L`Economie du Changement Climatique Mondial

publicité
Copyright © 2014 Global Development And Environment Institute, Tufts University.
Tous droits sont accordés aux enseignants de reproduire ce module à des fins purement
académiques. Les étudiants peuvent également télécharger ce module directement à
http://ase.tufts.edu/gdae.
Les auteurs encouragent tous les usagers de ce module à leur envoyer leurs observations et
commentaires.
Global Development And Environment Institute
Tufts University
Medford, MA 02155
http://ase.tufts.edu/gdae
E-mail: [email protected]
L’ECONOMIE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE MONDIAL
1. CAUSES ET CONSEQUENCES DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
La question du changement climatique mondial1 est devenue une préoccupation
majeure depuis une quinzaine d’années. Du point de vue de l’analyse économique, les
émissions de gaz à effet de serre, qui sont la cause des changements climatiques
planétaires, constituent à la fois une externalité écologique et un phénomène de
surexploitation d’une ressource qui est un bien commun.
L’atmosphère est un bien commun mondial dans lequel individus et entreprises
rejettent toutes sortes de pollution. La pollution planétaire est un « mal public » supporté
par tous – une externalité négative qui a un impact planétaire. Dans plusieurs pays, des
lois de protection de l’environnement limitent les quantités de pollution d’air acceptables
au niveau local et régional. Dans ces situations, et selon la terminologie économique, les
externalités négatives associées à ces pollutions locales et régionales sont dans une
certaine mesure « internalisées ». Mais il n’existe que très peu de contrôle sur les niveaux
d’émissions du dioxyde de carbone (CO2), le principal gaz à effet de serre. Ce gaz n’a pas
d’effets néfastes à court terme au niveau du sol, mais la large accumulation dans
l’atmosphère de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre aura à long terme des
effets significatifs sur les températures et le climat, bien qu’il y ait incertitude quant à
l’amplitude probable ainsi que l’horizon temporel de ces effets (voir encadré 1).
Si, en effet, les conséquences du changement climatique s’avéraient d’une grande
gravité, il serait de l’intérêt de chacun de limiter ces émissions, dans l’intérêt général.
Mais si aucun accord ou code de conduite n’existe au sujet des émissions, les actions des
entreprises, des villes ou des nations, seront inadéquates. La question du changement
climatique peut donc s’analyser comme un problème de bien public, nécessitant une
action commune de collaboration entre toutes les parties impliquées. Puisque le problème
est mondial, seul un accord international s’appliquant avec force à toutes les nations, les
obligeant à agir pour l’intérêt général est en mesure de prévenir des conséquences
écologiques désastreuses.
NOTE – les termes écrits en caractères gras sont définis dans la section CONCEPTS
ET MOTS CLES à la fin du module.
1
Le phénomène, souvent appelé à tort réchauffement climatique, est plus exactement décrit par le terme de
1
ENCADRE 1: QU’EST-CE QUE L’EFFET DE SERRE?
Les rayons du soleil traversent les vitres d’une serre et réchauffent l’air à l’intérieur de la
serre, mais le verre empêche que la chaleur ne s’échappe – ainsi les plantes qui ont besoin de
climat chaud peuvent être cultivées sous serre, en climat froid. L’effet de serre qui existe sur
Terre grâce à l’atmosphère qui, jouant le rôle du verre des vitres d’une serre, emprisonne la
chaleur des rayons du soleil, a été décrit pour la première fois en 1824 par le scientifique français
Jean-Baptiste Fourier.
Les nuages, la vapeur d’eau, et les gaz à effet de serre que sont le dioxyde de carbone
(CO2), le méthane, l’oxyde d’azote, et l’ozone permettent à la radiation solaire de passer au
travers de l’atmosphère mais servent de barrière naturelle à la réfraction de la chaleur. Ceci crée
un effet de serre, sans lequel la vie n’aurait pas pu apparaître sur Terre. En effet, sans effet de
serre, la température à la surface de la Terre serait en moyenne de -18°C, au lieu d’être, de nos
jours, d’environ 15°C en moyenne.
La possibilité d’un effet de serre supplémentaire ou produit par l’homme a été introduite
il y a environ un siècle par le scientifique suédois Svante Arrhenius. Il émit alors l’hypothèse que
la combustion du charbon entrainerait une concentration accrue de dioxyde de carbone dans
l’atmosphère, ce qui aurait pour conséquence le réchauffement de la Terre. Depuis l’époque
d’Arrhenius, les émissions de gaz à effet de serre ont considérablement augmenté. Les
concentrations de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ont accru d’environ 35% par rapport
aux niveaux de l’époque préindustrielle. Outre l’augmentation de la combustion des
combustibles fossiles tels que le charbon, le pétrole et le gaz naturel, les émissions de méthane et
d’oxyde d’azote provenant de l’agriculture et de l’industrie ainsi que des substances chimiques
synthétiques telles que les chlorofluorocarbures (CFCs), contribuent à l’effet de serre.
Les scientifiques ont développé des modèles informatiques complexes afin d’estimer
l’effet des émissions de gaz à effet de serre à court et long terme sur le climat mondial. Bien qu’il
existe une grande incertitude inhérente à ces modèles, il y a quasi-unanimité dans la communauté
scientifique pour s’accorder sur le fait que l’effet de serre créé par l’activité humaine représente
une menace importante pour l’écosystème mondial.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit que les
températures vont continuer à augmenter, les glaciers vont continuer à fondre et le niveau des
mers à s’élever, et affirme que «même si on parvenait à arrêter immédiatement nos émissions de
CO2 , la plupart des impacts du changement climatique continueront à se faire sentir
pendant plusieurs siècles. Nous vivons un processus pluriséculaire qui est le résultat
d’émissions de CO2 passées, présentes et à venir, et qui va se prolonger sur le très longterme. »
Sources: Cline, 1992; Fankhauser, 1995; GIEC, 2013.
Parce que le CO2 et autres gaz à effet de serre s’accumulent continuellement dans
l’atmosphère, la stabilisation des émissions ne résoudrait pas le problème. Les gaz à effet
de serre demeurent dans l’atmosphère pendant des décennies voire des siècles, continuant
d’affecter le climat de la planète entière bien après qu’ils aient été émis. Les gaz à effet
de serre sont des polluants-stock: seules des réductions majeures des émissions à des
2
niveaux compatibles avec la capacité d’absorption de la biosphère pourraient prévenir des
accumulations toujours plus importantes dans l’atmosphère. Les estimations des capacités
d’absorption de la planète sont de l’ordre de 20 à 50% des émissions actuelles causées
par les activités humaines, d’où la nécessité de les réduire de 50 à 80%2.
La mise en œuvre de politiques nationales et internationales de lutte contre le
changement climatique pose des défis énormes, soulevant des enjeux scientifiques,
économiques et sociaux considérables.
Tendances et projections des émissions de dioxyde de carbone au niveau mondial
Les émissions de dioxyde de carbone au niveau mondial dues à la combustion des
combustibles fossiles ont augmenté de façon considérable pendant le XXème siècle,
comme le montre la Figure 1. L’utilisation des combustibles liquides (pétrole) est
aujourd’hui responsable d’environ 35% de l’ensemble des émissions mondiales de CO2
dues aux combustibles fossiles, alors que les combustibles solides (charbon) sont
responsables de 40% et la combustion de gaz représente 18%. La Chine a pris la première
place devant les Etats-Unis en 2006 comme pays le plus gros émetteur de CO2. En 2008,
La Chine était responsable de 22% des émissions mondiales de CO2, suivie par les EtatsUnis avec 18%.3
Figure 1. Emissions mondiales de Dioxyde de Carbone dues aux combustibles
fossiles (1860-2009)
Million de Tonnes métriques de Carbone
9000
8000
7000
6000
5000
Pétrole
4000
Gaz
3000
2000
Charbon
1000
0
1860 1870 1880 1890 1900 1910 1920 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000
Année
Source: Carbon Dioxide Information Analysis Center (CDIAC), http://cdiac.ornl.gov/trends/trends.html , avril 2013
2
Selon le Rapport 2010 sur le Développement Mondial (World Development Report) les émissions de CO2 ayant
une cause humaine en 2007 atteignaient un total de 9 Giga tonnes (milliards de tonnes). Les écosystèmes terrestres
et les océans ne peuvent absorber que 3.4 Gt par an (Banque Mondiale, 2010).
3
Boden et al., 2011
3
Les progrès dans la lutte contre le changement climatique mondial ont été très
lents, malgré de nombreuses conférences internationales consacrées à cette question, y
compris la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement de
Rio de Janeiro en 1992, La Conférence de Kyoto en 1997 qui a abouti au Protocole de
Kyoto, le Sommet Mondial sur le Développement Durable de 2002, la Conférence de
Copenhague en 2009 et la Conférence de Durban sur le Changement Climatique en 2011
(pour une liste détaillée des conférences sur le changement climatique, leurs succès et
leurs échecs, voir l’encadré 2). Les projections actuelles montrent que les émissions de
dioxyde de carbone continueront de s’accroître dans l’avenir (voir la Figure 2).
Figure 2. Projections des Emissions de gaz carbonique (dioxyde de carbone)
jusqu’en 2030, (Millions de tonnes métriques de CO2) pour les pays de l’OCDE et
pour l’ensemble de tous les autres pays du monde non-membres de l’OCDE
Source: U.S. Department of Energy, 2011. L’axe vertical de la Figure 2 mesure les millions de tonnes métriques de
gaz carbonique alors que l’axe vertical de la Figure 1 présente les millions de tonnes métriques de carbone; la masse
de toute émission de CO2 (gaz carbonique est égale à 3,67 fois la masse en carbone de ces émissions.
Note: L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques - OCDE (OECD en anglais, comme
l’indique la légende de la Figure 2) - est une organisation composée surtout de pays développés à fort revenu. Ses 34
pays membres sont des pays qui partagent les valeurs de gouvernement démocratique et d’économie de marché
(OCDE, 2011). Les pays ne faisant pas partie de l’OCDE sont principalement des pays en développement. Certains
pays émergents tels que le Mexique, le Chili et la Turquie font désormais partie de l’OCDE.
4
La Figure 2 montre une prévision de l’augmentation des émissions de dioxyde de
carbone mondial dans les décennies à venir. Selon l’Administration Américaine
d’Information sur l’Energie (U.S. Energy Information Administration ou U.S.E.I.A.), les
projections des émissions mondiales de CO2 augmenteront d’environ 71% entre 2005 et
20354. Ces projections sont une hypothèse de référence pour l’U.S.E.I.A. qui suppose
que les tendances économiques continueront à l’identique (hypothèse du « business as
usual ») sans efforts majeurs de réduction des émissions de carbone. Comme nous le
verrons, des politiques volontaires de transition énergétique substituant des énergies
renouvelables aux combustibles fossiles, pourraient altérer ce scénario de manière
significative.
Les pays industrialisés étaient en 2005 responsables de presque la moitié des
émissions totales de CO2. Comme le montre la Figure 2, la plupart de la croissance future
des émissions viendra des pays à croissance rapide tels que la Chine et l’Inde. En
particulier, on estime que les émissions de la Chine vont croître de 143% entre 2005 et
2035. 5
Bien que les émissions de carbone vont augmenter à l’avenir davantage dans les
pays en développement, les émissions par habitant en 2020 seront toujours beaucoup plus
importantes dans les pays industrialisés (environ six fois plus) comme le montre la Figure
3. Les pays en développement contestent toute application de mesures de réduction des
émissions tant que les nations industrialisées émettent des quantités par habitant
considérablement plus importantes que les leurs. Le déséquilibre mondial quant aux
émissions par habitant est une question politique cruciale à laquelle on doit prêter toute
l’attention nécessaire afin de la traiter de manière adéquate dans le débat politique
mondial sur le changement climatique. Les désaccords sur cette question des
responsabilités relatives de chaque pays sont la cause de la plupart des impasses dont ont
souffert les négociations sur le climat (voir encadré 2).
4
Données provenant de l’ US Energy Information Administration, 2011, disponible sur le site:
http://www.eia.gov/analysis/projection-data.cfm#intlproj
5
Données provenant de l’US Energy Information Administration, 2011, disponible sur le site:
http://www.eia.gov/analysis/projection-data.cfm#intlproj
5
Figure 3. Emissions de Dioxyde de Carbone par habitant par pays, en 2013
Tonnes métriques de CO2 par habitant
20
17.62
15
9.19
10
9.26
6.52
5.73
4.07
5
2.41
1.45
0.37
0
United
States
Germany
Japan
France
China
Mexico
Source: U.S. Energy Information Administration, April 2013
6
Brazil
India
Bangladesh
ENCADRE 2: HISTORIQUE DES NEGOCIATIONS SUR LE CLIMAT
La route tortueuse vers un accord sur le climat
Année, lieu
Evènement
1992, Rio de Janeiro
Les négociations commencent avec la finalisation de la convention-cadre
des Nations-Unies sur le changement climatique. Les pays acceptent de
réduire volontairement leurs émissions avec un sens de “responsabilité
partagée mais différenciée”.
1995, Berlin
La première Conférence annuelle des parties prenantes de la Conventioncadre – « Conference of the Parties » ou COP. Il en résulte un calendrier
sur les négociations pour les deux années suivantes. Les Etats-Unis
acceptent que les pays en développement soient exemptés d’obligations
à réduire leurs émissions.
1997, Kyoto
COP 3 débouche sur le Protocole de Kyoto. Les pays développés
s’engagent à réduire les émissions de gaz à effet de serre à l’horizon
2008-2012. Il est prévu que les Etats-Unis devront les réduire de 7% audessous des niveaux de 1990.
1998, Buenos Aires
Prévoit un plan d’application de Kyoto durant les deux années suivantes
jusqu’en 2000.
2000, The Hague
COP 6 : L’administration sortante de Clinton et les pays européens ne
s’entendent pas sur les termes de l’accord. Les négociations échouent.
2001, Bonn
Les négociations reprennent sur les termes imposant l’accord sur les
signataires et sur l’adaptation du texte, mais l’administration Bush rejette
le traité, le qualifiant de « défectueux ».
2004, Buenos Aires
COP 10 : Les Etats-Unis bloquent les négociations formelles sur le traité
Post-Kyoto. Les diplomates essaient d’engager des discussions
informelles.
2007, Bali
COP 13 : Les diplomates approuvent le calendrier des négociations Post
Kyoto qui doivent se terminer en 2009. Cette fois-ci, comme les candidats
à la Présidentielle Américaine se montrent plus conciliants sur la question
du changement climatique, les Etats-Unis acceptent le calendrier.
2009, Copenhague
COP 15 est un échec retentissant, puisqu’il ne débouche sur aucun
accord ayant force d’obligation pour les pays. Il y est rappelé l’importance
de limiter le réchauffement climatique au-dessous de 2°C mais sans fixer
concrètement d’objectifs d’émissions à ne pas dépasser. Les pays
développés promettent d’aider les pays en développement à atteindre
leurs objectifs en matière d’émissions, à hauteur de 30 milliards de dollars
par an, cette somme s’élevant à 100 milliards en 2020.
2010, Cancun
140 pays s’associent volontairement à l’accord de Copenhague en dépit
des critiques largement partagées sur la manière dont l’accord a été
conclu. Les nations se réunissent à Cancun pour aller plus loin que
l’accord et créer les conditions d’un traité ayant force de loi en 2011.
2011, Durban
COP 17 : Les pays participants s’engagent à adopter un traité universel
ayant force de loi dès que possible, avant la date butoir de 2015, et
devant prendre effet en 2020.
Source: d’après ClimateWire, Environment & Energy Publishing (E&E), http://www.eenews.net/ 2011
7
Tendances et Projections du Changement Climatique
La Terre s’est réchauffée de façon significative depuis qu’existent les premiers
relevés fiables de températures, au milieu du XIXème siècle (Figure 4). Depuis les 100
dernières années, la température moyenne mondiale s’est élevée d’environ 0.7°C. Neuf
des dix années les plus chaudes depuis les débuts des enregistrements météorologiques se
sont produites depuis l’an 2000.6 Chacune des trois dernières décennies, années 80,
années 90, années 2000, a été successivement plus chaude sur la surface terrestre que tout
autre décennie précédente depuis 1850. Dans l’hémisphère Nord, la période 1983-2013
constitue probablement les trente années les plus chaudes depuis 1400 ans. Il existe aussi
des indications que le taux de réchauffement, à l’heure actuelle de 0.13°C par décennie,
est en augmentation7. Toutes les régions ne sont pas affectées de la même manière.
L’Arctique et l’Antarctique se sont réchauffés à un taux deux fois supérieur au taux
mondial moyen.8
Figure 4: Anomalies dans les températures annuelles mondiales, en degrés Celsius,
période 1850-2010
0.6
0.4
0.2
C 0
e
re
g
e-­‐0.2
D
0
5
8
1
6
5
8
1
2
6
8
1
8
6
8
1
4
7
8
1
0
8
8
1
6
8
8
1
2
9
8
1
8
9
8
1
4
0
9
1
0
1
9
1
6
1
9
1
2
2
9
1
8
2
9
1
4
3
9
1
0
4
9
1
6
4
9
1
2
5
9
1
8
5
9
1
4
6
9
1
0
7
9
1
6
7
9
1
2
8
9
1
8
8
9
1
4
9
9
1
0
0
0
2
6
0
0
2
2
1
0
2
-­‐0.4
-­‐0.6
-­‐0.8
Year
Source: Carbon Dioxide Information Analysis Center CDIAC, données relevées en Avril 2013,
http://cdiac.ornl.gov/ftp/trends/temp/jonescru/global.txt
Note: La base de référence (zéro) représente la température mondiale moyenne pendant la période1961-1990.
Bien que le réchauffement du climat mondial puisse être un phénomène naturel, le
Groupe d’Experts Intergouvernementaux sur l’évolution du Climat (GIEC) a conclu en
2013 que :
6
NASA Goddard Institute for Space Studies, Jan 19,2012. http://www.giss.nasa.gov/research/news/20120119/.
7
Information disponible sur le site de l’Agence Américaine pour la Protection de l’Environnement, US EPA, 2011,
http://www.epa.gov/climatechange/science/recenttc.html , autre source disponible: GIEC 2013.
8
GIEC, 2007.
8
L’influence humaine a été détectée dans le réchauffement de l’atmosphère et des océans, dans les
changements du cycle de l’eau à l’échelle planétaire, dans la réduction des précipitations de neige, dans la
diminution des glaciers, dans l’élévation du niveau des mers, et dans la fréquence accrue d’évènements
climatiques extrêmes. Toutes les données pointent vers un accroissement de l’influence humaine sur le
climat. La probabilité que l’influence humaine ait été la cause majeure du réchauffement observé depuis
le milieu du XXème siècle, est extrêmement forte (GIEC, 2013, résumé à l’intention des décideurs, p. 15)
Ces températures chaudes ont produit des effets notables sur les écosystèmes.
Dans la plupart des régions du monde, les glaciers sont en retrait. Par exemple, le Glacier
National Park dans le Montana, aux Etats-Unis, avait 150 glaciers quand cette réserve
naturelle a été fondée en 1910. En 2005, il ne restait que 25 glaciers et l’on estime qu’en
2030 le parc n’aura plus aucun des glaciers qui lui ont donné son nom.
Le changement climatique conduit également à la montée du niveau des océans.
Ce phénomène est dû à la fonte des glaciers et de la banquise polaire, et au fait que l’eau
se dilate quand elle se réchauffe. Les océans se sont réchauffés en moyenne de 0.1°C
entre 1961 et 2003. Ce réchauffement de l’eau, combiné avec la fonte des glaciers et
banquises a causé une montée du niveau des mers d’environ deux millimètres par an (voir
Encadré 3).
Outre l’élévation de la température des océans, l’augmentation de la concentration
de CO2 dans l’atmosphère conduit à l’acidification des océans. Selon le U.S. National
Oceanic and Atmospheric Administration, « environ la moitié de tout le dioxyde de
carbone produit par les humains depuis la Révolution Industrielle s’est dissout dans les
océans. Cette absorption a ralenti le processus du réchauffement climatique, mais il a
aussi diminué le pH des océans, rendant ceux-ci plus acides. Une plus grande acidité de
l’eau se traduit dans une plus grande corrosion des minéraux dont dépendent de
nombreuses espèces sous-marines pour construire leurs coquilles et leurs squelettes. »9
Un rapport récent du magazine Science révèle que les océans sont en train de s’acidifier à
une vitesse si élevée qu’elle ne s’est probablement pas produite depuis 300 millions
d’années, avec des conséquences potentielles désastreuses pour les écosystèmes marins.10
Les barrières de corail sont parmi les premières victimes du réchauffement et de
l’acidification des océans, car les coraux ne peuvent se former que dans un
environnement marin variant très peu en température et en acidité. Les élevages d’huitres
sont également affectés et on les compare souvent aux « canaris dans les mines de
charbon » car ils peuvent prédire à l’avance les effets de large ampleur sur les
écosystèmes marins de l’augmentation de l’acidité des océans. 11
9
National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), 2010.
Deborah Zabarenko, “Ocean’s Acidic Shift may be Fastest in 300 Million Years,” Reuters March 1, 2012; Hönish
et al., 2012.
11
Roger Bradbury, “A World without Coral Reefs,” New York Times July 14, 2012; NOAA, 2010, “Scientists Find
Rising Carbon Dioxide and Acidified Waters in Puget Sound”
http://www.noaanews.noaa.gov/stories2010/20100712_pugetsound.html et
http://www.pmel.noaa.gov/co2/story/Going+Green%3A+Lethal+waters
10
9
ENCADRE 3: DES ILES DU PACIFIQUE DISPARAISSENT SOUS LA MONTEE
DES EAUX
Deux îles de la petite nation de Kiribati dans l’Océan Pacifique – Tebua Tarawa et
Abanuea – ont disparu à cause de l’élévation du niveau des mers. D’autres, appartenant à
Kiribati ainsi qu’à la nation voisine de Tuvalu, sont sur le point de disparaitre. Jusqu’à présent
l’océan a recouvert de petits ilots inhabités mais la crise grandit autour des atolls. Les
scientifiques estiment que le niveau de l’Océan Pacifique s’élève de 2 millimètres par an, et
prédisent que ce taux va s’accélérer en raison du changement climatique.
Les îles peuplées sont sous pression. Les îles principales de Kiribati, Tuvalu ainsi que les îles
Marshall, sont souffert d’inondations graves et répétées, alors que les hautes marées ont eu raison
des barrages, et se déversent sur les ponts, les routes, les plantations, et les habitations. Presque
tout le littoral des atolls des îles Marshall subissent l’érosion. Les tombes de la Seconde Guerre
Mondiale sur l’atoll principal de Majuro sont recouvertes par l’eau, et les routes et les champs
ont été submergés. L’aéroport a été inondé plusieurs fois malgré les barrages contre la haute mer.
Le peuple de Tuvalu a la plus grande difficulté à pratiquer l’agriculture à cause des infiltrations
d’eau de mer qui empoisonnent de sel les sols. A Kiribati comme dans les îles Marshall, les
familles cherchent désespérément à protéger leurs terres des vagues en déversant toutes sortes de
vieilles voitures, de camions, et de machines dans la mer, enchevêtrés à des rochers. La situation
est si dramatique que les leaders de Kiribati sont en train de considérer l’option d’évacuer la
population entière de la nation, soit 103000 habitants, vers les îles Fiji. Déjà plusieurs villages
ont été évacués.
A des milliers de kilomètres de là, dans les Maldives, l’histoire est presque la même. L’Océan
Indien balaye les plages d’un tiers de ses 200 îles inhabitées. Comme l’exprime le Président
Gayoom « l’élévation du niveau de la mer n’est pas une hypothèse scientifique à la mode, c’est
la réalité. »
Les mers montent en raison de la fonte des glaciers et de la décroissance des calottes
polaires, mais surtout en raison de la dilation des océans due au réchauffement de leurs eaux. Les
scientifiques estiment que ces processus contribueront à l’élévation du niveau des mers d’au
moins 40 centimètres au cours du siècle, suffisante pour détruire plusieurs nations insulaires.
Plus les mers montent, plus fréquentes sont les tempêtes dont les vagues dévastent les atolls
étroits, en emportant le sol avec elles – et on prévoit que le nombre de tempêtes va s’accroître
avec le réchauffement du climat. De plus, un grand nombre d’îles deviendront inhabitables bien
avant de disparaître sous l’eau, en raison de la contamination par les eaux salines des nappes
d’eau douce dont dépendent la survie des populations.
D’après: Lean, Geoffrey, “They’re Going Under: Two Islands Have Disappeared Beneath the Pacific Ocean - Sunk
by Global Warming.” The Independent, June 13, 1999, p. 15 (cité avec la permission de « The Independent »);
“Kiribati Global Warming Fears: Entire Nation May Move to Fiji,” Associated Press, March 12, 2012.
10
Les projections futures sur le changement climatique dépendent des évolutions des
émissions futures. Même si toutes les émissions de gaz à effet de serre s’arrêtaient
aujourd’hui, le monde connaitrait un réchauffement au cours des quelques décennies à
venir en raison des effets décalés dans le temps des émissions (l’impact d’émissions
actuelles ne se faisant ressentir que dans plusieurs années). En se fondant une grande
variété de modèles avec des hypothèses différentes sur les émissions à venir, le GIEC
estime que :
L’augmentation de la température moyenne de la surface du globe pour
2081-2100 par rapport à 1986-2005 sera très probablement supérieure à
1.5°C et pourrait être aussi élevé que 4.8°C.
Les régions Arctique et Antarctique seront celles qui se réchaufferont plus que la
moyenne mondiale, et le réchauffement sera supérieur sur les continents que sur les
océans. L’étendue des changements possibles de températures est représentée dans la
figure 5.
Figure 5. Projections des tendances de la température mondiale à l’horizon 2100
Source : GIEC, IPCC Fifth Assessment Report, Climate Change 2013 : the Physical Science Basis
Chapter 12, Fig. 12-37, p. 12-161
Note : les différentes courbes en bleu et en vert montrent des scénarios différents ; le plus bas donne une température
moyenne de 2°C de plus qu’aujourd’hui à la fin du siècle, et le plus élevé une température de près de 5°C de plus
qu’aujourd’hui.
11
Figure 6. Tendances de la température mondiale projetées à l’horizon 2100 – Deux
scénarios extrêmes
Source : GIEC, 2013
Dans le rapport de 2013 du GIEC, plusieurs scénarios futurs sont considérés. La figure 6
représente les deux scénarios extrêmes, le premier représente l’augmentation la plus
faible possible de la température moyenne à la surface terrestre à l’horizon 2081-2100,
tandis que le second scénario représente au contraire l’augmentation la plus élevée
possible.
L’amplitude réelle du réchauffement et des autres effets dépendra du niveau
auquel les concentrations atmosphériques de CO2 et des autres gaz à effet de serre se
stabiliseront en définitive. En 2011 la concentration atmosphérique de CO2 était d’environ
391 ppm. Lorsque l’on considère la contribution des autres gaz à effet de serre, l’effet
total est équivalent à une concentration de 450 ppm de CO2– concentration que l’on
appelle CO2e.12
La figure 7 ci-dessous met en relation le niveau de stabilisation des gaz à effet de
serre, mesuré en nombre de CO2e, avec l’accroissement des températures moyennes qui
en résulte, ce qui inclut un degré d’incertitude. Les lignes horizontales en trait plein dans
la figure 7 représentent l’étendue des températures possibles avec une probabilité de
90%. Les traits en pointillé s’étendant de part et d’autre des traits pleins représentent
l’étendue des prédictions complètes résultant des modèles existant. La ligne verticale au
milieu de chaque trait plein représente la médiane pour chacune des prédictions.
12
IPCC, 2013
12
Figure 7. La relation entre le niveau de stabilisation des gaz à effet de serre et les
changements éventuels de température
Source: Stern, 2007.
Cette projection montre que si les concentrations de gaz à effet de serre se
stabilisaient à 450 ppm CO2e, il y aurait une probabilité de 90% que les températures
augmentent entre 1.0 et 3.8°C, avec une faible probabilité que cette augmentation soit
supérieure. Compte tenu que les concentrations de gaz à effet de serre sont actuellement
de 430 ppm CO2e, une stabilisation à 450 ppm représente un défi quasi insurmontable.
Comme nous le verrons plus loin, même une stabilisation à 550 ppm CO2e nécessiterait
une prise de décision politique mondiale drastique.
13
2. L’ANALYSE ECONOMIQUE DU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Les scientifiques ont modélisé les effets d’un doublement des niveaux accumulés
de dioxyde de carbone dans l’atmosphère terrestre. Certaines de leurs prédictions sont les
suivantes:
• Perte de terres sous la montée des eaux, en particulier de plages et de marais
• Perte de biodiversité et de surfaces de forêts, dues notamment à la disparition
des barrières de corail et des marais et mangroves
• Contamination des sources d’eau douce et problèmes de rareté de l’eau pour
l’agriculture et la consommation urbaine
• Accroissement des problèmes de santé publique et de la mortalité due aux
vagues de chaleur et à la progression des maladies tropicales
• Augmentation des coûts liés à la climatisation
• Perte de récoltes agricoles en raison de sècheresses
Il se peut que quelques-uns des effets soient positifs tels que:
• Augmentation de la production agricole dans les climats froids
• Diminution des coûts de chauffage
• Diminution de la mortalité causée par l’exposition au froid
S’ajoutent à ces effets d’autres conséquences moins prévisibles mais
potentiellement plus destructrices, en particulier:
• La modification des régimes climatiques, s’accompagnant d’une fréquence
accrue d’ouragans et autres évènements climatiques extrêmes
• La fonte possible des glaces du Groenland et de l’Antarctique occidental, ce
qui aurait pour conséquence une montée des océans d’au moins 12 mètres et
provoquerait la disparition de nombreuses villes côtières dont plusieurs
mégapoles.
• Le changement soudain de constantes climatiques, tel qu’un brusque
changement de direction du Gulf Stream dans l’Atlantique Nord, qui aurait
pour conséquence de transformer le climat de l’Europe en celui de l’Alaska
• Le déclanchement de boucles rétroactives positives,13 aux effets exponentiels
dévastateurs, tel que le réchauffement de la toundra arctique entrainant un
relâchement dans l’atmosphère de quantité de CO2 et de méthane considérables
qui aurait pour effet une accélération du réchauffement climatique.
13
Une boucle rétroactive représente un phénomène pour lequel un changement du système entraîne des
conséquences qui agissent en réaction sur le système, allant soit dans le même sens que le changement initial (boucle
rétroactive positive, à effet exponentiel) soit dans le sens opposé au changement initial (boucle rétroactive négative,
autorégulée autour d’un équilibre homéostatique)
14
Les projections du GIEC montrent qu’avec des émissions croissantes et des
températures plus élevées, les effets négatifs iront en s’intensifiant alors que les éventuels
effets positifs s’estomperont (Tableau 1). Comme le montre la figure 5, il existe une
incertitude considérable sur le réchauffement climatique au cours du siècle. On se doit de
conserver présentes à l’esprit ces incertitudes en abordant toute analyse économique du
changement climatique mondial.
Tableau 1. Effets Possibles du changement climatique
Type
d’impacts
Ressources
d’eau douce
Augmentation de la température par rapport aux niveaux préindustriels
Agriculture et
Alimentation
Légère augmentation
des rendements dans les
régions tempérées
Santé
publique
Au moins 300,000
personnes meurent
chaque année de
maladies liées au climat
– dans les hautes
altitudes, diminution de
la mortalité liée au froid
et à l’hiver
Inondations côtières
causant des dommages
croissants
De 40 à 60 millions
de personnes en plus
sont exposées à la
malaria en Afrique
Au moins 10% des
espèces terrestres sont
menaces d’extinction –
risques accrus de feux
de forêts
Surfaces
côtières
Ecosystèmes
1°C
2°C
3°C
4°C
5°C
Disparition de glaciers
de petite taille dans les
Andes, menaçant les
ressources en eau de 50
millions de personnes
Diminution
potentielle des
ressources en eau de
20 à 30% dans
certaines régions
(Sud de l’Afrique et
bassin
méditerranéen)
Déclins des
rendements
agricoles dans les
régions tropicales (5
à 10% en Afrique)
Graves sécheresses
dans le Sud de
l’Europe tous les 10
ans –de 1 à 4
milliards de
personnes souffrent
de restrictions d’eau
Diminution des
ressources de 30
à 50% au Sud de
l’Afrique et en
méditerranée
De 150 à 550 million
de personnes
supplémentaires en
situation de
malnutrition et de
faim - les récoltes
atteignent leur
maximum dans les
latitudes élevées
De 1 à 3 million de
personnes
supplémentaires
meurent chaque
année de malnutrition
Les récoltes
déclinent de 15 à
35% in Afrique
et des régions
entières ne sont
plus capables de
produire
d’agriculture
Les larges
glaciers de
l’Himalaya
disparaissent
affectant un
quart de la
population
chinoise
Augmentation
de l’acidité de
l’océan réduit
les ressources
halieutiques
Jusqu’à 80
millions de
personnes
supplémentaires
sont exposées à
la malaria en
Afrique
Accroissement
des maladies services de
santé publique
soumis à une
pression
croissante
Jusqu’à 10 millions
de personnes
supplémentaires
sont exposées aux
inondations côtières
Jusqu’à 170 millions
de personnes
supplémentaires sont
exposées à des
inondations côtières
Jusqu’à 300
millions de
personnes
supplémentaires
sont exposées
aux inondations
côtières
La montée du
niveau des
océans menace
des villes
majeures telles
que New
York, Tokyo
et Londres
15 à 40% des
espèces sont
potentiellement
menacées
d’extinction
20 à 50% des espèces
sont potentiellement
menacées
d’extinction.
Possibilité d’un
effondrement de
l’écosystème de la
forêt amazonienne
Perte de la
moitié de la
Toundra
Arctique – larges
pertes des
barrières de
corail
Taux élevés
d’extinction à
travers le
globe
Sources: Stern, 2007; GIEC, 2007.
15
Compte tenu de ces incertitudes, certains économistes ont tenté de placer l’analyse
du changement climatique mondial dans le contexte de l’analyse coût-bénéfice. D’autres
ont critiqué cette approche essayant de chiffrer des enjeux aux conséquences sociales,
politiques et écologiques, allant bien au-delà de toute valeur monétaire qu’on puisse leur
attribuer. Nous examinerons d’abord les tentatives des économistes de capturer les
impacts du changement climatique au travers de l’analyse des coûts et bénéfices, puis
nous reviendrons sur le débat relatif à l’application des politiques de réduction de gaz à
effet de serre.
Analyses Coût-Bénéfice du Changement Climatique Mondial
Sans intervention politique, on peut s’attendre à ce que les émissions de carbone
continuent d’augmenter approximativement comme indiqué sur la figure 2. Une action
politique immédiate et agressive sera nécessaire pour stabiliser puis réduire les émissions
de CO2 dans les prochaines décennies.
Dans toute analyse coût-bénéfice, on doit mesurer les conséquences de la
projection de l’augmentation des émissions de carbone et les comparer aux coûts des
politiques d’action actuelles visant à stabiliser ou même à réduire les émissions de CO2.
Des politiques appliquant une action forte permettant de prévenir le changement
climatique apporteront des bénéfices égaux en valeur aux coûts des dommages évités14.
Ces bénéfices doivent être comparés aux coûts de la mise en œuvre de l’action. Plusieurs
études économiques ont tenté d’estimer ces bénéfices et coûts. Les résultats d’une de ces
études pour l’économie américaine sont présentés au tableau 2.
L’étude se base sur une hypothèse de doublement de CO2 par rapport aux niveaux
préindustriels. Quand on additionne les coûts exprimés en $ de 1990, les dommages
annuels pour les Etats-Unis sont estimés à approximativement entre $60 et $140 milliards
(dollars de 1990). Ceci revient à environ 1% à 3% du P.I.B. américain. Bien que
différentes études économiques obtiennent des estimations différentes, la plupart d’entre
elles chiffrent les dommages à environ 1 à 3% du PIB. Dans l’hypothèse d’augmentation
de températures encore plus importante dans le long terme, les coûts de dommages
pourraient augmenter jusqu’à 10% du PIB.
On doit cependant noter qu’il y a des inconnues dans le modèle, nommées “Xs” et
“Ys” qui ne peuvent pas être mesurées facilement. Les dommages dus aux extinctions
d’espèces par exemple, sont difficiles à estimer en valeur monétaire: les estimations
utilisées ici montrent un coût de 1,4 à 5 milliards de dollars, avec des coûts additionnels
inconnus à la fois dans le court et le long terme, qui apparaîtront avec un réchauffement
supérieur.
14
Ces bénéfices des dommages évités sont souvent appelés coûts évités
16
Outre les valeurs inconnues des Xs et Ys, beaucoup d’autres estimations
monétaires sont discutables car elles ne parviennent pas capturer les pleines valeurs des
pertes potentielles. Par exemple, les bords de mer ont une valeur bien supérieure à leurs
seules valeurs sur le marché immobilier. Les plages et les marécages côtiers ont des
valeurs sociales, culturelles et écologiques immenses. Les valeurs de marché de ces terres
n’incluent absolument pas l’étendue totale des dommages dont la société souffrirait si ces
terres étaient perdues.
Donner une valeur marchande à la vie humaine et à la santé n’est pas sans
controverse – cette étude utilise la pratique commune dans les analyses coût-bénéfice qui
attribue la valeur de 6 millions de dollars par vie, ce chiffre provenant d’études sur ce que
les gens sont prêts à payer pour éviter des risques mettant la vie en danger, ou sont prêts à
accepter (en termes de salaire supplémentaire pour les travaux dangereux) pour prendre
de tels risques.
De plus, ces estimations ne prennent pas en compte la possibilité de conséquences
encore plus catastrophiques qui pourraient résulter d’une perturbation du climat bien pire
que celles anticipées. L’ouragan Katrina d’Août 2005 par exemple, a causé 1800 décès
ainsi que des dommages de 80 milliards de dollars. Si le changement climatique est la
cause d’une recrudescence d’ouragans de cette ampleur (tels que le Typhon Haiyan qui
s’est abattu sur les Philippines en Novembre 2013), les estimations données dans le
tableau 2 de moins de un milliard de dollars de pertes annuelles pourraient être très sousestimées. Une autre valeur inconnue – celle de la morbidité humaine, et des pertes par
maladies – pourrait être extrêmement importante si les maladies tropicales s’étendent sur
des aires géographiques beaucoup plus grandes, en raison des conditions climatiques plus
chaudes.
17
Tableau 2. Estimation des dommages annuels subis par l’économie américaine en
raison du changement climatique mondial (en milliards de dollars de 1990)
Cline
(2.5°C)
Fankhauser
(2.5°C)
Nordhaus
(3°C)
Titus
(4°C)
Tol
(2.5°C)
17.5
3.4
1.1
1.2
10
3.3
0.7
X
43.6
X
4
1.4
X
X
5
7
9
12.2
5.7
8.5
11.2
7.9
1.1
5.6
X
-1.3
X
X
X
X
X
X
X
2.5
X
X
X
X
12
5.8
11.4
9.4
37.4
0.5
0.6
X
1
0.8
0.2
X
0.3
1.7
X
X
X
Water supply
availability
7
15.6
11.4
X
Water supply
pollution
X
X
32.6
X
Urban
infrastructure
0.1
X
X
X
27.2
X
Agriculture
Forest loss
Species loss
Sea level rise
Electricity
Nonelectric heating
Mobile air
conditioning
Human amenity
Human mortality
and morbidity
Migration
Hurricanes
Leisure activities
Air pollution
0.75% of
GDP
3.5
7.3
Total in billions
61.1
69.5
55.5
139.2
74.2
Total as percent of
GDP
1.1
1.3
1
2.5
1.5
Source: Nordhaus and Boyer, 2000, p. 70.
Note: “X” denotes items that are not assessed or quantified.
Dans une autre étude menée par Ackerman et Stanton en 2008, le coût total des
dommages subis par l’économie dans le cas d’un scénario “business as usual” (où on ne
changerait rien par rapport à maintenant) s’élèverait en 2025 à 271 milliards de dollars
soir 1.36% du PIB. Ce coût augmente avec le temps, comme le montre le tableau 3. Ce
18
tableau présente les coûts de dommages dus à des ouragans, des pertes de terrains et
immobilier, des pertes liées au secteur de l’énergie, et des pertes liées à la ressource en
eau. Plus l’augmentation de températures est élevée et plus les dommages s’accroissent
de manière démesurée.
Tableau 3. Dommages causés à l’Economie américaine par le Changement
Climatique
Dommages
dus aux
ouragans
Pertes du
patrimoine
immobilier
Coûts du
secteur
énergétique
Coûts du
secteur de
l’eau
Coûts
totaux
En milliards
de dollars de
2006
2025
10
En % du PIB
2050
43
2075
142
2100
422
2025
0.05%
2050
0.12%
2075
0.24%
2100
0.41%
34
80
173
360
0.17%
0.23%
0.29%
0.35%
28
47
82
141
0.14%
0.14%
0.14%
0.14%
200
336
565
950
1.00%
0.98%
0.95%
0.93%
271
506
961
1873
1.36%
1.47%
1.62%
1.84%
Source: Ackerman and Stanton, 2008
Il est clair que les estimations des dommages futurs ne sont pas précises, et
donnent lieu à de nombreuses critiques. Mais supposons que nous décidions de les
accepter – au moins à titre de référence, donnant des ordres de grandeurs plus ou moins
acceptables. Nous devons alors peser les bénéfices estimés des politiques de prévention
du changement climatique avec les coûts de ces politiques. Afin d’estimer ces coûts, les
économistes utilisent des modèles montrant comment le Produit de l’Economie résulte
d’intrants tels que le travail, le capital, et les ressources naturelles.
Afin de réduire les émissions de carbone, on doit diminuer l’usage des
combustibles fossiles et leur substituer d’autres sources d’énergie qui pourront être plus
coûteuses. En général, les modèles économiques prédisent que cette substitution réduirait
la croissance du PNB. Une étude importante montre des pertes de 1 à 3% de PNB pour la
plupart des pays, avec un potentiel de pertes plus élevées pour des pays dont le
développement dépend fortement du charbon, comme la Chine15.
15
Manne and Richels, 1992.
19
Comment peut-on peser les coûts de la mise en œuvre de l’action contre le
réchauffement climatique et les comparer aux bénéfices en termes de dommages évités?
Beaucoup dépend de nos évaluations des coûts et bénéfices futurs. Les coûts de l’action
doivent être supportés aujourd’hui et dans l’avenir proche. La plupart des bénéfices de
cette action (les dommages évités) ne seront ressentis que dans l’avenir. Comment peuton décider aujourd’hui de l’équilibre futur entre coûts et bénéfices?
Les économistes évaluent les coûts et bénéfices futurs au travers de l’utilisation
d’un taux d’actualisation. On estime que les coûts et bénéfices du futur ont une valeur
monétaire inférieure aux coûts et bénéfices du présent, l’ampleur de la différence
dépendant du choix du taux d’actualisation (voir encadré 4).
Les problèmes liés aux jugements de valeurs inhérents à ce choix viennent s’ajouter aux
questions d’éthique et de jugements de valeurs dont nous avons parlé plus haut,
concernant l’estimation des coûts et bénéfices. Peut-on vraiment dire que les dommages
causés aux générations futures devraient peser moins lourd dans la décision que les
mêmes dommages ressentis aujourd’hui ? Ceci implique que l’on doive considérer des
approches alternatives – incluant des techniques qui peuvent incorporer les coûts et
bénéfices écologiques autant qu’économiques.
20
ENCADRE 4: L’ACTUALISATION
Les économistes calculent la valeur présente d’un coût ou bénéfice qui aura lieu dans
l’avenir (dans n années) en “actualisant” ces sommes utilisant l’équation suivante:
Valeur actuelle = $X / (1 + r)n
Où X est la valeur future, r le taux d’actualisation et n le nombre d’années
Ainsi, par exemple, si l’on veut déterminer la valeur présente d’un bénéfice de $50.000 qui sera
reçu dans 25 ans, avec un taux d’actualisation de 5%, cette valeur est :
$50,000 / (1 + 0.05)25 = $14,765
Le choix du taux d’actualisation devient encore plus important plus on s’éloigne dans le temps.
La figure 8 ci-dessous montre la valeur présente de $100 pour des coûts et des bénéfices
rencontrés à des périodes différentes à venir, en choisissant plusieurs taux d’actualisation
différents, qui ont été utilisés dans plusieurs analyses coût-bénéfice relatives au changement
climatique. Comme on peut le voir, les coûts ou bénéfices qui surviendront dans 100 ans ont une
valeur actuelle négligeable avec des taux d’actualisation de 5 % ou 7% (relativement $0.76 et
$0. 12). Même avec un taux d’actualisation de 3%, la valeur de $100 dans 100 ans n’est
aujourd’hui que de $5.20. Mais quand le taux d’actualisation est de 1%, les impacts dans 100 ans
sont considérés comme significatifs aujourd’hui ($100 dans 100 ans représenteraient $37
actuellement – et même sur une période de 200 ans, la valeur présente de $100 dans 200 ans
serait presque de $20).
Plus le taux d’actualisation est faible, plus on accorde aujourd’hui de valeur à l’avenir et plus les
décisions actuelles prendront en compte ce qui se passera dans plusieurs décennies. A l’inverse,
plus le taux d’actualisation est élevé, moins on tiendra compte aujourd’hui de ce qui peut se
passer dans un futur lointain.
Figure 8. Valeur actuelle d’un coût ou bénéfice futur de $100
Les effets des différents taux d’actualisation
21
3. L’ANALYSE DES EFFETS DE LONG TERME DU CHANGEMENT
CLIMATIQUE
Les études économiques traitant de l’analyse coût-bénéfice du changement
climatique ont produit des conclusions et des recommandations politiques très
différentes. Selon des études publiées par William Nordhaus et ses collègues16 , les
politiques économiques “optimales” pour ralentir le changement climatique n’impliquent
que des réductions modestes des émissions dans le court terme, suivies par des réductions
s’accroissant dans le moyen et long terme. 17
Jusqu’à récemment, la plupart des études économiques sur le changement
climatique avaient abouti à des conclusions semblables à celles de Nordhaus, bien que
quelques-unes de ces études aient recommandé une action plus drastique. En octobre
2006, le débat sur le changement climatique a pris un tournant décisif avec le rapport
publié par Nicholas Stern, un ancien économiste en chef à la Banque Mondiale. Ce
rapport de 700 pages, commandé par le gouvernement Britannique, et intitulé “The Stern
Review on the Economics of Climate Change”18 a suscité une très large attention des
media et a relancé le débat sur les politiques du changement climatique dans les cercles
académiques.
Alors que la plupart des analyses économiques précédentes avaient suggéré des
réponses politiques de modeste ampleur, le Rapport Stern recommandait avec la plus
grande force des prises de décisions politiques radicales, et immédiates:
Les preuves scientifiques sont désormais irréfutables: le changement climatique est une
menace mondiale grave qui demande une réponse mondiale urgente. Cette étude dresse
un bilan de tous les impacts possibles du changement climatique et de leurs coûts
économiques, en utilisant un grand nombre de techniques d’évaluation des coûts et des
risques. A partir de l’ensemble de ces perspectives et projections, une évidence émerge
de tous les calculs opérés, qui nous conduit à cette conclusion claire et nette : les
bénéfices d’une action forte et prise le plus tôt possible outrepassent de beaucoup tous les
coûts à venir qu’engendreraient l’inaction.
En utilisant les résultats de modèles économiques, l’étude estime que si rien n’est fait,
l’ensemble de tous les risques du changement climatique et de leurs coûts serait
équivalent à une perte de 5% du Produit Brut Mondial, chaque année, et indéfiniment. Si
des risques et impacts d’une ampleur encore plus large devaient être pris en compte, les
estimations des dommages pourraient s’élever à 20% du PIB mondial ou plus. En
16
Nordhaus, 2000.
Nordhaus, 2007, The Stern Review on the Economics of Climate Change, consultable à:
http://nordhaus.econ.yale.edu/stern_050307.pdf
18
Stern, 2007. L’étude complète est disponible en ligne à http://www.hmtreasury.gov.uk/independent_reviews/stern_review_economics_climate_change/sternreview_index.cfm, et inclus
deux résumés, l’un de 4 pages, l’autre de 27 pages.
17
22
comparaison, les coûts de la réduction des gaz à effets de serre visant à éviter les pires
impacts du changement climatique peuvent aujourd’hui être limités à 1% du PIB Mondial
chaque année19.
Pourquoi existe-t-il une si grande différence entre ces deux approches de l’analyse
économique du changement climatiques ? Une des différences majeures provient du
choix du taux d’actualisation appliqué à l’évaluation des coûts et bénéfices futurs.
La valeur actuelle (VA) d’un flux de bénéfices ou de coûts à venir, dans le long
terme, dépend du taux d’actualisation. Un taux élevé conduira à une valeur actuelle faible
pour des bénéfices qui surviendront dans le long terme, et à une valeur très élevée pour
les coûts subis dans le court terme. A l’inverse, un taux d’actualisation faible pourra
entraîner une évaluation actuelle plus élevée pour des bénéfices de long terme. La valeur
actuelle nette estimée pour une politique agressive de réduction de l’effet de serre sera
donc plus élevée si l’on choisit un taux d’actualisation faible (voir encadré 4).
Alors que les études de Stern et de Nordhaus utilisent dans les deux cas une
méthodologie économique standard, l’approche de Stern donne un poids plus grand aux
effets écologiques de long terme. Le rapport Stern utilise un taux d’actualisation faible de
1,4% pour comparer les coûts présents et futurs. Ainsi, bien que les coûts d’une action
agressive semblent plus élevés que les bénéfices pendant plusieurs décennies, le potentiel
important de dommages de long terme fait pencher la balance en faveur d’une action
agressive aujourd’hui. Les impacts de ces dommages seront à la fois monétaires et non
monétaires. Dans le long terme, les dommages faits à l’environnement par le changement
climatique mondial auront des effets négatifs très marqués également pour l’économie.
Mais l’utilisation d’un taux standard d’actualisation de 5 à 10% a l’effet de réduire
jusqu’à en être quasi négligeable la valeur actuelle de dommages futurs de très grande
ampleur.
Une autre différence entre les deux études relève de la manière dont elles traitent
de l’incertitude. L’approche de Stern donne un bien plus grand poids à des impacts
incertains mais potentiellement catastrophiques. Cela reflète une application du principe
de précaution : si un évènement peut s’avérer catastrophique, même si la probabilité
qu’il survienne semble très faible, on doit prendre toutes les mesures possibles pour
l’empêcher de se produire. Ce principe, que l’on applique désormais très largement dans
la gestion des risques écologiques, est d’une importance toute particulière pour le
changement climatique mondial en raison des nombreux résultats inconnus mais
potentiellement désastreux qui pourraient être associés à une accumulation continue de
gaz à effet de serre (voir encadré 5).
19
Stern Review, Short Executive Summary, page vi.
23
Une troisième différence entre ces études concerne l’évaluation des coûts
économiques des actions visant à réduire le changement climatique. Les mesures prises
pour empêcher le changement climatique auront des effets économiques sur le PIB, la
consommation, et l’emploi, ce qui explique pourquoi les gouvernements sont réticents à
prendre des mesures drastiques pour réduire de manière conséquente les émissions de
CO2. Mais ces effets sur l’économie ne seront pas tous négatifs.
L’étude de Stern a passé en revue tous les modèles économiques des coûts de
réduction du carbone. Les estimations de ces coûts dépendent beaucoup des hypothèses
retenues pour la modélisation. Une stabilisation atmosphérique des accumulations de CO2
à 450 parts par million donne des estimations de coûts variant d’une diminution du PIB
de 3,4% à une augmentation du PIB de 3,9% !
Le résultat dépend d’un grand nombre d’hypothèses, en particulier :
• L’efficacité ou l’inefficacité des réponses économiques aux signaux des prix de
l’énergie
• La disponibilité ou non de technologies énergétiques de substitution sans carbone
• Le fait que les nations peuvent ou non mettre en œuvre des options de moindrecoût pour la réduction du carbone
• Le fait que les revenus générés par les taxes sur les combustibles fossiles soient ou
non utilisés pour baisser d’autres impôts
• Le fait que les bénéfices externes de la réduction du carbone, y compris la
réduction des niveaux de pollution de l’air, soient ou non pris en compte20.
Selon les hypothèses faites, les politiques de réduction des émissions pourraient varier
d’une approche minimaliste d’une réduction faible du taux d’accroissement des
émissions, à une réduction drastique des émissions de CO2 entre 50 et 80%.
20
Stern Review, Chapitre 10: “Macroeconomic Models of Costs”.
24
ENCADRE 5: POINTS DE BASCULEMENT DU CLIMAT, SURPRISES ET
BIFURCATIONS SOUDAINES ET IRREVERSIBLES
L’incertitude des projections relatives au changement climatique provient de la question
des boucles rétroactives. Une boucle rétroactive se produit lorsqu’un changement initial, tel que
des températures plus élevées, produit à son tour des changements dans les processus physiques
qui amplifient ou diminuent l’effet initial (une réponse qui accroît l’effet original est appelée
boucle rétroactive ‘positive’ ; une réponse qui le réduit est appelée boucle rétroactive ‘négative’).
Un exemple de boucle rétroactive positive serait l’hypothèse où le réchauffement produirait une
fonte de la toundra arctique, relâchant carbone dioxyde et méthane dans des proportions telles
que l’accumulation de ces gaz à effet de serre dans l’atmosphère accélèrerait le processus du
réchauffement climatique.
Un des résultats des diverses boucles rétroactives associées au changement climatique
montre que le réchauffement s’opère plus rapidement que la plupart des scientifiques ne l’avaient
prédit il y a seulement 5 à 10 ans. Ceci conduit à des inquiétudes accrues concernant l’existence
de boucles rétroactives positives « fulgurantes » qui pourraient produire des changements
dramatiques sur une très courte durée. Certains scientifiques mettent en garde que l’on
s’approche de certains points irréversibles de basculement climatique qui, une fois dépassés, ont
le potentiel de déclencher des effets catastrophiques.
Sans doute l’hypothèse la plus alarmante serait la possibilité d’un effondrement rapide du
Groenland et de la calotte glacière de l’Antarctique Occidental. Alors que le GIEC a prévu une
montée du niveau des océans de 0.2 à 0.6 mètres à l’horizon 2100, la fonte de ces deux masses
de glace aurait pour conséquence une montée du niveau des océans de 12 mètres ou plus. Ce
scénario donne encore lieu à controverse, et est considéré comme improbable au cours du 21ème
siècle, mais de nouvelles recherches montrent que des changements peuvent survenir beaucoup
plus rapidement qu’on ne s’y attendait.
Dans des études récentes, des scientifiques ont trouvé que les émissions de méthane
provenant de l’Arctique se sont élevées de près d’un tiers en seulement cinq ans. La découverte
fait suite à une série d’observations provenant de cette région et montrant que récemment des
sols jusque-là gelés sont en train de fondre et de relâcher du méthane en plus grandes quantités.
Ces sols arctiques emprisonnent pour le moment des milliards de tonnes de méthane, un gaz à
effet de serre beaucoup plus puissant que le dioxyde de carbone, ce qui conduit nombre de
scientifiques de grand renom à considérer le dégel du permafrost comme une bombe à
retardement qui pourrait dépasser de loin tous les efforts de contrôle du changement climatique.
Ils craignent que le réchauffement causé par l’accroissement des émissions de méthane puisse
être lui-même responsable d’un relâchement de méthane encore supérieur, enfermant la région
dans une spirale destructive faisant s’accroître les températures à un rythme plus élevé que
prévu.
Source: “Melting Ice Turns up the Heat,” Fred Pearce, Sydney Morning Herald, November 18, 2006;
“Arctic permafrost leaking methane at record levels, figures show”, David Adam, The Guardian, 2010, consultable
à: http://www.guardian.co.uk/environment/2010/jan/14/arctic-permafrost-methane
25
Changement climatique et inégalités
Les effets du changement climatique se feront surtout sentir sur les populations les
plus pauvres du monde. L’Afrique en particulier sera durement touchée et connaitra une
plus grande rareté de ses ressources en eau ce qui affectera sa production alimentaire ;
l’Asie du Sud et du Sud-Est sera par ailleurs beaucoup plus vulnérable aux inondations
qui se produiront avec une plus grand fréquence. En Amérique du Sud, les zones
tropicales connaitront des dommages importants dans les secteurs agricoles et de
sylviculture, alors que les rythmes de précipitations seront altérées et la disparition des
glaciers dans les Andes, ces deux phénomènes contribuant à une plus grande rareté des
ressources en eau.21Alors que les pays riches ont les ressources pour s’adapter aux
nombreux effets du changement climatique, les pays pauvres ne seront pas capables de
mettre en œuvre les mesures préventives, surtout celles qui demandent les technologies
les plus sophistiquées. Des études plus récentes ont utilisé des modèles donnant la
distribution géographique des impacts afin d’estimer les conséquences régionales du
changement climatique.
Comme l’indique le tableau 4, le nombre de victimes d’inondations côtières et le nombre
de personnes en situation de disette ou de famine à l’horizon 2080 sera relativement plus
important en Afrique, en Amérique Latine et en Asie, où se trouvent la plupart des pays
en développement. 22
Tableau 4 – Impacts d’échelle régionale du changement climatique à l’horizon 2080
(en millions de personnes)
Région
Population vivant avec
une rareté croissante des
ressources en eau
Augmentation annuelle
moyenne du nombre de
victimes d’inondations
côtières
Population
supplémentaire courant
un risque de disette ou
famine (nombres entre
parenthèses, voir note 2)
Europe
Asie
Amérique du Nord
Amérique du Sud
Afrique
382-493
892-1197
110-145
430-469
691-909
0.3
14.7
0.1
0.4
12.8
0
266 (-21)
0
85 (-4)
200 (-2)
Source: d’après le Quatrième rapport du GIEC, 2007, disponible à :
http://www.ipcc.ch/publications_and_data/ar4/wg2/en/ch20s20-6-2.html
Note : Ces estimations sont basées sur un scénario « business as usual ». Si l’on tient compte de l’effet
d’accroissement maximal de la productivité des végétaux causé par la concentration plus élevée de CO2 on obtient
une diminution du nombre de la population courant le risque de disette ou de famine (cette réduction étant présentée
par les nombres entre parenthèse dans la dernière colonne)
21
IPCC, 2007b; Stern, 2007, Chapter 4: Implications of Climate Change for Development
Les données pour ces études sont présentées dans le site
http://www.ipcc.ch/publications_and_data/ar4/wg2/en/ch20s20-6-2.html
22
26
La façon dont les économistes rendent compte de l’inégalité dans leurs analyses
peut avoir un impact significatif sur les recommandations politiques. Si tous les coûts
sont évalués en dollars, une perte de 10% du PIB dans un pays pauvre représente
probablement bien moins qu’une perte de 3% du PIB dans un pays riche. Donc les
dommages causés par le changement climatique dans les pays pauvres, qui peuvent
représenter un large pourcentage du PIB, auraient un poids relativement faible si l’on
considère leur valeur en dollar. Le rapport Stern insiste sur le fait que les effets
disproportionnés du changement climatique sur les populations les plus pauvres du
monde, devrait être pris en compte et augmenter encore davantage les coûts de ce
changement. Stern estime que sans les effets de l’inégalité, les coûts d’un scénario « on
ne fait rien et on attend venir » (ou scénario « business as usual ») seront de 11 à 14 % du
PIB mondial. Si on donne plus de poids aux impacts sur les plus pauvres, l’estimation du
coût est de 20% du PIB mondial.
Ainsi, les hypothèses faites sur la façon d’évaluer les coûts et bénéfices sociaux et
environnementaux peuvent avoir de grandes différences sur les recommandations
politiques. La plupart des économistes qui ont analysé le problème s’accordent à dire
qu’il est nécessaire d’agir (encadré 6) mais il y a une grande variation d’opinion quant au
genre d’action plus ou moins radicale à envisager, et à sa plus ou moins grande urgence.
27
4. REPONSES POLITIQUES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
Deux types de mesures peuvent être utilisées pour s’attaquer au changement
climatique : des mesures préventives qui tendent à diminuer ou annuler l’effet de serre ;
des mesures adaptatives qui traitent des conséquences de l’effet de serre et tentent d’en
amoindrir son impact.
Les mesures préventives comprennent :
• La réduction des émissions de gaz à effet de serre, soit par la réduction des
activités économiques qui produisent ces émissions, soit par le passage à des
technologies de plus grande efficacité énergétique qui permettent d’obtenir le
même niveau d’activité économique à un taux réduit d’émission de CO2.
• L’accroissement des puits de carbone.23 Les forêts recyclent le CO2 en oxygène
et la protection des aires forestières ainsi que l’expansion de la reforestation ont un
impact net significatif sur la concentration de CO2 dans l’atmosphère.
Les mesures adaptatives comprennent:
• La construction de barrages et digues pour protéger le littoral contre la montée des
eaux des océans ainsi que contre des évènements climatiques extrêmes tels
qu’inondations et ouragans.
• La transition des méthodes agricoles vers des modèles adaptés au changement des
conditions climatiques, et l’éloignement des populations du littoral et leur
relocalisation à l’intérieur des terres.
• La création d’institutions qui peuvent mobiliser les ressources nécessaires,
humaines, matérielles et financières afin de répondre aux désastres liés au
changement climatique.
Pour toute mesure préventive ou adaptative, une approche économique requiert
l’application d’une analyse coût-efficacité lorsque l’on considère les politiques à
adopter.
L’usage de l’analyse coût-efficacité évite la plupart des controverses associées à
l’analyse coût-bénéfice. Alors que l’analyse coût-bénéfice tente d’offrir un outil d’aide à
23
Les puits de carbone sont des zones où les excès de carbone peuvent être stockés. Les océans et les forêts
comptent parmi les puis de carbone naturels. L’intervention humaine peut réduire ou augmenter la capacité de ces
puits à capter le carbone, au travers de la gestion des ressources forestières ou des pratiques agricoles.
28
la décision pour déterminer si une politique devrait ou non être appliquée, l’analyse coûtefficacité accepte d’emblée l’objectif que la société s’est fixé, et utilise des techniques
économiques afin d’évaluer la manière la plus efficace d’atteindre cet objectif.
En général, les économistes préfèrent les approches qui utilisent les mécanismes de
marché pour parvenir à leurs fins (voir encadré 6).
Les approches basées sur le marché sont censées être efficaces en termes de coût –
plutôt que de chercher à contrôler les acteurs du marché directement, elles transforment
les incitations des acteurs et des entreprises de sorte qu’ils changent de comportement et
tiennent compte des coûts et des bénéfices externes. Les outils des politiques basés sur la
régulation par les marchés comprennent les taxes sur les pollutions et les permis à
polluer, qui font l’objet de transactions et de transferts. Ces deux sortes d’outils sont
utiles dans la réduction des gaz à effets de serre. D’autres politiques économiques
pertinentes comportent des mesures permettant de créer des incitations pour l’adoption de
sources d’énergies renouvelables et de technologies efficaces en termes de consommation
d’énergie.
29
ENCADRE 6: CE QUE DISENT LES ECONOMISTES SUR LE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
En 1997, plus de 2500 économistes, y compris huit Prix Nobel d’Economie, ont signé la
déclaration suivante, appelant les dirigeants du monde à prendre des mesures immédiates pour
prévenir les risques de changement climatique mondial :
1. L’étude conduite par un groupe international prestigieux de scientifiques sous les auspices du
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du Climat a déterminé que “les
observations pointent vers une influence humaine discernable sur le climat mondial”. En tant
qu’économistes, nous croyons que le changement du climat mondial est porteur de risques
écologiques, économiques, sociaux et géopolitiques significatifs, et qu’il est justifié de prendre
des mesures de prévention.
2. Les études économiques ont montré qu’il existe plusieurs politiques possibles afin de réduire
les émissions des gaz à effet de serre. Pour les Etats-Unis en particulier, des analyses
économiques sérieuses montrent qu’il existe des options politiques qui permettraient de ralentir
le changement climatique sans affecter négativement les standards de vie des Américains, et que
ces mesures pourraient en fait améliorer la productivité de l’économie américaine dans le long
terme.
3. Les approches les plus efficaces pour ralentir le changement climatique sont celles qui optent
pour des politiques basées sur le marché. Afin que le monde atteigne ses objectifs en matière de
climat à un coût minimal, une approche coopérative entre nations est nécessaire – tel qu’un
accord international d’échange de permis à émettre. Les Etats-Unis et d’autres nations peuvent
appliquer leur politique climatique de la manière la plus efficace possible à travers les
mécanismes de marché, tels que les taxes sur le carbone ou la mise aux enchères de permis à
émettre. Les revenus engendrés par de telles politiques peuvent être utilisés de manière efficace
afin de réduire le déficit ou de réduire les impôts existants.
Source: Publié à l’origine par Redefining Progress (une organisation qui a cessé depuis son activité), ce document
est aujourd’hui disponible à http://dieoff.org/page105.htm. Une déclaration plus récente de scientifiques et
d’économistes américains en appelant à une politique de coupure radicale des émissions de gaz à effet de serre est
présentée à http://www.ucsusa.org/global_warming/solutions/big_picture_solutions/scientists-and-economists.html
Also from Economists statement on climate change, E3 Network, 2007, available at
http://www.e3network.org/EconomistsStatementonClimateChange.pdf
Alors que ce module se concentre surtout sur les politiques préventives, il semble de plus
en plus évident que ces politiques ne seront pas suffisantes et qu’elles devront être
accompagnées de mesures d’adaptation. Le GIEC présente les mesures adaptatives qui
seront nécessaires dans sept secteurs : le secteur de l’eau, l’agriculture, les infrastructures,
la santé humaine, le tourisme, les transports, et l’énergie24. Les changements dans les
régimes de précipitations ainsi que dans les températures ont des conséquences
importantes pour l’agriculture. Avec un réchauffement modéré, on peut s’attendre à ce
que les récoltes augmentent dans certaines régions froides, y compris certaines région de
24
IPCC, 2007.
30
l’Amérique du Nord, mais d’une manière générale, on estime que l’impact sur
l’agriculture mondiale sera négatif, et de plus en plus négatif au fur et à mesure que le
climat se réchauffera.
Les impacts du changement climatique sur la santé humaine se font déjà sentir.
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a estimé qu’environ 140000 personnes par
an meurent d’une conséquence directe du changement climatique, principalement en
Afrique et dans le Sud Est asiatique. 25
Des estimations diverses existent sur les coûts des mesures d’adaptation qui
seraient appropriées. Les Nations Unies ont estimé que le coût total de l’adaptation au
changement climatique sera entre 60 et 190 milliards de dollars annuellement à l’horizon
de 2030.26 Une étude des Nations Unies a estimé que ces coûts étaient probablement
sous-estimés par un facteur deux ou trois et bien plus encore quand on prend en compte
d’autres coûts dans des secteurs que l’on n’a pas ici inclus tels que le tourisme et
l’énergie.27
De plus, on s’attend à ce que les coûts d’adaptation s’accroissent considérablement
au-delà de 2030 quand le réchauffement ainsi que d’autres impacts se feront sentir de
manière bien plus grave. En 2010 la Banque Mondiale a estimé que les coûts
d’adaptation dans les pays en développement seraient de 75 à 100 milliards de dollars par
an seulement pour la période de 2010 à 2050.28 Le rapport remarque que le financement
des mesures adaptatives pourrait être réalisé par un doublement de l’aide fournie
actuellement par les pays développés aux pays en développement. Il mentionne
également que le développement économique donnera aux pays en développement les
ressources internes nécessaires pour s’adapter au changement climatique.
Les outils politiques: La taxe carbone
L’émission de gaz à effet de serre dans l’atmosphère est un exemple clair d’une
externalité négative qui impose des coûts significatifs à une échelle mondiale. Dans le
langage de la théorie économique, le marché actuel pour les combustibles fossiles tels
que le charbon, le pétrole et le gaz naturel, prend en considération seulement les coûts et
bénéfices privés, ce qui conduit à un équilibre de marché qui ne correspond pas à
l’optimum social. D’un point de vue social, le prix de marché des combustibles fossiles
est trop bas et la quantité consommée est trop élevée.
25
World Health Organization, 2009.
UNFCCC, 2007.
27
Parry, et al., 2009.
28
World Bank, 2010.
26
31
Un remède économique standard pour l’internalisation des coûts externes consiste
en un impôt par unité de polluant. Dans ce cas, il s’agit d’une taxe carbone, levée
exclusivement sur les combustibles fossiles dans la proportion de carbone associée à leur
production et à leur utilisation. Une telle taxe élèverait le prix des sources d’énergie
basée sur le carbone, et donnerait ainsi aux consommateurs les incitations à conserver
l’énergie ainsi qu’à reporter leur demande sur des sources d’énergie alternatives et non
basées sur le carbone (qui elles, ne sont pas taxées). La demande peut également se
déplacer des combustibles à forte teneur en carbone telles que le charbon à d’autres
combustibles fossiles qui ont un impact en émission de CO2 relativement plus faible
comme le gaz naturel.
“ Les taxes carbone apparaitraient aux consommateurs comme des augmentations
des prix de l’énergie. Mais puisque les taxes seraient levées sur l’énergie primaire,
qui représente seulement une partie des coûts de l’énergie délivrée (comme pour
l’essence et l’électricité) et puisque les sources d’énergies peuvent être dans la
plupart des cas substituées à d’autres, l’augmentation des prix ne provoquerait pas
de chocs importants pour l’économie.
Les consommateurs peuvent répondre à l’augmentation des prix en réduisant leur
consommation d’énergie et en achetant moins de produits à forte teneur en
carbone (qui demandent de grandes quantités d’énergie fossiles à produire). En
outre, certaines des économies effectuées pourront être allouées à l’achat de biens
et services moins gourmands en carbone.
“Il est clair qu’une taxe carbone crée pour les producteurs et les consommateurs
des incitations à réduire leur usage d’énergies à forte teneur en carbone.
Contrairement au cas de la taxation d’autres produits et activités, il existe de
nombreux avantages sociaux à la réduction d’émissions de CO2. Ainsi, le déclin au
cours du temps des revenus de cette taxe est une indication de la réussite de la
politique – exactement le contraire de ce qui se produit quand les politiques
fiscales ont pour objet le maintien ou l’accroissement des revenus de la taxe.”29
Le tableau 5 montre l’impact que différents niveaux de taxe carbone auraient sur
les prix du charbon, du pétrole et du gaz naturel. Basé sur son contenu en énergie, mesuré
en Btus, 30 le charbon est le combustible fossile le plus intensif en carbone, alors que le
gaz naturel produit le mois d’émissions de dioxyde de carbone. Une taxe carbone de 10
dollar par tonne de carbone, par exemple, n’augmenterait le prix du litre de pétrole que
d’environ 0.64 cents. Une taxe carbone de 100 dollar par tonne résulterait en un
accroissement des prix du pétrole d’environ 6.4 cents par litre. Une taxe carbone de 200
dollar par tonne accroîtrait les prix du pétrole et du gaz naturel de 21 à 93%
respectivement, mais ferait plus que doubler le prix du charbon (265%).
29
Dower and Zimmerman, 1992.
Un Btu (British thermal unit) correspond environ à la quantité d’énergie nécessaire pour élever la température
d’une livre d’eau d’un degré Fahrenheit
30
32
Tableau 5. Scénarios de Taxes Carbone sur les combustibles fossiles
Tonnes de carbone par unité
de combustible
Average price (2012)
Charbon
0,574/tonne
$43,34/tonne
Taxe carbone par unité de combustible:
$10/tonne de carbone
$5,74/tonne
$100/tonne de carbone
$57,42/tonne
$200/tonne de carbone
$114,85/tonne
Taxe carbone en pourcentage du prix du combustible:
$10/tonne de carbone
13%
$100/tonne de carbone
132%
$200/tonne de carbone
265%
Pétrole
0,102/baril ou
0,00064/litre
$95,5/baril ou
$0,60/litre
Gaz Naturel
3
0,530/ Mm (mille
mêtres cube)
3
$113/Mm
$0,0064/litre ou
0,64 cents/litre
6,38 cents/litre
12,7 cents/litre
$5,30/Mm
$52,60/Mm
3
$105/Mm
1%
11%
21%
4,7%
47%
93%
3
3
Source: Les émissions de carbone sont calculées à partir des coefficients de carbone et des facteurs de conversion
thermique, consultables au département d’Energie des Etats-Unis. Les prix du pétrole et du gaz naturel sont ceux
d’Août 2012 ; Le prix du charbon correspond à une moyenne de 5 types de charbon provenant des Etats-Unis.
Toutes les données de prix proviennent du U.S. Energy Information Administration.
Ces taxes auront-elles un effet important sur les comportements des
consommateurs, sur leur décision de conduire leur automobile ou de chauffer plus ou
moins leur domicile ? Cela dépend de l’élasticité de la demande pour ces combustibles.
L’élasticité de la demande est définie de la façon suivante:
Pourcentage de changement de la demande
Elasticité de la demande = ---------------------------------------------------------Pourcentage de changement du prix
Les économistes ont mesuré l’élasticité de la demande pour différents
combustibles fossiles, en particulier l’essence. Une étude31 fait la synthèse de toutes les
recherches disponibles sur l’élasticité de la demande pour les combustibles utilisés dans
les moteurs et a établi que dans le court terme (environ un an ou moins) l’estimation de
cette élasticité est d’environ -0.25.32 Cela veut dire qu’une augmentation de 10% dans le
prix de l’essence aurait pour conséquence attendue une diminution de la demande
d’essence dans le court terme d’environ 2.5%.
31
Phil Goodwin, Joyce Dargay, and Mark Hanly. “Elasticities of Road Traffic and Fuel Consumption with respect
to Price and Income: A Review,” Transport Reviews, 24(3):275-292, May 2004.
32
Un article de 2006 par Jonathan E. Hughes, Christopher R. Knittel, et Daniel Sperling (“Evidence of a Shift in the
Short-Run Price Elasticity of Gasoline Demand,” NBER Working Paper No. W12530, September 2006) montre que
l’élasticité de la demande d’essence dans le court terme semble avoir beaucoup diminué récemment. Ils estiment que
l’élasticité de la demande pour la période 2001-2006 était de -0.03 à -0.08, alors que pour la période 1975-1980
l’élasticité de la demande était de -0.21 à -0.34.
33
Dans le long terme (environ 5 ans) la sensibilité de la réponse apportée aux
augmentations des prix est plus importante car les gens ont eu le temps de s’ajuster en
achetant des véhicules plus économes en essence et en changeant leurs habitudes de
conducteur. L’élasticité de long terme de la demande pour les combustibles utilisés dans
les moteurs est en moyenne de -0.6433. Selon le Tableau 5, une taxe carbone de 200
dollars par tonne de carbone accroîtrait le prix de l’essence de 13 cents par litre. En
supposant un prix à la pompe de 3 dollar par gallon, c’est-à-dire 80 cents par litre, cela
signifierait une augmentation de 16% du prix. Une élasticité de long terme de -0.64
entrainerait que la demande d’essence baisse d’environ 10% après que les gens aient eu le
temps de s’ajuster complètement à ce changement de prix.
La Figure 9 montre la relation entre le prix de l’essence et la consommation par
tête. Puisque le coût de production d’un gallon d’essence varie peu d’un pays à l’autre,
les variations du prix du gallon dans différents pays est presque uniquement fonction des
différences de taxe. Notons que cette relation est semblable à celle de la courbe de
demande : des prix élevés sont associés à une faible consommation, des prix bas à une
forte consommation. La relation ici mise en évidence n’est cependant pas la même que
celle de la courbe de demande. Puisque nous considérons des données de différents pays,
l’hypothèse du « toute chose égale par ailleurs », nécessaire à la construction d’une
courbe de demande, ne tient pas. Des différences de demande peuvent par exemple être
en partie une fonction de différences en niveaux de revenu plutôt que de niveaux de prix.
D’autres facteurs jouent un rôle : le fait par exemple que les américains conduisent plus
que les européens parce que les distances (surtout dans l’Ouest des Etats-Unis) sont
beaucoup plus grandes que dans beaucoup de pays européens. Mais il semble qu’il y ait
une relation claire entre prix et consommation. Les données ici présentées montrent qu’il
faudrait un saut significatif dans le prix – allant de 0,5 à 1 dollar par gallon ou plus –
pour affecter de manière significative la consommation. Une telle taxe serait-elle possible
politiquement? Surtout aux Etats-Unis, des taxes élevées sur l’essence et sur les autres
combustibles soulèveraient une opposition farouche, la liberté de conduire étant
considérée comme fondamentale.
33
Goodwin, 2004.
34
Figure 9. Prix du pétrole et consommation dans les pays industrialisés, 2009
$8.00
Turkey
Price (US $ per Gallon)
$7.00
$6.00
Luxembourg
$5.00
Europe
$4.00
$3.00
Iceland
New Zealand
Mexico
Australia
$2.00
Canada
United States
$1.00
$0.00
0
100
200
300
400
500
Consumption (Gallons per Person, 2009)
Note: Les prix du pétrole sont en dollar par gallon, la consommation est en gallon par habitant et par an. Les
données sur la consommation sont de 2009, toutes les autres informations, y compris la population et les prix du gaz,
sont de 2012. L’ovale représente la combinaison prix/consommation par habitant des pays d’Europe occidentale.
Sources: U.S. Energy Information Administration database; GTZ, 2009
Comme le montre la Figure 9, les Etats-Unis ont de loin la consommation par
habitant la plus élevée et les prix les plus bas à l’exception du Moyen Orient. Mais notons
deux points importants dans la proposition pour une taxe carbone substantielle :
• Premièrement, la redistribution des revenus pourrait rediriger les revenus de la
taxe carbone et d’autres taxes écologiques vers la réduction d’autres taxes. La
majeure part de l’opposition politique envers des taxes élevées sur l’énergie
provient de la perception qu’il s’agirait de taxes supplémentaires – venant
s’ajouter aux impôts que les gens paient déjà sur le revenu, la propriété, la sécurité
sociale, etc. Si une taxe carbone était par exemple couplée avec une baisse
substantielle des impôts sur le revenu ou la sécurité sociale, elle pourrait devenir
politiquement acceptable. L’idée d’accroître les taxes sur les “méfaits”
économiques tels que la pollution, tout en réduisant les taxes sur ce que l’on veut
encourager, tels que le travail et l’investissement capitalistique, ressort
35
entièrement des principes de l’efficacité économique.34 Plutôt que d’une
augmentation nette de la taxe, cela reviendrait à un transfert de taxe neutre pour
le revenu – la somme totale que les citoyens paient au gouvernement en impôts et
taxes serait inchangée. Une portion des revenus de la taxe carbone pourrait être
aussi utilisée pour fournir une aide aux populations de faibles revenus afin de
compenser le fardeau des coûts élevés en énergie.
• Deuxièmement, si un tel transfert de taxe, neutre en revenu, a bien lieu, les
individus ou les entreprises qui sont plus efficaces dans leur consommation
énergétique, dépenseraient moins et feraient des économies. Les coûts plus élevés
en énergie créeraient aussi une incitation puissante pour des innovations
technologiques économisant l’énergie et stimulant de nouveaux marchés.
L’adaptation économique serait plus facile si une augmentation graduelle des taxes
carbone s’accompagnait d’une diminution graduelle des taxes sur le revenu et sur
le capital au cours du temps.
Outils politiques: les Permis à émettre
Une mesure alternative à la taxe carbone est la mise en place d’un système de
permis à émettre transférables et échangeables sur le marché. Ce système peut être
national ou international, comprenant plusieurs pays. Un système international marcherait
de cette manière:
• On allouerait à chaque pays un certain niveau d’émissions de CO2. Le nombre
total de permis à émettre serait égal à l’objectif national désiré. Par exemple, si les
émissions d’un pays sont actuellement de 40 millions de tonnes et que l’objectif
politique est de réduire ces émissions de 10%, alors le pays disposerait de permis à
émettre pour un total de 36 millions de tonnes. Notons que des pays différents
pourraient être obligés d’atteindre des objectifs différents, ce qui est le cas dans le
Protocole de Kyoto.
• Chaque source d’émissions à l’intérieur de chaque pays se verrait allouer des
permis à émettre. Il ne serait pas faisable d’inclure tous les véhicules existants
dans un système de permis. C’est la raison pour laquelle toutes les propositions
retiennent l’allocation de permis aux plus gros émetteurs, tels que les centrales
électriques et les usines, ou les principaux fournisseurs en énergie au travers
desquels les combustibles entrent dans l’économie nationale – importateurs de
pétrole, mines de charbon, etc… Ces permis pourraient à l’origine être alloués
gratuitement sur la base des émissions passées ou pourraient être vendus aux
enchères. Cependant, il existe une différence importante dans la distribution des
34
Afin d’encourager des investissements plus importants, les revenus de la taxe carbone pourraient être utilisés pour
diminuer les taxes sur les gains en capital, ou taxes sur les corporations.
36
coûts et de bénéfices: offrir des permis gratuitement revient à une subvention
octroyée par le gouvernement aux industries polluantes alors qu’une mise aux
enchères des permis impose des coûts réels sur ces entreprises et génère des
revenus publics.
• Les entreprises sont ensuite libres d’échanger ces permis entre elles. Les
entreprises dont les émissions excèdent le nombre de permis dont elles disposent
doivent acheter des permis supplémentaires ou bien payer de lourdes pénalités.
Inversement, les entreprises qui sont capables de réduire leurs émissions en
dessous de leur allocation, chercheront à vendre leurs excès de permis en faisant
un profit. Le prix des permis se fixera à travers les négociations du marché des
permis. Il est également possible pour des groupes d’activistes écologistes ou
d’autres organisations d’acheter des permis afin de les retirer du marché, réduisant
ainsi le montant total des émissions permises.
• Les nations et les entreprises pourraient aussi recevoir des crédits pour avoir
financé les efforts de réduction d’émissions dans d’autres pays. Par exemple, une
entreprise allemande peut obtenir des crédits pour l’installation d’équipement
électrique efficace en Chine, remplaçant des centrales électrique à charbon
hautement polluantes.
D’un point de vue économique, l’avantage d’un système d’échange de permis
provient de ce qu’il encourage l’application des options de réduction de carbone à
un moindre coût. Les permis à polluer ont permis efficacement de réduire les
émissions en sulfure et en azote au moindre coût. Selon la façon dont les permis
sont alloués, ce système peut permettre à des pays en développement de
transformer leurs permis en commodités à exporter, si ces pays font le choix
d’énergies non basées sur le carbone pour leur développement. Ils seraient alors
capables de se passer de leurs permis et de les vendre à des pays industrialisés qui
ont des difficultés à respecter leurs engagements de réduire leurs émissions.
Alors que le gouvernement détermine le nombre de permis disponibles, le prix des
permis résulte du marché pour les permis. Dans ce cas, la courbe de l’offre est fixe ou
verticale, fixée au nombre de permis alloués, comme le montre la Figure 10. L’offre de
permis est fixée à Q0. La courbe de la demande des entreprises en permis à polluer
représente leur volonté de payer pour s’en procurer. Les entreprises sont prêtes à payer
pour des permis jusqu’au point où elles peuvent encore faire des profits en émettant du
carbone.
Supposons que les permis sont vendus aux enchères un par un en commençant par
les entreprises qui renchérissent au plus haut pris. La Figure 10 montre que pour le
premier permis à vendre le prix que les entreprises sont prêtes à payer est élevé car une
37
entreprise particulière peut faire un grand profit en étant autorisée à polluer dans la
mesure de ce premier permis. Pour le second permis, les entreprises qui n’ont pas obtenu
leur permis renchériraient de la même manière aux enchères mais on doit s’attendre à ce
qu’elles en demandent un prix un peu inférieur, si on suppose que les profits marginaux
déclinent. Que ce soit la même entreprise qu’au premier coup qui gagne le second permis
ou bien une autre entreprise, le prix de vente de ce second permis sera plus bas. Ce
processus continue, chacun des permis successifs étant vendu à un prix moindre que le
permis précédent, jusqu’à ce que le dernier permis soit vendu aux enchères. Le prix de ce
dernier permis, représenté par P* dans la figure, est le prix d’équilibre du marché. On
peut aussi interpréter P* comme le bénéfice marginal, ou le profit, associé au droit
d’émettre la Q0ème unité de charbon.
Figure 10. Détermination du prix des permis à émettre
$
Supply of Permits
P*
•
Demand for Permits (WTP)
Q0
Quantity of Permits
Alors que tous les permis peuvent théoriquement être vendus à de prix différents, les
marché des permis à émettre sont généralement organisés avec pour prix le prix
d’équilibre. C’est le cas pour le programme mis en place aux Etats-Unis en 1995 pour
lutter contre les pluies acides, et largement considéré comme un succès. Dans ce
programme, toutes les parties qui ont un intérêt à acheter des permis font leur offre, en
indiquant combien de permis elles veulent achter et à quel prix. L’entreprise qui propose
le prix le plus élevé obtient tous les permis qu’elle demande. Ensuite les entreprises qui
ont demandé des permis à des prix un peu plus bas obtiennent leurs permis, et ainsi de
suite jusqu’à ce que tous les permis soient alloués. Le prix de vente pour tous les permis
est l’offre faite au prix qui permet de se procurer le dernier permis disponible. Ce prix est
38
P* dans la Figure 10. Toutes les entreprises qui ont enchérit à des prix inférieurs ne
reçoivent pas de permis.
Un autre point important est que chaque entreprise peut choisir de réduire ses
émissions de carbone d’une manière qui soit efficace d’un point de vue du coût. Les
entreprises ont plusieurs options pour réduire leurs émissions de carbone. La Figure 11
montre un exemple où une entreprise a trois stratégies pour réduire ses émissions de
carbone : remplacer de vieilles usines par des nouvelles, investir dans des technologies
énergétiques plus efficaces, et enfin financer l’expansion de forêts afin d’accroître la
capacité à capter du carbone dans la biomasse. Dans chaque cas, la figure montre les
coûts marginaux de réduction des émissions de carbone pour chaque stratégie. Ces coûts
marginaux augmentent généralement au fur et à mesure que plus d’unité de carbones sont
supprimées, mais ils peuvent être plus élevés et grimper plus rapidement pour certaines
options que pour d’autres.
Dans cet exemple, il est possible de remplacer des centrales électriques utilisant
des technologies existantes mais ceci tend à augmenter les coûts marginaux – comme le
montre le premier graphe de la Figure 11. La réduction des émissions opérée par une plus
grande efficacité énergétique montre des coûts marginaux plus faibles, comme le montre
le graphe du milieu. Enfin, la captation de carbone au travers de l’expansion de zones
forestières a les coûts marginaux les plus faibles. Le prix des permis P* (tel que défini
dans la Figure 10) déterminera les niveaux relatifs d’application de chacune de ces
stratégies. Les entreprises trouveront profitable de réduire leurs émissions avec une
option politique donnée aussi longtemps que le coût de cette option est moins élevé que
l’achat d’un permis. Dans cet exemple, nous voyons que l’expansion de l’aire forestière
constituerait la majeure part de la réduction de carbone; alors que le remplacement des
centrales électriques ne serait utilisé que pour une moindre part.
Ce système combine les avantages de l’efficacité économique avec un résultat
garanti : la réduction des émissions au niveau Q*. Le problème est bien sûr de parvenir à
un accord sur l’allocation initiale des permis. Il se peut qu’il y ait aussi des problèmes de
mesure, et des questions portant sur ce que l’on doit compter, seulement les émissions de
carbone provenant du secteur commercial ou également les émissions provenant des
changement d’attribution des terres.
39
Figure 11. Options de Réduction de Carbone avec un système de permis
Coût marginal de
réduction d’émissions
par remplacement de
centrales électriques
Coût marginal de
réduction d’émissions
par augmentation de
l’efficacité
énergétique
Coût marginal de
réduction de la
concentration de CO2
par expansion des
zones de forêts
P* Unité de carbone
supprimées par la
stratégie 1
Unité de carbone
supprimées par la
stratégie 2
Unités de carbone
supprimées par la
stratégie 3
Note: Les coûts marginaux ici présentés sont hypothétiques.
Les nations et les entreprises qui participant à de tels systèmes d’échange de
permis peuvent décider par eux-mêmes dans quelle proportion ils veulent appliquer
chacune des stratégies, et auront tendance naturellement à favoriser les méthodes les
moins coûteuses. Cela impliquera probablement une combinaison d’approches
différentes. Supposons qu’un pays s’engage dans un programme de reforestation
extensive. Il est alors probable qu’il dispose d’un excès de permis, qu’il peut alors vendre
à un autre pays ne disposant que de peu d’options de réduction à bas coût. L’effet net sera
l’application à l’échelle mondiale de techniques de réduction au moindre coût.
Ce système combine les avantages de l’efficacité économique avec un résultat
garanti : la réduction du niveau général d’émissions Q*. Le problème, bien sûr, est de se
mettre d’accord sur la répartition initiale des permis. Il se peut qu’il y ait aussi des
problèmes de mesure, et des questions à résoudre sur la prise en compte des seules
émissions de CO2 provenant des activités commerciales ou sur l’inclusion des émissions
provenant des modes d’utilisation des terres.
40
ENCADRE 7 : Taxe carbone ou marché de permis à émettre ?
Le débat fait rage entre les tenants de la taxe carbone et ceux qui ne jurent que par
les marchés de permis à émettre. Il existe des similarités entre les deux approches mais
aussi d’importantes différences.
En théorie les deux instruments permettent d’aboutir à un niveau donné de
réduction de pollution au moindre coût. Les deux approches résultent aussi dans la même
augmentation de prix pour les consommateurs finaux. Toutes deux créent de fortes
incitations pour l’innovation technique. Elles peuvent également toutes les deux
augmenter les revenus de l’Etat dans la même mesure si tous les permis sont vendus.
Enfin les deux approches peuvent être mises en application en amont de la production
afin de réaliser la même réduction en proportion des émissions totales. Cependant il
existe plusieurs différences entre les deux.
Les avantages de la taxe carbone comprennent :
*En général, une taxe carbone est plus simple à comprendre et plus transparente à expliquer
qu’une approche par le marché des permis à émettre
*Si un changement technique est opéré, une taxe carbone réduira les émissions de carbone
encore plus que prévu, tandis qu’avec le marché à émettre, le changement technique permettra de
réduire le prix des permis.
*Une taxe carbone peut en général être mise en pratique plus tôt. Etant donné les besoins
immédiats d’agir, il est conseillable de ne pas passer plusieurs années à organiser les détails d’un
marché de permis à émettre !
*Peut-être l’avantage le plus important de la taxe carbone est le fait qu’elle procure une plus
grande prédictibilité des prix. Si les entreprises et les ménages connaissent à l’avance quelles
taxes futures seront appliquées sur les combustibles fossiles et autres produits émettant des gaz à
effet de serre, ils investiront en en tenant compte. Par exemple, le choix d’un système de
chauffage ou de climatisation peut dépendre de l’anticipation des prix futurs du fuel. Avec un
système de marché de permis à émettre, les prix des permis peuvent varier considérablement,
conduisant à une volatilité des prix qui rend toute planification difficile. Une taxe carbone en
revanche, assure une stabilité des prix, surtout si les niveaux de la taxe carbone sont publiés très
à l’avance.
Les avantages des marchés de permis à émettre comprennent :
*Bien que les marchés de permis à émettre résultent finalement aux mêmes niveaux
d’augmentation de prix pour les consommateurs et les entreprises, ils permettent d’éviter la
connotation négative du terme « taxe ». Ainsi les marchés de permis à émettre sont généralement
plus faciles à mettre en œuvre politiquement qu’une taxe carbone.
*Certaines entreprises préfèrent les marchés de permis à émettre parce qu’elles croient pouvoir
exercer un pouvoir de lobby auprès des gouvernements pour obtenir des permis gratuitement.
Les gouvernements distribuent souvent des permis gratuits dans la première phase d’un
programme de marché de permis à émettre pour le rendre plus acceptable politiquement par les
entreprises.
*Le plus grand avantage de l’approche par les marchés de permis à émettre est que le niveau
final d’émissions est connu avec certitude parce que le gouvernement détermine le nombre de
permis qui seront échangés sur le marché. Etant donné que le but ultime est la réduction des
émissions de carbone, l’approche par le marché des permis à émettre y aboutit directement alors
que l’approche par la taxe carbone y aboutit indirectement au travers de l’augmentation des prix.
41
Avec un marché des permis à émettre, on peut aboutir à une trajectoire de réduction des
émissions précises au travers de la programmation du nombre de permis disponibles au cours du
temps. Avec une taxe carbone, afin d’atteindre cet objectif quantitatif précis sur la quantité de
réduction d’émissions, il est possible que l’on doive faire plusieurs ajustements des taux de la
taxe, ce qui peut être politiquement difficile à faire passer.
Le choix de l’instrument – taxe carbone ou marché des permis à émettre – dépend surtout
des décideurs politiques et de leurs priorités selon qu’ils se préoccupent surtout de
l’incertitude sur les prix ou de l’incertitude sur le niveau d’émissions. Si l’on choisit
l’approche de la certitude sur les prix car elle permet une planification de long terme,
alors une taxe carbone serait préférable. Si l’on croit que le but politique pertinent est de
réduire les émissions de carbone avec une quantité précise connue avec certitude, alors
l’approche par les marchés de permis à émettre est préférable, bien qu’elle puisse
conduire à une volatilité des prix.
Source: Les avantages des taxes carbone sont résumées sur ce site: http://www.carbontax.org/faq/. Pour
une étude plus détaillés de l’analyse comparés de taxes carbone et des marchés des permis à émettre, voir
Metcalf, Gilbert E. "Market-based policy options to control US greenhouse gas emissions." Journal of
Economic Perspectives 23, 2 (2009): 5-27.
Autres outils politiques: Subventions, Standards, R&D, et Transferts de
Technologie
Bien que les problèmes politiques puissant empêcher l’adoption de taxes carbone
ainsi que de systèmes de permis transférables, il existe d’autres mesures politiques qui
ont le peuvent diminuer les émissions de carbone. Celles-ci comprennent:
• La subvention de sources d’énergie autres que les combustibles fossiles. Plusieurs
pays subventionnent de façon directe ou indirecte les combustibles fossiles.
L’élimination de ces subventions changerait la nature de la concurrence en faveur
des sources d’énergie alternatives. Si l’argent de ces subventions était redirigé vers
les énergies renouvelables, surtout sous la forme d’abattement fiscal pour
l’investissement, cela pourrait promouvoir un boom de la production de cellules
photovoltaïques, de piles à combustibles, de biomasse et d’éoliennes – toutes
technologies qui, à l’heure actuelle, ne sont pas compétitives.
• L’utilisation de standards d’efficacité pour exiger des principales entreprises
d’accroître l’efficacité énergétique et la part des énergies renouvelables dans les
centrales électriques. Une centrale thermique à charbon atteint généralement 35%
d’efficacité, alors qu’une centrale moderne de cogénération au gaz et à haute
efficacité atteint de 75 à 90% d’efficacité. Rendre les standards d’efficacité plus
stricts pour les centrales, ainsi que pour les immeubles, les véhicules, les appareils
électriques, permettrait d’accélérer le rythme de remplacement des stocks existants
et qui fonctionnent avec un gâchis d’énergie.
42
• Les dépenses en Recherche et Développement (R&D) afin de promouvoir la
commercialisation de technologies alternatives. Cette commercialisation peut être
accélérée à la fois par des programmes gouvernementaux de R&D et par un
traitement fiscal approprié des programmes de R&D de l’industrie privée
favorisant l’adoption d’énergies alternatives. L’existence d’une technologie de
substitution d’énergie non basée sur le carbone réduit le coût économique de
mesures telles que la taxe carbone et si l’alternative devient pleinement
compétitive avec les combustibles fossiles, la taxe carbone ne serait plus
nécessaire.
• Les transferts de technologie vers les nations en développement. Le gros de la
croissance projetée des émissions de CO2 proviendra du monde en développement.
Plusieurs des projets énergétiques sont maintenant financés par des agences telles
que la Banque Mondiale et les banques régionales de développement. Dans la
mesure où ces fonds peuvent être dirigés vers des systèmes énergétiques ne
reposant pas sur le carbone, et suppléés par d’autres fonds intégralement dédiés à
des alternatives énergétiques pour le développement, alors il devient
économiquement faisable pour les nations en développement de se détourner de
trajectoires de croissance reposant sur la forte consommation de combustibles
fossiles, et d’atteindre en même temps des bénéfices écologiques significatifs.
Le défi technique
Le défi du changement climatique n’exige pas uniquement des instruments de politique
économique mais aussi des innovations techniques. Il est donc nécessaire de considérer
ce que l’on doit faire d’un point de vue technique pour savoir quelles sont les politiques
les plus appropriées.
Certaines options préventives exigent des progrès technologiques importants,
comme l’usage généralisé de la photosynthèse artificielle ou bien celui de la fusion
nucléaire. Les coûts futurs ainsi que la faisabilité de ces technologies sont encore très
incertains. Il serait idéal de pouvoir réduire les émissions de carbone suffisamment en
utilisant les techniques déjà existantes, ainsi que celle dont on prévoit la généralisation
dans un avenir proche. En 2004, les physiciens Stephen Pacala et Robert Socolow ont
déterminé que les émissions de carbone pourraient être stabilisées dans les prochains 50
ans en disséminant systématiquement toutes les technologies existantes. 35
35
Pacala and Socolow, 2004.
43
Dans leur article36, ils choisissent un scénario « business-as-usual », dans lequel on
prévoit que les émissions de carbone doublent dans 50 ans, de 8 milliards de tonnes de
carbone par an à 16 milliards de tonnes par an. 37 Ils considèrent quelles sont les actions
qui pourraient être prises afin de réduire les émissions totales d’un milliard de tonnes par
an à l’horizon 2060.
Chacune de ces actions produit un segment de stabilisation climatique qui diminuent
les émissions de un milliard de tonnes de carbone par an, comparé au scénario « businessas-usual ». Ainsi, si 8 de ces segments sont mis en œuvre, les émissions de carbone
resteraient les mêmes pendant les 50 prochaines années, au niveau de 8 milliards de
tonnes de carbone par an, même si pendant cette période la population s’accroît et
l’économie croît.
Figure 12 : Segments de stabilisation du climat
Carbon Emissions pr Year (billion tons)
8 wedges: Number needed to build the stabilization triangle
1 wedge: Avoids 1 billion tons of carbon emissions per year by 2060
2000
2060
Source : Pacala et Socolow, 2004
Pacala et Socolow ont étudié une grande variété d’options technologiques, en se
concentrant sur les techniques déjà existantes. Les actions qu’ils proposent peuvent être
divisées en trois catégories : l’amélioration de l’efficacité énergétique, la transition
énergétique vers des formes d’énergies qui n’émettent pas ou peu de carbone ; la
captation et le stockage du carbone.
36
See http://cmi.princeton.edu/wedges/intro.php
Quand Pacala et Socolow ont écrit leur premier article en 2004, les émissions mondiales de carbone étaient
d’environ 8 milliards de tonnes par an. Elles s’élevaient à 9 milliards de tonnes par an en 2012.
37
44
Les segments qu’ils proposent peuvent paraître inatteignables, surtout parce que les
actions requises doivent être appliquées à une échelle mondiale plutôt que nationales.
Mais leur approche permet de se rendre compte que les défis ne sont pas tant techniques
que politiques et sociaux.
On doit également remarquer que l’analyse par segments de stabilisation du climat ne
prend pas en compte le coût de chacun des segments. Il est évident que certains segments
seront moins coûteux à mettre en œuvre que d’autres. Selon le coût social des émissions
de carbone, il se peut que certains segments n’offrent pas de bénéfices nets à la société.
Une autre analyse estime à la fois les coûts et le potentiel de réduction du carbone pour
200 mesures préventives, à l’échelle mondiale. 38 Ensuite les diverses options sont
classées par ordre de coût de la moins coûteuse à la plus onéreuse. La logique
économique est qu’il va de soi que l’on doit commencer à appliquer les actions qui
réduisent les émissions de carbone à un moindre coût et ensuite continuer avec les actions
plus coûteuses. Les résultats de cette analyse McKinsey sont présentés dans la Figure 13.
Figure 13- Courbe des coûts de diverses mesures de réduction des gaz à effet de
serre, de 2004 à 2030
Source: McKinsey & Company, 2009
38
McKinsey & Company, 2009.
45
L’axe des Y indique le coût de chaque option de réduction, mesuré en Euros par tonne de
dioxyde de carbone supprimée par an et l’axe des X donne la quantité cumulée
d’émissions de CO2 supprimées par rapport au scénario « business-as-usual » si l’on met
en œuvre toutes les actions à partir de la gauche. Dans quelle mesure cette analyse des
courbes de coûts est-elle fiable ? L’étude de McKinsey a été très critiquée à la fois pour
avoir sous-estimé certaines coûts et surestimé d’autres coûts.
Certaines actions qui sont techniquement faisables, comme la réduction de pratiques
agricoles et forestières, sont socialement et politiquement difficiles à mettre en œuvre.
Néanmoins, les comparaisons de coûts présentées dans l’étude McKinsey mettent en
évidence un fait très important, à savoir qu’il existe quantité d’actions qui ne coûtent rien
ou qui coûtent très peu et que l’on pourrait prendre immédiatement pour réduire les
émissions de carbone.
La recherche et développement et dissémination (R , D&D) a un rôle particulièrement
important dans les choix techniques à prendre et leurs conséquences. L’Agence
Internationale de l’Energie donne des informations très détaillées sur les dépenses du
secteur public en R, D&D des pays membres mais de telles données sont difficiles à
trouver pour les pays qui ne sont pas membres de l’Agence, tels que le Brésil, la Chine et
la Russie. De plus, les données pour le secteur privé sont rares et dispersées. Le manque
de statistiques en R, D&D ne permettant pas la comparaison entre pays membres et nonmembres peut donner la fausse impression que les principales dépenses en R,D&D dans
les technologies énergétiques sont principalement présentes dans les pays développés.
Cependant des études récentes suggèrent que les pays non-membres de l’OCDE sont
partie prenante pour les trois-quarts des dépenses de R,D&D relatives à l’énergie à
l’échelle mondiale, et leur part est en augmentation constante.39 Les résultats d’une
nouvelle étude montrent que, en 2008, les pays du BRIMCS (Brésil, Russie,
Inde, Mexique, Chine, Afrique du Sud) ont investi en R,D&D dans les techniques
relatives à l’énergie, au travers d’entreprises nationalisées appartenant à l’Etat, au moins
13,8 milliards de dollars (en parité de pouvoir d’achat). L’ensemble des pays membres de
l’Agence Internationale de l’Energie a investi $12,7 milliards en 2008 dans le même
secteur ce qui montre que les gouvernements des pays du BRIMCS peuvent contrôler des
fonds plus importants que l’ensemble des gouvernements des pays développés.40
Un des instruments politiques clés qu’ont les gouvernements afin d’influencer et
encourager le secteur privé d’investir davantage dans la R,D&D dans la direction désirée
vers une réduction des émissions de gaz à effet de serre est d’imposer des standards, en
particulier sur l’efficacité énergétique des combustibles fossiles. Le gouvernement
39
Wilson, C., Grubler, A., K.S. Gallagher, and G. Nemet 2012 “Marginalization of end-use technologies in energy
innovation for climate protection” Nature Climate Change, Vol. 2, November, pp. 780-788,
doi:10.1038/nclimate1576
40
Kempener, Ruud, Laura D.Anadon, Jose Condor, “Government Energy Innovation Investments, Policies, and
Institutions in the Major Emerging Economies:Brazil, Russia, India, Mexico, China, and South Africa. “Energy
Technology Innovation Policy Discussion Paper No. 2010-16, Belfer Center for Science and International Affairs,
Harvard Kennedy School, Harvard University, November 2010
46
américain, qui s’est montré particulièrement laxiste en termes d’imposition de standards
stricts dans ce domaine, a récemment, sous l’Administration Obama, pris des mesures
plus contraignantes afin d’améliorer l’efficacité énergétique des combustibles fossiles
dans tous les secteurs de l’économie américaine (voir encadré 8).
ENCADRE 8 : UN EXEMPLE DE STANDARD AUX ETATS-UNIS : LE US
CORPORATE AVERAGE FUEL ECONOMY
Le US Corporate Average Fuel Economy Standard (CAFE) est un standard créé par
l’Administration de Jimmy Carter en 1975 afin de réduire la consommation de
combustibles fossiles dans les automobiles et les camions. L’Administration Obama a
récemment décidé d’une élévation des niveaux de CAFE qui vont rapidement augmenter
dans les années à venir.41 Les standards d’efficacité des véhicules ne dépassent pas aux
Etats-Unis 27,8 miles par gallon c’est-à-dire 8,4 litres aux 100 km. En 2009, le Président
Obama a proposé un nouveau programme national d’économie d’énergie qui exige un
standard de 35,5 miles par gallon à l’horizon 201642, c’est-à-dire 6,6 litres aux 100km. En
Août 2012, l’Administration Obama a finalisé un projet de nouveaux standards qui
augmentera les économies d’énergie à un niveau de 54,5 milles per gallon c’est-à-dire 4,3
litres aux 100km ainsi que des camions légers et économiques en essence à l’horizon
2025. En combinant tous les efforts faits par cette Administration, ce changement va
presque doubler l’efficacité des nouveaux véhicules comparée à celle des véhicules
roulant aujourd’hui sur les routes américaines. Au total, le programme national américain
permet d’améliorer l’efficacité énergétique des transports privés et de réduire les
émissions de gaz à effet de serre tout en économisant pour le consommateur plus de 1700
milliards de dollars en dépenses de pétrole, en réduisant la consommation américaine de
12 milliards de barils (1908 milliards de litres).43
41
National Highway Traffic Safety Administration, http://www.nhtsa.gov/fuel-economy, retrieved March 2013
The White House Statement, Nov. 16th, 2011, available at http://www.whitehouse.gov/the-pressoffice/2011/11/16/we-cant-wait-obama-administration-proposes-historic-fuel-economy-standar
43
National Highway Traffic Safety Administration,
http://www.nhtsa.gov/About+NHTSA/Press+Releases/2012/Obama+Administration+Finalizes+Historic+54.5+mpg
+Fuel+Efficiency+Standards , retrieved April 2013
42
47
Les politiques climatiques dans la pratique
Le Changement du Climat Mondial est une question écologique internationale.
Chaque nation a peu d’incitation à réduire ses émissions si les autres nations n’acceptent
pas des réductions similaires car la réduction unilatérale des émissions imposerait des
coûts significatifs au pays qui prendrait cette décision seul, tout en ayant un effet
négligeable sur le climat mondial. Ainsi, un accord international contraignant et à
caractère obligatoire est nécessaire, surtout si l’objectif politique est de réduire les
émissions de 50 à 80%.
L’accord international sur le changement climatique le plus complet à ce jour est
le Protocole de Kyoto. Les pays industrialisés se sont engagés dans ce traité à réduire
leurs émissions aux niveaux de 1990 à l’échéance 2008-2012. Par exemple, les EtatsUnis ont accepté une réduction de 7%, la France de 8% et le Japon de 6%. Les pays
émergents comme la Chine et l’Inde ne sont pas soumis aux mêmes contraintes selon le
traité, et cette close a été vivement critiquée par les Etats-Unis et d’autres pays. En
Octobre 2007, le Protocole de Kyoto avait été ratifié par 176 pays. Les Etats-Unis ont
signé le traité en 1998 mais ne l’ont jamais ratifié. En 2001, l’Administration Bush rejeta
le Protocole de Kyoto déclarant que les négociations avaient échoué et qu’une nouvelle
approche était nécessaire. Bien que ceci ait sérieusement freiné les efforts de contrôle des
émissions de gaz à effet de serre, le Protocole de Kyoto est néanmoins entré en vigueur à
partir du début 2005 quand la Russie a ratifié le traité en Novembre 2004. En 2012, 191
nations avaient signé le Protocole de Kyoto. Bien qu’il l’ait signé en 1998, les Etats-Unis
ne l’a jamais ratifié à ce jour.
Afin d’atteindre les objectifs du Protocole à moindre coût et de manière effective,
le traité comprend trois « mécanismes de flexibilité ». Le premier est l’échange de permis
d’émettre entre nations, qui est plafonné à un niveau cible. Ainsi un pays qui n’est pas
capable de réduire ses propres émissions peut acheter des permis à un autre pays qui a pu
réduire ses émissions en dessous de ce qui était requis. L’Union Européenne a mis en
œuvre un système d’échange de permis à partir de 2005 (voir encadré 9).
Un deuxième mécanisme dit mécanisme de mise en œuvre conjointe, consiste
pour une nation industrielle à recevoir des crédits pour financer des projets de réduction
d’émission dans d’autres pays qui sont contraints à atteindre un objectif de réduction, en
particulier les pays en transition comme la Russie et la Lituanie.
Le troisième mécanisme appelé mécanisme de développement propre, revient
pour un pays industrialisé à obtenir des crédits pour le financement de projets de
réduction d’émissions ou d’évitement d’émissions dans les pays en développement qui ne
sont pas soumis à des objectifs précis d’émissions, en particulier la Chine et l’Inde.
Alors que nous complétons ce module début 2014, il semble que l’objectif du
48
Protocole de Kyoto de 5% de réduction des émissions pour l’ensemble des pays
participants pourrait être atteint. Cependant, comme le montre la figure 14, les résultats
sont très différents d’un pays à l’autre. Cette figure compare pour chaque pays son
objectif de réduction avec son changement réel de quantité émise pendant la période entre
l’année de base du Protocole (1990) et 2010. Ainsi par exemple, l’objectif de
l’Allemagne selon le Protocole était de 8% de réduction alors qu’elle a déjà réalisé 22%
de réduction.
Figure 14. Progrès réalisés dans l’application du Protocole de Kyoto, par pays, 2010
60
40
Percent Change
20
0
-­‐20
-­‐40
-­‐60
Base Year to 2010 Change
Kyoto Target
Source: UNFCCC
Note: ces données comprennent les ajustements sur l’usage des terres et des forêts
D’autres pays qui sont en passe de réaliser leurs engagements de Kyoto
comprennent la Fédération Russe, le Royaume Uni, et la France. Le déclin industriel
brutal du début des années 1990 provoqué par la chute du régime soviétique et le passage
à une économie de marché explique pourquoi la baisse considérable des émissions de la
Russie. Sans cette chute vertigineuse, l’objectif de Kyoto n’aurait pas été atteint au
niveau mondial. La Russie a gagné des revenus en échangeant ses réductions d’émissions
avec d’autres pays, comme le permet le mécanisme de flexibilité, mais les réductions des
émissions russes se seraient produites de toute manière.
49
Les pays qui sont encore loin de réaliser leurs objectifs de Kyoto incluent
l’Australie, la Suède, l’Espagne et le Canada. En Décembre 2011, le Canada s’est
formellement retiré de l’accord car il était clairement dans l’incapacité de tenir ses
engagements. Les Etats-Unis avaient accepté un objectif de 7% de réduction de ses
émissions par rapport à la base de 1990, quand il avait signé le traité, mais au lieu de cela,
en 2010 ses émissions avaient augmenté de 8%. De plus, Kyoto ne plaçait aucune
restriction sur les émissions des pays en développement, ce qui s’est traduit par une
augmentation des émissions au niveau mondial.
Les pays qui n’ont pas pu tenir leurs engagements dans la première phase de
Kyoto, devront rattraper leur retard dans la phase suivant de post-Kyoto. Les négociations
se sont poursuivies sans relâche depuis plus d’une décennie pour trouver un accord qui
succède à Kyoto, comme l’a montré plus haut l’Encadré 2. Les conférences
internationales se sont succédé les unes aux autres en fixant des dates butoir pour
parvenir à un accord global post-Kyoto, mais sans succès. A l’heure actuelle, il semble
peu probable qu’un accord international ayant effet de contrainte puisse être trouvé avant
2020.
Alors que les progrès vers un accord international continuent à se faire attendre, les
politiques sur le changement climatique ont été appliquées à un autre niveau, depuis celui
des municipalités à celui d’accords régionaux multinationaux. Afin de l’aider à tenir ses
engagements du Protocole de Kyoto, l’Union Européenne a mis en œuvre un système
d’échange de permis à émettre parmi les pays européens qui fonctionne depuis 2005 (voir
Encadré 9). Des taxes carbone ont été décrétées dans plusieurs pays y compris une taxe
nationale sur le charbon en Inde (de 1 dollar par tonne de carbone, depuis 2010), une taxe
sur les nouveaux véhicules basée sur leurs émissions, en Afrique du Sud (depuis 2010),
une taxe carbone sur les combustibles fossiles au Costa Rica (depuis 1997) ainsi que des
taxes carbone locales dans les provinces du Canada, le Québec, la British Columbia et
Alberta, qui s’applique à l’essence pour les automobiles et camions, ainsi qu’aux
entreprises émettant de larges quantités.
Les Etats-Unis n’ont pas de politique nationale économique sur le changement
climatique, mais il existe un grand nombre d’initiatives à l’échelle des Etats et des
municipalités afin de réduire les émissions. Un accord incluant plusieurs Etats a été mis
en place en 2008. La Regional Greenhouse Gas Initiative (RGGI) est un marché de
permis à émettre applicable aux centrales électriques dans 9 Etats du Nord-Est.44 Cette
vente aux enchères de permis permet de générer des revenus qui sont ensuite réinvestis
dans des énergies plus propres et des mesures d’efficacité énergétique. En 2011, environ
un milliard de dollars avaient été fournis par cette vente aux enchères. Le prix des permis
a varié entre 2 et 4 dollars par tonne de CO2.
44
http://www.rggi.org/
50
ENCADRE 9: LE SYSTEME COMMUNAUTAIRE DE QUOTAS
D’EMISSIONS (SCEQE) DE L’UNION EUROPEENNE
En 2005, L’Union Européenne a lancé le Système Communautaire de Quotas
d’Emissions (SCEQE), qui inclut environ 11,000 centrales et usines qui collectivement
émettent 40% des émissions de CO2 de l’UE. Le système impose une limite supérieure aux
secteurs émettant fortement, ce plafond étant diminué chaque année. A l’intérieur de cette
contrainte maximale, les entreprises sont libres d’échanger des permis à émettre selon leurs
besoins. Cette approche donne une souplesse aux entreprises leur permettant de réduire leurs
émissions d’une manière qui soit le plus efficace au niveau de leurs coûts. En 2012 le
système s’est étendu pour inclure le secteur de l’aviation. Ceci inclut les vols provenant de
l’extérieur de l’Union Européenne aussi mais en geste de bonne volonté vis-à-vis de ce
secteur, la Commission Européenne a proposé de différer l’application de ce système afin de
permettre aux compagnies aériennes de déterminer d’un accord international sur les
émissions de l’aviation, devant être atteint fin 2013.
Selon le SCEQE, chaque pays développe un Plan d’Allocation National qui
détermine le nombre total de permis ou quotas disponible dans ce pays, et le nombre de
quotas alloués pour chaque unité de production (centrale ou usine). Dans la première phase
(2005-2007), les quotas étaient alloués aux entreprises gratuitement. Tout quota qui n’était
pas utilisé pouvait être vendu sur le marché. La seconde phase (2008-2012) a étendu la
portée de ce système de façon significative.
De nouvelles données ont montré que le SCEQE a véritablement contribué à réduire
les émissions de gaz à effet de serre dans l’Union Européenne. En 2010, les émissions
moyennes par centrale ou usine étaient de 17000 tonnes de CO2 moins polluantes qu’elles ne
l’étaient en 2005, quand le SCEQE a été lancé. La réduction de ces émissions correspond à
bruler moins de 7500 tonnes de charbon par an pour chaque centrale. Bien que les émissions
se sont accru légèrement en 2007 quand la Roumanie et la Bulgarie ont rejoint l’Union
Européenne, et à nouveau en 2010, quand l’activité économique européenne a repris après la
période de crise de 2008-2009, les réductions opérées dans les centrales le sont durablement
et elles émettent aujourd’hui 8,3% de moins qu’en 2005.
Sources: EU-ETS website (http://ec.europa.eu/clima/policies/ets/index_en.htm); Grubb, et al., 2009 ;
Also from http://ec.europa.eu/clima/publications/index_en.htm#Ets
51
D’autres initiatives régionales telles qu’un marché similaire de permis à émettre
dans les Etats de l’Ouest, et un autre parmi les Etats du Midwest, ont été discontinués en
raison du grand nombre d’Etats qui se sont retirés du processus. A l’échelle locale, plus
de 1000 maires de villes ont signé un Accord de Protection du Climat (Conference of
Mayors’ Climate Protection Agreement). 45 Dans cet accord volontaire, les villes se sont
engagées à :
-
Mettre tout en œuvre pour atteindre les objectifs de Kyoto à leur échelle
Exercer leur influence sur leurs Etats et sur le gouvernement fédéral afin de
mettre en œuvre des politiques permettant d’atteindre les objectifs de Kyoto
Exercer leur influence sur le Congrès des Etats-Unis afin qu’il ratifie des
législations permettant la réduction des émissions des gaz à effet de serre, y
compris un programme national de marché de permis à émettre.
Alors que les Etats-Unis ont rejeté le Protocole de Kyoto, ils ont déterminé leurs
propres objectifs en matière d’émissions. Contrairement au Protocole de Kyoto, ces
objectifs sont volontaires et non pas obligatoires. En 2009, le Président Obama s’est fixé
pour but de diminuer les émissions de gaz à effet de serre de 17% au-dessous du niveau
de 2005 à l’échéance de 202046. En Juillet 2010, le Président Obama a aussi annoncé que
le Gouvernement Fédéral réduira ses propres pollutions en gaz à effet de serre provenant
de sources indirectes par 13% en 202047.
Le quatrième rapport du GIEC (2007) appelle les nations industrialisées à réduire
leurs émissions entre 25 et 40% au-dessous des niveaux de 1990 à l’échéance 2020.
L’engagement des Etats-Unis à Copenhague (obtenir en 2020 un niveau inférieur de 17%
à celui de 2005) revient seulement à une réduction de 3% par rapport au niveau de 1990.
Ainsi, même dans le meilleur des cas, les réductions effectuées seront bien plus faibles
que ce que le GIEC requiert et qui serait nécessaire pour éviter que les températures ne
s’accroissent de plus de 2 degrés Celsius.
Les opinions publiques sur le changement climatique jouent un grand rôle, au
moins dans les pays démocratiques, afin d’exercer une pression sur leurs gouvernements.
Cependant, un manque de compréhension sur des questions complexes peut aussi générer
un manque d’intérêt du public, qui empêcherait leurs gouvernants d’agir. De nombreux
sondages, aux niveaux nationaux comme au niveau international, ont montré que les
citoyens du monde entier sont de plus en plus conscients et inquiets des enjeux
climatiques (Encadré 10).
45
http://www.usmayors.org/climateprotection/agreement.htm
US Department of Energy, EERE News, 2009, available at
http://apps1.eere.energy.gov/news/news_detail.cfm/news_id=15650
47
The White House Statement, 2010, available at http://www.whitehouse.gov/the-press-office/president-obamaexpands-greenhouse-gas-reduction-target-federal-operations
46
52
ENCADRE 10 : L’OPINION PUBLIQUE SUR LE CHANGEMENT
CLIMATIQUE
Le rapport 2010 de la Banque Mondiale sur le Développement, portant sur le changement
climatique, a effectué un sondage international sur les perceptions des opinions publiques sur la
question du changement climatique. Le sondage a été conduit auprès de 13518 personnes
représentatives dans 15 pays – le Bengladesh, la Chine, l’Egypte, la France, l’Italie, l’Indonésie,
l’Iran, le Japon, le Kenya, le Mexique, la Russie, le Sénégal, la Turquie, les Etats-Unis et le
Vietnam.
Alors que le public dans sa grande majorité considère le changement climatique comme un
problème grave, ce sont les pays à faible revenu (Bengladesh, Kenya, Sénégal, et Vietnam) qui
font déjà l’expérience de certaines des conséquences les plus néfastes du changement climatique,
pour qui de très larges majorités déclarent que ce problème est très grave à leurs yeux. La
proportion de gens qui ont une vision aussi inquiète est plus basse dans les pays à haut revenu
(Etats-Unis, Japon, France) et dans les pays tels que la Russie et la Chine. Comme le montrent
ces résultats, tous les pays qui sont de forts émetteurs de gaz à effet de serre semblent être moins
concernés par le changement climatique. Cependant, même dans ces pays particulièrement
responsables des émissions mondiales, de larges majorités admettent que le changement
climatique est au moins « un problème relativement sérieux ».48
Les opinions sur le réchauffement climatique varient largement à l’intérieur des pays. Une
enquête d’opinion menée par l’Université de Yale pour son « Projet sur la communication sur le
changement climatique » montre qu’aux Etats-Unis, 30% du public se montre non concerné par
le changement climatique, soit parce qu’ils doutent que le phénomène existe ou parce qu’ils ont
purement une attitude de rejet par rapport au concept même. D’un autre côté, 45% des
américains déclarent être concernés par le changement climatique, montrant un certain niveau de
soutien pour toute action politique qui irait dans le sens d’une réduction de ce problème.
Cependant, 29% parmi ces 45% tendent à considérer le problème comme concernant d’autres
nations et les générations futures ne croient pas que ce soit une menace directe pour eux-mêmes
ou leur communauté. S’ils soutiennent l’action politique, ils sont eux-mêmes peu enclins à
s’engager dans une action politique.49 Seulement 16% des Américains, surtout parmi les plus
jeunes générations, se disent particulièrement concernés et inquiets des conséquences du
changement climatique et expriment leur crainte qu’ils aient à en faire l’expérience au cours de
leur vie. Ils forment la population qui a le plus de motivation à s’engager dans un activisme
politique sur les questions du climat afin de faire pression sur le gouvernement américain pour
qu’il prenne des actions plus fortes et déterminées dans ce domaine.
L’Avenir des Politiques de Changement Climatique
Est-ce que les mesures politiques actuelles limitées seront suffisantes pour
permettre une réelle limitation des émissions de gaz à effet de serre ? Les observations
48
WDR, 2010, Public attitudes toward climate change: findings from a multi-country poll, World Bank, available at
http://siteresources.worldbank.org/INTWDR2010/Resources/Background-report.pdf
49
Leiserowitz, A., Maibach, E., Roser-Renouf, C., Feinberg, G. & Howe, P. (2013) Global Warming’s Six
Americas, September 2012. Yale University and George Mason University. New Haven, CT: Yale Project on
Climate Change Communication. http://environment.yale.edu/climate/publications/Six-Americas-September2012
53
récentes de l’accélération du changement climatique donnent à penser que l’effet
cumulatif des émissions sera plus sévère que prévu. Les écosystèmes arctiques montrent
des signes clairs d’effondrement sous la montée des températures, ce qui soulève la
menace d’une fonte de la toundra avec les effets exponentiels de relâchement de gaz dans
l’atmosphère qui accélèrerait le réchauffement climatique.50 Un rapport préparé par le
Département de la Défense des Etats-Unis cite la possibilité d’une sècheresse de très
large échelle dans les régions agricoles, un effondrement du Gulf Stream d’Atlantique du
Nord, qui entrainerait une transition brutale vers des climats beaucoup plus froids en
Europe et en Amérique du Nord, et des troubles sociaux de très grande amplitude dans le
monde entier ainsi que des migrations en masse de populations à la recherche d’eau et de
nourriture.51 Les coûts de tels scénarios seraient clairement extrêmement élevés, de
l’ordre de grandeur des estimations les plus hautes du Tableau 2, s’élevant à des
centaines de milliards de dollars par an.
Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat a estimé que la
stabilisation des niveaux de CO2 atmosphériques demanderait une réduction des
émissions de CO2 à des niveaux qui devraient être une fraction des niveaux actuels. Cet
objectif est beaucoup plus ambitieux que ceux proposés par le Protocole de Kyoto, et
exigerait une intervention politique majeure pour rediriger les économies du monde vers
des sources d’énergies non fossiles. Cependant le GIEC met en évidence qu’il existe des
moyens de réduire de 30 à 70% les émissions de gaz à effet de serre à un coût inférieur à
$100 par tonne d’équivalent charbon ; une portion substantielle de ces réductions aurait
un coût marginal faible ou même nul. Selon ces calculs, l’estimation maximale du GIEC
pour les réductions, soit 5 milliards de tonnes, pourrait être atteinte à un coût net de
plusieurs centaines de milliards de dollar – un coût élevé certes mais beaucoup moins que
le coût du scénario-catastrophe dont la probabilité est grande, cette comparaison utilisant
des taux d’actualisation standard.52 Il est certain que la réduction à faible coût serait un
excellent investissement.
L’analyse économique serait ainsi en mesure de justifier des approches politiques
beaucoup plus agressives pour répondre à la menace du changement climatique, mais des
obstacles politiques énormes empêchent la mise en œuvre de telles politiques, surtout aux
Etats-Unis. Alors que l’attention se porte de plus en plus que les politiques futures de
« l’après Kyoto », les mesures politiques discutées ici deviendront certainement des
enjeux importants. Les leaders politiques et le grand public détermineront la manière dont
nous répondrons au défi le plus important du 21ème siècle, mais les politiques
économiques joueront un rôle central dans l’accomplissement des objectifs que nous
choisirons.
50
Richard B. Alley, “Abrupt Climate Change,” Scientific American November 2004; Clifford Kraus, “Eskimos Fret
as Climate Shifts and Wildlife Changes,” New York Times, September 6, 2004.
51
Peter Schwartz and Doug Randall, “An Abrupt Climate Change Scenario and Its Implications for U.S. National
Security,” October 2003, consultable sur http://www.ems.org/climate/pentagon_climate_change.html.
52
GIEC 2001, 2007, 2013.
54
RESUME
Le changement climatique, résultant de l’émission des gaz à effet de serre
emprisonnant la chaleur dans l’atmosphère, est un problème mondial. Tous les pays du
monde sont impliqués à la fois dans la cause de ce problème et dans ses conséquences. A
l’heure actuelle, les pays développés sont les émetteurs les plus importants de gaz à effet
de serre, mais les émissions des pays en développement vont croître fortement dans les
décennies à venir. Les prédictions les plus récentes des scientifiques prévoient un
changement climatique au cours du 21ème siècle avec une augmentation des
températures globales pouvant aller de 1.1ºC jusqu’à 6.4ºC. Outre le réchauffement de la
planète, certains scientifiques prédisent d’autres effets tels que la perturbation des cycles
climatiques et de possible changement soudains du climat.
Une des approches classiques de l’analyse économique du changement climatique
se fait au travers de l’analyse coûts-bénéfices. Les bénéfices dans ce cas sont les
dommages qui seront potentiellement évités au travers de l’action de prévention du
changement climatique ; les coûts économiques sont ceux encourus dans la transition
faisant sortir de la dépendance aux combustibles fossiles, ainsi que d’autres conséquences
de la réduction des gaz à effet de serre. Les études coûts-bénéfices ont estimé que les
coûts comme les bénéfices sont d’un ordre de grandeur de plusieurs pourcents du PIB.
Cependant, l’évaluation comparée des coûts et des bénéfices dépend fortement du taux
d’actualisation choisi. Puisque l’on s’attend à ce que les dommages s’accroissent avec le
temps, l’utilisation d’un taux d’actualisation élevé tend à une estimation plus faible des
bénéfices de la réduction du changement climatique. En outre, certains effets tels la
disparition d’espèces vivantes et les effets sur la vie humaine et sur la santé sont difficiles
à mesurer en termes monétaires. Selon les hypothèses choisies dans les modèles
économiques, l’impact sur le PIB des politiques de prévention du changement climatique
pourrait aller d’une décroissance de 3.4 % à une croissance de 3.9 % du PIB.
Les politiques de réponses au défi climatique peuvent être préventives ou
adaptatives. Une des questions les plus débattues est celle de la taxe carbone, qui
frapperait davantage les combustibles à forte émission de CO2. Les revenus d’une telle
taxe pourraient servir à faire baisser les autres impôts ou pourraient être utilisés pour
offrir des aides aux catégories les plus défavorisées de la population, qui souffriront le
plus de la hausse des prix des carburants et des autres denrées. Une autre option est la
mise en œuvre d’un marché des permis à émettre, ces permis pouvant être achetés ou
vendus par des entreprises ou par des nations, selon leur niveau d’émissions de CO2.
Ces deux types de mesures ont l’avantage de s’avérer d’une grande efficacité économique
mais sont difficiles à mettre en pratique à cause de fortes résistances politiques. D’autres
mesures possibles consistent à transformer la structure des subventions, de graduellement
supprimer les subventions aux combustibles fossiles et de les augmenter pour les énergies
renouvelables, ainsi que de renforcer les standards de l’efficacité énergétique et
55
d’accroître les budgets de la recherche et développement pour les technologies
énergétiques alternatives.
Le Protocole de Kyoto obligeant les nations industrialisées à réaliser des
réductions des émissions de gaz à effet de serre, a été mis en application en 2005, mais
les Etats-Unis ont refusé de s’y soumettre. Les politiques mondiales devront à l’avenir
pour être effective, impliquer les Etats-Unis ainsi que la Chine, l’Inde, et d’autres nations
développées. Des objectifs de réduction beaucoup plus ambitieux seront nécessaires pour
éviter les coûts associés au changement climatique sur le long-terme.
56
CONCEPTS ET MOTS-CLES
Acidification des océans : augmentation de l’acidité de l’eau dans les océans, résultant
de la dissolution du carbone provenant du CO2 émis dans l’atmosphère.
Analyse coûts-bénéfices: un outil de l’analyse économique et politique qui tente de
donner une valeur monétaire à tous les coûts et les bénéfices d’une action, afin d’en
déterminer les bénéfices nets.
Analyse coût-efficacité : un outil économique et politique qui détermine l’approche la
moins coûteuse pour atteindre un objectif donné.
Bénéfice net marginal: le bénéfice net de la consommation ou de la production d’une
unité additionnelle de ressource ; est égal au bénéfice marginal moins le coût marginal.
Bien communs mondiaux: ressources collectives mondiales telles que l’atmosphère ou
les océans.
Biens publics: biens qui sont disponibles à tous, dont l’utilisation par une personne ne
réduit pas leur disponibilité par d’autres.
Changement climatique mondial: tous les changements du climat mondial, y compris
des températures, des précipitations, de la fréquence et de l’intensité des orages, etc. qui
résultent des changements de concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère.
Coûts évités: coûts qui peuvent être évités grâce à la préservation de l’environnement en
l’état actuel.
Effets de serre: l’effet de certains gaz dans l’atmosphère terrestre, qui emprisonne la
radiation solaire, et résulte en un accroissement des températures mondiales et en
d’autres changements du climat mondial.
Elasticité de la demande: la sensibilité au prix de la quantité demandée d’un bien sur le
marché.
Externalité: l’effet d’une transaction marchande sur des individus ou entreprises autres
que ceux directement impliqués dans la transaction
Feedback (effet retour): processus de changement dans un système qui est généré en
réponse à une modification et qui vient soit contrecarrer soit renforcer cette modification
initiale.
57
Gaz à effet de serre: gaz tels que le dioxyde de carbone et le méthane dont les
concentrations atmosphériques influencent le climat mondial en emprisonnant la
radiation solaire dans l’atmosphère.
Intensité en gaz à effet de serre: quantité d’émissions de gaz à effet de serre par unité
de produit économique.
Mécanisme de développement propre: une close du Protocole de Kyoto qui permet aux
pays industriels de recevoir des crédits pour l’aide aux pays en développement visant à
réduire leurs émissions de CO2.
Mesures adaptatives: politiques qui proposent des solutions d’adaptation aux effets
écologiques adverses du changement climatique
Mesures préventives: politiques qui ont pour objet de prévenir les impacts écologiques
adverses.
Mise en œuvre conjointe: mécanisme proposé par le Protocole de Kyoto et qui permet
aux nations industrialisées d’obtenir des crédits pour le financement de projets de
réduction d’émissions dans d’autres pays industrialisés.
Permis transférables (et échangeables): permis qui donnent l’autorisation d’émettre
une certaine quantité de polluant et qui peuvent être échangés (achetés et vendus) sur le
marché, entre Etats et entreprises.
Polluants-stock: un polluant qui s’accumule dans l’environnement, tel que le dioxyde de
carbone et les chlorofluorocarbures (CFCs).
Principe de précaution: ce principe énonce que les politiques devraient faire en sorte
d’éviter des conséquences qui sont dommageables pour la santé ou pour l’environnement,
même si ces conséquences ne peuvent pas être prédites avec certitudes, et surtout quand
elles peuvent être potentiellement catastrophiques ou irréversibles.
Puits de carbone: parties de l’écosystème qui ont la capacité d’absorber certaines
quantités de dioxyde de carbone, telles que les forêts, les sols et les océans.
Ressources communes (ou collectives): ressources qui ne peuvent pas faire l’objet
d’une appropriation privée ; ces ressources peuvent être d’échelle locale comme les parcs
publics ou d’échelle mondiale comme les océans ou la capacité de la Terre et de son
atmosphère à absorber le carbone.
58
Segment de stabilisation du climat : un concept proposé par Pacala et Socolow (2004)
présentant des actions préventives spécifiques permettant de réduire les émissions de gaz
à effet de serre de une gigatonne par segment ou action spécifique.
Taux d’actualisation: le taux annuel permettant d’évaluer des bénéfices ou coûts futurs
en valeur actuelle afin de les comparer aux coûts et bénéfices d’aujourd’hui.
Taxe pollueur-payeur: taxe par unité de produit, basée sur la quantité de pollution
associée à la production d’un bien ou service.
Taxe Carbone: une taxe par unité de biens et services, basée sur la quantité de dioxyde
de carbone émise durant la production ou la consommation de ce bien ou service.
Transfert de taxe neutre pour le revenu: politiques fiscales visant à équilibrer
l’augmentation des impôts sur certains produits par une réduction d’autres impôts, telles
qu’une réduction de l’impôt sur le revenu pour compenser la charge de la taxe carbone.
Transfert de technologie: le processus de partage de l’information et de l’équipement
technologique, en particulier entre nations.
59
REFERENCES
Ackerman and Stanton, 2008, The Cost of Climate Change, Natural Resource Defense
Council, available at http://www.nrdc.org/globalwarming/cost/cost.pdf
Cline, William R. The Economics of Global Warming. Washington D.C.: Institute for
International Economics, 1992.
Decanio, Stephen, The Economics of Climate Change, 1997, available at
http://rnawrocki.com/climate_change/decanio.pdf
Dower, Roger C. and Zimmerman, Mary. The Right Climate for Carbon Taxes, Creating
Economic Incentives to Protect the Atmosphere. Washington D.C.: World Resources
Institute, 1992.
Ellerman, A. Denny et al., The European Union’s Emission Trading System in
Perspective, Pew Center on Global Climate Change, 2008,available at
http://www.c2es.org/docUploads/EU-ETS-In-Perspective-Report.pdf
Fankhauser, Samuel. Valuing Climate Change: the Economics of the Greenhouse.
London: Earthscan Publications, 1995.
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC). Climate Change 2001, Volume 1:
The Scientific Basis. Cambridge, UK: Cambridge University Press, 2001.
Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC). Climate Change 2007, Volume 1:
The Physical Science Basis. Available at http://www.ipcc.ch/
Harris, Jonathan M. Environmental and Natural Resource Economics: A Contemporary
Approach. Boston, Massachusetts: Houghton Mifflin, 2006 http://college.hmco.com
Manne, Alan S. and Richels, Richard G. Buying Greenhouse Insurance: The Economic
Costs of CO2 Emissions Limits. Cambridge, Mass: The MIT Press, 1992.
Nordhaus, William D., and Joseph Boyer, Warming the World: Economic Models of
Global Warming. Cambridge, Mass: The MIT Press, 2000.
Nordhaus, William, The Stern Review on the Economics of Climate Change, 2007,
available at http://nordhaus.econ.yale.edu/stern_050307.pdf
60
Pacala, Stephen, and Robert H. Socolow, 2004. “Stabilization Wedges: Solving the
Climate Problem for the next 50 years with current technologies.” Science 305 (5686):
968-972
Roodman, David M. Getting the Signals Right: Tax Reform to Protect the Environment
and the Economy. Worldwatch Paper # 134. Washington, D.C.: Worldwatch Institute,
1997.
Stern, Nicholas, The Economics of Climate Change: The Stern Review. New York and
Cambridge, U.K.: Cambridge University Press, 2007. Disponible à: http://www.hmtreasury.gov.uk/independent_reviews/stern_review_economics_climate_change/stern_rev
iew_report.cfm
U.S. Department of Energy, Energy Information Administration. International Energy
Outlook 2004, Report No. DOE/EIA-0484 (2004).
U.S. Department of Energy, Energy Information Administration. International Energy
Outlook 2007. Report No. DOE/EIA-0484 (2007).
World Bank, World Development Report 2010: Development and Climate Change.
Washington, D.C.: The World Bank, 2010.
61
QUESTIONS
1. Considérez-vous que l’analyse coûts-bénéfices constitue un moyen utile pour
répondre au problème du changement climatique? Comment peut-on effectuer une
évaluation adéquate de choses telles que la fonte de la calotte glacière de l’Arctique et
l’inondation des nations insulaires ? Quels sont la place et le rôle appropriés de l’analyse
économique lorsque l’on considère des questions qui affectent les écosystèmes mondiaux
et les générations futures?
2. Parmi les politiques qui répondent au défi du changement climatique, quelles sont
celles qui sont les plus efficaces? Comment peut-on décider quelle combinaison de
politiques choisir ? Quelles sortes de politiques seraient plus particulièrement favorisées
(et recommandées) par les économistes? Quelles sont les obstacles principaux à une
application efficace de ces politiques?
3. Le processus de formulation et d’application des accords internationaux sur les
politiques de changement climatique a été lourdement handicapé par des désaccords et
des impasses. Quelles sont les raisons principales qui ont causé tant de difficultés à
s’entendre sur des actions politiques spécifiques? D’un point de vue économique, quelles
sortes d’incitation pourraient être utiles pour convaincre les nations à accepter l’accord et
à l’appliquer? Quelles sortes de politiques “gagnant-gagnant” pourrait-on envisager pour
contourner les obstacles à la négociation ?
62
EXERCICES
1. On suppose que selon les termes d’un accord international, les émissions de CO2 des
Etats-Unis doivent être réduites de 200 millions de tonnes et que celles du Brésil doivent
l’être de 50 millions de tonnes.
Voici les options dont les Etats-Unis et le Brésil disposent pour réduire leurs émissions:
Etats-Unis:
Réduction totale des émissions
(en million de tonnes de
carbone)
Coût (en milliards de $)
A: remplacer les
infrastructures pour qu’elles
soient plus efficaces en
consommation d’énergie
60
12
B: Reforestation
C: Remplacement des
centrales thermiques à charbon
40
20
120
30
Réduction totale des émissions
(en million de tonnes de
carbone)
Coût (en milliards de $)
50
20
30
3
40
8
Options politiques
Brésil:
Options politiques
A: remplacer les
infrastructures pour qu’elles
soient plus efficaces en
consommation d’énergie
B: Protection de la forêt
amazonienne
C: Remplacement des
centrales thermiques à charbon
a) Quelles politiques sont les plus efficientes pour que chaque nation puisse atteindre leur
objectif de réduction? De combien les deux nations peuvent-elles réduire leurs
émissions en utilisant chaque option, et à quel coût, si les deux pays opèrent
indépendamment l’un de l’autre ? Supposons que l’on puisse appliquer chaque option
à un coût marginal constant. Par exemple, les Etats-Unis pourraient choisir de réduire
les émissions par un changement d’infrastructures plus efficaces (option 1) – cette
réduction s’élevant à 10 millions de tonnes pour un coût de 2 milliards de dollars.
(indice : commencez par calculer le coût moyen de réduction en dollars par tonne pour
chacune des six options).
63
b) Supposons qu’il existe un marché de transactions de permis transférables permettant
aux Etats-Unis et au Brésil d’échanger des permis à émettre du CO2. Lequel des deux
pays a intérêt à acheter des permis? Et lequel a intérêt à en vendre? Quel accord peut
être signé entre les Etats-Unis et le Brésil pour qu’ils puissant tous les deux atteindre
l’objectif de réduction de 250 millions de tonnes au moindre coût ? Pouvez-vous
estimer le prix auquel s’échangera sur le marché un permis à émettre une tonne de
CO2 ? (indice : utilisez les calculs du coût moyen que vous avez effectué pour la
première partie de la question).
2. Supposons que la consommation annuelle d’un ménage est de 5000 litres de pétrole ou
d’essence et de 2 Mm3 (milliers de mètres cube) de gaz naturel. En utilisant les données du
Tableau 5 sur les effets d’une taxe carbone, calculez combien ce ménage paierait par an
avec une taxe supplémentaire de 10 dollars par tonne de carbone. On suppose que cette
taxe relativement faible ne provoque pas initialement de réduction de la demande pour le
pétrole et le gaz. S’il y a 20 millions de ménages dans le pays, quel serait le revenu pour le
gouvernement de cette taxe carbone ?
Supposons maintenant que la taxe carbone s’élève jusqu’à 200 dollars par tonne de
carbone. Si l’on considère la relation entre accroissement des prix et baisse de la
consommation, une hypothèse raisonnable pourrait être que l’élasticité de la demande au
prix provoque une baisse de 20% des quantités consommées de pétrole et de gaz. Quel
serait l’impact sur une famille moyenne ? Quels seraient les revenus de la taxe pour le
gouvernement ? Comment le gouvernement peut-il utiliser de tels revenus ? Quelles sont
les différences entre effets de court terme et effets de long terme ?
64
SITES WEB
1. http://epa.gov/climatechange/index.html La page sur le réchauffement climatique du
site web de l’agence de Protection de l’Environnement des Etats-Unis (U.S.
Environmental Protection Agency). Le site fournit des liens vers une information
abondante sur les causes, l’impact et les tendances et projections liés au changement
climatique mondial.
2. http://www.ipcc.ch/ Le site web pour le Groupe d’experts intergouvernemental sur
l’évolution du climat, une agence promue par les Nations-Unies pour “analyser les
informations scientifiques, techniques et socio-économiques pertinentes pour la
compréhension des risques de changement climatique causées par les activités humaines”.
Leur site comprends des rapports faisant le bilan détaillé des relations entre les activités
humaines et l’évolution du climat.
3. http://climate.wri.org/ La page sur le climat et l’atmosphère du site web du World
Resource Institute. Le site comprend plusieurs articles et des études de cas, notamment
les présentations de recherche sur les mécanismes de développement propre.
4. http://www.unfccc.de/ Page d’accueil de la Convention-cadre des Nations-Unies sur
les changements climatiques. Le site fournit des données sur les questions relatives au
changement climatique et des informations sur les processus de négociations en cours sur
les accords internationaux concernant le changement climatique.
5. http://www.weathervane.rff.org/ Un site web soutenu par Resources for the Future et
dédié aux question relatives au changement climatique. Le site comprend plusieurs
articles de recherche sur le marché de permis à émettre des gaz à effet de serre.
65
Téléchargement