction Feedback (effet retour): processus de changement dans un système qui est généré en réponse à une modification et qui vient soit contrecarrer soit renforcer cette modification initiale. 57 Gaz à effet de serre: gaz tels que le dioxyde de carbone et le méthane dont les concentrations atmosphériques influencent le climat mondial en emprisonnant la radiation solaire dans l’atmosphère. Intensité en gaz à effet de serre: quantité d’émissions de gaz à effet de serre par unité de produit économique. Mécanisme de développement propre: une close du Protocole de Kyoto qui permet aux pays industriels de recevoir des crédits pour l’aide aux pays en développement visant à réduire leurs émissions de CO2. Mesures adaptatives: politiques qui proposent des solutions d’adaptation aux effets écologiques adverses du changement climatique Mesures préventives: politiques qui ont pour objet de prévenir les impacts écologiques adverses. Mise en œuvre conjointe: mécanisme proposé par le Protocole de Kyoto et qui permet aux nations industrialisées d’obtenir des crédits pour le financement de projets de réduction d’émissions dans d’autres pays industrialisés. Permis transférables (et échangeables): permis qui donnent l’autorisation d’émettre une certaine quantité de polluant et qui peuvent être échangés (achetés et vendus) sur le marché, entre Etats et entreprises. Polluants-stock: un polluant qui s’accumule dans l’environnement, tel que le dioxyde de carbone et les chlorofluorocarbures (CFCs). Principe de précaution: ce principe énonce que les politiques devraient faire en sorte d’éviter des conséquences qui sont dommageables pour la santé ou pour l’environnement, même si ces conséquences ne peuvent pas être prédites avec certitudes, et surtout quand elles peuvent être potentiellement catastrophiques ou irréversibles. Puits de carbone: parties de l’écosystème qui ont la capacité d’absorber certaines quantités de dioxyde de carbone, telles que les forêts, les sols et les océans. Ressources communes (ou collectives): ressources qui ne peuvent pas faire l’objet d’une appropriation privée ; ces ressources peuvent être d’échelle locale comme les parcs publics ou d’échelle mondiale comme les océans ou la capacité de la Terre et de son atmosphère à absorber le carbone. 58 Segment de stabilisation du climat : un concept proposé par Pacala et Socolow (2004) présentant des actions préventives spécifiques permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre de une gigatonne par segment ou action spécifique. Taux d’actualisation: le taux annuel permettant d’évaluer des bénéfices ou coûts futurs en valeur actuelle afin de les comparer aux coûts et bénéfices d’aujourd’hui. Taxe pollueur-payeur: taxe par unité de produit, basée sur la quantité de pollution associée à la production d’un bien ou service. Taxe Carbone: une taxe par unité de biens et services, basée sur la quantité de dioxyde de carbone émise durant la production ou la consommation de ce bien ou service. Transfert de taxe neutre pour le revenu: politiques fiscales visant à équilibrer l’augmentation des impôts sur certains produits par une réduction d’autres impôts, telles qu’une réduction de l’impôt sur le revenu pour compenser la charge de la taxe carbone. Transfert de technologie: le processus de partage de l’information et de l’équipement technologique, en particulier entre nations. 59 REFERENCES Ackerman and Stanton, 2008, The Cost of Climate Change, Natural Resource Defense Council, available at http://www.nrdc.org/globalwarming/cost/cost.pdf Cline, William R. The Economics of Global Warming. Washington D.C.: Institute for International Economics, 1992. Decanio, Stephen, The Economics of Climate Change, 1997, available at http://rnawrocki.com/climate_change/decanio.pdf Dower, Roger C. and Zimmerman, Mary. The Right Climate for Carbon Taxes, Creating Economic Incentives to Protect the Atmosphere. Washington D.C.: World Resources Institute, 1992. Ellerman, A. Denny et al., The European Union’s Emission Trading System in Perspective, Pew Center on Global Climate Change, 2008,available at http://www.c2es.org/docUploads/EU-ETS-In-Perspective-Report.pdf Fankhauser, Samuel. Valuing Climate Change: the Economics of the Greenhouse. London: Earthscan Publications, 1995. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC). Climate Change 2001, Volume 1: The Scientific Basis. Cambridge, UK: Cambridge University Press, 2001. Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC). Climate Change 2007, Volume 1: The Physical Science Basis. Available at http://www.ipcc.ch/ Harris, Jonathan M. Environmental and Natural Resource Economics: A Contemporary Approach. Boston, Massachusetts: Houghton Mifflin, 2006 http://college.hmco.com Manne, Alan S. and Richels, Richard G. Buying Greenhouse Insurance: The Economic Costs of CO2 Emissions Limits. Cambridge, Mass: The MIT Press, 1992. Nordhaus, William D., and Joseph Boyer, Warming the World: Economic Models of Global Warming. Cambridge, Mass: The MIT Press, 2000. Nordhaus, William, The Stern Review on the Economics of Climate Change, 2007, available at http://nordhaus.econ.yale.edu/stern_050307.pdf 60 Pacala, Stephen, and Robert H. Socolow, 2004. “Stabilization Wedges: Solving the Climate Problem for the next 50 years with current technologies.” Science 305 (5686): 968-972 Roodman, David M. Getting the Signals Right: Tax Reform to Protect the Environment and the Economy. Worldwatch Paper # 134. Washington, D.C.: Worldwatch Institute, 1997. Stern, Nicholas, The Economics of Climate Change: The Stern Review. New York and Cambridge, U.K.: Cambridge University Press, 2007. Disponible à: http://www.hmtreasury.gov.uk/independent_reviews/stern_review_economics_climate_change/stern_rev iew_report.cfm U.S. Department of Energy, Energy Information Administration. International Energy Outlook 2004, Report No. DOE/EIA-0484 (2004). U.S. Department of Energy, Energy Information Administration. International Energy Outlook 2007. Report No. DOE/EIA-0484 (2007). World Bank, World Development Report 2010: Development and Climate Change. Washington, D.C.: The World Bank, 2010. 61 QUESTIONS 1. Considérez-vous que l’analyse coûts-bénéfices constitue un moyen utile pour répondre au problème du changement climatique? Comment peut-on effectuer une évaluation adéquate de choses telles que la fonte de la calotte glacière de l’Arctique et l’inondation des nations insulaires ? Quels sont la place et le rôle appropriés de l’analyse économique lorsque l’on considère des questions qui affectent les écosystèmes mondiaux et les générations futures? 2. Parmi les politiques qui répondent au défi du changement climatique, quelles sont celles qui sont les plus efficaces? Comment peut-on décider quelle combinaison de politiques choisir ? Quelles sortes de politiques seraient plus particulièrement favorisées (et recommandées) par les économistes? Quelles sont les obstacles principaux à une application efficace de ces politiques? 3. Le processus de formulation et d’application des accords internationaux sur les politiques de changement climatique a été lourdement handicapé par des désaccords et des impasses. Quelles sont les raisons principales qui ont causé tant de difficultés à s’entendre sur des actions politiques spécifiques? D’un point de vue économique, quelles sortes d’incitation pourraient être utiles pour convaincre les nations à accepter l’accord et à l’appliquer? Quelles sortes de politiques “gagnant-gagnant” pourrait-on envisager pour contourner les obstacles à la négociation ? 62 EXERCICES 1. On suppose que selon les termes d’un accord international, les émissions de CO2 des Etats-Unis doivent être réduites de 200 millions de tonnes et que celles du Brésil doivent l’être de 50 millions de tonnes. Voici les options dont les Etats-Unis et le Brésil disposent pour réduire leurs émissions: Etats-Unis: Réduction totale des émissions (en million de tonnes de carbone) Coût (en milliards de $) A: remplacer les infrastructures pour qu’elles soient plus efficaces en consommation d’énergie 60 12 B: Reforestation C: Remplacement des centrales thermiques à charbon 40 20 120 30 Réduction totale des émissions (en million de tonnes de carbone) Coût (en milliards de $) 50 20 30 3 40 8 Options politiques Brésil: Options politiques A: remplacer les infrastructures pour qu’elles soient plus efficaces en consommation d’énergie B: Protection de la forêt amazonienne C: Remplacement des centrales thermiques à charbon a) Quelles politiques sont les plus efficientes pour que chaque nation puisse atteindre leur objectif de réduction? De combien les deux nations peuvent-elles réduire leurs émissions en utilisant chaque option, et à quel coût, si les deux pays opèrent indépendamment l’un de l’autre ? Supposons que l’on puisse appliquer chaque option à un coût marginal constant. Par exemple, les Etats-Unis pourraient choisir de réduire les émissions par un changement d’infrastructures plus efficaces (option 1) – cette réduction s’élevant à 10 millions de tonnes pour un coût de 2 milliards de dollars. (indice : commencez par calculer le coût moyen de réduction en dollars par tonne pour chacune des six options). 63 b) Supposons qu’il existe un marché de transactions de permis transférables permettant aux Etats-Unis et au Brésil d’échanger des permis à émettre du CO2. Lequel des deux pays a intérêt à acheter des permis? Et lequel a intérêt à en vendre? Quel accord peut être signé entre les Etats-Unis et le Brésil pour qu’ils puissant tous les deux atteindre l’objectif de réduction de 250 millions de tonnes au moindre coût ? Pouvez-vous estimer le prix auquel s’échangera sur le marché un permis à émettre une tonne de CO2 ? (indice : utilisez les calculs du coût moyen que vous avez effectué pour la première partie de la question). 2. Supposons que la consommation annuelle d’un ménage est de 5000 litres de pétrole ou d’essence et de 2 Mm3 (milliers de mètres cube) de gaz naturel. En utilisant les données du Tableau 5 sur les effets d’une taxe carbone, calculez combien ce ménage paierait par an avec une taxe supplémentaire de 10 dollars par tonne de carbone. On suppose que cette taxe relativement faible ne provoque pas initialement de réduction de la demande pour le pétrole et le gaz. S’il y a 20 millions de ménages dans le pays, quel serait le revenu pour le gouvernement de cette taxe carbone ? Supposons maintenant que la taxe carbone s’élève jusqu’à 200 dollars par tonne de carbone. Si l’on considère la relation entre accroissement des prix et baisse de la consommation, une hypothèse raisonnable pourrait être que l’élasticité de la demande au prix provoque une baisse de 20% des quantités consommées de pétrole et de gaz. Quel serait l’impact sur une famille moyenne ? Quels seraient les revenus de la taxe pour le gouvernement ? Comment le gouvernement peut-il utiliser de tels revenus ? Quelles sont les différences entre effets de court terme et effets de long terme ? 64 SITES WEB 1. http://epa.gov/climatechange/index.html La page sur le réchauffement climatique du site web de l’agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis (U.S. Environmental Protection Agency). Le site fournit des liens vers une information abondante sur les causes, l’impact et les tendances et projections liés au changement climatique mondial. 2. http://www.ipcc.ch/ Le site web pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, une agence promue par les Nations-Unies pour “analyser les informations scientifiques, techniques et socio-économiques pertinentes pour la compréhension des risques de changement climatique causées par les activités humaines”. Leur site comprends des rapports faisant le bilan détaillé des relations entre les activités humaines et l’évolution du climat. 3. http://climate.wri.org/ La page sur le climat et l’atmosphère du site web du World Resource Institute. Le site comprend plusieurs articles et des études de cas, notamment les présentations de recherche sur les mécanismes de développement propre. 4. http://www.unfccc.de/ Page d’accueil de la Convention-cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques. Le site fournit des données sur les questions relatives au changement climatique et des informations sur les processus de négociations en cours sur les accords internationaux concernant le changement climatique. 5. http://www.weathervane.rff.org/ Un site web soutenu par Resources for the Future et dédié aux question relatives au changement climatique. Le site comprend plusieurs articles de recherche sur le marché de permis à émettre des gaz à effet de serre. 65