Résumé
Etna est un cas-type de volcan basaltique montrant un large panel d’éruptions et de type de
coulées de laves, d’une activité strombolienne en passant par des fontaines de laves ainsi que
des éruptions plinienne et sub-plinnienne (Branca and Del Carlo, 2005). Pour cette étude, nous
avons comparé deux éruptions caractérisées par différents types de style éruptif. L’éruption de
1651-53 qui s’est étendue sur une longue période est caractérisée par des volumes de coulées
très larges. Cette éruption a été nourrie par un magma cristallin (46.5 vol %). De larges
phénocristaux de plagioclase atteignant une taille de 2.5cm sont contenus dans ce magma. Ce
type de laves émises pendant le 17ème siècle est localement appelé Cicirara. L’éruption de 2002
était plus courte, seulement quelques mois, et est caractérisée par des violentes explosions
associées à de fortes coulées de lave. Le magma à l’origine de cette éruption volcanique était
moins cristallin (25.6 vol%) et très riches en volatiles (Andronico et al., 2005 ; Spilliaert et al.,
2006). Ces deux éruptions représentent des cas idéaux d’étude à cause de leur différence
pétrographiques et compositionnelles. Le but du projet était de comprendre les mécanismes à
l’origine de ces éruptions à plusieurs niveaux, de la source mantellique aux processus de
surface.
Nous avons échantillonné des morceaux de lave de 1651-53 and 2002 ainsi que des tephras
collectés dans le cône de cendre formé en 2002 afin d’analyser les propriétés du système
volcanique et des variations géochimiques avec le temps. De plus, les propriétés texturales et
physiques des laves et des tephras des deux éruptions (vesicularité, distribution de la taille des
grains et composants volcaniques) ont été comparées aux données géochimiques et
pétrologiques afin d’obtenir des indications précieuses sur les processus du conduit et de la
chambre magmatique et quels effets cela peut avoir sur le style éruptif.
Les Cicirara ainsi que les produits volcaniques émis avant 1974 sont appauvris en K (<2wt%),
en Rb (<40ppm) et en Sr contrairement aux laves récentes qui sont riches en K (>2wt%) et en
Rb (>45ppm). Un modèle de fusion partielle (batch melting model) appliqué pour des degrés
de fusion partielle et des coefficients de partition variables n’est pas suffisant pour expliquer
les variations de concentrations en LREE (Nd, Ce) entre les laves Cicirara et les laves post-
1974. La signature géochimique actuelle de l’Etna peut être le reflet d’un manteau métasomatisé
enrichi en FME et transporté par des fluides liés à la subduction du domaine ionien sous l’arc
orogénique calabrais (Tonarini et al., 2001 ; Viccaro and Cristofolini, 2008). Cette hypothèse
implique une réponse volcanique très rapide au sommet de l’Etna suite à des processus
modifiant la source. Il a fallu deux siècles seulement pour que l’Etna change de signature
géochimique ; liée à une plume mantellique (période Pre-1974) puis à une subduction (Post-
1974) grâce à un apport d’éléments incompatibles issus du recyclage de l’ancienne croûte
océanique dans le manteau. Des simulations MELTS montrent que les textures et la
composition des plagioclases de 1651-53 et de 2002 peuvent être dues à des vitesses de
remontées adiabatiques différentes pour chaque éruption. Les éruptions récentes sont dues à
une remontée rapide d’un magma riche en volatiles. Les plagioclases des Cicirara ont cristallisé
à des conditions sous-saturées en eau et à des températures plus faibles que les plagioclases de
2002. Finalement, les propriétés hétérogènes des scories émises lors de la phase strombolienne
et de la phase « ash rich jet and plume » de 2002 suggèrent un recyclage ainsi qu’un mélange
peu profond de magmas dans le conduit volcanique.