Les premiers résultats du LHC
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faible et huit gluons pour l’interaction forte. Les parti-
cules et les symboles utilisés pour les représenter sont
donnés dans la figure 1. Un dernier élément vient complé-
ter le contenu en particules du Modèle Standard, il s’agit
du boson de Higgs, qui est un boson neutre scalaire (de
spin 0). Son existence est prédite par le mécanisme de
brisure de la symétrie électrofaible introduit en 1964 par
les physiciens Brout, Englert et Higgs pour expliquer
Les premiers résultats du LHC
Article proposé par :
Didier Contardo, [email protected]
Institut de physique nucléaire de Lyon, Univ. Lyon 1/CNRS, Villeurbanne
Fabienne Ledroit, [email protected]
Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie, Univ. Grenoble 1/CNRS/INP Grenoble, Grenoble
Deux ans après son démarrage, le plus grand collisionneur de particules du monde apporte de nouveaux
éléments de réponse à des questions fondamentales encore non résolues, telles que « quelle est l’origine
de la masse des particules ? ». Nous exposons ici les conclusions les plus marquantes d’une première moisson
de résultats obtenus par les expériences ATLAS et CMS.
La physique des particules, encore appelée physique
des hautes énergies, est l’étude des constituants élé-
mentaires de la matière et de leurs interactions fon-
damentales. Dans ce domaine, l’outil expérimental
principal est le collisionneur de particules, qui permet de
produire des particules à volonté et à des énergies choi-
sies. Le Large Hadron Collider (LHC) du CERN est la plus
récente et la plus puissante de ces machines. Parallèle-
ment à la recherche expérimentale, la description théo-
rique des interactions fondamentales a longtemps
représenté un défi pour les physiciens, jusque vers 1970, à
la percée de ce que l’on appelle aujourd’hui le Modèle
Standard de la physique des particules. La découverte
d’une connection entre géométrie et dynamique, via l’in-
troduction des symétries de jauge locales, a permis une
compréhension unifiée des trois interactions fondamen-
tales électromagnétique, faible et forte. Ces symétries
conservent les équations du mouvement sous des trans-
formations dont les paramètres dépendent du point de
l’espace-temps où elles sont appliquées (voir l’article de
J. Iliopoulos dans Images de la Physique 2005). En pratique,
le Modèle Standard est basé sur le groupe de symétrie
U(1) SU(2) SU(3), les deux premiers groupes décri-
vant les interactions électromagnétique et faible, unifiées
en une interaction « électrofaible », le dernier l’interaction
forte. Dans le cadre de cette théorie, la matière est compo-
sée de trois familles de fermions, c’est-à-dire six quarks et
six leptons, ainsi que leurs anti-particules.
Leurs interactions se font par l’intermédiaire de
l’échange de bosons vecteurs (de spin 1), dits bosons de
jauge, qui sont au nombre de douze : le photon pour l’in-
teraction électromagnétique, les Z et W± pour l’inter action
quark up
3 familles de fermions bosons de jauge
u
quark charm
c
quark top
t
gluons
0
g
quark down
d
quark strange
s
quark bottom
b
photon
0
γ
neutrino e
0000
νe
neutrino µ
νµ
neutrino τ
ντ
boson Z
Z
électron
-1 -1 -1 ±1
e
muon
µ
tau
τ
bosons W
W
Higgs
0
H
Figure 1 Les particules du Modèle Standard. La première ligne de chaque
cellule donne le nom de la particule, la deuxième ligne indique son symbole
(en rouge) et la troisième ligne sa charge électrique (en vert). Les fermions
possèdent chacun une anti-particule et sont classés en deux catégories :
les quarks, qui s’assemblent en hadrons, états liés de trois quarks (appelés
baryons) ou d’un quark et d’un antiquark (appelés mésons) ; et les leptons
(neutrinos, électron, muon et tau).
Les premiers résultats du LHC
45
la masse non nulle des bosons Z et W±.
C’est aussi le couplage du boson de Higgs
aux fermions (quarks et leptons) qui leur
confère une masse.
La situation avant le démarrage du LHC
était la sui vante : toutes les particules du
Modèle Standard ont été observées, sauf le
boson de Higgs. De plus, toutes les mesures
effectuées jusqu’ici, extrêmement précises
pour certaines, confirment la pertinence du
Modèle Standard. Le boson de Higgs est
donc la dernière pièce du puzzle et sa décou-
verte est nécessaire pour le valider définitive-
ment. Sa masse est le seul des 19 paramètres
du Modèle Standard qui demeure indéter-
miné, même si les recherches directes aux
collisionneurs précédents ont imposé des
contraintes sur sa valeur : le LEP1 a exclu une
masse inférieure à 114 GeV/c2 et le Tevatron2
a exclu les valeurs de masse situées entre 156
et 177 GeV/c2.
Malgré ce succès quasi complet, le Modèle Standard
laisse plusieurs questions sans réponse. Par exemple, la
description unifiée de trois interactions ne signifie pas
pour autant que celles-ci aient une même origine : leurs
intensités restent trois paramètres indépendants. Un
schéma théorique connu sous le nom de « Théories de
Grande Unification » (TGU) permet d’obtenir la conver-
gence des trois intensités à très haute énergie, tout en
conservant le Modèle Standard aux énergies déjà testées.
Une autre théorie, la supersymétrie, permet également
cette convergence ; nous y reviendrons plus loin. Cette
démarche d’unification des interactions ne s’arrête pas là,
puisque des tentatives pour unifier la gravitation aux trois
autres interactions existent également, en particulier avec
la théorie des cordes, qui dépasse le cadre de cet article
(voir l’article de C. Bachas dans Images de la Physique
2010 ; voir aussi La gravitation quantique par C. Rovelli,
dans ce numéro). Ceci est illustré sur la figure 2 ; dans la
partie gauche du schéma, on voit que l’unification des
forces est un processus qui a déjà fait ses preuves dans
le passé, par exemple avec la gravitation universelle de
Newton unifiant les gravitations céleste de Kepler et
terrestre de Galilée. Dans la partie droite du schéma,
l’unification est encore spéculative et s’opérerait à des
échelles d’énergie de plus en plus grandes.
Le LHC et les détecteurs qui enregistrent les collisions
qu’il produit sont donc conçus avant tout pour détecter le
boson de Higgs. Avec son énergie inégalée, le LHC doit
aussi nous permettre de répondre aux questions laissées
ouvertes par le Modèle Standard, et de valider – ou non –
la prochaine étape de l’unification.
1. Le LEP était un collisionneur d’électrons et positrons situé à l’empla-
cement actuel du LHC.
2. Le Tevatron était un collisionneur de protons et anti-protons situé aux
environs de Chicago.
Quatre détecteurs principaux sont installés aux points
de collisions du LHC : ALICE, LHCb, ATLAS et CMS. Les
deux premiers sont conçus pour étudier des sujets de
physique spécifiques, respectivement l’équation d’état de
la matière primordiale avec des faisceaux d’ions lourds et
la production de quarks b avec des protons. Par opposi-
tion, ATLAS et CMS sont dits généralistes car capables
d’aborder les sujets précédents tout en étant optimisés
pour la recherche de phénomènes nouveaux. Seuls les
résultats obtenus par ATLAS et CMS sont abordés ici.
Le LHC et ses détecteurs
Le LHC est un collisionneur de protons qui a été conçu
pour utiliser les infrastructures existantes du CERN, en
particulier la chaîne de pré-accélération de faisceaux et le
tunnel du précédent collisionneur (LEP). L’utilisation de
deux faisceaux de protons circulant en sens contraires
permet de lever les limitations rencontrées au LEP et au
Tevatron ; en effet au LEP, l’énergie des faisceaux était
limitée par le rayonnement de freinage des électrons (la
perte d’énergie par tour est inversement proportionnelle
au carré de la masse de la particule accélérée), tandis que
l’intensité du faisceau d’antiparticules constituait le facteur
limitant au Tevatron. Ainsi, au LHC l’énergie atteindra 7
TeV par faisceau avec une luminosité nominale de colli-
sions de 1034 Hz/cm2, soit environ 1 et 2 ordres de gran-
deur de plus que les valeurs atteintes au Tevatron. Le choix
de particules de même charge circulant en sens inverse
implique en revanche un concept de deux accélérateurs en
un, avec des dipôles magnétiques à double bobine
produisant des champs opposés pour courber la trajectoire
des faisceaux dans la même direction. Le développement
de ces dipôles supraconducteurs, opérant à 8,3 tesla, a été
l’un des principaux défis technologiques du LHC.
Gravité céleste
Gravité terrestre
Magnétique
Électrique
Faible
Nucléaire
Classique Relativiste / quantique
Interaction
Théorie
Gravitation universelle
Gravité
quantique
Cordes
?
?
Newton (XVIIe), Einstein (XXe)
Kepler (XVIIe)
Galilée (XVIIe)
Maxwell (XIXe)
Fermi (XXe)
Rutherford (début XXe)
Électromagnétisme
Électrofaible
Forte
Modèle
standard SUSY,
Grande unification ?
Figure 2 L’unification des interactions.
Physique corpusculaire Les premiers résultats du LHC
46
Encadré 1
ATLAS est organisé autour d’un solénoïde central
complété par des toroïdes ; CMS est équipé d’un seul solé-
noïde compact à plus fort champ.
Les performances des détecteurs pour les deux
premières années de prise de données sont remarqua-
bles : la fraction de canaux opérationnels est comprise
entre 96 % et 100 % suivant les sous-détecteurs, et les
résolutions atteintes, en cours d’optimisation, sont déjà
proches des valeurs nominales. La prise de données fonc-
tionne également de façon extrêmement satisfaisante,
avec une efficacité d’environ 95 %. Quelques caractéris-
tiques essentielles des détecteurs ATLAS et CMS, ainsi
que les étapes majeures amenant aux résultats de
physique, sont résumées dans les encadrés 2 et 3.
La re-découverte
du Modèle Standard
La re-découverte des processus connus du Modèle
Standard est une étape indispensable puisqu’elle permet
de valider la chaîne complète de mesure et d’analyse.
L’ensemble des processus de production de hadrons
chargés, de mésons lourds, de jets4, de photons, de bosons
W/Z, puis de quarks top et de paires de bosons a été étudié
dès 2010, donnant lieu à plus d’une cinquantaine de
publications ATLAS et CMS confondues. Un accord
remarquable entre théorie et expérience a rapidement été
démontré comme cela est illustré dans la figure 3.
Au LHC, ce sont les partons (quarks et gluons) consti-
tuants des protons qui interagissent lors des collisions.
Le calcul des sections efficaces de production des phéno-
mènes observés demande donc la connaissance de leur
fonction de densité à l’intérieur du proton. Avec les
4. Un jet est une bouffée de particules produite par la transformation en
hadrons des quarks et des gluons.
La construction de l’accélérateur a été approuvée en
1994 et il est entré en fonctionnement à l’automne 2008.
Un incident provoqué par la défaillance d’une soudure d’un
câble supraconducteur a retardé le programme d’un an et
conduit à limiter le courant dans les dipôles, pour une
première période de prise de données débutée en mars 2010
et qui se prolongera jusqu’à la fin de l’année 2012. L’énergie
de fonctionnement actuelle est de 3,5 TeV par faisceau (soit
une énergie dans le centre de masse s=7TeV) et la lumi-
nosité de collisions croît régulièrement avec les progrès
effectués dans la compréhension de l’ensemble du
complexe d’accélération. Jusqu’ici la plus haute luminosité
instantanée atteinte est de 3,5 × 1033 Hz/cm avec des
croisements de faisceaux toutes les 50 ns, produisant
chacun en moyenne 17 interactions. Pour un processus de
physique donné, le nombre d’événements observés est
déterminé par le produit de sa section efficace (probabilité)
de production avec la luminosité de collision intégrée au
cours du temps et l’efficacité de détection. Dans la suite de
cet article, les sections efficaces sont exprimées en picobarn
(pb) ou femtobarn3 (fb) et la luminosité intégrée en temps
est exprimée par l’inverse de ces unités.
Les détecteurs ATLAS et CMS sont tous deux consti-
tués d’un ensemble de couches de détection, successive-
ment adaptées aux modes d’interactions principaux des
différents types de particules à mesurer. Elles sont répar-
ties cylindriquement dans une zone centrale (tonneau) et
en disques (bouchons) pour la fermeture de l’angle solide.
Les détecteurs sont baignés dans un champ magnétique
pour la mesure de l’impulsion des particules chargées.
Les technologies utilisées par ATLAS et CMS sont complé-
mentaires et leur configuration est déterminée par le
choix des aimants qui délivrent ce champ magnétique :
3. 1 fb = 10–39 cm2.
Quelques caractéristiques
nominales du LHC
Le LHC est situé dans un tunnel de 27 km de circon-
férence enterré entre 50 m et 175 m de profondeur. Il
comporte 1 232 dipôles supraconducteurs, refroidis à
1,9 K avec de l’hélium superfluide, et traversés par un
courant de 11 850 A pour produire un champ magné-
tique de 8,3 tesla. Le vide dans les tubes de faisceaux
atteint 10–10 torr.
Les faisceaux sont constitués au maximum de
2 808 paquets de protons ( 1011 par paquet) de quelques
centimètres de long et d’une quinzaine de microns de
diamètre aux points de croisement au centre des détec-
teurs. L’énergie totale de chaque faisceau de protons est
de 362 mégajoules et la puissance électrique consommée
est de 120 MW.
Le LHC est aussi capable d’accélérer des ions de
plomb à 2,76 TeV et de les faire entrer en collision avec
une luminosité de 1027 Hz/cm2.
Section efficace de production
σ
tot [pb]
10–1
1
10
102
103
104
105
W
1j
3j
4j
4j
3j
2j
1j
2j
Z
> 30 GeV
jet
T
E
| < 2.4
jet
η|
Wγ
> 10 GeV
γ
T
E
,l) > 0.7γR(
Zγ
WW
WZ
ZZ
ZZ
H(140)
36 pb–1 36 pb–1 1.1 fb–1 1.7 fb–1
Prédiction théorique
Mesure CMS (stat
syst)
Limite CMS à 95 % de confiance
CMS
Figure 3 Sections efficaces de production des processus impliquant la
présence de bosons W/Z, mesurées par CMS, et comparaison aux prévisions
théoriques du Modèle Standard. La notation nj est utilisée pour indiquer le
nombre de jets4 accompagnant la production des bosons W/Z. La dernière
colonne montre la prévision de section efficace pour un boson de Higgs de
140 GeV/c2 qui se désintégrerait en ZZ et la limite mesurée à 95 % de niveau
de confiance.
Physique corpusculaire Les premiers résultats du LHC
47
Encadré 2
La dernière pièce du puzzle :
le boson de Higgs-Englert-Brout
La recherche directe du boson de Higgs s’effectue par
l’intermédiaire de ses modes de désintégration dont les
rapports d’embranchement sont entièrement prédits. De
manière générale, la détermination des canaux les plus
prometteurs fait appel à une simulation complète des topo-
logies finales à mesurer, où sont pris en compte les sections
efficaces des différents processus de production (figure 5) et
données actuelles, la précision des mesures approche déjà
les incertitudes théoriques et il est possible de commencer
à contraindre les valeurs de ces fonctions de densité, ainsi
que d’améliorer le calcul à des ordres élevés des proces-
sus de production du Modèle Standard. L’analyse combi-
née de l’ensemble des données de production de bosons
vecteurs (W/Z) et des quarks top conduira à terme à une
meilleure prévision des sections efficaces, et potentielle-
ment à la mise en évidence de déviations expérimentales
qui pourraient être significatives de processus physiques
non prédits par le Modèle Standard.
Quelques caractéristiques dATLAS et CMS
Une particule rencontre depuis le point d’interaction :
le trajectographe, composé de détecteurs silicium à
pixels puis à micropistes. Il fournit la mesure de l’impulsion
des particules chargées la plus précise : typiquement de 1 à
10 % pour des particules de 1 à 103 GeV/c. Il permet aussi
d’identifier le point d’interaction des protons et les points de
désintégration des particules avec une précision de quelques
dizaines de microns.
le calorimètre électromagnétique, utilisé pour l’identi-
fication et la mesure d’énergie totale des électrons et des
photons, est constitué d’une alternance de couches d’absor-
bant en plomb et d’argon liquide dans ATLAS, et de cristaux
de tungstate de plomb dans CMS. Les résolutions en énergie
ultimes sont de 10(3)%/ )07(03)%E(GeV +,, pour ATLAS
(CMS).
le calorimètre hadronique, pour la mesure d’énergie
totale des hadrons, est constitué de couches de fer et scin-
tillateurs (tonneau) et de cuivre et argon liquide (bouchons)
dans ATLAS ; de couches de laiton et de scintillateurs dans
CMS. Les résolutions en énergie attendues sont de
50(100)%/ )3(5)%E(GeV +
pour ATLAS (CMS).
les détecteurs de muons (seules particules traversant
tous les détecteurs précédents) sont constitués de chambres
à gaz de trois types, similaires dans ATLAS et CMS : les
tubes à migration, les chambres à pistes de cathode et les
chambres à plaques résistives. La résolution pour un aligne-
ment parfait est de 10 % pour des impulsions transverses1
de l’ordre du TeV/c.
Le solénoïde dATLAS génère un champ magnétique de
2 tesla ; ses toroïdes dans le tonneau (et les bouchons) pro-
duisent un champ moyen de 0,5 tesla (et 1 tesla). Le champ
du solénoïde de CMS est de 3,8 tesla (et de 1,8 tesla dans les
entrefers de retour du champ à l’extérieur de la bobine). Le
plus faible pouvoir de courbure de ATLAS est compensé par
la plus grande distance parcourue par les muons dans le
champ magnétique.
1. Dans un collisionneur de hadrons, qui ne sont pas des particules
élémentaires, l’énergie de la collision est inconnue. Le bilan des
impulsions est impossible à réaliser dans la direction longitudi-
nale car les restes des hadrons n’ayant pas interagi s’échappent
indétectés dans le tube à vide. La quantité intéressante, car cor-
rectement mesurable, est donc l’impulsion transverse.
1 m 2 m 3 m
4 m 5 m
6
m7
m0 m
2T
4T
Légende : Électron
Hadron chargé (ex. Pion)
Muon
Photon
Hadron neutre (ex. Neutron)
Trajectographe
au silicium
Calorimètre
électromagnetique
Calorimètre
hadronique Solénoïde
supraconducteur Culasse de retour de l’aimant
avec des chambres à muons
Y
Z
X
Y
Figure E1 Vues longitudinale et transverse de CMS ; le parcours de mesure des différents types de particules est schématisé à droite dans la vue agrandie
d’une section transverse
Physique corpusculaire Les premiers résultats du LHC
48
Encadré 3 Du détecteur à l’analyse finale
La mise en œuvre des détecteurs
Les détecteurs comportent environ 80 millions de
canaux ; leurs conditions de fonctionnement sont réglées
souvent individuellement, et ils sont synchronisés avec une
précision de l’ordre de la nanoseconde. Ces paramètres étant
ajustés, la réponse de chaque canal doit être calibrée et la
position de chaque élément de détection doit être détermi-
née avec une précision qui atteint une dizaine de microns
pour les détecteurs les plus proches du point d’interaction.
Pour une prise de données optimale, les performances des
détecteurs sont surveillées en permanence et l’ensemble des
paramètres de fonctionnement est ajusté en fonction de
l’évolution des conditions de faisceaux et de l’état des
détecteurs.
La reconstruction des données
Les données enregistrées sont ensuite reconstruites pour
remonter à la description complète d’un événement tel qu’il
a été généré à l’origine lors de la collision des protons. Cette
étape est réalisée par un ensemble de procédures informa-
tiques adaptées à chaque type de particules produites en
combinant au mieux les informations des différents sous-
détecteurs. Sont ainsi reconstruits : les leptons (électrons,
muons, taus) ; les photons ; les jets (bouffées de particules
produites par la transformation en hadrons des quarks et des
gluons) ; l’énergie transverse manquante, associée aux parti-
cules neutres sensibles uniquement à l’interaction faible
(neutrinos ou nouvelles particules). Un exemple d’événe-
ment reconstruit est présenté dans la figure E2.
L’analyse de physique
Les particules produites dans les processus de physique
recherchés se désintègrent majoritairement près du point de
collision des faisceaux sans traverser les détecteurs. Leur
masse est reconstruite à partir des caractéristiques cinéma-
tiques de leurs particules filles; elles apparaissent donc géné-
ralement comme une résonance superposée à un bruit de
fond continu, dû à l’existence d’autres processus de physique
ou aux fausses identifications par les détecteurs. De ce fait, la
résolution de mesure est cruciale pour distinguer les réso-
nances (figure E3).
L’analyse finale des données consiste essentiellement
à regrouper les événements par topologies de désintégra-
tion, en optimisant les critères de sélection cinématiques
afin d’obtenir la meilleure signification statistique suivant
le rapport entre le signal et le bruit de fond attendus. Pour
ce faire, l’expérience est entièrement simulée par une pro-
cédure de Monte-Carlo. La comparaison entre les données
réelles et simulées permet dans un premier temps de vali-
der la description logicielle de la géométrie et de la réponse
des détecteurs. La connaissance des processus engen-
drés dans la simulation permet ensuite d’évaluer les effets
d’appareillage (acceptances, efficacités, fausses identifica-
tions) puis de fixer les échelles de calibration absolues des
variables cinématiques. La génération dans la simulation,
pour chaque canal de physique, d’événements de signal
et de ses bruits de fonds propres permet alors d’optimiser
les critères de discrimination. La description des bruits de
fond peut être obtenue à partir des générateurs de physique
ou déduite des données. L’analyse finale met en œuvre des
méthodes sophistiquées dans lesquelles les corrélations
entre les observables sont prises en compte à divers degrés
en utilisant différentes techniques (les réseaux de neurones
par exemple).
Figure E2 Visualisation d’un événement de production de 2 particules
Z, à gauche en coupe transversale et à droite en coupe longitudinale.
Le premier Z se désintègre en 2e (trajectoires vertes) et le second Z
en 2µ qui voyagent plus loin (trajectoires rouges). Les autres traces de
l’événement sont montrées seulement si leur impulsion transverse est
supérieure à 1 GeV/c (en bleu).
Evénements / GeV
Masse des paires de muons GeV/ c2
Z
Y
110 102
1
10
CMS
102
104
105
106
103
s = 7 TeV
Lint = 40 pb–1
η
ρ,ω φ
Ψ
J/Ψ
Figure E3 Distribution en masse des paires de muons, mesurée dans
CMS. Les résonances se désintégrant dans ce canal 2µ apparaissent à
leur masse comme des pics sur un fond continu.
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