Technologie appliquée
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SPECTRA ANALYSE n° 249 • Avril - mai 2006
Utilisation des SNP pour l’identifi cation humaine
II – SNP et identifi cation génétique,
atouts et diffi cultés
Dans le domaine de l’identifi cation génétique,
l’engouement pour les SNP ne cesse de croître car
ceux-ci possèdent plusieurs caractéristiques inté-
ressantes pour des applications médico-légales :
1) Les régions d’ADN ciblées pour l’analyse de
SNP sont de petites tailles, ce qui permet l’étude
de molécules d’acides nucléiques fragmentées.
Ceci est particulièrement important en crimina-
listique, domaine dans lequel les preuves biologi-
ques laissées sur les scènes de crimes sont souvent
présentes à l’état de traces et/ou sont dégradées
par des facteurs environnementaux tels que la lu-
mière, la chaleur ou l’humidité. Avec les techni-
ques classiquement utilisées dans les laboratoires
d’identifi cation génétique, l’ADN extrait de ces
traces peut ne fournir qu’une empreinte (ou profi l)
génétique partielle, diffi cilement exploitable ; il en
est de même pour les catastrophes de masses (e.g.
attentat du World Trade Center, Tsunami du Sud
Est Asiatique…) où les restes humains à identifi er
sont souvent fortement altérés.
2) Les SNP sont considérés comme des marqueurs
génétiques stables : ils présentent un taux de mu-
tation bien inférieur à celui des microsatellites ou
STR (Short Tandem Repeats), marqueurs actuelle-
ment utilisés pour établir le profi l génétique d’un
individu. Ce taux moindre de mutations (de l’ordre
de 10-8 contre 10-3) peut constituer un réel avan-
tage dans les tests de parenté où des mutations qui
surviennent sur quelques générations peuvent être
sources de confusions.
3) A la diff érence des STR, l’analyse des SNP n’est
pas fondée sur l’étude du polymorphisme de lon-
gueur de régions de répétitions ce qui la préserve
d’artéfacts liés à des problèmes de « bégaiement »
rencontrés par l’ADN polymérase, l’enzyme impli-
qué dans le processus d’amplifi cation de l’ADN.
4) Les SNP peuvent être étudiés par des techni-
ques d’analyse à haut-débit, ce qui facilite la cons-
titution rapide de base de données intéressant un
très grand nombre d’individus (d’où une grande
fi abilité dans le calcul des fréquences alléliques par
exemple).
5) Lorsque étudiés au niveau du chromosome Y ou
de l’ADN mitochondrial, les SNP permettent d’es-
timer l’origine ethnique de l’individu à la source du
prélèvement ou de l’échantillon étudié.
Toutefois, ces marqueurs présentent également
des inconvénients qui complexifi ent leur utilisa-
tion à des fi ns judiciaires :
1) Pour chaque SNP, il y a logiquement 4 allèles
(ou variants nucléotidiques) possibles, mais le plus
souvent seuls 2 des ces 4 allèles existent réelle-
ment. Leur polymorphisme limité constitue donc
le principal défaut des SNP ; par exemple si l’on ap-
pelle A et B les deux allèles possibles à un site poly-
morphe donné, les individus peuvent être de type
AA, AB ou BB. Ces 3 types ou génotypes peuvent
paraître faibles en comparaison des 20 à 50 géno-
types possibles avec la plupart des STR. Ce poly-
morphisme réduit peut néanmoins être compensé
par l’analyse de nombreux SNP. Il a été démontré
que l’analyse combinée d’une cinquantaine de SNP
doit permettre d’atteindre un pouvoir informatif
équivalent à celui obtenu à l’heure actuelle grâce
aux STR (1).
2) Du fait de la nature biallélique de la majorité des
SNP, il est diffi cile de détecter la présence de deux
ou plusieurs ADN dans un échantillon ; l’analyse
de mélanges d’ADN est donc diffi cile, or ces der-
niers sont très nombreux dans les aff aires crimi-
nelles (e.g. viol : mélange de cellules de l’agresseur
et de la victime ; trace de contact : mélange de plu-
sieurs individus…).
Au cours des dernières années un grand nombre
de techniques de typage des SNP ont été dévelop-
pées, chacune possédant ses propres caractéristi-
ques (pour des revues voir : 2 et 3). Certaines per-
mettent l’analyse d’un petit nombre de marqueurs
sur un grand nombre d’échantillons, d’autres auto-
risent l’analyse d’un grand nombre de marqueurs
sur un petit nombre d’échantillons, un dernier en-
semble s’applique à l’analyse d’un grand nombre de
SNP sur un grand nombre d’échantillons. L’expert
judiciaire travaillant le plus souvent à partir d’un
nombre restreint de prélèvements, l’étude d’un
nombre élevé de marqueurs avec un débit d’ana-
lyse moyen est suffi sante (excepté dans le cadre de
la constitution de bases de données ou de catastro-
phe de masse).
Autre facteur important à considérer : la quantité
d’ADN nécessaire pour établir un génotype. Cer-
taines techniques s’appliquent directement sur
l’ADN génomique, sans réaction d’amplifi cation
préalable, ce qui nécessite une quantité minimum
d’ADN matrice relativement importante. Compte
tenu des faibles quantités d’ADN extraites à par-
tir d’un nombre non négligeable de prélèvements
médico-légaux, le choix d’une technique faisant
intervenir une étape préalable d’amplifi cation par
PCR (Polymerase Chain Reaction) est indispensa-
ble. La possibilité de développer des réactions PCR
multiplexes (permettant l’amplifi cation simulta-
née de plusieurs sites polymorphes) est également
primordiale, non seulement pour des questions de
quantité d’ADN mais également pour augmenter
le pouvoir discriminant de l’analyse.
Figure 1
Les SNP sont des
substitutions,
insertions ou
délétions de
nucléotides qui
surviennent à des
positions uniques
dans le génome.