Le boson de Higgs, à l’origine des masses élémentaires. Les briques élémentaires ? Il y a deux types de particules élémentaires, les fermions et les bosons (du nom des physiciens Fermi et Bose). Les fermions sont des individualistes farouches qui détestent la proximité de leurs semblables. Les grégaires bosons, au contraire, adorent se retrouver ensemble au même endroit. Les fermions. L’essentiel de la matière que nous connaissons est faite de fermions. C’est leur qualité individualiste qui fait que les corps solides nous résistent, que les gaz comprimés sont sous pression etc. Les principaux fermions sont les électrons et les quarks (briques élémentaires). Les protons et neutrons sont des fermions formés de 3 quarks de deux types différents (up et down). Il existe aussi un fermion analogue à l’électron mais qui n’a pas de charge électrique, le neutrino qui a eu les honneurs de la presse il y a peu (on a cru quelque temps que les neutrinos pouvaient aller plus vite que la lumière). Electrons et neutrinos ayant une faible masse sont appelés leptons. Les assemblages de quarks (il n’existe pas de quark isolé) sont des hadrons. Les protons et neutrons appartiennent à cette famille. A chaque particule correspond aussi une antiparticule. Ces antiparticules ne sont généralement pas présentes dans notre environnement. Dans des expériences de physique de très hautes énergies, on a aussi mis en évidence deux autres familles d’électrons (les muons, et les particules tau), deux de neutrinos et 4 types de quarks supplémentaires. Nous n’en parlerons plus. Les forces et interactions. Des forces s’exercent entre ces fermions. La plus connue est l’interaction électromagnétique, à l’origine des champs électriques et magnétiques, qui s’exerce entre deux particules chargées (électrons ou quarks). Les quarks qui forment les protons et neutrons sont liés ensemble de façon indissoluble par l’interaction forte. Enfin la seule interaction agissant sur le neutrino (et aussi sur les autres fermions) est l’interaction faible. Interactions et bosons. La relativité d’Einstein exige que les interactions se propagent à une vitesse au plus égale à celle de la lumière. La physique moderne suppose que les interactions sont, en fait, des échanges de bosons. Toujours selon la relativité, une particule est caractérisée par une masse (dite propre) et de l’énergie cinétique. Si sa masse propre n’est pas nulle, il faudrait une énergie infinie pour donner à une particule la vitesse de la lumière. Autrement dit, si l’interaction se propage à la vitesse de la lumière, les particules échangées ont une masse nulle. Pour l’interaction électromagnétique, les bosons échangés sont les photons. Ils ont une masse nulle. Une particule de masse nulle ne peut se désintégrer et a donc une durée de vie infinie et une portée infinie. Elle ne peut disparaître que par une interaction avec une autre particule. C’est la durée de vie infinie des photons qui leur permet de nous provenir du fin fond de l’univers. Pour l’interaction forte entre les quarks, ce sont les gluons qui portent l’interaction. Les gluons aussi ont une masse nulle et se propagent à la vitesse de la lumière dans les protons et neutrons. La masse des protons et neutrons provient, essentiellement, de l’énergie de ces mêmes gluons. L’interaction entre les gluons et les quarks est si forte qu’il ne peuvent sortir des protons ou neutrons. Par contre, la très courte portée de l’interaction faible ne peut s’expliquer que par un échange de bosons de grande masse, qui peuvent donc se désintégrer, d’autant plus vite que leur masse est grande. D’où vient cette masse ? C’est pour répondre à cette question que fut inventé le mécanisme de Higgs (un physicien écossais qui le proposa, avec quelques autres collègues) : le boson porteur de l’interaction faible acquiert une masse par sa propagation dans un « vide » plein de « bosons de Higgs ». Une analogie Pour essayer de comprendre comment un tel mécanisme peut produire de la masse, on peut s’inspirer de ce qui se passe quand la lumière passe de l’air à l’eau. La vitesse de la lumière dans l’eau est inférieure à sa valeur dans le vide (ou l’air). Cette différence de vitesse donne lieu aux phénomènes de diffraction. Le fait que la vitesse de la lumière dans l’eau est inférieure à sa valeur dans le vide est dû à des interactions avec les molécules de l’eau : entre deux interactions avec une molécule d’eau le photon a bien la vitesse de la lumière dans le vide, mais son interaction avec une molécule le « retarde » ; ainsi, pour l’observateur, le photon a une vitesse inférieure à celle de la lumière dans le vide. L’énergie totale (masse au repos+énergie cinétique) de ces photons n’est pas changée mais leur énergie cinétique est diminuée puisque leur vitesse l’est. Il faut donc que les photons acquièrent une masse (on dit souvent une masse effective). Les bosons de l’interaction faible acquièrent donc des masses en interagissant avec des bosons de Higgs qui remplissent le vide. Un mécanisme analogue est responsable de la masse des quarks et des leptons. Avec le mécanisme de Higgs, ce sont les bosons de Higgs qui font que le monde n’est pas une simple boule de lumière ou d’énergie cinétique. La chasse au Higgs La chasse au boson de Higgs a mobilisé des moyens humains et matériels considérables : accélérateur LHC du CERN ayant une longueur de 27 km et mobilisant la plus grande quantité d’aimants supraconducteurs jamais réunis. Détecteurs géants, hauts de 8 étages, ATLAS (les physiciens grenoblois ont eu un rôle éminent dans sa réalisation) et CMS. Puissance informatique record mettant sur le même réseau des centaines de puissants ordinateurs Calculs en ligne très rapides pour sélectionner beaucoup moins qu’une aiguille dans beaucoup plus qu’une botte de foin. Et, finalement, la chasse a été fructueuse : comment sait-on que le boson de Higgs a bien été détectée ? Toutes les techniques de la physique ont été portées à leurs limites dans cette extraordinaire aventure collective. Venez écouter des participants à l’aventure au café des Sciences de Vizille