Un cas rare de muscle biceps brachial à 4 chefs accompagné d’une double perforation par le nerf musculo-cutané T. VASQUEZ, M. RODRIGUEZ-NIEDENFÜHR, I. PARKIN ET J.R. SANUDO Introduction Les variations anatomiques du nerf musculo-cutané ou du muscle biceps brachial sont considérées comme fréquentes [2, 3, 7, 10, 14, 17]. L’existence d’un troisième chef au muscle biceps brachial a été rapportée à l’existence des variations du nerf musculo-cutané ou même à un rameau communicant entre ce dernier et le nerf médian [4, 6, 8, 9, 12, 13, 23]. Cependant, une perforation d’un chef surnuméraire d’un muscle biceps brachial à trois chefs par le nerf musculocutané n’a été trouvée qu’une seule fois dans la littérature que nous avons pu consulter [13]. Nous présentons un cas rare associant un muscle biceps brachial non pas à trois chefs, mais à quatre chefs, associé à une double perforation de l’un des chefs surnuméraires par le nerf musculo-cutané. Description du cas La variation a été trouvée sur le bras droit du cadavre d’une femme de 87 ans au cours d’une dissection de routine réalisée par les étudiants en médecine de l’université de Cambridge sur un échantillon total de 135 cadavres (66 hommes et 69 femmes). Le chef surnuméraire supérieur du muscle biceps brachial naissait de la zone située entre le tubercule mineur et les muscles coraco-brachial et brachial (fig. 1). C’était un fascicule plat, mince, long de 13 cm. Il adoptait un trajet descendant en avant des vaisseaux circonflexes huméraux antérieurs et le muscle brachial pour rejoindre la face profonde du chef long du muscle biceps brachial, juste au niveau où celui-ci s’unissait au chef court (fig. 1). Ce chef surnuméraire était vascularisé par les vaisseaux circonflexes huméraux antérieurs et innervé par le nerf musculocutané. 1 Le deuxième chef surnuméraire, inféro-médial, naissait de la face antéro-médiale de l’humérus, en continuité avec l’insertion distale du muscle coraco-brachial (fig. 1a). Après un trajet descendant en avant du muscle biceps brachial, il fusionnait avec la face médiale du tendon du muscle biceps brachial et son aponévrose bicipitale (fig. 1a). Le nerf musculo-cutané naissait du faisceau latéral du plexus brachial et, après avoir traversé le muscle coraco-brachial, cheminait le long de la face profonde du chef surnuméraire inféro-médial du muscle biceps brachial avant de le perforer de la profondeur à la surface, puis à nouveau de la surface à la profondeur (fig. 1b). Finalement, il adoptait un trajet normal entre les muscles biceps brachial et brachial, avant de sortir dans le sillon bicipital latéral et de se continuer sous la forme du nerf cutané latéral de l’avant-bras (fig. 1a). De plus, le membre supérieur présentait également une variation de sa disposition vasculaire (fig. 1). Une artère brachio-radiale naissait de l’artère axillaire audessus des racines du nerf médian et se poursuivait sous forme d’une artère radiale dont le trajet était normal à l’avant-bras. Discussion Les variations anatomiques du nerf musculo-cutané ou du muscle biceps brachial sont fréquentes. Il est bien connu que le nerf musculo-cutané peut ou peut ne pas perforer le muscle coraco-brachial [1, 5, 21] et que, occasionnellement, le nerf perfore non seulement le muscle coraco-brachial, mais également le muscle brachial ou le chef court du muscle biceps brachial [10, 22]. Ces rapports entre le nerf musculo-cutané et les muscles avoisinants sont utilisés pour justifier l’origine des chefs surnuméraires du muscle biceps brachial [11]. On a prétendu que le nerf musculo-cutané traversait le muscle brachial, à l’origine ainsi d’un chef surnuméraire séparé du muscle biceps brachial [11]. Cependant, des études ultérieures ont montré que cette explication était erronée car le nerf musculocutané ne passait pas toujours en arrière du chef surnuméraire du muscle biceps brachial, mais aussi en avant de lui [4, 17, 18, 19, 20, 22]. 2 De plus, le nerf musculo-cutané peut aussi traverser les chefs surnuméraires comme nous l’avons observé dans deux cas, celui-ci et un autre déjà publié [13]. Cette dernière étude a schématiquement montré comment le nerf musculo-cutané perforait le chef surnuméraire d’un muscle biceps brachial à trois chefs, alors que dans le présent cas, le muscle biceps brachial avait quatre chefs. De plus, alors que les auteurs précédents montraient la perforation du chef surnuméraire associée à des rameaux communiquants entre les nerfs médian et musculo-cutané, il n’y avait pas un tel rameau communicant dans notre cas. Les caractéristiques morphologiques des chefs surnuméraires du muscle biceps brachial ne diffèrent pas de celles des cas déjà publiés en ce qui concerne le chef huméral supérieur et le chef huméral inféro-médial [17]. Le trajet intra-musculaire d’un nerf est un site potentiel de compression [15]. Dans notre cas, des paresthésies auraient pu naître dans le territoire cutané du nerf cutané latéral de l’avant-bras, puisque les branches destinées aux muscles biceps brachial et brachial étaient nées proximalement à la perforation du chef surnuméraire. De plus, l’artère brachio-radiale que nous avons observée ne différait pas des autres cas précédemment décrits, naissant de l’artère axillaire au-dessus d’une des racines du nerf médian, et se prolongeant sous forme d’une artère radiale dont le trajet était normal à l’avant-bras [16]. Légende des figures Fig. 1. Vue antérieure du bras montrant les deux chefs surnuméraires huméraux (s, supérieur ; i, inféro-médial) du muscle biceps brachial (bb) et les perforations du chef inféro-médial (tête de flèche) par le nerf musculo-cutané (mc). Le chef inféro-médial a été récliné médialement pour montrer l’entrée et la sortie du nerf musculo-cutané perforant. ba, Artère brachiale ; bra, artère brachio-radiale ; lcn, nerf cutané latéral de l’avant-bras ; m, nerf médian ; m, nerf radial ; u, nerf ulnaire Traduction C. Fontaine 3