Physique corpusculaire Les premiers résultats du LHC
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Encadré 1
ATLAS est organisé autour d’un solénoïde central
complété par des toroïdes ; CMS est équipé d’un seul solé-
noïde compact à plus fort champ.
Les performances des détecteurs pour les deux
premières années de prise de données sont remarqua-
bles : la fraction de canaux opérationnels est comprise
entre 96 % et 100 % suivant les sous-détecteurs, et les
résolutions atteintes, en cours d’optimisation, sont déjà
proches des valeurs nominales. La prise de données fonc-
tionne également de façon extrêmement satisfaisante,
avec une efficacité d’environ 95 %. Quelques caractéris-
tiques essentielles des détecteurs ATLAS et CMS, ainsi
que les étapes majeures amenant aux résultats de
physique, sont résumées dans les encadrés 2 et 3.
La re-découverte
du Modèle Standard
La re-découverte des processus connus du Modèle
Standard est une étape indispensable puisqu’elle permet
de valider la chaîne complète de mesure et d’analyse.
L’ensemble des processus de production de hadrons
chargés, de mésons lourds, de jets4, de photons, de bosons
W/Z, puis de quarks top et de paires de bosons a été étudié
dès 2010, donnant lieu à plus d’une cinquantaine de
publications ATLAS et CMS confondues. Un accord
remarquable entre théorie et expérience a rapidement été
démontré comme cela est illustré dans la figure 3.
Au LHC, ce sont les partons (quarks et gluons) consti-
tuants des protons qui interagissent lors des collisions.
Le calcul des sections efficaces de production des phéno-
mènes observés demande donc la connaissance de leur
fonction de densité à l’intérieur du proton. Avec les
4. Un jet est une bouffée de particules produite par la transformation en
hadrons des quarks et des gluons.
La construction de l’accélérateur a été approuvée en
1994 et il est entré en fonctionnement à l’automne 2008.
Un incident provoqué par la défaillance d’une soudure d’un
câble supraconducteur a retardé le programme d’un an et
conduit à limiter le courant dans les dipôles, pour une
première période de prise de données débutée en mars 2010
et qui se prolongera jusqu’à la fin de l’année 2012. L’énergie
de fonctionnement actuelle est de 3,5 TeV par faisceau (soit
une énergie dans le centre de masse s=7TeV) et la lumi-
nosité de collisions croît régulièrement avec les progrès
effectués dans la compréhension de l’ensemble du
complexe d’accélération. Jusqu’ici la plus haute luminosité
instantanée atteinte est de 3,5 × 1033 Hz/cm avec des
croisements de faisceaux toutes les 50 ns, produisant
chacun en moyenne 17 interactions. Pour un processus de
physique donné, le nombre d’événements observés est
déterminé par le produit de sa section efficace (probabilité)
de production avec la luminosité de collision intégrée au
cours du temps et l’efficacité de détection. Dans la suite de
cet article, les sections efficaces sont exprimées en picobarn
(pb) ou femtobarn3 (fb) et la luminosité intégrée en temps
est exprimée par l’inverse de ces unités.
Les détecteurs ATLAS et CMS sont tous deux consti-
tués d’un ensemble de couches de détection, successive-
ment adaptées aux modes d’interactions principaux des
différents types de particules à mesurer. Elles sont répar-
ties cylindriquement dans une zone centrale (tonneau) et
en disques (bouchons) pour la fermeture de l’angle solide.
Les détecteurs sont baignés dans un champ magnétique
pour la mesure de l’impulsion des particules chargées.
Les technologies utilisées par ATLAS et CMS sont complé-
mentaires et leur configuration est déterminée par le
choix des aimants qui délivrent ce champ magnétique :
3. 1 fb = 10–39 cm2.
Quelques caractéristiques
nominales du LHC
Le LHC est situé dans un tunnel de 27 km de circon-
férence enterré entre 50 m et 175 m de profondeur. Il
comporte 1 232 dipôles supraconducteurs, refroidis à
1,9 K avec de l’hélium superfluide, et traversés par un
courant de 11 850 A pour produire un champ magné-
tique de 8,3 tesla. Le vide dans les tubes de faisceaux
atteint 10–10 torr.
Les faisceaux sont constitués au maximum de
2 808 paquets de protons (∼ 1011 par paquet) de quelques
centimètres de long et d’une quinzaine de microns de
diamètre aux points de croisement au centre des détec-
teurs. L’énergie totale de chaque faisceau de protons est
de 362 mégajoules et la puissance électrique consommée
est de 120 MW.
Le LHC est aussi capable d’accélérer des ions de
plomb à 2,76 TeV et de les faire entrer en collision avec
une luminosité de 1027 Hz/cm2.
Section efficace de production
tot [pb]
10–1
1
10
102
103
104
105
W
≥ 1j
≥ 3j
≥ 4j
≥ 4j
≥ 3j
≥ 2j
≥ 1j
≥ 2j
Z
> 30 GeV
jet
T
E
| < 2.4
jet
η|
Wγ
> 10 GeV
γ
T
E
,l) > 0.7γR(
Zγ
WW
WZ
ZZ
ZZ
→
H(140)
36 pb–1 36 pb–1 1.1 fb–1 1.7 fb–1
Prédiction théorique
Mesure CMS (stat
⊕ syst)
Limite CMS à 95 % de confiance
CMS
Figure 3 – Sections efficaces de production des processus impliquant la
présence de bosons W/Z, mesurées par CMS, et comparaison aux prévisions
théoriques du Modèle Standard. La notation ≥ nj est utilisée pour indiquer le
nombre de jets4 accompagnant la production des bosons W/Z. La dernière
colonne montre la prévision de section efficace pour un boson de Higgs de
140 GeV/c2 qui se désintégrerait en ZZ et la limite mesurée à 95 % de niveau
de confiance.