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Équipe!d’Accueil!
Migrations,!Interculturalité!et!Éducation!en!Amazonie!(MINEA)!
Axe!de!recherche!!
Immigration,!Constructions!identitaires,!Interculturalité
et!Émergence!de!discriminations
Du fait de sa situation géographique et de son statut de département français, la Guyane attire des
populations du monde entier souvent en quête d’une vie meilleure. En conséquence, la population
guyanaise double tous les 20 ans depuis les années 1990, 33% est de nationalité étrangère et 64 %
n’est pas née en Guyane (Atlas des populations immigrées en Guyane, 2006). Ainsi, plusieurs
nationalités, une vingtaine de langues et des modes de vie différents se côtoient dans un pays peuplé
de 250 000 habitants pour une superficie de 84 000 km2.
Les migrants peuvent être répartis dans deux groupes : d’une part, les personnes de nationalité
française et, d’autre part, les personnes de nationalité étrangère. Dans le premier cas, nous
retrouverons les personnes en provenance des Antilles françaises et les Français originaires de
l’Hexagone. Dans le second, par ordre d’importance statistique, on peut citer les pays suivants :
Suriname, Brésil, Haïti, Guyana, Chine, République dominicaine, Pérou. À ces différences de
nationalité, s’ajoutent - pour les deux types de migrants - toutes les subdivisions intragroupales qui
émergent en fonction des origines géographiques, sociales, mais aussi des trajectoires migratoires
des individus. Dès lors, les frontières au départ dressées par les nationalités sont régulièrement
traversées par la réalité des pratiques sociales rendant en théorie toute catégorisation impossible.
Par exemple, un individu au phénotype asiatique ou amérindien peut parfaitement être de
nationalité française, brésilienne ou surinamaise. Pourtant, il sera systématiquement cloisonné dans
la catégorie de « Chinois » ou dans celle d’« autochtone ». En d’autres termes, la composition de la
population guyanaise est décrite sur des bases ethnoculturelles les nationalités et les phénotypes
servent à construire les catégories1. Ainsi, l’immigration est constitutive de l’histoire de la Guyane
avec une majorité de la population issue de mobilités (63%).
C’est dans ce contexte, qu’il faut comprendre la question des inégalités sociales à l’école ; les
stratégies de constructions identitaires et les interactions, ainsi que l’émergence des représentations,
préjugés et discriminations. Les thématiques retenues dans le cadre de ce projet de recherche sont
envisagées comme des propositions de réponses aux enjeux du territoire guyanais en matière de
cohésion sociale : enjeux liés à la démographie, la migration, la jeunesse de la population et qui
trouvent un écho dans les différents domaines de l’action publique que sont l’éducation, la santé ou
le travail.
La dynamique globale de la population en Guyane se caractérise également par sa jeunesse et sa
croissance démographique élevée dont le taux atteint environ 3%.
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1 Voici comment les groupes sont désignés dans les discours populaires : Africains, Amérindiens, Brésiliens, Chinois,
Créoles antillais, guyanais, réunionnais, haïtiens et saint-luciens (les créoles sont les descendants d’esclaves qui ont
adopté les modèles occidentaux), Guyaniens (sont appelés ainsi les ressortissants de la République coopérative du
Guyana afin de faire la différence avec les Guyanais de Guyane française), Dominicains, Hmong, Libanais,
Métropolitains (désigne les Blancss en France), Noirs marrons (désigne les descendants d’esclaves marrons),
Péruviens, Surinamais, Vénézuéliens.
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Source : Insee2
La! croissance! démographique! est! cependant! davantage! imputable! au! solde! naturel! qu'au!
solde! migratoire! du! fait! d’une! proportion! élevée! de! jeunes! dans! la! population! (deux!
personnes!sur!cinq!ont!moins!de!20!ans)!qui!explique!le!fort!taux!de!natalité!:!!
Source : Insee, ibid.
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Ainsi, à la rentrée 2013, 77 000 élèves ont débuté « leur année scolaire dans le premier et le second
degré en Guyane. Ce sont 18 000 élèves de plus qu’il y a dix ans » (Insee, 2014 : 2).
Source : Insee, 2014 : 4
En 2014 on comptabilise 106 360 individus âgés de moins de 20 ans dont 84 575 ont moins de 15
ans. Les moins de 20 ans représentent aujourd’hui 42,5% de la population guyanaise, soit quasiment
le double de la représentativité de cette tranche d’âge au niveau national (24,6%). On a donc affaire
à une population jeune dont l’impact sur la démographie scolaire est remarquable : entre 2005 et
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2!http://www.insee.fr/fr/insee_regions/guyane/themes/tableaux/poptc02104.xls!!
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2013 la population scolaire a augmenté de 20%. Rappelons que la Guyane se situe, selon les
prévisions de l’Insee, dans la perspective d’un doublement de la population à l’horizon 2030-2040.
Aujourdhui, 55% des jeunes de 18 à 24 ans sont sans diplôme ou seulement titulaire du brevet. Des
progrès ont certes été observés depuis 1999 (progression d’environ 7 points pour les titulaires du
baccalauréat âgés de 18 à 24 ans), mais en 2011 l’écart reste de 19 points par rapport à la France
hexagonale (38% de cette classe d’âge est titulaire du baccalauréat, contre 18,7% en Guyane en
2011). L’écart est encore plus accentué pour les études supérieures : « 23% des jeunes vivant en
France métropolitaine possèdent un diplôme universitaire contre seulement 7% des jeunes
guyanais » (Insee, 2014 : 34).
Or, il est avéré que le niveau de diplôme constitue un facteur déterminant dans la recherche d’un
emploi. Le taux de chômage « culmine à 62% chez les jeunes sortis sans diplôme ou avec
seulement le brevet des collèges puis baisse progressivement lorsque le niveau de diplôme
augmente » (Insee, 2014 : 42) : 55% de chômeurs pour les titulaires d’un certificat d’aptitudes
professionnelles (CAP) ou d’un brevet d’études professionnelles (BEP), 38% pour les titulaires du
baccalauréat, 9% pour ceux qui sortent de l’enseignement supérieur. De plus, la moitié des sortants
diplômés du supérieur exerce une profession intermédiaire et un quart d’entre eux ont accès à un
poste de cadre. « Seulement 5% se retrouvent sans activité » (Insee, 2014 : 42).
L’insertion professionnelle de la jeunesse guyanaise est donc difficile du fait du nombre de non
diplômés, la non-scolarisation (4% pour les 6-16 ans) et l’illettrisme constituant des freins à
l’emploi. Les enquêtes menées par l’Insee (2014 : 6) mettent en évidence l’impact du milieu social
sur les orientations et la réussite scolaire avec 69% d’enfants d’inactifs dans les unités localisées
pour l'inclusion scolaire (Ulis) et les sections d'enseignement général et professionnel adapté
(Segpa), plus de la moitié des élèves dans le second cycle professionnel et près d’un tiers des
enfants d’ouvriers et d’employés. Tandis que pour les élèves en première et terminale générale
« près d’un élève sur cinq est fils ou fille d’un cadre ou d’une personne exerçant une profession
libérale. » 50% des élèves du département sont boursiers, contre 25% pour la France.
Malgré une progression des taux de réussite au baccalauréat, « en moyenne un écart de 12,3 points
est constaté entre le taux de réussite de l’académie de la Guyane et celui de la France » (Insee,
2014 : 32). À ce niveau de diplôme, le milieu social continue d’être un facteur déterminant tant en
termes d’orientation qu’en termes de réussite : 90% des enfants de cadres ou d’enseignants étaient
lauréats du baccalauréat général en 2013, et seulement 70% pour les enfants d’ouvriers, soit un
écart de plus de 20 points.
A ces difficultés socio-économiques et scolaires s’en ajoutent d’autres venant du monde socio-
professionnel, ainsi que de ceux de la santé et du social, du fait de l’écart entre les normes sociales
attendues par des socio-professionnels d’une part, et celles qui organisent les modes de vie des
travailleurs et usagers des services publics. Les discriminations liées aux politiques publiques et aux
représentations des acteurs sociaux accroissent encore les problèmes. Par ailleurs, les interations
inter-groupes et interindividuelles subissent le poids des identités sociales en jeu sur le territoire.
L’équipe de recherche MINEA se propose donc de décrire et d’analyser ces différents champs à
partir desquels ont été identifiés trois axes de recherche :
Axe 1 : Education, inégalités, inclusion
Axe 2 : Constructions identitaires et interactions
Axe 3 : Représentations, préjugés et émergence de discriminations
Axe 1 :
Education, inégalités, inclusion (EII)
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Deux enjeux majeurs sont identifiés d’un point de vue institutionnel pour l’académie de Guyane :
l’élévation de la qualité de la scolarisation et la réduction du décrochage scolaire. Dans la mesure
les recherches mettent en évidence l’impact du milieu social sur la réussite scolaire, il convient
donc de proposer des analyses visant à mettre en évidence les caractéristiques sociales, culturelles et
linguistiquesdes élèves, la manière dont l’école gére une telle diversité et contribue ainsi (ou non) à
reproduire les inégalités sociales. Une approche multifactorielle centrée sur divers aspects de la
construction de l’expérience scolaire devrait conduire à proposer des pistes pour l’élévation de la
qualité de la scolarisation en termes de politiques éducatives ou de didactique.
La question des inégalités sociales à l’école s’inscrit dans une tradition historique de recherche en
sociologie de l’éducation qui a théorisé la manière dont se produisent et se reproduisent les
inégalités à travers la socialisation scolaire et familiale (Bowles et Gintis, 1976 ; Bourdieu et
Passeron, 1977 ; Reay et al., 2001 ; Ball et al., 2000). De tels processus représentent un intérêt
épistémologique certain, mais aussi une préoccupation sociale et éducative déterminante au regard
des missions de l’école républicaine.
En Guyane, cette question prend tout son sens au regard de la jeunesse du territoire, du taux d’échec
scolaire et de la diversité tant socio-économique que socioculturelle ou sociolinguistique des
populations du territoire. Certes, cette diversité n’a rien de spécifique à la Guyane, mais elle
présente des particularités certaines au regard de son contexte géographique, avec une population
majoritairement localisée sur le littoral, regroupée dans des centres urbains plus ou moins
importants ; et une population moins importante d’un point de vue numérique, localisée dans des
sites dits « isolés » ou en tout cas éloignés du littoral avec des caractéristiques elles-aussi
spécifiques. La question de la genèse des inégalités scolaires sur le territoire étant
pluridimensionnelle, elle ne saurait faire l’impasse de la transdisciplinarité3, seule à même de
proposer une approche multifactorielle de cette question.
1-L’École en Guyane
Le premier constat qui s’impose est celui d’une École qui s’inscrit dans des perspectives à la fois
françaises et européennes tout en étant située géographiquement dans un contexte sud-américain.
Une telle situation induit une appartenance caribéenne, mais aussi ultramarine compte tenu de
l’histoire coloniale du territoire et de son peuplement. La question de l’éducation en Guyane ne
saurait donc être abordée sans la catégoriser d’emblée comme s’inscrivant dans une situation
postcoloniale (et coloniale si on la regarde d’un point de vue historique plus global). Or, les
politiques postcoloniales ont eu pour effet des hiérarchisations culturelles et linguistiques, et
l’imposition de la langue et de la culture du colonisateur sur les territoires concernés :
By questioning the colonial status quo, the formerly colonised populations aim to find a way to
position themselves in relation to their erstwhile colonisers and other, equally threatening, forces
such as globalization. One of the main battlegrounds is the education system. Generally founded
during the colonial period, it was conceived on European colonial models and, to date, continues to
implement to a greater or a lesser degree many of the colonial linguistic and cultural policies and
is thus instrumental in perpetuating colonial discourses (Migge et Léglise, 2007).
Les politiques mises en œuvre dans le département ont aussi contribué au visage actuel du territoire
à différents niveaux. Ce sont en effet des « enjeux de pouvoir » (des jeux de pouvoir ?), pour
reprendre les termes de Piantoni (2009) qui expliquent en partie la configuration sociale actuelle du
territoire du fait des politiques de peuplement successives liées à une nécessaire occupation de
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3 Frank Alvarez-Pereyre. L’Exigence interdisciplinaire (2003), distingue pluridisciplinarité, interdisciplinarité et
transdisciplinarité. Pluridisciplinarité : Concerne plutôt la juxtaposition des différents regards disciplinaires ;
Interdisciplinari : La dynamique interactive entre les différentes disciplines ; Transdisciplinarité : L’émergence d’une
réelle compétence théorique et méthodologique interdisciplinaire.
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celui-ci vis-à-vis des autres pays colonisateurs, ou encore des politiques d’interventionnisme social
et de progrès qui ont amené progressivement à la configuration de la société actuelle, à des
inégalités internes, mais aussi externes (au regard de la métropole et des pays voisins). Les
politiques éducatives, d’assimilation, de francisation ont elles aussi fortement impacté le rapport à
l’école des sociétés tant historiquement qu’à l’heure actuelle. Évoquer la configuration actuelle de
la société au regard de la question scolaire, implique de s’interroger sur les rapports entre individus
et groupes, sur les questions de « vivre ensemble » pour reprendre le terme employé en contexte
scolaire ou de cohésion sociale au sens sociologique et politique du mot. Or, ces rapports
s’inscrivent eux aussi dans une histoire coloniale et dans une dynamique migratoire qui rendent
compte des catégorisations, représentations et stéréotypes raciaux, « ethniques » qui impactent
l’école. Ces rapports doivent être interrogés si l’on veut comprendre les conflits visibles, latents,
cachés, niés, ... qui contribuent au mal être des acteurs sociaux (au sens large) du monde éducatif.
Face à une telle réalité, la question du « comment éduquer » tout en respectant le sujet humain en
démarche de reconnaissance et d’intégration fait écho à la seconde question du « comment
communiquer » et « avec quelle (s) langue (s) » pour permettre le vivre-ensemble et améliorer la
cohésion sociale dans cet espace francophone voire au-delà.
A l’heure l’inclusion devient un horizon de pensée et d’action, on ne peut que s’interroger sur la
situation scolaire en Guyane et sur la notion d’exclusion : exclusion de la société du fait de l’échec
scolaire, exclusion au sein même de l’École du fait de l’inadaptation du système éducatif aux
particularités des élèves (même si depuis une dizaine d’années on constate quelques avancées dans
ce domaine). L’École exclut, l’École produit ou reproduit de l’exclusion, des inégalités sociales.
S’il convient de s’interroger sur la notion d’échec scolaire, il convient cependant aussi de repenser
la notion de réussite sociale au regard des contextes. Celle-ci prend en effet un sens différent selon
les cas, ce qui peut contribuer à minimiser le rôle de l’École dans l’ascension sociale. En d’autres
termes, peut-on envisager que l’on puisse être dans une situation de réussite sociale (pas selon des
critères occidentaux bien sûr) sans avoir « réussi » à l’École ? N’y a-t-il pas finalement d’autres
modèles de réussite envisageables, ou encore, le modèle de réussite tel qu’il est véhiculé par l’école,
la société est-il adéquat pour tous ?
2-État de l’art
Comme le souligne Archer (2003), la sociologie a traditionnellement traité la question de la
relation entre classe sociale et éducation en catégorisant la « classe » comme des groupes de
personnes qui partagent des caractéristiques socio-économiques qui les distinguent d’autres groupes
(Williamson, 1981). Les approches méthodologiques qui découlent de cette conceptualisation sont
avant tout quantitatives. La « classe » est ainsi considérée comme « objectively definable and
largely fixed/unchanging » (Archer, 2003 : 7). Ces approches s’inscrivent selon elle dans la
continuité des théories néo-marxistes et néo-wébérienne qui envisagent les sociétés capitalistes sous
la forme d’une stratification par classes la classe dominante contrôle la classe ouvrière par le
biais de la propriété, de la production et du marché. Si la question de l’éducation est absente des
travaux de Marx et Weber, leurs successeurs ont mis en évidence le rôle du système éducatif,
considérant que dans une société capitaliste, l’éducation est un outil de l’Etat visant à maintenir les
inégalités sociales (Althusser, 1971). Ils ont ainsi suggéré que « although schools may claim to
promote equal opportunities for all, they reproduce a capitalist division of labour, preparing
children for class-determined careers in the labour market » (Archer, 2003 : 7). Le paradigme
classe-culture a aussi été utilisé pour expliquer que les classes sociales peuvent être différenciées
par leurs habitudes culturelles (notamment les pratiques éducatives familiales et les travaux portant
sur la manière dont l’encouragement des parents à la poursuite d’études diffèrent d’une classe à
l’autre). Ceci renvoie entre-autres aux travaux de Bourdieu (2000) portant sur l’habitus et le capital
culturel, notions pour lesquelles le terrain guyanais pourrait être d’un grand intérêt : développer des
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