UN MODELE MONTE-CARLO D’AEROSOLS MARTIENS POUR L’ANALYSE DES DONNEES OMEGA/MARS EXPRESS
M. Vincendon1, Y. Langevin1, F. Poulet1, J.P. Bibring1, B. Gondet1, B. Schmitt
2, S. Douté2 et l’équipe OMEGA. 1Institut d’Astrophysique
Spatiale, CNRS/Université Paris sud, Orsay, France, mathieu.vincendon@ias.u-psud.fr. 2LPG, UMR/CNRS Université Joseph Fourier,
Grenoble, France
Introduction: L’arrivée en orbite martienne fin 2003 de
l’imageur spectral OMEGA, à bord de la sonde européenne Mars
Express, permet pour la première fois d’observer Mars à haute
résolution dans l’infrarouge proche (1µm 5µm) [1, 2]. Dans ce
domaine les aérosols présents dans l’atmosphère martienne affec-
tent sensiblement le signal provenant de la surface lors de sa
mesure par télédétection [3]. Nous avons développé un modèle
d’aérosols de type Monte-Carlo qui peut être utilisé à toutes
profondeurs optiques. Ce modèle permet de séparer les contribu-
tions respectives des aérosols et de la surface lorsque plusieurs
observations successives sont disponibles avec différentes géomé-
tries d’observation. Nous présentons ici deux applications de ce
modèle : l’étude de la calotte Nord de Mars à l’aide d’observations
en pointage nadir à différentes incidences solaires [4], et l’étude
d’une observation « spot pointing » d’un même endroit avec
différentes émergences.
Un modèle Monte-Carlo d’aérosols: Le modèle simule le
trajet de photons dans une couche de particules, et entre cette
couche et la surface, par comparaison entre des nombres aléatoires
et les probabilités des différents événements possibles. La couche
d’aérosols est caractérisée à chaque longueur d’onde par sa pro-
fondeur optique τ, l’albédo de simple diffusion des aérosols ( ω,
rapport entre la quantité de photons diffusés et la quantité de
photons qui interagissent) et la fonction de phase des aérosols.
Nous limitons dans un premier temps notre étude au domaine
[1µm 2.5µm] la fonction de phase peut être supposée cons-
tante et représentée par une fonction de Henyey-Greenstein de
paramètre d’asymétrie g=0.63 [5]. L’albédo de simple diffusion a
été déterminé à partir d’un orage local de poussière observé par
OMEGA, et varie sur notre domaine de longueur d’onde entre
0.97 et 0.976. La surface est supposée lambertienne d’albedo AL.
La simulation du trajet d’un photon dépend donc de 3 paramètres :
l’incidence solaire, la profondeur optique et l’albedo de surface.
Pour un jeu de paramètres donné on obtient en simulant le trajet
d’un grand nombre de photons (typiquement 106-107) la distribu-
tion des photons en fonction de la direction d’émergence, ce qui
permet de modéliser la réflectance mesurée par la sonde selon la
géométrie d’observation. Cette procédure appliquée aux différen-
tes configurations de paramètres possibles fournie des tables de
reflectances observées. Chaque observation (dans une configura-
tion géométrique donnée) sera alors caractérisée par deux paramè -
tres : la profondeur optique τ et l’albédo de surface AL. Pour
obtenir le couple de solutions uniques (AL, τ) qui décrit une
observation il faut posséder au moins deux observations de la
même surface, et de la même couche d’aérosols, dans des condi-
tions géométriques différentes.
Application à la calotte Nord: La calotte permanente située
au pôle Nord de Mars est constituée de glace d’eau contaminée
par de la poussière [6]. OMEGA permet d’étudier la calotte et son
interaction avec l’atmosphère dans l’infrarouge proche de
nombreuses bandes caractéristiques de la glace sont présentes, ce
qui apporte de nouvelles contraintes observationnelles sur
l’évolution climatique de Mars [7].
Figure 1 : Cratère situé à 77°N, 90°E (diamètre : 30 km) à
LS=118°. Gauche : réflectance à 1.08µm. Droite : profondeur de
la bande de glace d’eau à 1.5µm.
Nous avons étudié l’influence des aérosols sur l’analyse de la
glace d’eau de surface présente à l’intérieur d’un cratère de la
calotte Nord (Fig. 1) pendant le début de l'été (LS=96°-118°) [4].
Cette zone a été précédemment observée par d'autres chercheurs
[8] qui ont attribué l’éclaircissement dans le visible de certaines
régions à l’apparition de petits grains de givre. L'évolution proche
infrarouge du spectre de glace dans cette zone indique au contraire
que le givre saisonnier se sublime à cette époque ( Fig. 4) [7].
L’augmentation de l’albédo dans le continu, lié à un approfondis-
sement des bandes d’absorption, traduit en fait une diminution de
la contamination en poussière de la glace [4, 7]. Cette évolution
s'accompagne d'une diminution de la quantité de poussière pré-
sente dans l’atmosphère : la réflectance mesurée au dessus des
terrains sombres sans glace décroît (de 15% à 10% à 1µm) en
raison de la baisse de la composante diffusée par les aérosols (Fig.
2).
Figure 2 : Variation de la réflectance avec la longitude solaire
LS au dessus d’un terrain sombre (incidence ~ 55°). La diminu-
tion de la réflectance est due à une diminution de la profondeur
optique d’aérosols
τ.
Il est donc nécessaire de quantifier cette diminution de la profon-
deur optique des aérosols pour pouvoir conclure sur l'évolution de
la surface. Nous avons utilisé pour cela les observations successi-
ves à différentes incidences disponibles à LS=118° (Fig. 3).
UN MODELE MONTE-CARLO D’AEROSOLS MARTIENS M. Vincendon et al.
Figure 3 : Variation de la réflectance avec l’incidence i au
dessus des terrains sombres entourant le cratère à LS=118° et
obtention du spectre de surface (pointillés).
Ces observations sont proches dans le temps (<0.8° de LS), ce qui
permet de supposer que l’on observe la même couche d’aérosols
(τ) et la même surface (AL). Le trajet des photons incidents dans la
couche d’aérosols est multiplié par 3 entre i=55° et i=79° :
l’augmentation de la réflectance au dessus des terrains sombres
(+50%) est alors suffisante pour estimer précisément la profon-
deur optique d’aérosols (τ(1µm)=0.28, τ(2.5µm)=0.11) et le
spectre de surface (Fig. 3). La diminution dans le temps de la
profondeur optique d’aérosols est ensuite quantifiée en observant
un surface sombre sans glace supposée ne pas évoluer : les varia-
tions apparentes de réflectance sont dues à des variations de la
profondeur optique (Fig. 2). On peut alors corriger les spectres de
la glace et obtenir l’évolution propre à la surface (Fig. 4).
Figure 4 : Variation du spectre de glace (centre du cratère)
corrigé des aérosols (traits pleins). Les observations avant cor-
rection sont indiquées en pointillés.
L’analyse de ces spectres corrigés confirme l’hypothèse d’un
processus de nettoyage de la glace au début de l’été dans les
régions périphériques de la calotte Nord [4, 7].
Sequence « spot pointing »: L’observation d’une même
surface avec différentes émergences lors d’un passage de la sonde
permet également de retrouver la quantité d’aérosols (τ) et
l’albédo de surface (A
L). Ce mode sera utilisé de manière régulière
par l’instrument CRISM sur la sonde MRO en vue de s’affranchir
de l’effet des aérosols [9]. L’observation réalisée par OMEGA au
dessus de Terra Meridiani (cube 2610_0, Fig. 5) s’explique à
1.08µm par une surface d’albédo 0.17 et une profondeur optique
de 0.55. Ce résultat est cohérent avec la gamme d’épaisseurs
optiques mesurées par l’instrument Pancam du Rover Opportunity
à 0.88µm (τ = 0.5 – 0.9) [10].
Figure 5 : Observation en mode « spot pointing » d’une sur-
face sombre près de Terra Meridiani. Les reflectances à 1.08µm
observées (noir) au dessus d’une même surface avec différentes
géométries d’observations sont reproduites (étoiles rouges) si l’on
suppose une surface d’albédo 0.17 et une profondeur optique de
0.55.
Conclusions: Le modèle d’aérosols que nous avons déve-
loppé permet d’obtenir le spectre de surface à partir
d’observations OMEGA successives obtenues dans des conditions
géométriques d’éclairement ou d’observation différentes.
L’utilisation de tables de profondeurs optiques moyennes mesu-
rées par d’autres instruments peut permettre la correction des
spectres OMEGA lorsque de telles observations ne sont pas
disponibles. Ce modèle pourra également être utilisé pour
l’analyse des données CRISM/MRO acquises en mode « spot
pointing ».
Références: [1] Bibring et al. (2004), Nature 428, 627-630.
[2] Bibring et al. (2005), Science 307, 1576-1581. [3] Erard S. et
al. (1994), Icarus 111, 317-337. [4] Vincendon et al. (2006), LPS
XXXVII, 1769. [5] Ockert-Bell M. E. et al. (1997), J. Geophys.
Res. 102, 9039-9050. [6] Kieffer H.H. et al. (1976), Science 194,
1341-1343. [7] Langevin Y. et al. (2005), Science 307, 1581-1584.
[8] Bass D. S. et al. (2000), Icarus 144, 282. [9] McGuire P.C. et
al. (2006), LPS XXXVII, 1529. [10] Lemmon M.T. et al. (2004),
Science 306, 1753-1756.
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