François Quesnay
Il semblerait que le fondateur de cette école soit François Quesnay : il en devient comme le
chef de file incontesté après la publication du Tableau économique en 1758, par lequel il
décrit la circulation des richesses dans l'économie. Les Physiocrates s'appellent entre eux
« Les Économistes ».
Le « Tableau économique » de Quesnay s'inspire de la théorie des cycles de François Véron
Duverger de Forbonnais2 mais plus particulièrement du « zig-zag3 », figure élaborée sous la
plume de deux penseurs, Vincent de Gournay et Richard Cantillon. Ces travaux assez
révolutionnaires pour l'époque anticipent ceux d'Adam Smith en s'intéressant aux sources de
la création de la richesse, mais aussi et surtout à sa répartition via des diagrammes de flux et
de stocks représentant de manière très élaborée le fonctionnement de l'économie : en
particulier, la balance des échanges intérieurs et extérieurs. Le but de ce groupe de marchands
et de grands commis de l'État est de mettre en place des outils qui permettront au roi de
France de mieux mesurer la création et la distribution de richesses et ainsi pouvoir faire de
meilleures lois permettant de prévenir les périodes de disettes (on parlerait aujourd'hui de
« récession »). Cependant, en prenant pour hypothèse que le travail productif est la source de
toute création de richesse (somptuaires aussi bien qu'alimentaires ou primaires), cette analyse
heurtait de plein front les idéaux de l'aristocratie française, pour laquelle le simple fait de
travailler était synonyme de dérogeance ; si un noble consacrait toutes ses journées à travailler
et que cela venait à se savoir, il en perdait son statut, et seule une lettre de réhabilitation du
Roi pouvait le lui restituer.
François Quesnay en habile politique va dans le Tableau économique faire reposer la source
de la richesse non plus sur le travail, mais sur la capacité « miraculeuse » de la terre à
produire de la nourriture à chaque printemps. Il arrivera ainsi à se concilier les bonnes grâces
des rentiers terriens tout en proposant un nouveau système prenant en compte autant que faire
se peut les idées nouvelles et permettant de dépasser le mercantilisme (et le colbertisme) sans
révolutionner la société. Les physiocrates font émerger des principes foncièrement naturalistes
et au fond anti-chrétiens pour leur temps, notamment l'idée selon laquelle les progrès de
l'agriculture permettraient à Adam de se laver du péché originel en n'ayant plus à travailler à
la sueur de son front pour assumer sa subsistance. Ils expriment ainsi des idées, très
souterraines au XVIIIe siècle — et pas uniquement françaises —, selon lesquelles l'homme en
tant qu'individu pourrait avoir accès à l'intégralité du bonheur en tant que créature limitée, et